Déclaration de Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics, sur le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025, à l'Assemblée nationale le 12 novembre 2025.

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Circonstance : Audition devant la Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale

Texte intégral

M. le président Éric Coquerel. Nous allons entendre ce matin Mme Amélie de Montchalin sur le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour l'année 2025, qui a été présenté avant-hier en Conseil des ministres.

Ce texte, qui entre dans la catégorie créée par la réforme organique du 28 décembre 2021 des collectifs de fin de gestion, se distingue d'un collectif budgétaire ordinaire par le fait qu'il est impossible qu'il comprenne des mesures fiscales, à l'exception des modifications d'affectation de recettes fiscales ou des mesures relatives aux prélèvements sur recettes, lors de son dépôt ou postérieurement à ce dépôt. Il est même impossible d'y faire figurer des dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques, sur la comptabilité publique ou sur l'approbation de conventions financières, ou encore des dispositions relatives aux dépenses qui n'auraient aucun impact sur l'année en cours. Ce sont autant de causes supplémentaires d'irrecevabilité auxquelles il faudra être vigilant lors du dépôt des amendements.

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics. Le PLFG pour 2025 constitue le dernier jalon dans l'exécution de la loi de finances pour 2025 promulguée le 14 février dernier. Ce texte technique retrace les principaux événements survenus en cours de gestion et propose d'ajuster la répartition de certains crédits pour répondre aux imprévus auxquels nous avons dû faire face. Il n'a pas d'autre objectif que de garantir précisément et en toute transparence la bonne exécution de la dépense. C'est donc un jalon essentiel pour respecter la cible de déficit qui avait été fixée à 5,4% du PIB. Ce texte ne comprend aucune dépense ou aucune économie supplémentaire, et il ne contient rien que vous ne connaissiez déjà.

Avant de vous le présenter en détail, je signale la présence d'une coquille dans les tableaux non normatifs relatifs aux modifications intervenues en gestion. En effet, les lignes ont été mécaniquement et artificiellement majorées du fait de l'intégration aux mouvements intervenus en gestion de certains crédits ouverts au titre du décret " services votés ". Cette coquille a été rectifiée lundi soir – M. le rapporteur général et M. le président ont reçu les tableaux exacts.

Les cinq principales ouvertures de crédits, qui justifient que ce texte doit être voté pour que nous puissions finir correctement l'année, sont les suivantes.

La première concerne l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et la prime d'activité, dont la dynamique a été plus allante qu'anticipé. Nous ouvrons 450 millions d'euros de crédits pour garantir le versement intégral aux allocataires en décembre. Si ce texte n'est pas voté, le Gouvernement ne pourra pas l'assurer.

La deuxième ouverture représente 119 millions d'euros, pour maintenir ouvertes les 203 000 places d'hébergement d'urgence dont nous disposons jusqu'à la fin de l'année.

La troisième, tout aussi essentielle, s'élève à 190 millions d'euros pour la mission Sécurités. Elle vise à répondre aux besoins de protection des populations à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie et à tenir compte du coût des incendies de grande ampleur qui ont frappé le pays cet été. Par ailleurs, 45 millions d'euros sont ouverts sur le programme Conditions de vie en outre-mer pour faire face aux dépenses exceptionnelles à Mayotte après le passage du cyclone Chido et à La Réunion après le cyclone Garance.

La quatrième ouverture concerne la mission Défense, avec 349 millions d'euros pour financer les surcoûts opérationnels dans un contexte de tensions croissantes et pour accélérer l'effort de réarmement souhaité et annoncé par le Président de la République.

Enfin, la cinquième ouverture vise à respecter nos engagements contractuels en matière de production d'énergie renouvelable, à hauteur de 1,1 milliard d'euros.

Grâce à ce texte, nous pourrons remplir nos obligations et faire face aux différents besoins évoqués.

Pour l'essentiel, ces ouvertures de crédits sont gagées par des annulations de la réserve de précaution qui, depuis cette année, permet de couvrir les besoins d'ouverture au niveau interministériel. Les autres annulations prévues par ce PLFG visent à ajuster le niveau de dépenses à la trésorerie restante des opérateurs. C'est ainsi que des annulations à hauteur de 1,6 milliard d'euros sont proposées au titre de la mission Investir pour la France de 2030, car les opérateurs mettant en œuvre le plan disposaient déjà d'une trésorerie suffisante pour faire face à leurs engagements et n'avaient pas besoin de crédits complémentaires. Je le dis très sereinement : ces annulations n'ont pas conduit et ne conduiront pas à une remise en question ni des engagements pris ni des appels à projets ouverts.

Il n'y a donc aucune coupe dans les budgets des ministères ou dans les prestations. Il s'agit de mettre en œuvre les principes de bonne gestion qui, à eux seuls, devraient nous permettre d'atteindre la cible de dépenses inscrite dans la loi de finances pour 2025.

Par le compromis que vous aviez trouvé au début d'année, nous nous sommes collectivement engagés à tenir ce déficit à 5,4% du PIB. Nous sommes en passe de remplir cet engagement. Comme l'indique le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) dans son avis, " le caractère crédible de la prévision du PLFG à 5,4 points de PIB ne signifie pas que l'atteinte de ce chiffre est certaine, mais que cette prévision apparaît centrale au regard des informations disponibles à ce jour et que les aléas autour de celle-ci sont globalement équilibrés. Une stricte maîtrise en fin de gestion des objectifs de dépenses pilotables accroît les chances de tenir l'objectif de solde […] ". C'est tout l'objet de ce texte.

Après 5,8% de déficit en 2024, nos finances publiques font un premier pas essentiel vers la voie de la consolidation. Grâce à ces efforts, la cible de 3% pour 2029 sur laquelle nous nous sommes engagés demeure atteignable.

Ce bon résultat illustre notre vigilance collective et partagée avec tous au cours de l'année, puisque nous pouvons dire que la dépense a été tenue. L'atterrissage des dépenses relevant du périmètre des dépenses de l'État est en ligne avec ce qui avait été voté en loi de finances pour l'année. Elles comprennent notamment les dépenses des ministères et les prélèvements sur recettes en faveur des collectivités territoriales et de l'Union européenne.

Dans le même temps, alors que l'économie est demeurée résiliente, avec 0,7% de croissance, les recettes fiscales sont en ligne avec la cible retenue en début d'année. Les bonnes performances de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés ont compensé la dégradation des recettes de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – dans des proportions bien moindres et plus mesurées qu'en 2023 et en 2024, je tiens à le signaler.

Tenir l'objectif de déficit pour 2025, c'est aussi montrer que nous pouvons y arriver. Comme l'a rappelé le Premier ministre à de nombreuses reprises, le Gouvernement se place plus que jamais au service du Parlement : le Gouvernement a proposé, le Parlement a disposé et a voté, et le Gouvernement s'est engagé à mettre en œuvre le compromis trouvé. Ce résultat est aussi un gage de crédibilité, vis-à-vis de nos partenaires européens et internationaux, vis-à-vis de nos créanciers, vis-à-vis de vous, parlementaires qui votez la loi et attendez légitimement qu'elle soit appliquée, et vis-à-vis des Français qui veulent que les efforts paient et que les engagements pris soient tenus.

