Texte intégral
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous accueillir devant notre commission, en cette période d'examen du projet de loi de finances (PLF). Je salue votre reconduction au gouvernement qui permettra, je l'espère, une bonne mise en œuvre des propositions de la conférence de financement Ambitions France Transports, que vous aviez lancée.
Notre commission partage largement le consensus sur les priorités à suivre, comme celle donnée à la régénération du réseau plutôt qu'au développement de nouvelles infrastructures. Vous avez déjà demandé au Conseil d'orientation des infrastructures (COI) de lancer une opération vérité sur les conséquences qu'aurait cette orientation pour les grands projets.
Cette audition sera l'occasion de débattre avec vous des solutions possibles aux besoins de financement, qui s'élèvent à 3 milliards d'euros supplémentaires par an sur la période 2026-2031.
Vous nous direz aussi où en sont les projets de loi-cadre.
La mobilité est une préoccupation fondamentale de nos concitoyens. Beaucoup se sentent empêchés dans leur vie quotidienne, particulièrement dans les zones rurales. Nos territoires souffrent de l'absence de solutions alternatives viables à la voiture individuelle. Le Forum Vies mobiles a réfléchi à un système national alternatif à la voiture, plus inclusif, plus écologique et cinq fois moins coûteux que le système actuel, qui permettrait des progrès rapides en s'appuyant sur les infrastructures existantes. Quelle place faites-vous à ces réflexions dans les travaux de préparation de la loi-cadre ?
La demande en faveur des trains de nuit progresse. Près de 1 million de voyageurs ont emprunté nos lignes de nuit, ce qui représente une hausse du trafic de 26% par rapport à l'année dernière. Or limiter les commandes au seul renouvellement du parc existant, comme le prévoit le PLF pour 2026, ne permettrait ni d'ouvrir de nouvelles lignes radiales et transversales, ni d'atteindre une masse critique d'exploitation. Monsieur le ministre, êtes-vous favorable à l'activation en 2026 de la tranche optionnelle de 340 voitures-couchettes, qui permettrait la création de nouvelles lignes ?
Les liaisons internationales assurées par les trains de nuit sont structurantes pour le report modal européen, la continuité des dessertes longue distance à bas-carbone et l'attractivité de l'offre française à l'international. L'annonce faite par l'État selon laquelle il ne soutiendrait plus la seule desserte internationale encore en activité, la nuit, au départ de la France, à savoir Paris-Vienne-Berlin, a donc suscité une certaine surprise. Entendez-vous rétablir en 2026 un soutien financier clair, stable et pluriannuel aux liaisons Paris-Vienne et Paris-Berlin, afin d'en garantir la continuité, d'accompagner sa montée en capacité et d'envoyer un signal cohérent en faveur des trains de nuit européens ?
M. Philippe Tabarot, ministre des transports. Cette audition m'offre l'occasion de vous présenter les orientations budgétaires de mon ministère pour 2026, d'évoquer les avancées de la conférence Ambition France Transports, qui a été lancée en mai dernier avec la participation de plusieurs de vos collègues, et de détailler les priorités de ma feuille de route.
Les transports occupent désormais une place centrale dans l'action publique puisque, pour la première fois depuis 1988, ils se voient attribuer un ministère de plein exercice. Cela illustre la priorité accordée par le gouvernement à ce secteur important pour le quotidien des Français, pour notre souveraineté économique et pour la décarbonation de notre économie.
Dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, je tiens à souligner que les transports font partie des rares budgets à résister. Cette évolution témoigne de l'importance que le gouvernement accorde à ce secteur, mais est aussi le reflet de nos besoins, tels qu'ils ont été identifiés lors de la conférence Ambition France Transports, dans un contexte budgétaire de grande responsabilité.
Le programme 203, Infrastructures et services de transports, connaît une légère progression : ses crédits de paiement (CP) augmentent de 210 millions pour atteindre 4,64 milliards, ce qui nous permettra de maintenir une dynamique de croissance et d'investissement dans l'offre de transports.
Cette hausse s'explique d'abord par une augmentation de 155 millions des crédits de l'action 41, Ferroviaire, liée à l'indexation des redevances d'accès versées à SNCF Réseau. On note également une hausse de 27 millions des crédits de l'action 52, Transport aérien, qui porte sur des investissements dans les infrastructures aéroportuaires de Saint-Pierre-Pointe-Blanche et de Wallis-Hihifo, sur le renouvellement de concessions aéroportuaires en Nouvelle- Calédonie, ainsi que sur les études préalables à la construction du nouvel aéroport de Mayotte. Par ailleurs, l'action 44, Transports collectifs, bénéficie d'une augmentation de crédits de 19 millions qui correspond au renforcement du soutien de l'État à l'exploitation des trains d'équilibre des territoires.
De manière plus significative encore, les autorisations d'engagement (AE) progressent, passant de 4,8 milliards d'euros en loi de finances initiale (LFI) 2025 à 5,9 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2026. Cette hausse de plus de 1 milliard s'explique principalement par le lancement de l'appel d'offres pour le renouvellement du matériel roulant des trains de nuit, qui donne une traduction concrète à l'engagement de l'État. D'ici au début des années 2030, de nouvelles locomotives et de nouveaux wagons remplaceront les rames vieillissantes sur les cinq lignes de trains de nuit traversant notre pays, ce qui améliorera la qualité et la fiabilité de l'offre. Nous activerons probablement, madame la présidente, dans le courant de l'année prochaine, la tranche optionnelle que vous avez évoquée.
Vous m'avez également interrogé sur la suppression des trains de nuit de Paris vers Berlin et Vienne. Les contraintes budgétaires nous ont conduits à faire des choix difficiles, parmi lesquels figure la suppression de cette ligne de nuit, dans le cadre de l'effort global de réduction des dépenses publiques. La priorité a en effet été donnée – ce que j'assume – au maintien de l'activité, dans de bonnes conditions, des lignes nationales.
Je tiens à rappeler que l'État subventionnait ce service à hauteur de 85 euros par billet, contre environ 65 euros pour les lignes françaises. Ce poids est d'autant plus lourd à supporter que l'Allemagne ne participe pas au financement de ces trains qui desservent pourtant son territoire. J'ai essayé d'amorcer un dialogue avec mon homologue allemand pour envisager une contribution de sa part, mais cette proposition n'a pas été retenue par le gouvernement allemand.
Enfin, il faut également souligner que le maintien en exploitation de ces lignes est peu compatible avec les importants travaux qu'il est nécessaire de réaliser – à moins d'accepter une dégradation considérable de la qualité de service – sur les infrastructures en France et en Allemagne. Par ailleurs, je rappelle qu'un train de jour – qui rencontre un grand succès – relie quotidiennement Paris à Berlin.
Les crédits de l'action 52, Transport aérien, bénéficient d'une hausse de 63 millions qui intègre les 20 millions destinés au nouvel aéroport de Mayotte et les investissements en outre-mer dont je vous ai parlé précédemment.
Par ailleurs, nous maintenons un engagement fort en faveur du fret, qui est un pilier de la transition écologique et de la souveraineté logistique française. Malgré le contexte budgétaire exigeant, j'ai personnellement veillé à préserver la visibilité indispensable aux entreprises du secteur. C'est pourquoi le budget global consacré au fret reste stable, à 380 millions – dont 156 millions pour les transports combinés et les wagons isolés et 222 millions pour la compensation fret –, l'allocation étant optimisée pour en renforcer l'efficacité opérationnelle.
Ces choix budgétaires reflètent une stratégie équilibrée consistant à stabiliser les crédits pour sécuriser les investissements des acteurs tout en ciblant les leviers les plus porteurs pour la compétitivité et la décarbonation du fret. Ils s'inscrivent dans une démarche globale visant à moderniser les infrastructures, encourager l'innovation et positionner la France comme leader européen d'un transport de marchandises durable.
Je souhaite le maintien de l'Afitf (Agence de financement des infrastructures de transport de France), dont le budget sera adopté en fin d'année. Les plafonds de taxes affectées, tels qu'ils sont proposés dans le PLF, reflètent une progression des crédits de paiement, qui passent de 3,7 à 3,8 milliards.
Ce projet de budget de l'Agence traduit plusieurs dynamiques. D'abord, on observe une poursuite de la croissance de l'investissement ferroviaire, comme l'illustre une hausse des crédits de près de 40 % par rapport à l'année précédente, notamment pour la rénovation des lignes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse et Paris-Clermont, qui restent les deux chantiers prioritaires en France, conformément aux engagements que j'ai pris.
Surtout, j'ai souhaité que les crédits de régénération routière et fluviale progressent de 10% cette année, en cohérence avec les conclusions de la conférence de financement. Cela représente une avancée majeure dans cette période de maîtrise des dépenses. Le gouvernement fait le choix de continuer à s'attaquer à ce que l'on appelle la dette grise.
Enfin, je note que le budget de l'Agence traduit les priorités du gouvernement puisque, dans le budget prévisionnel 2026, 91% des crédits de paiement sont consacrés à la régénération, à la modernisation de l'ensemble des réseaux et au développement des modes alternatifs à la route. La priorité a été donnée à la qualité et à la performance des infrastructures existantes en cohérence avec les conclusions de la conférence Ambition France Transports.
Face à certaines critiques sur le manque de transparence de l'Afitf, j'ai souhaité, pour la première fois, intégrer les crédits de paiement prévisionnels de l'opérateur dans le projet annuel de performances (PAP). Je continue à défendre cette agence, qui est un vecteur essentiel du financement pluriannuel des transports dans notre pays et dont il faut protéger l'existence.
Le budget annexe Contrôle et exploitation aériens de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) est également en hausse de près de 4%, ce qui porte les crédits de paiement à 2,43 milliards d'euros. Cette progression permettra notamment de continuer à appliquer l'indispensable plan de modernisation du contrôle aérien et de respecter les engagements du protocole social signé en 2024, pour améliorer la performance de la DGAC.
J'aimerais évoquer un programme dont je n'ai malheureusement pas la responsabilité budgétaire mais qui est crucial pour le secteur aérien : je veux évidemment parler du programme 190, qui porte les crédits du Corac (Conseil pour la recherche aéronautique civile), que la DGAC gère en exécution. Ces crédits atteignent un point bas dans le PLF, à 48 millions d'euros en AE. Je me bats pour qu'ils soient complétés par des crédits de France 2030.
Nous ne sommes pas encore au niveau de l'engagement pris par le président de la République au salon du Bourget de 2023 de soutenir la filière, dans le cadre de la mise en œuvre de sa feuille de route de recherche et développement, à hauteur de 300 millions d'euros par an pendant cinq ans. La raison d'être du Corac est la préparation de l'avenir de l'aéronautique française. Je ne vous l'apprends pas, la France a été le berceau de l'aéronautique. Au fil des décennies, elle a su en devenir un leader mondial incontesté. Notre ambition collective doit être de conserver cette place : il en va de l'autonomie stratégique de la France et de l'Europe.
Je me battrai, dans le cadre de la gestion des crédits pour 2026, pour que le Corac soit abondé du montant prévu, afin de ne pas casser le contrat de confiance avec la filière aéronautique. L'essentiel, pour le budget des transports, tant du point de vue du Corac que de l'entretien des infrastructures, est d'inscrire la réflexion dans le temps long.