Après deux années marquées par des dérapages budgétaires, nous avions décidé avec vous de changer de méthode. Nous avons annoncé en mars un plan d'action, que j'étais venue présenter ici, pour améliorer le pilotage des finances publiques. Avec le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique Éric Lombard, nous avons cherché tout au long de l'année à perfectionner les outils de prévision et de suivi, et à garantir plus de transparence et de redevabilité.

Nous avons créé le comité d'alerte des finances publiques. Deux éditions avaient été organisées, en avril et en juin. Nous vous avions donné rendez-vous, ainsi qu'aux élus locaux et aux organisations syndicales et patronales, pour vous informer des dernières évolutions de nos comptes publics et pour vous présenter les mesures que le Gouvernement comptait prendre pour y faire face. Ces échéances ont permis de prendre des décisions fortes, suffisamment tôt pour nous permettre de contrôler la dépense. Des annulations de crédits avaient ainsi été décidées fin avril, suivies d'un " surgel " transverse en septembre pour renforcer la réserve de précaution. Les comités d'alerte ont été un outil de pilotage utile et transparent. Je vous propose de les reconduire l'an prochain, avec un rendez-vous au printemps, un autre à l'été et un troisième pour préparer la présentation du prochain projet de loi de finances.

Ce PLFG pour 2025 permet d'apporter les derniers ajustements sur l'exécution de cette année, qui a été conduite avec vigilance et anticipation. Le Gouvernement est au rendez-vous des engagements que vous aviez pris en février dernier. Ce résultat doit servir de socle pour, de nouveau, voter des objectifs crédibles et réalistes dans les textes financiers pour 2026 qui ne valent rien si l'exécution, ensuite, n'est pas tenue. La marche passée en 2025 nous permet de considérer que ce que nous faisons a du sens et peut s'appliquer. C'est l'essentiel.

M. le président Éric Coquerel. Depuis cet été, nous vous avons alertée avec plusieurs députés, dont Charles de Courson lorsqu'il était rapporteur général, sur le décrochage des recettes de TVA. Vous avez tenté de nous rassurer. La prévision de recettes initiale était trop optimiste. Alors que la loi de finances pour 2025 prévoyait 15 milliards d'euros de coupes par rapport à 2024, la consommation populaire ne pouvait que ralentir. Les effets de ces coupes sont aggravés, puisqu'il est proposé d'annuler 5,7 milliards d'euros de crédits supplémentaires – soit, en cumulant avec les crédits annulés en avril, plus de 8 milliards d'euros par rapport aux crédits ouverts par la loi de finances pour 2025. Je viens d'entendre que, pour vous, cela n'obérera en rien les moyens des ministères. Je suis malgré tout étonné que les 8 milliards d'euros en moins par rapport à la copie initiale passent en quelque sorte par pertes et profits.

Une moins-value de 5 milliards d'euros de TVA par rapport à la prévision initiale est attendue. Malgré une inflation de 1,1%, les recettes de TVA devraient être inférieures de 300 millions d'euros à celles de l'année dernière, soit un niveau inférieur de 1,4 milliard d'euros à celui qu'auraient dû atteindre les recettes si elles avaient juste suivi l'inflation. Le problème est plus grave encore, puisqu'il s'agit uniquement de la part des recettes qui revient à l'État, soit la moitié des recettes totales. La moins-value totale devrait donc être de 10 milliards d'euros. En effet, on sait que la TVA ne rentre plus que pour un peu moins de la moitié dans les recettes de l'État. N'y voyez-vous pas l'impasse dans laquelle nous mènent ces coupes ? Les effets de réductions sur l'activité économique se traduisent par une baisse de certaines recettes, et donc une aggravation du déficit que vous tentez de réduire ensuite par de nouvelles baisses de dépenses, lesquelles réduisent encore plus l'activité. Ne voyez-vous pas, ici, un cercle récessif ?

Ma deuxième question concerne les contributions au service public de l'électricité (CSPE). Lors de votre audition en juillet, je vous avais interrogée sur les crédits dédiés à la compensation des producteurs d'énergies renouvelables. Si, facialement, les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables augmentent, ce n'est pas parce que l'État fait un effort plus important – je l'avais déjà souligné –, mais parce qu'il doit compenser ces producteurs. Alors que les crédits de cette mission augmentent d'à peine 100 millions d'euros entre la loi de finances pour 2025 et le PLF pour 2026, nous constatons au sein de ce montant une augmentation de 3 milliards d'euros des crédits liés à la compensation. Ces 3 milliards d'euros ne sont pas des investissements supplémentaires, mais simplement des engagements passés. Cela signifie que les autres lignes de la mission ont diminué de 2,9 milliards d'euros. Dans le cas du PLFG, ces crédits induisent également une lecture biaisée de ce qui est proposé par le Gouvernement. Certes 3,3 milliards de crédits supplémentaires sont ouverts par ce PLFG, mais ils comprennent 1,1 milliard pour la compensation des producteurs d'énergie renouvelable. Ne serait-il pas nécessaire de modifier la maquette, pour que les efforts en faveur de la bifurcation écologique soient plus lisibles ?

Enfin, s'agissant du budget de la sécurité civile qui était prévu en baisse de 66,3 millions d'euros pour 2025, soit une baisse de 7,5%, vous avez finalement ouvert 120,4 millions d'euros de crédits, en lien avec les incendies extrêmes auxquels nous avons fait face cet été. Dans les budgets à venir, ne faudrait-il pas prévoir une enveloppe pour ces réactions au dérèglement climatique qui, malheureusement, ne seront plus exceptionnelles, mais deviendront la règle ? Les budgets proposés peuvent-ils répondre à cette évolution ? Ne serez-vous pas amenés, à chaque budget rectificatif, à abonder un budget qui n'avait pas été prévu à cet effet ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. La question de la TVA nous a tous occupés. En valeur, le PIB a augmenté de 2,3% et la consommation de 1,6% – ce sont les données que nous avons prises dans la prévision de notre PIB pour 2025. Par ailleurs, l'assiette taxable a augmenté de 1,7%. Le sujet n'est donc pas tant celui de la dynamique économique que celui de la TVA. J'ai relancé une mission de l'Inspection générale des finances (IGF) avec tous les services de Bercy pour comprendre pourquoi la recette n'avait pas augmenté dans les mêmes proportions que l'assiette taxable.

Parmi les pistes que nous étudions, il y a celle de la consommation de petits colis. La semaine dernière, 200 000 colis ont été contrôlés à l'aéroport de Roissy en une journée. Cette consommation étant effective, puisqu'elle est décaissée, de la TVA devrait y correspondre, mais ces circuits sont parfois exonérés de droits de douane et de TVA. Au-delà des fraudes, nous avons constaté en effet, dans les paquets qui ont été contrôlés, une sous-déclaration massive de valeur et des importations pour revente et non à destination de particuliers. C'est une première source de perte de TVA.

Nous devons aussi nous améliorer dans le suivi des paiements d'une forme d'activité non déclarée, qui est une autre source de potentielle perte massive de TVA.

Plus largement, se posent des enjeux de fraude. C'est pourquoi le Gouvernement continue de pousser pour l'usage de la facturation électronique. Le bon suivi des chaînes de paiement grâce à ce dispositif devrait permettre en effet de récupérer 2 à 3 milliards de TVA.