Les arbitrages budgétaires du PLF 2026 reflètent une philosophie claire : dans un contexte contraint, nous privilégions les investissements structurants et l'entretien de l'existant. Car les transports, ce sont avant tout des investissements de long terme. Chaque euro investi aujourd'hui conditionne la robustesse de notre réseau et la qualité du service de demain.
Je tiens à saluer le travail remarquable accompli dans le cadre de la conférence de financement et à féliciter l'ensemble des participants qui se sont mobilisés pendant ces neuf semaines de travail acharné : des parlementaires, parmi lesquels Gérard Leseul et Olga Givernet, des élus locaux, des fédérations professionnelles, des experts, ainsi que tous les acteurs du secteur qui ont contribué à cette réflexion qui a rassemblé 60 spécialistes et suscité près de 300 contributions. Sous la présidence de Dominique Bussereau, cette conférence a confirmé la nécessité de repenser notre doctrine de financement.
Le PLF pour 2026 donne une traduction aux conclusions de la conférence en posant de premiers jalons, notamment l'augmentation sensible – à hauteur de 10% – des crédits consacrés à la régénération routière et fluviale dans le budget de l'Afitf et la conclusion par la SNCF de marchés de travaux cadres lors de son conseil d'administration du 29 septembre 2025, qui permettront de conforter la montée en puissance de son outil industriel pour atteindre l'objectif de 4,5 milliards d'investissement par an dans la régénération du réseau à compter de 2028.
Enfin, je rappelle que le gouvernement a accompli un geste fort en faveur des mobilités du quotidien en annonçant la prise en charge de la préfiguration des services express régionaux métropolitains (Serm) par la société des grands projets pour accompagner les collectivités et accélérer le développement de ces programmes. Il s'agit d'un investissement de l'ordre de 35 millions, si ma mémoire est bonne.
Tels sont les premiers jalons, confirmés dans le PLF. Pour aller plus loin et penser le temps long, nous aurons besoin d'un texte structurant, qui a été confirmé par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale au Sénat le 15 octobre 2025.
C'est précisément sur la base des recommandations de cette conférence que nous préparons l'avenir au moyen d'un projet de loi-cadre sur les transports qui sera présenté après le PLF, parallèlement au texte sur la décentralisation annoncé par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale au Sénat. Cette loi-cadre, qui découle directement des travaux menés par la conférence, constituera le socle de notre politique de transport pour les décennies à venir. Elle traduira en dispositions législatives le consensus qui s'est dégagé lors de la conférence sur les nouveaux modèles de financement, la gouvernance des infrastructures et les priorités d'investissement.
Vous l'aurez compris, nous devons relever, dans le cadre de cet exercice budgétaire, plusieurs défis majeurs. Le premier d'entre eux est la régénération et la modernisation des infrastructures existantes. La dette grise de nos réseaux ferroviaire et routier représente plusieurs dizaines de milliards d'euros. Notre priorité budgétaire va donc logiquement à l'entretien et à la régénération, qui doivent également s'accompagner d'un renouvellement de notre matériel roulant afin de renforcer la robustesse du réseau. Au-delà, c'est toute notre stratégie de développement du ferroviaire qui est en jeu, dans un contexte d'ouverture à la concurrence.
Le deuxième défi est l'échéance de 2031, qui marquera la fin des premières concessions autoroutières, à commencer par celle de la Société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France (Sanef). Cette perspective ouvre de grandes possibilités. Nous devons dès maintenant préparer cette transition en définissant les modalités de gestion futures. Il faudra notamment accorder une place centrale à l'État, qui devra définir la politique tarifaire et, surtout, les évolutions de la gouvernance financière afin que les recettes des péages servent à financer les autres modes de transport. Il s'agit, autrement dit, d'affecter les recettes du transport au transport, ce qui a été trop peu le cas au cours des trente dernières années.
Le troisième défi est la décarbonation de l'ensemble des modes de transport. À cet égard, je voudrais dire un mot du transport maritime – bien que le programme 205 ne relève pas de mon ministère – car il a un rôle important à jouer en la matière. On sait que 90% du commerce mondial passe par la mer. La France, qui occupe le deuxième espace maritime mondial et a un pavillon très diversifié, y tient une place majeure. C'est pourquoi je me suis fortement mobilisé pour l'adoption, au niveau international, de mesures contraignantes pour accélérer la décarbonation du secteur. Malheureusement, quarante-huit heures avant la conférence de Londres, certains États ont fait souffler des vents contraires sur ces négociations au sein de l'Organisation maritime internationale (OMI) ; ces mesures ont donc été reportées. Nous allons continuer à nous mobiliser pour que ce mécanisme international soit adopté au plus vite. Nous avons obtenu, lors du comité interministériel de la mer du 26 mai, que le Premier ministre annonce l'affectation à ce secteur de 90 millions d'euros issus des recettes du système d'échange de quotas carbone (ETS) maritime.
Le budget que je vous présente traduit une ambition claire : faire des transports un levier de compétitivité, de transition écologique et d'aménagement du territoire. Dans un contexte contraint, nous avons fait le choix de privilégier l'investissement sur le fonctionnement, l'entretien sur le développement de nouvelles infrastructures ; nous nous sommes concentrés sur la performance des réseaux.
Ces choix budgétaires s'inscrivent dans une vision de long terme qui sera formalisée par la loi-cadre. Les défis sont nombreux et les enjeux, considérables. C'est par le dialogue – nécessairement transpartisan dans le secteur des transports – et la concertation que, j'en suis convaincu, nous construirons les transports de demain.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Pierre Meurin (RN). Monsieur le ministre, vous n'avez pas évoqué le désenclavement par la route, qui fait aussi partie de la solution. La France est passée du premier au dix-huitième rang mondial pour la qualité des routes, notamment secondaires. Nous sommes engagés sur la voie d'une tiers-mondisation de notre réseau routier, ce qui a notamment des incidences sur la sécurité. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
Que pensez-vous de l'augmentation, prévue par le PLF, de la fiscalité sur deux biocarburants, le B100 et le E85 ? Cela compromettrait les investissements du transport routier puisque 20 000 camions utilisent quotidiennement le B100. Par ailleurs, 3 000 pompes fonctionnent au E85. L'augmentation proposée reviendrait quasiment à aligner le prix du E85 sur celui du diesel, alors que les automobilistes concernés ont investi en pensant bénéficier d'un effet d'aubaine.
S'agissant du Corac, il serait contradictoire de taper sur les automobilistes tout en mettant fin au développement de ce qui permet la décarbonation du secteur des transports.
Seriez-vous prêt à ce que l'on fasse une pause dans la trajectoire des malus automobiles, qui pénalisent le pouvoir d'achat des Français mais aussi notre filière industrielle automobile ? Le prix moyen d'une voiture est de l'ordre de 36 000 euros. On a encore constaté, en juillet, une baisse de 8% de la vente de voitures neuves sur un an. La filière est assez critique des stop and go législatifs, qui sont également liés à l'échéance de 2035, qui doit marquer la fin des moteurs thermiques neufs en Europe.
Que pensez-vous de l'adoption par le Parlement européen d'une réglementation limitant la durée de validité du permis de conduire à quinze ans ? Je suis scandalisé par cette nouvelle règle, qui conduira à assigner des gens à résidence, en particulier dans les zones rurales, à la suite d'une visite médicale, d'une prise de sang, etc. Le gouvernement compte-t-il suivre la trajectoire demandée par l'Union européenne ou vous y opposerez-vous fermement ? Les automobilistes ont besoin qu'on les laisse un peu tranquilles. Ils ont suffisamment trinqué ces dernières années, entre l'augmentation du prix de l'essence et les zones à faibles émissions (ZFE). À ce propos, soutiendrez-vous la suppression de ce dispositif ?
M. Philippe Tabarot, ministre. Je constate que vous avez regardé CNews ce matin ! Comme vous, j'ai appris le vote du Parlement européen.
Avant tout, permettez-moi de rappeler que tout ce qui touche au permis de conduire relève du ministère de l'intérieur ; je m'entretiendrai néanmoins avec lui de cette décision. Le Parlement européen a adopté une nouvelle directive, qui devra être transposée dans notre droit dans un délai de trois ans. Parmi différentes mesures, elle prévoit en effet que la durée de validité des permis de conduire des voitures et des motos soit alignée sur celle des cartes nationales d'identité. À titre personnel, je suis plutôt réservé sur un permis qui pourrait être remis en cause tous les quinze ans.
Cela étant, l'association 40 millions d'automobilistes, avec laquelle j'ai discuté, défend plusieurs propositions intéressantes, concernant notamment les personnes âgées, dont la conduite ne réunit pas toujours les conditions de sécurité nécessaires compte tenu de la dégradation de leur état de santé.
Les ZFE ne relèvent pas non plus entièrement de ma responsabilité ; ma position à leur sujet constitue l'un des principaux désaccords avec mon ancienne collègue ministre de la transition écologique. Il y a quelques années, j'ai rédigé un rapport sénatorial intitulé " Zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) : sortir de l'impasse ", qui comportait plusieurs préconisations. Je n'y revenais pas sur les objectifs de décarbonation des transports, de soutien aux transports en commun et d'aide à l'achat de véhicules électriques, mais je considérais que la montée en charge des ZFE était beaucoup trop rapide, notamment parce que nous n'étions pas en mesure d'offrir des solutions alternatives de mobilité. La création des ZFE a été décidée avant de lancer la transition nécessaire, avant le développement, grâce aux Serm, de transports en commun plus pertinents, en particulier dans des zones qui en sont dépourvues.
Venons-en aux sujets qui relèvent plus directement de mon ministère.
Bien qu'ils relèvent du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche, je ne suis pas satisfait de la baisse des crédits du Corac, qui sont affectés à la DGAC. Leur niveau est trop bas et j'espère qu'il sera compensé grâce à France 2030, afin que les Français restent les meilleurs dans le domaine de l'aviation civile. C'est une demande pressante de la filière, qui s'inquiète pour l'avenir du nouvel Airbus après le succès extraordinaire de l'Airbus A320 – l'avion le plus vendu au monde. Nous devons donner au Corac des moyens suffisants pour l'innovation et la décarbonation.
Je suis ministre des transports de voyageurs, mais aussi de marchandises. Le secteur du transport routier, du fret et de la logistique, est indispensable à notre économie, mais il fait face à plusieurs difficultés : des marges très réduites et une concurrence déloyale, notamment d'autres pays européens. Nous travaillons à l'harmonisation du cadre de réglementation européen, mais force est de constater que malgré de récentes avancées, cela prend du temps. En matière de transition énergétique, nous travaillons avec les acteurs du secteur sur différents sujets tels que l'aide à l'acquisition, l'amortissement et l'installation de bornes de recharges.
Les mesures mettant fin à certains avantages fiscaux – sur les biocarburants B100 et le E85 –, récemment annoncées, n'ont pas été appréciées par certaines de vos collègues puisqu'elles ont été rejetées en commission des finances. L'objectif du gouvernement consiste à favoriser la transition en donnant de la visibilité à la filière dans la continuité du PLF pour 2025 ; c'est pourquoi il a prolongé les trajectoires jusqu'en 2028. Les barèmes ont été modifiés à la marge, mais je trouve intéressante la décision des députés de la commission des finances.
Mme Olga Givernet (EPR). Les transports ne sont pas qu'une question de réseaux, d'infrastructures ou de budget. Ils sont aussi le pouls de nos territoires, le lien entre nos concitoyens, le vecteur de notre cohésion sociale et de notre compétitivité économique.
Ils sont également, et peut-être surtout, un levier majeur de la transition écologique, que le groupe Ensemble pour la République promeut avec détermination depuis toujours. Pourtant, les Français attendent des réponses concrètes : des trains qui arrivent à l'heure, des routes sûres, des solutions alternatives crédibles à la voiture individuelle thermique, une politique du fret qui relance notre souveraineté industrielle et une planification qui anticipe les besoins de demain sans sacrifier les urgences d'aujourd'hui.
Tous les efforts consentis jusqu'à présent par les différents gouvernements vont en ce sens. Nous saluons la nomination, cette semaine, de Jean Castex à la présidence de la SNCF, nomination qui doit permettre de poursuivre les efforts de performance, de ponctualité et d'attractivité du rail, tout en garantissant l'équilibre économique de l'entreprise alors que le secteur du transport est ouvert à la concurrence. La SNCF est un opérateur historique qui nous est toujours très cher.
Les choix que nous faisons aujourd'hui en matière de transport dessineront la France de 2030 et de 2040. Ils détermineront notre capacité à réduire nos émissions de gaz à effet de serre, à désenclaver nos campagnes, à moderniser nos villes et à offrir à chaque Français, où qu'il vive, les mêmes chances de se déplacer, de travailler et de réussir.
La conférence Ambition France Transports, que vous avez lancée le 5 mai dernier à Marseille sous la présidence de Dominique Bussereau et à laquelle j'ai eu l'honneur de participer, a permis de dégager des pistes concrètes pour répondre à ces défis. Il faut désormais que les propositions issues de cette conférence, qu'il s'agisse de la modernisation, de la régénération des infrastructures, du développement des mobilités douces ou de la décarbonation, se traduisent dans les faits.
Enfin, la mission d'information sur le rôle du transport ferroviaire dans le désenclavement du territoire, dont j'étais corapporteure avec Bérenger Cernon, sous la présidence de Peio Dufau, vient de rendre son rapport. Il contient quarante-quatre recommandations qui pourraient alimenter une future loi-cadre.
Avant de pouvoir vous le remettre très officiellement, permettez-moi d'appeler votre attention sur l'un de ses principaux sujets, la billettique, qui préoccupe beaucoup le secteur et les usagers.
Afin d'atténuer les risques engendrés par la fragmentation du système de billettique, la coordination à l'échelle interrégionale paraît centrale : plus de 200 systèmes différents de billettique ont été recensés en 2024. Au-delà de la coordination technique déjà amorcée par certaines régions, il est impératif qu'une coordination politique se mette également en place entre les régions au niveau national ; nous proposons la création d'un groupement d'intérêt public (GIP). Nous suggérons, de façon complémentaire, la relance d'un projet de titre unique de transport valable sur l'ensemble du territoire et des réseaux de transport, à l'image de ce qui existe en Autriche ou aux Pays-Bas. Pensez-vous que cette solution mériterait une étude approfondie ?
M. Philippe Tabarot, ministre. Permettez-moi tout d'abord de vous féliciter pour ce rapport ; je vous invite, avec M. Cernon, à venir me le présenter officiellement. Je ne doute pas qu'il traite les enjeux cruciaux des mobilités, notamment l'avenir du rail.
La conférence Ambition France Transports, à laquelle vous avez participé avec beaucoup d'assiduité, nous permettra d'élaborer une loi-cadre, qui deviendra une loi de programmation. Ce texte sera déposé au Parlement en début d'année 2026, parallèlement au projet de loi de décentralisation. Il s'articulera autour de quatre principaux axes : une meilleure programmation des investissements, au sujet de laquelle j'ai demandé un rapport au Conseil d'orientation des infrastructures (COI) ; la priorité accordée à la régénération du réseau existant ; une affectation exclusive des ressources du secteur aux infrastructures ; la redéfinition du cadre des concessions autoroutières, dont 90% arrivent à échéance entre 2032 et 2036.
Sur ce dernier point, je partage l'avis de la majorité des participants à la conférence en faveur du maintien d'un modèle concessionnaire, mais avec des concessions plus courtes et une participation de l'État au capital – afin qu'il reprenne la place qu'il n'aurait jamais dû quitter.
La loi-cadre prévoit d'autres mesures : le renforcement des capacités de la SNCF, avec un investissement annuel s'élevant à 4,5 milliards pour remettre à flot les infrastructures de transport ferroviaire ; le déploiement de Serm ; le soutien au fret ferroviaire et au fret fluvial ; la décarbonation des flottes de poids lourds.
Une première trame a été élaborée pendant l'été et à la rentrée. Je convierai très rapidement les parlementaires qui ont participé à la conférence à une réunion de travail, à l'occasion de laquelle nous nous appuierons sur votre rapport.
S'agissant du rôle de la SNCF, je n'ai rien à ajouter aux propos tenus par Jean Castex lors de son audition, sur sa vision du rôle central de la SNCF dans nos mobilités et sur les profondes mutations instaurées par son prédécesseur. La SNCF a connu beaucoup de changements au cours des dernières années, avec notamment l'ouverture progressive à la concurrence et la modernisation du réseau. Il s'agit maintenant de revoir le modèle pour qu'il soit innovant et plus ponctuel, et pour personnaliser davantage l'expérience client. La SNCF est un opérateur historique, qui doit désormais répondre aux exigences d'un marché ouvert. Les premiers appels d'offres ont montré que son adaptation est en bonne voie ; je ne doute pas qu'elle se poursuivra sous la houlette de Jean Castex.
Enfin, je partage votre constat concernant les titres de transport. On dénombre en France plus de 200 systèmes de billettique – transports urbains, interurbains, ferroviaires, etc. Chaque autorité organisatrice continue de développer ses propres outils, de nouveaux opérateurs et de nouveaux canaux de vente apparaissent, sans qu'aucune coordination soit instaurée. Les plateformes se multiplient, rendant l'achat des billets complexe, notamment pour les trajets impliquant différents opérateurs ; les voyageurs sont contraints de consulter plusieurs applications, de comparer les tarifs et les horaires, et finalement de jongler entre des conditions de voyage totalement hétérogènes. Cela nuit à l'attractivité du train et à la fluidité des déplacements.
Afin de prendre les choses en main, nous travaillons à un projet de titre unique, qui s'appuierait sur une plateforme nationale d'interopérabilité, pour favoriser les échanges de données et la répartition des recettes entre les acteurs de la mobilité. Cette première étape est indispensable pour qu'à terme, cette plateforme puisse agréger les différentes offres de transport et simplifier l'acte d'achat pour les voyageurs.
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Nous vous recevons dans un contexte d'austérité budgétaire généralisée, qui n'épargne pas le budget des transports. S'il affiche une hausse de 440 millions par rapport à celui de 2025, il demeure inférieur de 420 millions à celui de 2024 : ce n'est pas une relance, c'est un recul.
Même si le transport ferroviaire échappe quelque peu à ces coupes, ce budget ne correspond pas aux alertes émises par la mission d'information parlementaire, dont j'étais le corapporteur avec Olga Givernet. Toutes les personnes auditionnées ont été unanimes pour estimer qu'il manquait cruellement de moyens. Cette mission a formulé quarante-quatre recommandations, que nous espérons retrouver dans la loi-cadre.
En matière de transport ferroviaire, cœur de la mobilité du quotidien et pilier de la décarbonation, les besoins sont immenses. Seriez-vous d'accord pour rehausser de 1 milliard le plafond des recettes affectées à l'Afitf au titre de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA), ce qui permettrait de financer le réseau ferroviaire ? Pour rappel, seuls 271 millions lui sont affectés, alors que la taxe rapporte 1,447 milliard.
Quelles sont vos ambitions au lendemain de la conférence Ambition France Transports ? Quelles en seront les conséquences, notamment sur les autoroutes ? Avant même la fin de cette conférence, vous avez annoncé le renouvellement des concessions, alors que beaucoup d'acteurs du secteur préféreraient une maîtrise publique de celles-ci. Quelle est la marge de manœuvre ? Aurons-nous enfin un programme pluriannuel d'investissement digne de ce nom ?
Le fret ferroviaire est lui aussi dans une impasse. Les entreprises publiques ont été abandonnées, tandis que l'État subventionne massivement le transport routier. Résultat : la part modale s'écroule. Que comptez-vous faire pour le relancer ?
Concernant les trains de nuit, vous faites le choix de la location, sans vision de long terme. Ce choix peut sembler économique aujourd'hui, mais il sera coûteux demain. Le surcoût étant estimé à 13,9 millions par an, pourquoi avoir fait ce choix, d'autant que vous parlez de déclencher la deuxième tranche ? Quelles nouvelles lignes sont pour vous prioritaires et où aimeriez-vous construire ce nouvel atelier ?
Je ne reviendrai pas sur les lignes Paris-Berlin et Paris-Vienne, qui n'ont reçu que 6 millions de subventions sur un budget de plusieurs milliards – nous pourrions faire un effort.
Vous refusez de toucher aux services librement organisés (SLO), abandonnant les gares intermédiaires, ce qui a pour résultat la diminution des fréquences, la fermeture de gares et l'affaiblissement du service public. Monsieur le ministre, comptez-vous assumer ces choix et leurs conséquences sur les usagers et la cohésion des territoires ?
Un mot enfin sur Voies navigables de France(VNF). Pourquoi avoir refusé de supprimer le plafonnement de la redevance hydraulique fixé dans la loi de finances, alors que la Cour des comptes le recommande ?
Monsieur le ministre, l'urgence est claire, il est temps de changer de cap, d'investir massivement dans le transport ferroviaire et les transports collectifs, de mettre en œuvre une planification écologique ambitieuse, de construire une véritable multimodalité articulant toutes les offres de mobilité.
M. Philippe Tabarot, ministre. Je vous trouve un peu sévère, monsieur Cernon ; je lirai en détail votre rapport.
Différents acteurs du monde des transports s'accordent à reconnaître la qualité du travail réalisé lors de la conférence de financement et du travail de suivi. Le premier ministre s'est engagé à présenter la loi-cadre, que je souhaite élaborer avec les parlementaires. Une loi-cadre et une loi de programmation nécessitent un travail transpartisan, mené en bonne intelligence, afin de dépasser les clichés.
Notre niveau d'investissement s'élève à 3,2 milliards et nous allons continuer de l'augmenter, comme vous l'appelez de vos vœux. La programmation de 4,5 milliards de travaux à partir de 2028 par la SNCF montre la confiance que celle-ci place dans les engagements de l'État.
Vous avez soulevé la question du fléchage : vous savez comment fonctionne Bercy, cette administration ne goûte guère ce terme. Nous sommes pourtant parvenus à l'obtenir. J'aurais pensé que l'idée de faire financer à l'avenir les infrastructures ferroviaires par les autoroutes serait de nature à vous convenir. J'espère parvenir à vous faire changer d'avis quant au soutien que vous pourrez apporter à cette loi-cadre.
Il me semble souhaitable de ne pas revoir immédiatement les règles du jeu en matière de SLO, en pleine ouverture à la concurrence. Les nouveaux entrants contribuent à la régénération du réseau avec le paiement des péages ferroviaires, qui reviennent à SNCF Réseau.