En somme, concernant la TVA, le sujet n'est pas l'effondrement de l'assiette taxable, mais sa décorrélation avec la fiscalité engrangée. Nous pourrons discuter des conclusions de la mission.

J'en viens à votre question relative aux annulations. Nous tenons le périmètre des dépenses de l'État à 300 millions d'euros près. Nous avions annoncé un chiffre, qui figure dans les tableaux qui vous ont été remis, nous avons ensuite exécuté la dépense, et le total des dépenses effectives sera supérieur de 300 millions d'euros à ce que nous avions prévu. En parallèle des annulations, nous proposons des ouvertures. Contrairement à ce que certains ont pu croire, nous n'annulons pas des dépenses pour faire des économies supplémentaires, je le dis très sereinement. Les annulations sont nécessaires pour tenir compte des reports.

Concernant les CSPE, nous avons débudgétisé 3,1 milliards d'euros car nous compensons à présent la cogénération et les dépenses pour les zones non interconnectées (ZNI) par les accises. Celles-ci n'augmentent pas, mais sont dédiées à de nouveaux objectifs financiers. Ces 3,1 milliards d'euros se font hors du budget. Inversement, je vous garantis que, hors CSPE, les budgets de la mission Écologie, développement et mobilité durable sont en légère hausse, à 700 millions d'euros. Nous n'avons pas masqué une baisse de 2,9 milliards d'euros pour les dépenses d'écologie pour financer des engagements contractuels.

Par ailleurs, à l'article 19 du PLF pour 2026, une imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (Ifer) majorée est proposée pour que les plus vieux contrats d'énergies renouvelables, en particulier d'énergie photovoltaïque, contribuent à une forme de rétrocession d'une partie des marges liées au fait qu'à l'époque, on n'imaginait pas que les prix de l'électricité et la rentabilité atteindraient les niveaux actuellement observés.

Enfin, j'ai beaucoup poussé pour que la réserve soit désormais interministérielle et nous permette de faire la bonne gestion constatée en 2025. Pour autant, vous avez raison de dire que les enveloppes de gestion de crise ne sont pas simples à identifier quand nous votons les projets de loi de finances pour l'année. L'enveloppe des dépenses à " interministérialiser " s'élève à 1 milliard d'euros environ. Mais, dans le budget de la sécurité civile, dans celui de l'outre-mer ou dans celui du ministère de l'intérieur, les provisions pour crise sont faibles. Nous en débattrons prochainement, notamment au sujet des niches fiscales supportées par le budget outre-mer. Après quelques mois de suivi de l'exécution des budgets, mon intuition est que le ministère des outre-mer gagnerait à avoir une enveloppe plus libre d'emploi. Chaque année, en effet, on finance les crises – souvent climatiques – par la solidarité interministérielle et en activant les budgets de l'éducation, de l'écologie, du transport ou du logement. Une réflexion structurante serait pertinente en la matière, dans la mesure où le monde est confronté à un nombre croissant de chocs, en particulier climatiques.

M. le président Éric Coquerel. Je suis étonné que vous n'imputiez en rien la baisse de la TVA à celle de la consommation des ménages.

J'ai noté ce que vous avez dit concernant les CSPE. Du même coup, les crédits sont perturbants, de manière faciale. Il serait intéressant d'envisager un changement de maquette, pour plus de clarté.

Enfin, l'imprévisibilité des crises ne concernera pas seulement l'outre-mer.

Présidence de M. François Jolivet, vice-président de la commission.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le Gouvernement maintient la prévision de solde à – 5,4% du PIB, comme prévu dans la loi de finances pour l'année. Cela signifie que le déficit reste massif et structurel, sans inflexion de la trajectoire. La dette continue donc de croître et notre pays demeure l'un des plus déséquilibrés de la zone euro.

Le solde budgétaire s'améliore légèrement. À – 131 milliards d'euros, il est supérieur de 8 milliards d'euros à la prévision de déficit budgétaire de la loi de finances initiale,  mais il ne faut pas se faire d'illusions, cette amélioration doit beaucoup à des facteurs conjoncturels : la baisse de la charge de la dette, les taux et des ajustements techniques. Ce n'est donc pas une amélioration structurelle.

Concernant les recettes, les hausses d'impôts sur les sociétés, outre certaines taxes énergétiques, compensent la dégradation des recettes de la TVA, qui nous renvoie à une interrogation sur la consommation.

S'agissant des dépenses, le Gouvernement se félicite de tenir la cible des 488 milliards d'euros pour le périmètre de l'État. Mais il faut rappeler que cette stabilité apparente marque en fait une succession d'ajustements en cours d'année : 2,7 milliards d'euros conformément au décret d'annulation de crédits, 4 milliards d'euros de surgels et, dans le PLFG, 4,2 milliards d'euros d'annulations, compensant à peine les 3 milliards d'euros d'ouvertures nouvelles.

La gestion reste donc sous tension et sans vision d'ensemble, avec des dégels et des regels – donnant ainsi l'impression d'une maîtrise du budget. La véritable revue de la dépense publique et de la réduction du train de vie de l'État doit être une priorité pour 2026. Ce PLFG doit nous éclairer sur l'exercice futur.

Dans son avis, le HCFP rappelle que pour 2025, l'effort de réduction du déficit repose uniquement sur les hausses de prélèvements obligatoires et que " l'effort en dépenses serait nul ".

Ma première question concerne le financement de nos obligations contractuelles à propos des énergies renouvelables, pour 1,1 milliard d'euros. C'est une somme considérable. Pouvez-vous nous éclairer sur ces fameux engagements contractuels et, surtout, sur leur pérennité ? L'argent des Français continuera-t-il, chaque année, à compenser ces engagements ? Si ces derniers ont pour conséquence de devoir ouvrir des lignes de crédits, faut-il les revoir ? A-t-on la possibilité de le faire ? Est-ce crédible ? Est-ce souhaitable ?

Ma deuxième question concerne la diminution de la consommation. Vous avez expliqué que le modèle des petits colis prenait en défaut cette invention française qu'est la TVA. Vous avez également mentionné une " sous-déclaration massive " dans les petits colis. Pouvez-vous la quantifier ? Comment peut-on y remédier ? Vous avez également évoqué, parmi les voies de solution, la facturation électronique. Comment ce dispositif pourrait-il nous aider à la régler la question de la sous-déclaration massive pour les colis qui arrivent en France puisque, par définition, le producteur chinois n'est pas soumis à la facture électronique ?

Par ailleurs, la Grèce que tout le monde montrait du doigt voilà quelques années et qui était aux prises avec les difficultés budgétaires que l'on sait, rembourse par anticipation les prêts qui lui ont été consentis. Elle contribue ainsi à une amélioration de 1,1 milliard d'euros du solde du compte de concours financier Prêts à des États étrangers. C'est remarquable. Au-delà du PLFG, pensez-vous que l'on puisse tirer des leçons de l'exemple grec, que nous suivons depuis une quinzaine d'années ?

Enfin, les chiffres qui ont été présentés il y a quelques semaines concernant la consommation sont-ils de nature à modifier à nouveau les équilibres globaux du PLFG d'ici à la fin de l'exercice budgétaire ?