Les dessertes d'aménagement du territoire prévoient une diminution des péages lorsqu'elles sont réalisées dans une perspective d'incitation à rendre ces services. Néanmoins, je travaille étroitement avec l'Autorité de régulation des transports (ART) pour que les nouveaux entrants, après avoir atteint une certaine stabilité financière, puissent se conformer aux mêmes obligations que la SNCF – notamment en matière de desserte de territoires.
Je pensais que vous seriez satisfait de l'investissement annoncé dans les trains de nuit : plus de 1 milliard. Vous me reprochez que cet investissement prenne la forme de locations. L'appel d'offres de renouvellement du matériel roulant porte en effet sur un contrat de location, pour une durée de quinze ans. L'État ne serait pas capable d'entretenir un matériel acheté, pour des raisons techniques. Il me semble donc que recourir à des loueurs, sur le long terme, est la meilleure formule pour amortir les investissements. Dans un contexte où n'existent ni marché-cadre ni matériel homologué pour la France, le recours à cette location est la bonne décision.
Le taux de la TSBA appliqué aujourd'hui est pour moi un plafond. Le secteur aéronautique ne se remettrait pas de son augmentation ; les signaux qu'il envoie à ce sujet ne sont pas bons. Alors qu'au niveau européen, le nombre de vols domestiques augmente de 4,5% en moyenne, il n'augmente que de 1% en France. Le secteur de l'aviation d'affaire est en grande difficulté.
De plus, augmenter ce taux mettrait en difficulté les petits aéroports de province. Je vous sais attaché à l'aménagement du territoire : vous êtes sans doute sensible au devenir des aéroports de Bergerac ou de Brive-la-Gaillarde, entre autres villes. En l'absence de solutions ferroviaires, il serait dommageable que ces aéroports, déjà en difficulté pour certains, ferment. Outre les emplois qu'ils fournissent, ils jouent également un rôle sanitaire, voire militaire.
M. Gérard Leseul (SOC). En juillet dernier, vous avez pris connaissance des grandes orientations de la conférence Ambition France Transports que vous aviez sollicitée pour proposer des lignes directrices fortes. Parmi ces orientations figure notamment la nécessité d'une programmation plus claire des investissements dans les transports et une priorité donnée à la modernisation et à la régénération des réseaux existants – fer, route, fleuve – pour améliorer la sécurité et la performance de nos transports.
Vous aviez accepté de vous saisir de ces conclusions en rappelant le double impératif que notre commission partage : l'impératif budgétaire, dont nous discuterons dans quelques instants dans l'hémicycle, et l'impératif écologique, les transports demeurant le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre, à hauteur de 34 % du total en 2023. Rappelons à cette occasion que le secteur des transports est en retard sur ses objectifs de décarbonation.
Vous avez annoncé que le gouvernement présentera avant la fin de l'année un projet de loi-cadre au Parlement et une loi de programmation, qui devrait permettre de fixer une trajectoire d'investissement précise concernant toutes les mobilités. J'attends des précisions et des engagements sur le calendrier.
Pour le moment, le budget consacré aux mobilités pour 2026 n'est pas à la hauteur, notamment des enjeux de la lutte contre la pollution atmosphérique. Globalement, cette trajectoire est en opposition avec ce qu'il conviendrait de faire pour développer le fret fluvial, le report modal, l'offre ferroviaire, les transports en commun ; pour accompagner les ménages, les entreprises et les collectivités dans l'achat ou la location d'un véhicule moins émetteur ; pour soutenir notre industrie automobile et la conversion du parc automobile des entreprises et des particuliers.
Si nous ne devions prendre qu'un seul exemple, l'aide à l'acquisition de véhicules propres – prime à la conversion et bonus écologique – est en baisse de 81% par rapport au budget pour l'année 2025. Dans ce contexte, ne nous étonnons pas de la remise en cause des ZFE : les mesures restrictives ou coercitives ne peuvent être acceptées ou acceptables sans un soutien et un engagement important de l'État. Malheureusement, sur cette question comme sur le verdissement des flottes automobiles des entreprises, le gouvernement a fait le choix de la sanction plutôt que de l'accompagnement.
Les députés du groupe Socialistes et apparentés contestent cette méthode, qui ne permet aucunement une adhésion populaire aux mesures de réduction des émissions polluantes de nos mobilités. Nous défendrons plusieurs amendements structurants.
Monsieur le ministre, il est encore temps d'améliorer le budget consacré à la route, au fluvial et au ferroviaire. Nous comptons sur votre bienveillance à l'égard de nos amendements.
M. Philippe Tabarot, ministre. Monsieur Leseul, je vous remercie une fois encore de votre participation aux travaux de la conférence Ambition France Transports. Le projet de loi-cadre s'articulera autour de quatre principaux axes déterminés à cette occasion : un nouveau système, une meilleure programmation des investissements, une priorité donnée à la régénération des réseaux existants et l'affectation exclusive des ressources du secteur aux infrastructures.
Concernant spécifiquement le transport ferroviaire, la loi prévoit un renforcement des capacités de SNCF Réseau, validé par le conseil d'administration, pour atteindre un investissement annuel de 4 milliards, qui s'accompagnera de mesures visant à améliorer l'efficacité des projets.
Nous avons également évoqué la prise en charge de la configuration des Serm, qui connaissent un grand succès – vingt-six ont été labellisés.
S'agissant du fret, des dispositions sont prises pour développer le fret fluvial et décarboner les flottes de poids lourds. Pour le fret ferroviaire, nous avons dû nous livrer à une véritable bataille pour conserver un niveau d'engagement aussi fort. Nous avons la chance d'avoir des entreprises très volontaristes et solides qui ont été pour nous des partenaires indispensables au moment du plan de relance. Après tous les déboires que le secteur a pu connaître, j'ai veillé personnellement à ce que leur soit garantie une indispensable visibilité. Il fallait poursuivre la dynamique en identifiant les leviers les plus porteurs et élaborer une stratégie équilibrée alliant aides stabilisées et investissements sécurisés.
Pour l'aide à la transition et au verdissement, peut-être que les choses pourraient aller plus loin et plus vite mais je ne peux pas vous laisser dire que rien n'est fait. Vous avez évoqué les ZFE et j'ouvre une parenthèse avec le leasing social, qui connaît un succès tel que de nombreuses demandes sont en attente. Les particuliers sont prêts à se lancer dans la transition à condition qu'il y ait une offre raisonnable par rapport à leurs ressources. L'électrification des véhicules est un levier indispensable pour assurer notre souveraineté énergétique, vous le savez bien, vous qui défendez cette mutation depuis très longtemps. Cela représente un enjeu majeur dans la diminution des émissions, puisque l'électricité que nous produisons est très majoritairement décarbonée. Un tel accompagnement doit s'adresser en priorité aux ménages les plus modestes.
Nous pouvons compter aussi sur un nouveau vecteur de financement, plus large, avec les aides aux véhicules propres et les fameux C2E (certificats d'économie d'énergie), lesquels ont vocation à constituer la quasi-intégralité de ce vecteur l'année prochaine. En 2025, les aides budgétaires en ce domaine comprennent le bonus écologique pour les voitures particulières commandées avant le 1er juillet et la prime au rétrofit, pour un montant de 500 millions. S'ajoutent à cette enveloppe des financements issus des C2E mobilisés depuis le 1er janvier 2025 pour soutenir l'acquisition de véhicules électriques neufs, la création ou la mise à jour de fiches d'opérations standardisées pour les autocars et autobus électriques, les poids lourds électriques, les quadricycles électriques neufs, les voitures particulières et les fameux VUL (véhicules utilitaires légers), si indispensables en centre-ville. Depuis le 1er juillet 2025 a été instauré pour les particuliers le dispositif Coup de pouce pour l'achat d'un véhicule électrique neuf, avec une modulation du montant de la prime C2E en fonction des revenus des bénéficiaires. Depuis le 1er octobre 2025, est prévue une bonification supplémentaire destinée notamment aux ménages en fonction de leur situation et prenant en compte des critères comme la localisation en Europe du site de fabrication du véhicule et de sa batterie du véhicule.
Des améliorations sont possibles s'agissant de la transition et des aides, je le reconnais. En revanche, je ne peux vous suivre quand vous dites qu'on ne fait rien ou pas suffisamment, même si bien souvent nous avons des points d'accord.
M. Vincent Descoeur (DR). Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour saluer votre action au cours de l'année écoulée, marquée par l'adoption de la loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports et l'ouverture de la conférence Ambition France Transports. Vous m'autoriserez des remerciements plus particuliers pour le rôle déterminant que vous avez joué dans le passage du train de nuit Aurillac-Paris à une fréquence quotidienne, respectant en cela la promesse de Jean Castex, ce qui ne doit pas toutefois occulter l'actualité brûlante du train de nuit Paris-Berlin.
Plus largement, les députés de la Droite républicaine se réjouissent de la stabilité des moyens affectés à votre ministère tant les enjeux sont forts et les attentes encore nombreuses dans les territoires. Citons l'entretien du réseau ferroviaire, les travaux de régénération ou encore les objectifs de décarbonation. Nous recevions mercredi dans cette même salle Jean Castex pour évoquer avec lui l'avenir du réseau ferroviaire et du rail, indispensable outil de mobilité et de désenclavement et facteur de dynamisme économique pour les territoires desservis par des lignes à grande vitesse. À cet égard, nous accueillons positivement l'orientation du budget 2026 en matière de transport ferroviaire, les moyens augmentant sensiblement, ce qui est une bonne nouvelle après des décennies de sous-investissements coupables. S'agissant de l'ouverture à la concurrence, si nous y sommes par principe favorables compte tenu du bénéfice que pourraient en retirer les usagers, nous tenons à réaffirmer notre attachement aux lignes de desserte fine des territoires. Nous veillerons à ce que l'exploitation des lignes à grande vitesse rentables ne menace pas l'écosystème général et ne soit pas préjudiciable au maintien de ces petites lignes et plus encore à la régénération dont elles ont besoin. Je vous remercie de nous avoir confirmé que vous étiez favorable à l'activation de la tranche conditionnelle pour l'investissement en matière de matériel roulant.
Parmi les grands chantiers qui doivent s'ouvrir figurent aussi la renégociation des contrats autoroutiers et l'ouverture d'une réflexion sur la concurrence. Au sujet de l'Afitf, j'aimerais rappeler qu'au-delà de nécessaires travaux de régénération, il existe des milliers de kilomètres non concédés qui méritent une attention particulière.
La préservation des moyens et la priorité donnée au rail et à la régénération sont autant de bonnes raisons pour nous de soutenir votre budget.
M. Philippe Tabarot, ministre. Je vous remercie d'avoir rappelé le travail qui a été réalisé avec la loi relative à la sûreté dans les transports, travail que j'avais amorcé en tant que sénateur. Dix ans après la fameuse loi Savary, il était nécessaire de faire évoluer la législation pour améliorer la sécurité des usagers ainsi que des personnels des opérateurs de transport et des agents de sûreté. Certains dispositifs sont déjà opérationnels, d'autres sont en passe de l'être. La finalisation des textes d'application est malheureusement parfois difficile à obtenir. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) nous a demandé certains renseignements, ce qui a impliqué pour nous de refaire tous les dossiers, même s'il s'agissait uniquement du renouvellement d'une expérience. Le décret que j'estime prioritaire, compte tenu des attentes de tous les personnels des opérateurs, est celui qui a trait au port de la caméra-piéton pour les agents assermentés. Nous en sommes à la phase finale : il est en cours d'examen au Conseil d'État.
Je ne reviens pas sur les conséquences positives de la conférence Ambition France Transports et sur la parfaite corrélation avec l'arrivée de Jean Castex à la tête de la SNCF. Il s'agira de respecter une trajectoire beaucoup plus ambitieuse pour SNCF Réseau, notamment avec 1,5 milliard supplémentaire pour les réseaux dans les années à venir.
S'agissant de l'ouverture à la concurrence, je reste très attentif à ce qu'elle ait des effets bénéfiques, à savoir l'augmentation de l'offre et la baisse de la tarification, baisse que nous avons pu constater sur les lignes en libre accès que sont les lignes Paris-Lyon et Paris-Marseille, parmi les plus fréquentées. Cela n'empêchera pas de confier aux nouveaux entrants quelques missions et obligations de service public pour la desserte de territoires qui en ont besoin.
Sachez que je suis particulièrement attaché aux lignes de desserte fine du territoire. Dans une autre vie, en tant que sénateur, j'ai fait voter chaque année des amendements à 300 millions pour renforcer les moyens qui leur sont dévolus. Beaucoup vont pouvoir être en partie financées par les contrats de plan État-Région et par les mesures que préconisera, à l'issue de la mission que je lui ai confiée, le préfet Philizot, qui est le grand spécialiste en France non seulement de la carte électorale mais aussi des lignes de desserte fine du territoire. Il faudra notamment préciser qui de l'État ou des régions a la responsabilité d'entretenir ces lignes, en fonction de leurs moyens respectifs. L'idée est de les préserver le plus possible, avec peut-être des référentiels un peu différents et des matériels plus légers et mieux adaptés.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). Rappelons d'abord que les transports sont à l'origine d'un tiers des émissions de gaz à effet de serre de la France et que 97,5% de l'énergie qu'ils consomment proviennent de ressources pétrolières, ce qui nous rend très dépendants de pays tiers.
L'enjeu principal est bien le financement. Nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il faut davantage financer notre réseau ferroviaire et notre réseau routier, qui se dégradent. Mais, pour le rail, qu'estimez-vous pouvoir faire avec 1,5 milliard supplémentaire par an, somme dont on ne trouve d'ailleurs pas trace dans ce budget ? S'agit-il de maintenir le niveau de service, d'apporter des améliorations, d'éviter la fermeture de petites lignes comme celle de Moulins-Paray-le-Monial, voire de rouvrir certaines comme celle qui relie Clermont-Ferrand à Ussel ? Parmi les ressources actuelles, il y a le fonds de concours mais il fausse la concurrence : on demande à la SNCF seule, alors qu'elle n'a plus de monopole, de financer le rail à travers ses bénéfices. Êtes-vous favorable à une sortie progressive de ce fonds de concours pour instaurer une équité ?
La décarbonation du fret des marchandises passe à la fois par un report sur le rail et par un parc de véhicules motorisés plus propre, utilisant le biogaz ou l'électricité. Étant donné qu'ils sont plus chers, on pourrait compenser cette différence en revenant progressivement sur le tarif réduit qui s'applique au gazole routier. C'est ce que nous proposons dans un amendement, dans le prolongement de la loi " climat et résilience, " qui avait fixé cet objectif pour 2030. Êtes-vous favorable à cette mesure, qui permettrait d'élargir les possibilités de financement ?
D'autres pistes sont à explorer. La mise en place d'une contribution poids lourds à l'échelle nationale, qui part d'une approche uniforme plus simple pour les transporteurs, permettrait d'injecter une recette globale au bénéfice du réseau ferroviaire et du réseau routier et favoriserait la mutation des flottes vers des motorisations moins polluantes. Une autre solution consisterait à extraire nos autoroutes d'une gestion privée, possibilité évoquée lors de la conférence France Ambition Transport mais qui n'a pas été retenue. Beaucoup de secteurs ont certes vocation à être gérés par le privé, mais compte tenu du caractère monopolistique du réseau autoroutier – on a rarement le choix entre telle ou telle autoroute pour aller d'un point A à un point B –, il serait logique d'instaurer une gestion publique.
Enfin, pour les trains de nuit, j'estime comme d'autres que l'achat est préférable à la location puisqu'il s'agit d'un usage plein et entier.
M. Philippe Tabarot, ministre. Si vous avez des tuyaux pour une super affaire de trains neufs à acheter, n'hésitez pas à me les communiquer !
Je pensais, monsieur Bonnet, que vous alliez me féliciter puisque les deux projets principaux de SNCF Réseau sont pour cette année encore l'axe Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT) mais aussi la ligne Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon (POCL), ligne à laquelle je vous sais très attaché et où les travaux continuent à un bon rythme, conformément aux engagements que j'avais pris lors de mon déplacement à Clermont.
L'investissement d'1,5 milliard supplémentaire sera effectif à partir de 2028, donc dans deux exercices. La décision a été validée par les conseils d'administration il y a quelques semaines et il faudra un certain temps à SNCF Réseau pour monter en puissance jusqu'à atteindre l'objectif de 4,5 milliards. Le but est tout simplement d'éviter la poursuite de la dégradation du réseau. Il s'agit donc de lancer des opérations de régénération mais pas encore de moderniser ou de rattraper nos retards, notamment en matière de commandes centralisées du réseau ou du système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS) pour lesquels nous figurons parmi les mauvais élèves en Europe.
La SNCF perçoit des péages élevés et une partie des augmentations budgétaires est d'ailleurs liée à la prise en charge par l'État de leur hausse et de la part que doivent acquitter les régions. Que la SNCF participe également au financement du réseau à travers ce fonds de concours paraît dès lors indispensable. Cette entreprise – certains se sont battus pour qu'il en soit ainsi – n'a pas des dizaines d'actionnaires qu'il faut rémunérer dès que des bénéfices sont dégagés mais un actionnaire unique, l'État. Que ce dernier utilise ses bons résultats pour investir dans son réseau me paraît plutôt sain et normal.
Concernant l'écotaxe, je suis avec beaucoup d'attention les expérimentations menées dans la collectivité européenne d'Alsace et dans la région Grand-Est, zones de transit transfrontalier marquées par un fort report modal. Elles ont eu le courage de se lancer dans la mise en place de ce dispositif de taxation, conformément à la possibilité offerte aux régions frontalières par la loi " climat et résilience ", dont j'avais été l'un des rapporteurs au Sénat. D'autres régions suivront-elles cette voie ? Je pense en particulier à celles qui en ont marre de voir passer des camions étrangers qui ne font même pas le plein sur leur territoire ou qui, quand ils le font, profitent de la tarification du gazole que vous évoquiez.
J'ai vu Mme Royal sur un plateau de télévision dire combien elle trouvait formidable le fret ferroviaire et appeler à taxer plus fortement la route et les camions. Je ne veux pas polémiquer mais j'ai trouvé cela déplacé. Je regrette vraiment de n'avoir pas pu lui répondre directement : je lui aurais rappelé que nous n'avons toujours pas fini de payer les milliards qu'ont coûté à notre pays les portiques qu'elle a finalement décidé de retirer. Pour donner un coup de pouce supplémentaire au fret ferroviaire, on pourrait revoir les modalités qui s'appliquent au trafic routier, pourquoi pas ? N'oublions pas toutefois que, compte tenu du fait que les entreprises de transport routier ont des marges très réduites voire nulles, leur modèle économique ne leur permettra sans doute pas de payer plus, qu'il s'agisse de taxes liées au transit ou de hausses du coût des carburants.
Je suis très réservé sur la gestion publique des autoroutes. L'État a suffisamment de difficultés pour entretenir ses routes nationales, c'est le moins qu'on puisse dire. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que, dans ce budget, il y ait au niveau de l'Afitf une augmentation de 10% pour ces routes mais on reste très loin du compte. Par contre, on peut se dire qu'il est intéressant que demain les 2,5 milliards de recettes potentielles issues des autoroutes financent les infrastructures ferroviaires et les routes nationales, voire départementales, notamment avec un programme consacré aux ponts. Cela aidera de nombreuses municipalités à surmonter les grandes difficultés qu'elles connaissent dans le financement de leurs équipements.
M. Hubert Ott (Dem). Les transports sont un enjeu national qui prend ses racines dans tous nos territoires. Ils doivent permettre à nos concitoyens, où qu'ils soient, d'étudier, de se soigner, de travailler. Ils représentent un défi majeur en termes de décarbonation puisqu'ils sont à l'origine de plus de 30% de nos émissions de gaz à effet de serre. Mon groupe s'attache particulièrement à favoriser des modes de transport durables, accessibles et équitables : il s'agit d'accompagner les transitions tout en veillant à ce que chaque territoire puisse trouver une réponse spécifique en matière de mobilité. Nous saluons, dans ce contexte de responsabilité budgétaire, la proposition d'augmenter les crédits dévolus aux infrastructures et aux services de transport de 4,73 % en 2026 avec une attention renforcée à la décarbonation des transports.
Au-delà des chiffres, c'est une qualité de service que nos concitoyens attendent au quotidien. Ma première question porte donc sur l'entretien et la modernisation de nos réseaux ferroviaires, portuaires et routiers ainsi que des transports collectifs. Les usagers, qu'il s'agisse de particuliers ou de professionnels, constatent les effets du vieillissement des infrastructures. Comment comptez-vous garantir que les divers budgets, en augmentation de près de 10% par rapport à 2025, apportent plus de fiabilité, de sécurité et de confort ? Comment accélérer la montée en puissance des solutions d'intermodalité, ces passerelles entre train, bus, vélo ou voiture partagée que tant de territoires attendre encore ?
Ma deuxième question concerne les suites de la conférence Ambition France Transports dont le but était de poser les bases d'un nouveau modèle de financement. Pouvez-vous nous confirmer votre volonté de réformer le modèle des concessions autoroutières ? Envisagez-vous un cadre plus équilibré, plus juste et transparent pour financer durablement nos infrastructures ?
Ma troisième question a trait aux petites lignes ferroviaires. Quand on parle d'intermodalité dans mon département, on pense forcément aux sorties de vallées et à la nécessité de les relier au grand axe Nord-Sud qui raccorde notamment Mulhouse à Colmar, les deux grandes villes du Haut-Rhin. Guebwiller, située au milieu de cet axe, reste à l'écart du rail depuis cinquante ans. La vallée du Florival vivante et dynamique aurait pourtant bien besoin d'être raccordée au réseau ferroviaire. La promesse d'un retour du train remonte à quinze ans et la congestion de la route principale, sur laquelle circulent jusqu'à 15 000 véhicules par jour, ne cesse de s'accentuer. Une solution existe : le Draisy, train léger conçu par l'entreprise alsacienne Lohr, pourrait redonner vie à la ligne, sans que de lourds travaux soient nécessaires. Le coût de l'opération, d'environ 30 millions, reste raisonnable au regard des bénéfices attendus pour les 30 000 habitants de la vallée. Comment l'État entend-il soutenir ces projets concrets qui apportent des réponses locales, économiques et écologiques adaptées à nos territoires ? Pouvons-nous compter sur votre engagement afin que cette promesse faite il y a quinze ans soit honorée ? Il y va du respect de la parole donnée. N'est-ce pas ce dont la politique a le plus besoin aujourd'hui ?