L'enjeu de vote est moins important pour le PLFG que pour le PLF. Néanmoins, il est important que nous envoyions un signal et que, malgré les interrogations que je nourris face à l'absence de réforme structurelle, nous votions ce PLFG.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Vous avez commencé en disant que ce PLFG ne portait pas une vision d'ensemble. Depuis ma prise de fonctions, il m'a semblé essentiel de faire deux choses, qui se traduisent dans ce texte.

La première était la création d'une vraie mise en réserve interministérielle, pour gérer les aléas haussiers et baissiers qui se produisent chaque année. Historiquement, les réserves étaient ministérielles, ce qui ne favorisait pas à une bonne régulation de la dépense. En effet, aucun ministère n'était incité à faire des économies, puisque leurs réserves étaient, en somme, leur propriété. Quant aux ministères qui rencontraient des aléas, ils se retrouvaient dans des situations difficiles – je pense notamment aux enjeux concernant l'outre-mer ou la sécurité. Cette réserve interministérielle a donc été créée et présentée lors du comité d'alerte d'avril. Elle devait nous aider à atteindre nos objectifs, et je crois que cela a fonctionné.

La deuxième chose a consisté à vous associer, en toute transparence. J'ai eu l'honneur de siéger dans cette commission comme députée, à une époque où l'exécution n'était jamais suivie. Cela nous occupait au mieux une heure par an. Je ne parle pas de l'évaluation des politiques publiques, mais bien de leur exécution. Certes, les années 2023 et 2024 ont été particulières compte tenu de l'inflation et de plusieurs crises. Ce qui s'est produit fin 2024 dans les débats budgétaires était dû en partie au fait que les députés ne se sentaient pas suffisamment informés et sereins quant à la réalité des chiffres qui leur étaient présentés. Nous avons réuni deux comités d'alerte et rendu publiques toutes les données dont nous avions connaissance – pour l'État, pour les collectivités et pour les hôpitaux. C'est une vision non pas d'ensemble à l'euro près, mais de méthode, qui me semble avoir été déterminante pour parvenir en fin d'année à ce résultat d'un déficit en ligne avec les prévisions.

Par ailleurs, la France n'est, à de nombreux égards, pas comparable à la Grèce. La crise grecque a commencé précisément en raison d'un défaut de communication, et avec un déficit d'abord estimé à 5% du PIB grec, puis à 7%, puis à 9% et finalement à 12% pour l'année 2009. En outre, la croissance économique française est, encore au troisième trimestre, bien supérieure en France qu'en Grèce. Certes, la Grèce rembourse de manière anticipée ses créances vis-à-vis des autres pays européens – dont 1,1 milliard d'euros de créances de la France –, mais, pour réussir à rembourser sa dette, la Grèce doit générer chaque année un excédent primaire de 3 points de PIB. La leçon à tirer est donc qu'un pays peut être asphyxié par sa charge d'intérêt. Pour nous, cela représenterait deux fois plus d'efforts que ce que nous essayons de faire d'ici à 2029.

J'en viens aux remarques selon lesquelles l'État devrait se serrer la ceinture. Pour le grand public comme pour vous, il me semble utile de comparer l'évolution de la dépense entre la fin de l'année 2023 et aujourd'hui. En cumul, les dépenses de l'État et des opérateurs ont baissé de 0,1%. En volume, depuis deux ans, les dépenses sont donc restées stables. Sur la même période, les dépenses des collectivités ont progressé de 3,1% en volume et celles de la sphère sociale ont crû de 5,5%. Les chiffres montrent que nous avons une vision erronée du périmètre sur lequel doivent se concentrer les efforts. Bien sûr que l'État doit se serrer la ceinture et réduire son train de vie mais la réalité est celle des chiffres que je viens de donner. Aussi allons-nous continuer à viser la stabilité des dépenses de l'État et des opérateurs – d'ailleurs, le PLF pour 2026 propose une stabilité en valeur, hors défense. Les enjeux de la sphère locale et de la sphère sociale sont à appréhender de manière collective.

Concernant les petits colis, je rappelle que les droits de douane ne s'appliquent pas en dessous de 150 euros. Il importe donc d'abord que le bien soit facturé au bon prix pour que la TVA s'applique. Or 80 % des colis sont non conformes : pour une moitié en matière de qualité, de sécurité et de contenu, et pour l'autre sur les valeurs déclarées. Puisque lorsque vous sous-déclarez, vous êtes exempté de droits de douane si le montant n'atteint pas 150 euros, la TVA injectée dans le système est massivement inférieure à la valeur effective du bien. Par ailleurs, cette exemption concerne seulement les particuliers. Mais la loi est détournée car, dans nombre de colis, les produits sont en fait destinés à de la revente. Il s'agit donc d'un flux commercial, soumis à d'autres règles d'importation et de fiscalité,notamment des droits de douane.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement vous propose résolument de crééer une taxe sur les petits colis. Sous présidence française du Conseil de l'Union européenne, nous avons également instauré l'union douanière, pour que des droits de douane s'appliquent à tous les colis au 1er janvier 2028 sans la barrière des 150 euros. Nous avons aussi un enjeu de système d'information, pour pouvoir suivre massivement le flux. La France retire 1 produit pour 2 000 produits contrôlés au Havre, quand le ratio est de 1 pour 2 millions dans l'Union européenne. Il faut que nos pratiques deviennent les pratiques européennes.

Quant au sujet de la facturation électronique, il est lié à la TVA, mais pas aux petits colis. Ce dispositif sera, pour les entreprises, l'équivalent de la déclaration du prélèvement à la source pour les particuliers. Toutes les factures devront être reçues par mode électronique à partir de septembre 2026 et émises ainsi à compter de 2027. Après deux cycles de cette mécanique, nous pourrons préremplir les déclarations de TVA. Pour les petites entreprises, cela permettra un gain énorme en productivité, en coût d'expert-comptable et en ressources humaines dédiées à la déclaration de TVA. Pour l'État, ce sera une façon de sécuriser la chaîne, afin que le circuit TVA soit moins fraudé.

Ainsi, pour des raisons différentes, les mesures relatives aux petits colis et la facturation électronique devraient, de manière convergente, améliorer notre rendement de TVA.

J'en viens aux CSPE. Le PLF pour 2026 prévoit la renégociation des contrats S6 et S10, signés entre 2006 et 2010 quand le ministre Jean-Louis Borloo avait lancé le Grenelle de l'environnement. Ces contrats anciens sont rémunérateurs, voire trop rémunérateurs à certains égards. Nous prévoyons également de plafonner les primes négatives, ce qui signifie qu'on arrête de penser qu'on peut payer les producteurs sans plafonnement quand les prix sont négatifs. Cette mesure rapportera 2,5 milliards en 2026. Enfin, on instaure une Ifer supplémentaire.

S'il est important d'avoir des CSPE pour que les personnes qui investissent en France sachent quelle est la rentabilité minimale à attendre, il faudrait aussi avoir des contrats plus courts, compte tenu de l'évolution des marchés énergétiques.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il est pour le moins normal qu'il y ait de la transparence entre le Gouvernement et l'Assemblée nationale. Mais il est vrai que nous avons un peu souffert du manque de transparence, ces dernières années, donc je vous remercie.