M. Philippe Tabarot, ministre. Je me demande bien qui vous a fait cette promesse.
Je pense avoir en partie répondu à vos questions concernant la conférence de financement. Vous avez bien compris que je souhaitais que les concessionnaires travaillent pour le compte de l'État jusqu'à la dernière minute qui les sépare de la fin de leur concession. Nous leur avons notifié des projets afin de tirer avantage de ce système jusqu'au bout. Nous renégocierons ensuite pour placer de nouveau l'État au cœur de ces concessions. Les recettes qui en sont issues serviront à décarboner et à continuer à garantir une grande qualité dans l'entretien du réseau, dont nous pouvons tirer fierté par rapport à d'autres pays européens qui ont fait d'autres choix. Je pense à l'Italie mais aussi à l'Espagne qui, il y a quelques années, a souhaité nationaliser ses autoroutes en rendant gratuit leur accès et qui se trouve maintenant dans l'incapacité de les entretenir. Si nous parvenons à prélever entre 2 milliards et 3 milliards sur les recettes des péages pour les investir dans les infrastructures ferroviaires, dans nos routes ou dans nos ponts, ce sera une très bonne chose.
S'agissant de la complémentarité des modes de transport, je suis tout à fait d'accord avec vous. Le ferroviaire doit rester central dans les réponses à apporter aux besoins des territoires mais il y a d'autres solutions à développer : les cars express, sur lesquels mon prédécesseur a beaucoup travaillé, qui permettent de relier les territoires non desservis par le train tout en assurant une grande qualité de service ; la mise en place de pôles d'échanges multimodaux lors des opérations de modernisation et de rénovation de nos gares ; la décarbonation des mobilités routières. À cela s'ajoute le train léger, notamment sur les lignes dites de 7 à 9 pour lesquelles j'ai demandé un travail d'expertise au préfet Philizot, qui pourrait contribuer à préserver certaines d'entre elles. En matière de réouverture, je suis plus prudent, car cela aurait un coût certain. Peut-être faudra-t-il changer notre conception du réseau ferré national en envisageant que certaines lignes en sortent, tout en y restant connectées. Toujours est-il que si le matériel n'évolue pas, les choses seront très compliquées.
Mais vous avez raison de souligner qu'une évolution est rendue possible par le projet Draisy, qui pourrait correspondre à la fois aux contraintes financières et à la configuration des lignes de desserte fine du territoire. C'est la raison pour laquelle j'ai discuté plusieurs fois avec les dirigeants de l'entreprise Lohr, que j'ai promis de visiter prochainement. Vous avez à juste titre rappelé le caractère innovant de la solution proposée et j'espère que cette approche radicalement nouvelle permettra d'apporter des réponses à des territoires ou à des projets qui sont en difficulté, faute d'investissements indispensables dans les années à venir. Je viendrais bien volontiers sur place pour donner une impulsion et de la visibilité à ce projet.
M. Xavier Roseren (HOR). Je voudrais attirer votre attention sur deux enjeux majeurs pour la mobilité durable en France, au croisement de la transition écologique, de l'aménagement du territoire et de l'équité entre les Français. Il s'agit de la relance des trains de nuit et du sujet du transport transalpin.
Le renouveau des trains de nuit illustre une aspiration profonde de nos concitoyens à se déplacer autrement, plus sobrement et à un coût raisonnable. Ces trains ne sont pas un vestige du passé et demeurent de loin le mode de transport le plus vertueux. C'est un levier incontournable pour atteindre nos objectifs climatiques et offrir des alternatives crédibles à la voiture et à l'avion.
Pourtant l'offre actuelle reste marginale. Seuls quatre trains de nuit nationaux circulent actuellement en France, alors que l'Autriche en exploite plus de vingt à l'échelle internationale. Mais, faute de matériel roulant adapté, de sillons disponibles et d'une stratégie de long terme, la dynamique est freinée. Le train de nuit ne doit pas être perçu uniquement comme une offre touristique. Il doit aussi répondre à des besoins de déplacement du quotidien, par exemple en reliant des territoires de montagne enclavés à la capitale. La ligne qui reliait Paris à Saint-Gervais jusqu'en 2015 était emblématique et elle permettait de desservir les stations de montagne. Elle contribuait à éviter la saturation des routes et à réduire l'empreinte carbone des stations de ski, qui est essentiellement constituée par le transport.
Pouvez-vous préciser l'orientation concrète que le gouvernement entend prendre pour pérenniser et amplifier la relance des trains de nuit ?
Après le train, je voudrais évoquer la route, avec un tunnel qui se trouve dans ma circonscription. Nous suivons avec inquiétude les manifestations de la volonté italienne de doubler le tunnel du Mont-Blanc. La position constante de la France a toujours été de s'y opposer, au nom de la préservation de la qualité de l'air et de la cohérence avec nos engagements climatiques. Pouvez-vous nous confirmer que cette position ferme et nécessaire demeure inchangée ?
J'aborde enfin le projet Lyon-Turin, infrastructure européenne essentielle qui permettra de retirer près de 1 million de camions par an des routes alpines au profit du rail. C'est un pas décisif pour la décarbonation du transport de marchandises. Le financement des voies d'accès est une priorité. Il semblerait que les Italiens aient parfois un peu d'avance en la matière. Pouvez-vous nous rassurer sur ce sujet ?
M. Philippe Tabarot, ministre. Le principal investissement qui figure dans le budget cette année concerne les trains de nuit, ce qui confirme l'attachement que nous leur portons.
Lorsque j'étais vice-président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, M. Vidalies m'avait annoncé en une seule fois que le Bordeaux-Nice allait devenir un Bordeaux-Marseille et que la ligne Metz-Nice ainsi que le train bleu Paris-Nice allaient être supprimés. Je tiens à rappeler que Jean Castex a sauvé tout cela – et je note que vous vous en êtes souvenus puisque vous avez plébiscité sa nomination à la tête de la SNCF.
Même si des lignes de train de nuit existent déjà, on doit probablement en développer d'autres. Vous avez cité l'exemple par excellence de l'Autriche et vous avez tout à fait raison.
Le développement des trains de nuit se heurte cependant à plusieurs écueils.
Tout d'abord, il n'est pas simple d'acheter ou de louer du matériel. Nous avons heureusement réussi à en louer et nous allons continuer à le faire, mais l'offre de matériel n'est pas à la hauteur de l'appétence pour le train de nuit.
Ensuite, le développement du train de nuit remet en cause un certain nombre de travaux qui ont lieu sur le réseau – en particulier si nous obtenons la somme de 4,5 milliards par an pour les investissements sur laquelle je me suis engagée. Les travaux se font principalement la nuit, à la différence d'autres pays, comme l'Allemagne, qui pratiquent la fermeture complète des lignes pendant six ou huit mois. Cela peut avoir des conséquences en matière de report modal, notamment au profit de la route, la clientèle ne revenant pas forcément lors de la réouverture de la ligne. Après s'être souvent posé la question avec SNCF Réseau, nous avons préféré faire les travaux de nuit – avec le risque de perturber le trafic matinal des TER.
L'une des raisons de l'arrêt de la ligne de nuit Paris-Berlin réside dans les nombreux travaux dont fait l'objet le réseau allemand. En outre, cette ligne était subventionnée par le contribuable français à hauteur de 85 euros par billet, contre 65 euros pour les trains de nuit en France. Le modèle économique n'est pas au rendez-vous, contrairement à la grande vitesse.
Pour autant, je reste attaché aux trains de nuit, dont le succès populaire est évident. Ces trains ne sont pas seulement destinés au tourisme. Ils constituent un moyen de mobilité décarbonée et nous allons continuer à les soutenir, comme ce budget le montre de manière très claire.
Vous m'avez ensuite interrogé sur le doublement du tunnel du Mont-Blanc. À chaque fois que je rencontre Matteo Salvini ou que nous avons une réunion bilatérale dans le cadre du traité du Quirinal, nos amis italiens reviennent systématiquement sur le sujet. Nous avons dû leur apporter une réponse. J'ai dit clairement à mon homologue italien que nous considérions que la priorité devait aller à l'ouverture du second tube du tunnel du Fréjus – qui répond depuis son inauguration à une partie des besoins – et aux travaux indispensables de sécurisation du tube actuel du tunnel du Mont-Blanc. Jean-Noël Barrot a eu l'occasion de réitérer cette position au vice-président du conseil des ministres lors d'une réunion du comité de coopération frontalière franco-italien qui s'est tenue à Nice.
Je connais les inquiétudes des maires de la vallée de Chamonix et des acteurs économiques, ainsi que les craintes relatives au surcroît de pollution que ce doublement pourrait engendrer. Mais je ne vous cache pas que la diplomatie italienne fait fortement pression pour le doublement du tunnel du Mont-Blanc, après l'avoir fait pour les tunnels du col de Tende et du Fréjus.
Enfin, je me suis rendu sur le chantier de la liaison ferroviaire Lyon-Turin avec mon homologue italien pour inaugurer un tunnelier. Ce projet s'étend sur plus de 270 kilomètres, dont 70 % sont en France. Le creusement du tunnel transfrontalier avance bien, malgré les actions et les recours menés par un certain nombre de détracteurs. Le chantier continue, avec les difficultés propres à une telle entreprise. J'ai rencontré les acteurs économiques et les élus de la Maurienne pour discuter des indemnités dont ils peuvent bénéficier au titre du fonds avenir soutien tourisme (Fast), avec une majoration liée aux nuisances qu'ils subissent, et de la mise en place d'une voie dédiée aux travaux, pour permettre une meilleure fluidité du trafic dans les secteurs concernés. Bref, je suis ce projet avec beaucoup d'attention.
Vous avez mis le doigt sur son point faible, c'est-à-dire les voies d'accès. Il n'y aurait rien de plus terrible que d'inaugurer une réalisation d'une telle ampleur sans les voies d'accès nécessaires. En France, nous avons beaucoup tergiversé en discutant sur les différents projets, les études et les financements. Les choses sont désormais claires. Les études d'avant-projet détaillées ont été lancées au début de 2025. Je souligne que la Commission européenne a accordé un financement de près de 65 millions pour le projet. Les études d'avant-projet détaillées pour le contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise, le fameux CFAL, ont également débuté. Il est essentiel pour le fonctionnement du tunnel. Nous sommes certes un peu en retard s'agissant du calendrier, mais j'espère que l'on pourra tenir l'objectif de mise en service en 2033. Cela nécessitera des crédits supplémentaires, car le projet choisi n'est pas le plus économique mais le plus pertinent.
J'ai demandé au Conseil d'orientation des infrastructures (COI) d'analyser tous les projets de plus de 1 milliard. Il rendra son rapport dans quelques jours et il sera intéressant de lire son avis sur l'ensemble du projet Lyon-Turin, qui ne doit en tout état de cause pas être remis en question car il est indispensable. Il s'agit en effet du plus grand projet de fret ferroviaire en Europe. Nous avons l'obligation de le mener à bien, car nous avons perçu beaucoup d'argent de l'Union européenne. Alors que l'on se plaint souvent qu'elle ne finance pas suffisamment nos projets, elle a massivement investi dans le Lyon-Turin et il faut qu'on arrive au bout de ce très beau chantier.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux questions des autres députés.
Mme Nathalie Coggia (EPR). Je relaie une question d'Olivier Becht.