Quand j'évoquais l'absence de vision d'ensemble, je parlais de la difficulté majeure que nous avons à baisser la dépense. Nous n'y parvenons pas. Les prélèvements obligatoires augmentent de 0,8 point de PIB, mais on réduit le déficit de 0,4 point de PIB. Jusqu'où faut-il aller ? Si nous ne faisons porter l'effort que sur les prélèvements obligatoires, nous n'y arriverons pas.

Par ailleurs, j'ai été le rapporteur au Parlement européen du code de l'union des douanes. Chaque État étant libre de sa manière de contrôler les flux, nous ne pourrons malheureusement pas changer grand-chose, à moins de revoir le code. Les États sont jaloux de leurs prérogatives.

Enfin, allez-vous rediscuter les contrats en cours, éventuellement pour les raccourcir ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Un nouveau code douanier s'appliquera au 1er janvier 2028, avec une base de données plus transparente entre pays pour que les écarts de contrôle soient détectés. C'est une grande avancée.

Par ailleurs, nous ne pourrons pas renégocier les contrats d'autorité. C'est contractuellement impossible. Ce serait contesté devant le Conseil d'État, puis le Conseil constitutionnel, et l'État devrait rembourser ce qu'il pensera avoir économisé. En revanche, on peut réfléchir à de nouveaux contrats et à la façon de récupérer, par l'Ifer majorée, une partie de la marge que l'on considère comme excessive. Pour notre pays, son État de droit et son attractivité pour les investisseurs, il est utile que nos contrats soient exécutés.

M. François Jolivet, président. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). La France n'est pas la Grèce, mais le personnel politique français actuel ressemble beaucoup au personnel politique grec de l'époque. Je laisse chacun apposer les qualificatifs qui conviennent.

Madame la ministre, vous me faites penser à la Première ministre Mme Borne qui était ravie d'assumer trois budgets en déficit, expliquant qu'elle n'avait pas de leçon à recevoir sur la gestion des finances publiques. Donc cela continue ! Si vous n'aviez pas bénéficié d'une diminution de la charge de la dette de 2,9 milliards d'euros, vous n'auriez pas réussi à atteindre vos objectifs. Si vous n'aviez pas augmenté les impôts de 25 milliards d'euros en dehors de l'évolution spontanée, vous n'auriez pas tenu vos prévisions. Une fois de plus, vous êtes incapable de maîtriser la dépense, qui progresse encore de 1,2% en volume. Vous avez beau nous expliquer chaque année que vous tenez tout à l'euro près, que vous avez compris et que nous allions entrer dans des plans d'économie, vous êtes incapable de tenir la dépense. Quand le rapporteur général vous interroge sur votre incapacité en la matière, vous ne répondez pas à la question. De même, vos prédécesseurs ont été incapables de le faire pendant sept ans de macronisme, malgré les alertes de la Cour des comptes.

Le problème de la France est un problème, non pas de recettes, mais de dépenses, lesquelles sont hors contrôle. Et à chaque fois que l'on vous interroge sur des dépenses précises, ce n'est jamais de votre faute. Ainsi nous avez-vous répondu sur les contrats : « Ah, mais qui aurait pu prévoir la situation de la France avec ces contrats d'énergies renouvelables ? » Mais tout le monde l'avait prévu ! Tous vos opposants l'avaient prévu.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je n'ai pas dit cela.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Si, vous l'avez dit.

Selon vous, il était impossible de savoir qu'on en serait à ce niveau de prix. Mais il n'y a pas de perturbation des prix, cette année. Vous avez donc menti sur la charge des CSPE, l'année dernière. Nous l'avons dénoncé ici-même. Je l'ai dit. La charge était mensongère. Vous devez rajouter 1 milliard d'euros parce que vous avez menti.

Toute la contractualisation autour des énergies renouvelables est une arnaque d'État. C'est une spécialité de la France. De toute façon, notre personnel politique dirigeant est proche du niveau de l'effondrement de l'URSS : il prend des rentes d'État, est très satisfait de lui et dit au bon peuple qu'il n'a qu'à payer pour la faillite collective.

Je vous le dis, madame la ministre, commencer votre audition en expliquant que si l'on ne vote pas votre PLFG, on est des salauds parce que l'aide aux adultes handicapés ne pourra pas être financée, est scandaleux ! Vous avez beau dire que vous considérez que le Parlement est souverain. En fait, si l'on n'est pas d'accord avec vous, on est des méchants élus et on n'est pas correct. On ne laissera pas faire ! On ne se laissera pas intimider. Vous n'avez qu'à tenir la dépense.

Nous expliquer qu'il faut que le Parlement vote de nouveaux crédits pour financer l'AAH alors que dans le PLF pour 2026, vous allez porter atteinte à la justice fiscale s'agissant des personnes en situation de handicap et de leur travail, c'est scandaleux.

Je n'ai aucune question à vous poser puisque, de toute façon, vous ne faites que nous mentir.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Monsieur le député, parler de mensonge est une attaque grave. Je suis ministre depuis le 23 décembre 2024 et je n'ai jamais menti. Il y a une Cour de justice de la République, n'hésitez pas à la saisir.

Vous dites que nous ne tenons pas la dépense et que nous vous faisons passer pour des salauds. La dépense est tenue à 300 millions d'euros près par rapport à la loi de finances pour l'année s'agissant du périmètre de l'État. C'est inscrit dans les tableaux que le HCFP a validés. Dans cette enveloppe globale, qui est tenue, nous avons besoin d'ouvrir des crédits dans les cinq domaines que j'ai cités. Il y a des ajustements à faire entre les ministères qui ont pu dépenser moins et ceux qui ont connu des aléas à la hausse. En l'occurrence, il faut 450 millions d'euros pour payer l'AAH et la prime d'activité jusqu'au 31 décembre.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Il fallait le prévoir.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous le prévoyons chaque année, à tel point qu'en 2025, la dépense de l'État est tenue à 300 millions d'euros près, dans un périmètre d'environ 490 milliards d'euros. Quand on compare les ouvertures que nous proposons au total de la dépense, on ne peut pas dire que le Gouvernement a voulu masquer quoi que ce soit. Le périmètre est tenu. Les ajustements nécessaires doivent passer par la loi, parce qu'ils nécessitent de mobiliser la réserve interministérielle. Cela signifie que des ministères non sociaux vont financer des dépenses sociales et que des ministères non régaliens vont financer des dépenses régaliennes. C'est cela, le mécanisme de ce PLFG.

Vous pouvez considérer que c'est absurde, que vous n'y comprenez rien et que je vous mens.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je comprends tout. Vous êtes en train de nous mentir.

M. François Jolivet, président. On ne s'interpelle pas, s'il vous plaît.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je ne suis pas en train de vous mentir, mais de vous expliquer la réalité.

Par ailleurs, j'ai rappelé la stabilisation des dépenses de l'État et de ses opérateurs et l'évolution à la hausse de celles des collectivités et de la sphère sociale. Je n'ai pas le pouvoir de gérer les collectivités, qui sont autonomes. S'agissant de la sphère sociale, la population vieillit, les retraites augmentent et des choix doivent être effectués.

Ce qui est à la discrétion et la décision directe du ministre, c'est de tenir les dépenses de l'État et des opérateurs. En l'occurrence, depuis la fin de l'année 2023, celles-ci ont baissé de 0,1% en volume. C'est du jamais vu. C'est peut-être insuffisant pour vous, mais c'est ce que vous avez mis dans les textes et que nous avons exécuté.

Enfin, la charge d'intérêt a baissé parce que les agences de notation, la Commission européenne et l'ensemble des observateurs ont systématiquement valorisé – en avril, en mai, en juin – le fait que notre gestion pour 2025 est méthodique, transparente et source de stabilité.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Mon groupe soutiendra ce PLFG, qui confirme l'orientation du budget adopté en début d'année, c'est-à-dire celui d'une réduction du déficit qui sera tenu, selon ce que vous avez écrit et annoncé, à – 5,4% du PIB. Pour autant, il faut préciser qu'à ce niveau, nous n'arrivons pas encore, hélas, à réduire la dette, qui continue à augmenter.

Les rendements de l'impôt sur les sociétés sont en hausse de 5,2 milliards d'euros. Comment explique-t-on cette bonne surprise ? À l'inverse, que dire de la baisse de 5 milliards d'euros des rendements de la TVA ?

Ce budget est de nature à rassurer nos collègues de gauche qui, depuis des mois, répètent que la France est confrontée à un problème de recettes. Au contraire, les recettes fiscales nettes sont en hausse de 3,8 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale. Dans l'effort de redressement des comptes, quel est le ratio entre la hausse des prélèvements obligatoires et la baisse des dépenses ? À l'automne 2024 – vous n'étiez pas ministre –, des chiffres flous et tordus par les gouvernements précédents avaient été communiqués finalement démentis par la Cour des comptes, puisque l'effort avait intégralement porté sur des hausses des prélèvements obligatoires. Qu'en est-il cette année ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Le ratio de 2025 vient d'être donné par un de vos collègues. Le HCFP montre que la baisse du déficit est largement la conséquence de la hausse des recettes. De fait, le taux de prélèvements obligatoires a fortement chuté en 2023 et en 2024, pas du fait d'une baisse des impôts, mais parce que l'élasticité entre le PIB et l'impôt sur les sociétés s'était effondrée. En 2025, on observe le retour à une élasticité plus normalisée,  réserve faite du cas de la TVA. L'impôt entre dans les caisses de manière normalisée avec, toutefois, un taux de prélèvements obligatoires de 43,6% encore largement inférieur à ce qu'il était en 2019 – 44%. Ainsi, l'effort de réduction du déficit est en effet porté par une hausse des recettes, mais cela ne signifie pas qu'il n'y a pas eu d'effort en matière de dépenses. Il faut néanmoins prendre en compte la surtaxe d'impôt sur les sociétés dans les ressources supplémentaires.

Sur la TVA, je l'ai dit, pour répondre à l'enjeu de conversion entre la base taxable et l'impôt réellement engrangé, nous avons lancé une mission à Bercy et envisagé des mesures pour lutter contre la fraude et une taxe sur les petits colis.

Je le répète, nous avons un enjeu de dépenses. J'ai montré que l'État fait des économies en dépenses dans tout ce qu'il peut piloter. Même s'il doit poursuivre ses efforts, nous sommes loin de tout ce qu'on entend dire sur le train de vie de l'État. Les dérives viennent de notre sphère sociale – les retraites, la maladie et potentiellement les autres dépenses sociales. Si ce rythme se poursuit, compte tenu de la croissance de notre PIB, nous devrons avoir un modèle fiscal et productif très différent. Ce n'est pas ce que je préconise, mais une décision collective est nécessaire.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Quand reconnaîtrez-vous que votre politique est un fiasco économique et social ? Nous en avons le résultat sous les yeux, avec 32 milliards d'euros de coupes budgétaires en loi de finances initiale, auxquels vous avez ajouté 3 milliards d'euros en avril, puis 10 milliards d'euros d'annulations de crédits. Vous nous expliquez que ce sont des ajustements, avec des vases communicants. Mais les 10 milliards d'euros d'annulations ne sont pas tous transcrits en ouvertures, lesquelles ne représentent que 3 milliards d'euros. En outre, ces annulations pèseront pour 4,2 milliards d'euros sur nos services publics.

Résultat, la croissance et l'activité s'effondrent. Vous aviez préparé l'année sur une base de 1% de croissance, mais celle-ci sera de 0,7 %. Quant au plan de stabilité du Gouvernement de 2024 pour 2025, il estimait la croissance à 1,4% grâce à la consommation populaire.

Or la pauvreté explose et la consommation populaire s'effondre, ce qui se traduit par 5 milliards d'euros de TVA en moins. Et ce qui est inquiétant, c'est que vous allez recommencer l'année prochaine, puisque la consommation devrait encore baisser.

Certains disent que l'effort ne porte que sur les recettes. Mais qui paie ? En l'occurrence, la hausse de la fiscalité concerne à 50% les impôts sur la consommation d'énergie, donc l'ensemble des Français. Quant à la surtaxe d'impôt sur les sociétés, qui semble vous ravir, je rappelle que vous avez décidé de la passer de 8 à 6 milliards d'euros l'an prochain, donc de faire un cadeau de 2 milliards d'euros.

Par ailleurs, comment se fait-il que la charge de la dette ait été surestimée ? Était-ce pour servir ce chantage à la dette que l'on nous fait en permanence pour justifier l'austérité ? Si la charge a été surestimée cette année, le sera-t-elle à nouveau l'an prochain, pour appuyer vos politiques ?

Il est vrai que vous avez baissé les dépenses publiques : cela se ressent dans les services publics. Vous nous donnez des montants en volumes, mais nous aimerions connaître l'évolution de ces dépenses en proportion et en pourcentage du PIB intégrant l'inflation et l'augmentation des besoins. Nos services publics souffrent.

Vous avez également coupé les crédits de la mission Investir pour la France de 2030 de 1,6 milliard d'euros au moment où la France se désindustrialise. Vous dites que les opérateurs n'ont pas tout dépensé, et que les programmes avancent. Mais l'anée dernière, vous aviez déjà coupé ces crédits de 1,2 milliard d'euros. Comment expliquez-vous qu'on ne soit pas capable de dépenser efficacement l'argent de l'État pour défendre les industries et en rouvrir, à l'heure où les fermetures n'ont jamais été aussi nombreuses ?

J'en viens aux dépenses de la sécurité sociale. Avec plus de pauvres, plus de malades et plus de personnes âgées, je me demande comment vous ferez pour réduire la dépense.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je resterai factuelle, afin que notre débat ne déborde pas le sujet de cette audition.

Concernant la charge de la dette, nous avons connu un ralentissement de l'inflation. Celle-ci était de 1% en octobre dernier alors que nous pensions qu'elle serait de 1,4%. Or en général, les taux d'intérêt sont liés à l'inflation. Nous pensions donc avoir un taux à dix ans de 3,6% en fin d'année : il est de 3,4%. Les facteurs de cet écart de 0,2 point sont à la fois français, européens et mondiaux. En effet, une baisse mondiale des taux a suivi les décisions de la Banque centrale américaine et divers mouvements de marchés. Nous n'avons pas eu l'obsession de surestimer la charge de la dette. La Banque centrale européenne (BCE) elle-même prévoyait des taux d'intérêt moyens à dix ans en zone euro plus élevés que ceux qui sont observés en moyenne en zone euro.