L'aéronautique demeure l'un des rares secteurs où l'Europe conserve un leadership mondial, grâce à Airbus, champion industriel et technologique capable de rivaliser avec Boeing et le chinois Comac (Commercial aircraft corporation of China). Mais cette avance est fragile. Dans un contexte de concurrence internationale renforcée, la compétitivité future dépend de notre capacité à investir dans l'innovation et, surtout, dans la décarbonation. L'aéronautique constitue en effet le seul secteur industriel où l'Europe maîtrise toute la chaîne technologique, de la recherche aux systèmes embarqués, et peut ainsi agir concrètement pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
Sous l'égide du Corac, l'État et la filière ont établi une feuille de route, validée au niveau européen. Elle porte sur le renouvellement des flottes, le développement des carburants durables et les technologies de rupture – notamment pour le futur avion monocouloir. Ce plan suppose un financement pérenne.
Or, malgré l'engagement du président de la République d'y consacrer 300 millions par an dès 2023, la loi de finances pour 2025 ne prévoit que 215 millions, après 285 millions en 2024. Cette baisse inquiète au moment crucial du développement du successeur de l'A320 et alors que les États-Unis et la Chine soutiennent massivement leurs champions.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). " J'ai vu l'un d'eux jeter quelque chose dans ma voiture avant qu'elle ne s'embrase ", raconte Alexandra. " L'un d'eux m'a aspergé d'essence ", ajoute Thomas, son compagnon. " Sans ce que certains appellent les écoterroristes, on serait mort. C'est aussi simple que ça. ", conclut Alexandra, habitante de Verfeil opposée au chantier de l'A69 et citée par Reporterre après l'incendie criminel dont elle fut victime en septembre 2024.
C'était l'œuvre d'un commando qui aurait été rémunéré par un chef d'entreprise ayant assuré la sécurité du chantier de l'A69 pour Atosca, le concessionnaire. Drôle de coïncidence, non ? Lorsqu'il s'agit de contester une décision de justice défavorable à votre addiction autoroutière, votre empressement est sidérant Mais face à ces barbouzeries, pas un mot. Est-ce à dire que vous les soutenez ?
Votre silence est révélateur d'une politique qui ferme les yeux sur les dérives d'un chantier illégal, tout en ouvrant grand les caisses de l'État pour le financer. Car comment justifier les 41 millions supplémentaires d'argents publics accordés au concessionnaire de l'écocidaire A69 seulement pour qu'il veuille bien baisser le prix de son honteux péage, alors que votre projet de budget indigne impose des sacrifices à tout le pays ?
M. Romain Eskenazi (SOC). L'article 43 du PLF prévoit de ponctionner le fonds de compensation des nuisances aéroportuaires. Celui-ci dispose de 123 millions et l'État prévoit d'en reprendre 80 millions.
J'ai publié cette semaine une tribune dans Libération, qui ne vous a pas échappée j'en suis sûr. J'ai déposé un amendement en commission des finances, qui a été adopté hier soir. Mais tout reste à faire dans l'hémicycle.
Cette ponction est injuste.
Tout d'abord, ce fonds est alimenté par la taxe sur les nuisances sonores aériennes, selon le principe pollueur-payeur. Les compagnies la payent pour permettre aux habitants d'insonoriser leur logement. Cette taxe n'a pas vocation à boucher les trous du budget de l'État.
Ensuite, ADP prévoit une hausse de 19% des vols à horizon 2050. Les effets des vols de nuit sur la santé sont démontrés. Selon ADP, il reste à insonoriser 150 crèches et écoles ainsi que 33 000 logements. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé une proposition de loi pour améliorer le dispositif en systématisant les avances, ce qui permettrait de dépenser les sommes disponibles.
Quel est votre avis sur ces deux points ?
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Je souhaite appeler votre attention sur la situation préoccupante du transport lacustre sur le Lac Léman, indispensable à la mobilité quotidienne entre les rives françaises et suisses. Les navettes assurent un service public transfrontalier vital. Elles permettent à des milliers de personnes d'aller travailler et participent à l'activité touristique – et donc économique – de tout le Chablais.
Depuis 2007, leur fonctionnement repose sur un accord équilibré entre les partenaires suisses et les collectivités françaises. Mais la demande croissante de transport et l'augmentation des coûts ont fait exploser la participation des intercommunalités. Les usagers étant pris en otage, avec une offre fortement dégradée, cette situation n'est plus soutenable pour nos territoires, d'autant qu'elle découle directement d'accords bilatéraux et de politiques économiques qui dépassent le cadre local.
Or le transport lacustre relève de la compétence de l'État. Quelle action entend-il mener pour garantir la pérennité de ces services de transport transfrontalier ?
M. Stéphane Lenormand (LIOT). Le problème des évacuations sanitaires se pose avec acuité depuis quelque temps à Saint-Pierre-et-Miquelon. J'aurai l'occasion d'en discuter avec vos services, car il exigera dans les mois à venir un réel travail de concertation entre les élus et l'État. Il s'agit de sauver des vies, aussi bien en intervenant sur notre territoire qu'en organisant des acheminements en urgence au Canada.
Le quai du Commerce est à l'origine d'un malentendu entre nous, monsieur le ministre. Vous m'aviez certifié en commission que les crédits nécessaires à sa rénovation étaient disponibles, alors qu'il s'agissait en fait de ceux destinés au quai de Miquelon. J'ai ensuite eu une réponse dans l'Hémicycle qui renvoyait les travaux aux calendes grecques, après 2030.
Je souligne à nouveau, et j'y reviendrai lors de l'examen du budget, que le quai du Commerce est situé dans le port d'État de Saint-Pierre-et-Miquelon et qu'il est le seul à permettre l'approvisionnement du territoire. Or il est en piteux état. Une partie est fermée et les dernières études techniques confirment qu'il risque de s'effondrer.
Le Neoliner Origin, qui est une réussite française, va essayer d'accoster ce soir. Il serait dommage qu'il éventre la partie du quai qui nous reste.
Mme Nathalie Coggia (EPR). Je suis régulièrement interpellée par mes concitoyens français à l'étranger qui recherchent une alternative à l'avion pour rejoindre la France depuis Madrid, Porto, Lisbonne ou Barcelone.
Pourriez-vous détailler la stratégie du gouvernement en matière de trains de nuit ou d'augmentation des lignes et fréquences diurnes pour relier la France à la péninsule ibérique de manière pratique et abordable pour les usagers ?
En effet, la fréquence des lignes a diminué depuis la fin du partenariat entre la SNCF et la Renfe (Red nacional de los ferrocarriles españoles). Du fait de notre lenteur à autoriser celle-ci à opérer plus de lignes entre Barcelone et Marseille, Lyon et Paris, la connexion ferroviaire entre la France et l'Espagne s'est détériorée ces dernières années.
Pourrions-nous compter sur des financements européens pour développer les trains de nuit, seule solution possible pour améliorer les liaisons entre l'Espagne, le Portugal et la France ?
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Je suis très heureuse de vous revoir car, lors de votre audition en février dernier, vous aviez promis de me transmettre le planning des travaux de la ligne P du RER. Je ne l'ai toujours pas reçu.
Ses usagers se plaignent qu'il faille batailler pendant des mois pour obtenir la moindre amélioration. Le manque de considération pour leurs besoins n'a malheureusement rien de nouveau. C'est même pour cela que l'offre de transport ferroviaire est autant à côté de la plaque depuis des années. Elle se concentre sur les heures de pointe, alors que 80% des gens prennent le train en dehors de celles-ci, comme l'a montré le rapport de nos collègues Bérenger Cernon et Olga Givernet.
Quand allez-vous changer de méthode pour réellement prendre en compte les besoins des usagers et les remarques qui vous sont faites en commission ? Allez-vous enfin lire les rapports que nous écrivons ?
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). La réouverture des 16 kilomètres de la ligne du Tonkin permettrait enfin de boucler le réseau RER lémanique. Je tenais encore une fois à vous faire part de mon obstination absolue sur ce sujet.
J'en profite pour remercier vos équipes. Votre cabinet et vos administrations sont des interlocuteurs compétents, constructifs et à l'écoute. Ils m'accompagnent pour lever les blocages techniques de ce dossier. Je me charge de mon côté de ceux qui seraient tentés par l'inertie politique, notamment à l'échelle régionale.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). Je reviens sur le fonds de concours créé par la loi pour un nouveau pacte ferroviaire. Si la SNCF fait des bénéfices, c'est bien parce que son actionnaire, l'État, lui demande d'en faire. Et si on lui demande de les réinvestir au profit du réseau alors qu'elle pourrait améliorer son offre, comme le font ses compétiteurs, cela fausse la concurrence. Je ne peux donc que vous inviter à engager la décroissance progressive de ce fonds de concours, afin de mettre la SNCF à égalité avec ses concurrents.
J'évoque souvent l'écocontribution des poids lourds. Je sais très bien qu'une expérimentation est en cours dans la région Grand Est et dans la collectivité européenne d'Alsace, mais il serait nécessaire d'avoir une approche à l'échelle de l'ensemble du pays. Cela serait plus simple et plus lisible pour les transporteurs. Surtout, cela répondrait aux besoins flagrants d'investissement dans les réseaux routiers et ferroviaires.
Enfin, je salue votre action en faveur de la ligne Paris-Clermont-Ferrand. Vous êtes le bienvenu à Clermont pour faire le point sur ce dossier, ce qui nous donnerait aussi l'occasion de parler des petites lignes, aussi bien dans ma région qu'en France.
Mme Véronique Riotton (EPR). La modernisation de la ligne Annecy-Aix-les-Bains ne figure pas dans le nouveau contrat de plan État-région (CPER). Mais nous l'avons envisagée dans le cadre du Serm Genève-Grand Chambéry. Vous vous étiez engagé à réunir son comité de pilotage à la rentrée. Pourriez-vous nous éclairer sur le financement de ce projet et sur la place des parlementaires dans le suivi de ce dernier ?
M. Philippe Tabarot, ministre. Madame Coggia, les crédits destinés au Corac ne sont clairement pas au niveau que nous attendons. Je souhaite que les objectifs fixés par le président de la République soient respectés. L'année dernière, ils avaient été quasiment atteints. Pour 2026, les crédits sont à un niveau très bas. Mais nous souhaitons les compléter grâce à des financements du plan France 2030, car il est impératif que nous restions leader au niveau mondial. L'aéronautique est une filière d'excellence, qui contribue par dizaines de milliards à notre balance commerciale – ce qui n'est pas le cas de tous les secteurs d'activité. Nous resterons à la première place si nous investissons dès maintenant dans l'avenir, y compris au sujet de la décarbonation et des carburants durables.
Une décision de justice interviendra dans les semaines à venir sur le projet de l'A69, madame Stambach-Terrenoir. J'ai cru comprendre qu'une procédure pénale était en cours au sujet des faits que vous avez décrits. Je vous rassure : je n'en sais pas plus que ce que j'ai lu dans la presse. Je crois que la procédure avance. Si des personnes sont responsables de ces actes, elles seront condamnées. Je souhaite que l'on distingue bien la procédure administrative concernant l'A69, d'une part, et la procédure pénale visant un certain nombre de personnes, d'autre part.