Avons-nous gonflé la charge de la dette pour faire peur aux Français et pour justifier des économies supplémentaires l'an prochain ? Je ne crois pas. Au contraire, il est de bonne gestion d'éviter d'arriver à une situation dans laquelle nous n'aurions pas les moyens de payer nos créanciers. Je préfère que nous soyons prudents, quitte à constater en fin d'année que nous avons eu besoin de faire moins d'économies que prévu, plutôt que l'inverse. Vous seriez alors les premiers, à raison, à considérer que le Gouvernement n'a pas bien fait son travail. En l'occurrence, il n'y a pas eu de surestimation.

Par ailleurs, en volatilité annuelle, les taux français évoluent dès qu'il y a de l'incertitude politique. Or dans toutes leurs évaluations, nos créanciers internationaux, la BCE et les agences de notation ont systématiquement cité la bonne gestion de 2025, la transparence et les comités d'alerte.

Sans l'annulation de crédits de 1,6 milliard d'euros, les opérateurs de la mission Investir pour la France de2030 auraient fini l'année avec plus de 5 milliards d'euros de trésorerie. Avec cette mesure, leur trésorerie s'établira autour de 3 milliards d'euros. Rapprocher les crédits budgétaires et les besoins est de bonnes gestions et de bonne politique. Compte tenu des circonstances budgétaires, j'assume cette décision prise avec les Premiers ministres François Bayrou et Sébastien Lecornu. Je le redis, il s'agit d'un ajustement de trésorerie. Rien n'a été ralenti ou stoppé dans les projets de fond. C'est une décision de gestion financière, pas de politique publique.

En fin de gestion, certaines annulations étant compensées par des ouvertures, le périmètre des dépenses de l'État sera, à 300 millions d'euros près à la hausse, celui que vous avez voté. Nous ne faisons donc pas d'économies en douce.

M. Philippe Brun (SOC). Ce PLFG est un tableau de bord non seulement du budget de l'État en cours d'exécution, mais aussi de l'économie française. En l'occurrence, la baisse des recettes de TVA à hauteur de 5 milliards d'euros illustre le phénomène de déconsommation qu'une partie des collègues et le Gouvernement ne semblent pas assumer.

Certes, il faut lutter contre la fraude à la TVA, notamment en lien avec les petits colis. Mais il y a aussi une déconsommation. En effet, malgré l'augmentation des prix, le chiffre d'affaires global des supermarchés est passé de 139 milliards d'euros en octobre 2024 à 138 milliards d'euros à fin octobre 2025. Les consommateurs dont les revenus sont inférieurs au salaire médian peinent à consommer du fait de la hausse de 17% des prix alimentaires ces trois dernières années, même en passant à la marque distributeur ou premier prix. Malheureusement, le projet de loi de finances pour 2026 ne résout pas ce problème de consommation.

Nous devons y travailler, et aborder aussi la question de la surépargne des plus aisés, laquelle apparaît dans les statistiques du PLFG avec la progression du produit de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI). En haut, l'accumulation des richesses continue et n'est pas décaissée dans l'économie réelle. Comment faire décaisser davantage l'épargne afin de relancer l'économie et relancer la consommation populaire ?

Par ailleurs, la principale dépense supplémentaire de ce PLFG est l'augmentation des crédits pour le service public de l'énergie. Quand lancerez-vous une mission pour étudier les sommes délirantes consommées pour ce service public ? On a accumulé les boucliers tarifaires – 72 milliards d'euros ces trois dernières années – pour subventionner un marché dysfonctionnel. Et en cette fin de gestion, il faut ajouter un 1 milliard d'euros supplémentaire. Ce marché mal régulé coûte cher aux finances publiques.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. L'Insee vient de publier les chiffres de la croissance. L'acquis de croissance en volume s'établit à + 0,3% pour la consommation et à + 0,8% pour le PIB. L'acquis de pouvoir d'achat est, quant à lui, de + 1,1% et la masse salariale progresse d'environ 1,8%. Dans le même temps, le taux d'épargne augmente, pour atteindre 18,9%. Or l'Insee a montré qu'en 2024, la revalorisation des retraites a été épargnée à 75%. En outre, une partie significative du taux d'épargne est portée par les générations les plus âgées. La répartition des ressources, de la consommation et du taux d'épargne est donc aussi un enjeu générationnel.

Faire passer le taux d'épargne à 17,5% ou 18% – ce qui resterait élevé – permettrait de générer un fond de croissance économique par un rebond relatif de la consommation. Nous avons ici un enjeu collectif de stabilité et de signal politique : les Français épargnent parce que notre situation politique et budgétaire n'inspire pas confiance. Elle crée des incertitudes, qui se reportent dans une moindre capacité à prendre des décisions d'achats importants ou à libérer une forme de pouvoir d'achat dans la consommation.

J'en viens à votre question sur l'énergie. Pendant plusieurs années, nous avons tous été terrifiés, à juste titre, par la forte hausse des prix de l'énergie. Durant cette période, les producteurs d'énergies renouvelables finançaient le système et l'État sécurisait les factures d'énergie – d'où les montants significatifs des boucliers tarifaires pour les particuliers et pour les entreprises. Les milliards dont vous parlez sont allés non pas aux producteurs d'énergie, mais aux ménages et aux entreprises. La situation s'est aujourd'hui inversée et les prix de l'électricité sont plus bas, et même stables en 2025 et en 2026. C'est une bonne nouvelle pour nos concitoyens, mais des contrats de long terme garantissant un prix de l'électricité ont été signés, il y a parfois de nombreuses années.

Face à la volatilité, il fallait assurer une meilleure péréquation dans le temps. Pour éviter des rebonds budgétairement très coûteux, nous avons sorti de l'enveloppe budgétaire les dépenses liées aux zones non interconnectées (ZNI) et au biométhane, afin que les 3 milliards d'euros à payer soient financés par le système électrique et non par le budget de l'État, d'où les enjeux de maquette budgétaire dont a parlé le président Coquerel. Sans cela, on laisserait croire aux Français que ces dépenses sont amendables et pilotables. Elles le seront pour l'avenir et les prochains contrats, mais pas pour le passé – modulo les mesures proposées dans le PLF pour 2026, à savoir une Ifer majorée, le plafonnement des primes négatives et la renégociation des contrats dits S6 et S10. Ce débat se tient entre juristes depuis de nombreuses années, pour ne pas remettre en cause notre attractivité en matière d'investissement énergétique. Je vous rappelle que nous devons financer de nouvelles installations nucléaires.

M. François Jolivet, président. Peut-être les Français épargnent-ils aussi parce que la situation géopolitique les inquiète, en tout cas pour ce qui est des retraités. L'instabilité politique n'est pas le seul levier de motivation.

M. Jean-Didier Berger (DR). Le déficit est globalement à la cible que nous avons fixée : c'est suffisamment rare pour être souligné. En revanche, comme l'explique le HCFP, ce retour se fait intégralement par la hausse des prélèvements obligatoires, donc aucunement par la baisse de la dépense publique.

Vous dites que le budget de l'État serait contenu sur deux ans. Ce sera peut-être le cas, et encore, à peine. En tout cas, sur un an, on n'est pas à la cible. En outre, le budget de l'État augmente autant que celui des collectivités locales. Il faut arrêter de laisser entendre que les collectivités seraient moins bien gérées.