Monsieur Eskenazi, je suis tout à fait favorable à votre amendement. La trésorerie du fonds de compensation des nuisances aéroportuaires doit servir à financer des investissements sur les territoires concernés. Il faut trouver des solutions pour aider les personnes à financer le reste à payer quand elles n'en ont pas les moyens, par exemple en augmentant la part des subventions. Votre initiative est pertinente et il faudra de toute manière que l'on agisse pour investir les sommes qui ont été collectées. Il est insupportable qu'elles ne soient pas affectées à des investissements, alors même que les demandes n'ont jamais été aussi nombreuses. Je tolèrerai que Bercy récupère les 28 millions qui ont été prêtés au moment du covid, mais le reste doit servir à faire les travaux d'insonorisation demandés par les riverains des aéroports de Paris.
Madame Violland, le transport lacustre sur le lac Léman, qui doit répondre à une demande croissante des travailleurs transfrontaliers, connaît de nombreuses difficultés, notamment depuis 2019. Ce sujet fait l'objet de négociations dans le cadre de l'élaboration de la nouvelle convention post-2025, le dossier étant suivi par l'ambassadrice de France en Suisse puisque cette question relève de la compétence du ministre des affaires étrangères. La première réunion du comité de pilotage franco-suisse a eu lieu récemment. Un mandat a été donné pour constituer un groupement européen de coopération. Pour l'année 2026, faute de solution transitoire le canton de Vaud participera à hauteur d'un tiers du déficit, ce qui permettra une économie de 4 millions de francs suisses par rapport à 2025. Cette solution doit être adoptée par les conseils communautaires français et par le Grand Conseil vaudois.
Les treize ports sur le lac Léman constituent une exception car, contrairement aux autres ports de plaisance, ils n'ont pas été transférés aux collectivités et demeurent la propriété de l'État. Les échéances des différentes concessions s'échelonnent entre 2025 et 2032. Une concertation a été engagée depuis septembre dernier par la préfète de Haute-Savoie, qui a réuni l'ensemble des acteurs locaux – en associant les parlementaires – afin de trouver la solution la plus adaptée à leurs attentes tout en garantissant l'attractivité des ports du Léman. Une réunion franco-suisse se tiendra prochainement pour définir les modalités qui entreront en vigueur le 15 décembre prochain. À la suite d'une visioconférence qui a eu lieu le 30 septembre, des ajustements ont été opérés sur les différentes lignes. La ligne N1 Évian-Lausanne demeure rentable grâce à l'engagement pris pour la soutenir financièrement et pour préserver les dessertes de week-end. En revanche, la fréquence de la ligne N2 Thonon-Lausanne sera réduite en 2026. Le coût supporté par les collectivités françaises a considérablement augmenté, passant de 500 000 euros à 4 millions par an.
Le statut du transport lacustre sur le lac Léman pose d'importantes questions juridiques. La solution retenue à court terme n'est pas parfaite, mais elle permettra de maintenir les dessertes, notamment grâce à une société publique détenue à 57% par le canton de Vaud. À plus long terme, une évolution du statut juridique du lac Léman pourrait s'avérer nécessaire pour sécuriser durablement ces liaisons essentielles pour les territoires transfrontaliers.
J'ai eu un entretien téléphonique intéressant avec le président du conseil départemental de la Haute-Savoie, M. Saddier, qui m'a dit être particulièrement attentif à tous ces sujets et être disposé à apporter le soutien nécessaire aux différents projets.
S'agissant de la ligne du Tonkin, les modalités de remise en exploitation de la ligne Sud-Léman restent à définir et doivent être discutées dans le cadre du Serm. Je rappelle que nous prenons en charge les études de préfiguration. Ce projet de Serm concernant également la Suisse, il faut mesurer la complexité du dossier. La Société des grands projets étudie une offre-cible multimodale adaptée aux enjeux du territoire en matière de mobilité. La ligne Sud-Léman est concernée par les analyses menées et fait l'objet de larges discussions dans le cadre du dialogue territorial.
Monsieur Lenormand, je bats ma coulpe car j'ai de bonne foi confondu les choses la dernière fois. Je vous prie de bien vouloir m'excuser. Je sais quelle est l'importance du port de commerce de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui est indispensable à l'approvisionnement des deux îles Des investissements importants sont nécessaires pour garantir un niveau d'entretien et de sécurité suffisants. Le problème est identifié et il a fait l'objet de plusieurs missions.
S'agissant de Miquelon, pas moins de 13 millions sont prévus pour la période 2024-2027 dans le cadre du contrat de convergence et de transformation. Ce montant doit permettre de pallier les urgences et d'engager la réhabilitation des quais, dont les derniers diagnostics montrent qu'ils se dégradent plus rapidement que prévu.
En ce qui concerne le port de Saint-Pierre, un montant compris entre 19 et 32 millions est nécessaire pour la remise en état du quai du Commerce. Des discussions sont en cours avec le ministère des outre-mer pour trouver une solution.
Mme Coggia m'a interrogé sur les liaisons ferroviaires entre la France et l'Espagne.
Nous y travaillons beaucoup avec mon homologue espagnol. Mais nous rencontrons un certain nombre de difficultés, liées notamment à l'homologation du matériel espagnol Talgo (Tren articulado ligero Goicoechea Oriol). C'est la raison pour laquelle l'expansion de l'activité de la Renfe a été freinée en France, ainsi que dans d'autres pays européens. Il n'y a aucune volonté de limiter l'exploitation de lignes sur notre territoire par la compagnie ferroviaire de nos amis espagnols.
Ensuite, la priorité a été accordée aux lignes à grande vitesse à travers les liaisons Montpellier-Perpignan et Bordeaux-Dax, dans le cadre du grand projet ferroviaire du Sud-Ouest. Nous travaillons avec mon collègue espagnol sur ce sujet et le COI, qui a été missionné, donnera son avis sur le projet. Je dois prochainement rencontrer les deux présidents de région concernés, Carole Delga et Alain Rousset, pour réaffirmer notre volonté de mener ce projet à bien. Je me rendrai aussi à la frontière espagnole pour rencontrer mon homologue, en compagnie du commissaire européen. Il s'agit d'un projet transfrontalier européen par excellence, et les financements de l'Union seraient susceptibles d'atteindre un niveau supérieur à ce qui est prévu actuellement afin de pouvoir le mener à bien.
Malheureusement, il n'y a pas de trains de nuit entre nos deux pays, l'Espagne n'en disposant pas – alors qu'elle est très avancée sur d'autres projets ferroviaires. Si nous voulons développer cette offre, il nous faudra conclure un accord avec nos partenaires espagnols. À nous de leur faire découvrir nos magnifiques trains de nuit, en 2030 !
Madame Soudais, je crois avoir répondu à votre question écrite en avril. J'ai souvenir de vous avoir adressé un courrier à ce sujet. J'ai également répondu à votre courrier du 12 mai. Je vous rappelle que le calendrier des travaux est établi par SNCF Transilien et non par l'État.
Madame Riotton, le projet initial de modernisation de la ligne Aix-les-Bains-Annecy prévoyait la réalisation d'une première phase de travaux entre Annecy et Rumilly consistant en un doublement partiel des voies et une reprise de la signalisation, pour un gain de dix minutes. La modernisation du poste d'aiguillage et de signalisation, prévue dans le cadre de cette première phase, est réalisée. C'est une étape préalable à l'ajout de trains sur cette ligne en voie unique qui est l'une des plus empruntées de France. La première phase comporte des aménagements physiques permettant la circulation de trains périurbains supplémentaires entre Rumilly et Annecy, tandis que les aménagements physiques prévus par la deuxième phase autoriseront la circulation de trains périurbains entre Aix-les-Bains et Entrelacs. Le coût total de ces opérations est estimé à au moins 500 millions.
Les études d'avant-projet réalisées dans le cadre du CPER 2015-2020 ont révélé une hausse du coût de la première phase, qui est passé de 160 à 220 millions, à la suite du désengagement de la région. Les travaux réalisés à Lyon ont conduit à optimiser les dessertes Lyon-Annecy, plus précisément à augmenter le nombre de dessertes intermédiaires et à réduire le nombre de dessertes directes. Le comité de pilotage de février 2022 a décidé de suspendre les études relatives à ce projet, dont le budget prévu était de 15 millions.
En l'absence de financement assuré pour les travaux, SNCF Réseau disposant de moyens limités, le caractère prioritaire de cette opération ne fait plus consensus parmi les acteurs locaux. Une préférence s'exprime toutefois pour la ligne desservant La Roche-sur-Foron et Annemasse, qui est connectée au Serm Annemasse-Genève. Les évolutions de la desserte et les ambitions nourries dans le cadre du Serm remettent en question le projet qui a été établi. Le comité de pilotage de novembre 2024 relatif à l'étoile ferroviaire de Chambéry a estimé que les aménagements physiques prévus dans la deuxième phase ainsi que la modernisation des postes d'aiguillage et de signalisation apparaissaient suffisants pour atteindre les objectifs de desserte souhaitée par les acteurs savoyards. La communauté d'agglomération du Grand Annecy a pour ambition d'améliorer les dessertes périurbaines, tant au Sud qu'à l'Est, et de rouvrir la halle de Saint-Martin-Bellevue, située en direction de La Roche-sur-Foron.
Au-delà de ces rappels, j'ai le plaisir de vous confirmer qu'un comité de pilotage sera organisé très prochainement, ce qui marque l'aboutissement d'une longue attente. Le comité associera les parlementaires, conformément à la demande que vous aviez formulée. Comme nous nous y sommes engagés lors de notre rencontre de juin, nous veillerons à ce que l'État soit représenté, notamment en la personne de Mme la préfète. Je souhaite également que les autres partenaires soient présents. Il convient de rappeler au président de la région et au président du département l'intérêt de ces projets, qui, quoique lourds financièrement, sont indispensables à la desserte de vos territoires.
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). La question, monsieur le ministre, n'est pas de savoir si vous m'avez écrit mais si vous avez tenu votre promesse. Vous m'avez promis un agenda de travaux que vous ne m'avez pas envoyé. Vous pouvez en imputer la faute à la SNCF mais, dans ce cas, ne faites pas de promesses que vous n'êtes pas capable d'honorer. C'est cela qui explique que les usagers n'en peuvent plus ; ils ont l'impression de se battre contre des moulins à vent et, au bout d'un certain temps, n'ont plus envie de prendre le train. Faute d'information, ils ne sont pas sûrs d'avoir un train le soir, par exemple, et ne peuvent pas aller travailler sereinement.
M. Philippe Tabarot, ministre. Madame Soudais, comme je vous l'ai dit, il appartient à SNCF Transilien de vous donner le calendrier : ce n'est pas une compétence de l'État. Je me propose, si vous le souhaitez, de saisir cette entreprise pour qu'elle prenne votre attache et vous communique, en toute transparence, le calendrier de la ligne P. J'ai conscience des difficultés existantes sur cette ligne. Grâce à ce calendrier, vous pourrez informer vos administrés de l'ambition de SNCF Transilien concernant ce projet et leur permettre de s'organiser face à ces travaux d'ampleur qui les affecteront durablement mais qui, nous l'espérons, leur offriront, à terme, une amélioration du service. Je dispose d'informations partielles mais, objectivement, ce n'est pas à moi de vous les communiquer. Ce que je peux vous dire, c'est que les choses vont évoluer très nettement à partir du premier semestre de 2026 ; des fermetures interviendront à certaines heures, notamment le week-end. Comme vous le savez, l'État accroît significativement ses investissements sur cette ligne, à hauteur de 17,5 millions, qui ont déjà été engagés en application du CPER 2023-2027.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 30 octobre 2025