Par ailleurs, les prévisions en matière d'impôts sont source d'erreurs multiples et contradictoires. Si nous tenons la cible, c'est parce que ces erreurs se compensent. Les recettes de TVA sont moindres tandis que celles liées à l'IS et à l'impôt sur le revenu progressent. En réalité, c'est la France qui travaille qui compense la non-consommation, voire la déconsommation pour rependre le terme de Philippe Brun. Celle-ci ne s'explique pas seulement par l'inquiétude que génère la situation internationale ; elle tient aussi à ce que nous faisons ici, à l'Assemblée nationale. Les Français sont inquiets de constater que les dépenses publiques ne sont pas suffisamment tenues et que le déficit n'est pas suffisamment réduit. Cette insuffisance de sérieux budgétaire entraîne un risque d'augmentation des taux d'intérêt, donc un risque pour l'avenir de tous les projets de tous les Français.

L'augmentation des prélèvements obligatoires atteint des records. En séance, vous avez souligné qu'avec les mesures qui venaient d'être votées, nous allions franchir une nouvelle hausse historique. Mais la progression entre 2024 et 2025 est déjà particulièrement inquiétante.

Vous avez également indiqué que la réserve interministérielle permettait une meilleure gestion. J'aimerais qu'elle concerne aussi les effectifs. Ceux des agences continuent en effet à augmenter. Si c'est justifié pour les deux organismes mentionnés dans le PLFG, pourquoi ne parvient-on pas à réduire les autres ? Nous aimerions que le mécanisme de transparence soit mensuel et pas seulement trimestriel, à l'occasion des comités d'alerte des finances publiques ou de la présentation du PLFG.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Les taux de prélèvements obligatoires observés en 2023 et en 2024 sont la conséquence d'une anomalie dans l'élasticité entre le PIB et les recettes : à fiscalité égale, à taux d'imposition égal et à fonctionnement du pays égal, cette élasticité s'est effondrée. Du fait de cette anomalie, qui a donné lieu à de nombreux travaux, notamment en commissions d'enquête, les taux de ces années ne doivent pas être pris comme des points de référence ou de comparaison. En outre, dans un contexte de forte inflation, tous les pays européens autour de nous ont connu la même chute d'élasticité.

Par ailleurs, vous parlez d'effectifs ; je parlerai de masse salariale. En 2024, celle de l'État a augmenté de 6,7%, par la conjonction de revalorisations, de mesures catégorielles et de décisions relatives aux effectifs. Cette année, elle progresse de 1,1%, strictement en ligne avec la seule inflation. Cela illustre une forme de reprise en main et de ralentissement. On ne peut donc pas dire qu'on a laissé dériver la gestion des ressources humaines. Cet équilibre n'est pas soutenable à long terme, puisque certains agents publics n'ont aucune perspective salariale. Cela nuit à notre attractivité, y compris dans des métiers essentiels. Notre pays a besoin d'hommes et de femmes qui ont envie de s'engager et de rester durablement dans la fonction publique – des policiers, des militaires, des enseignants, des soignants. Un pilotage est nécessaire, avec des choix plus clairs pour une meilleure organisation de l'État. C'est le sens de la réflexion que le Premier ministre a annoncée sur la décentralisation, entendue comme une réforme d'organisation.

Enfin, je n'ai pas dit que les collectivités étaient moins bien gérées que l'État. Il reste, et c'est factuel, qu'en deux ans, les dépenses de l'État ont diminué de 0,1% en volume tandis que celles des collectivités ont progressé de 3,1% et celles de la sphère sociale de 5,5%. Cela ne veut pas dire que l'on a mieux ou moins bien géré, mais cela montre où se localise la dépense publique et quelle est sa dynamique. Je ne porte aucun jugement. Je rappelle également que les collectivités bénéficient, à divers titres, de 155 milliards d'euros de transferts annuels de la part de l'État pour financer leurs dépenses.

Mme Eva Sas (EcoS). Certes, et contrairement à l'an dernier, le déficit de l'État n'est pas plus élevé que celui prévu par la loi de finances initiale pour 2025. Il est tout de même regrettable que la principale voie retenue pour redresser les comptes publics soit toujours celle de la réduction des dépenses, plutôt que celle de nouvelles recettes, par exemple issues des hauts patrimoines ou d'un meilleur ciblage des aides publiques aux entreprises, qui restent toujours épargnées, voire protégées de l'effort collectif.

Côté recettes, l'impôt sur les sociétés progresse de 5,2 milliards d'euros, mais la TVA recule de 5 milliards d'euros. C'est d'abord la conséquence du ralentissement de la consommation des ménages. Selon l'Insee, 7 ménages sur 10 déclarent limiter leurs dépenses, dont plus d'un tiers pour boucler leur budget. Malgré une inflation faible, la stagnation des dépenses des ménages traduit un pouvoir d'achat fragilisé. Or rien n'est fait pour relancer les augmentations de salaire – ni conférence sociale ni conditionnalité des exonérations, puisque vous avez refusé ces propositions dans le cadre du PLF pour 2026. Vous mentionnez également la fraude à la TVA, en particulier pour les petits colis. Ne devriez-vous pas agir de façon plus massive et volontariste contre la fraude à la TVA dans le e-commerce ?

Par ailleurs, concernant l'hébergement d'urgence, l'État est contraint d'ajouter 100 millions d'euros pour financer les 203 000 places sur lesquelles il s'est engagé. Tous les ans, nous votons une rallonge en PLFG pour garder les places ouvertes. N'est-il pas temps d'être sincère, dans le PLF ? C'est ce que nous vous proposerons pour 2026.

Enfin, vous réduisez de 1,5 milliard d'euros les crédits de la mission Investir pour la France de 2030. Vous avez indiqué que cette somme était prise dans la trésorerie des opérateurs : lesquels ? Cela ne les fragilise-t-il pas pour l'avenir ? Pouvez-vous également nous dire ce qu'il advient des 850 millions d'euros d'aide à la décarbonation d'ArcelorMittal, alors que ce groupe a annoncé en avril la suppression de 636 emplois ?

Enfin, je précise à l'attention de certains de mes collègues que les contrats d'achat d'énergie renouvelable à long terme ont rapporté environ 2 milliards d'euros entre 2022 et 2024. Ces contrats coûtent, parfois. Mais ils rapportent aussi. Il est bon de le rappeler.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Vous avez parfaitement raison. Aujourd'hui, tout le monde considère que c'est une dépense publique. Mais, il y a quelques années, on considérait que c'était de l'argent qui entrait. Il faut rappeler le côté symétrique de ces contrats.

S'agissant de l'hébergement d'urgence, la hausse des 100 millions d'euros inscrite dans le PLFG a été reportée dans le PLF pour 2026, afin que l'on reparte de cette base. Elle a donc été " soclée ". Des réformes structurelles doivent être engagées pour que ce budget soit en ligne avec nos objectifs de politique publique et plus facile à gérer. Avoir un lot de places qui ne soient pas seulement des places en hôtel demande des investissements plus élevés. À l'issue d'une mission de l'IGF et de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), le délégué interministériel pour l'hébergement et l'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées a proposé des évolutions pour limiter le besoin d'ajustements budgétaires – lesquels traduisent une difficulté de gestion par les associations et par l'État.

Les opérateurs qui ont de la trésorerie sont principalement Bpifrance et l'Ademe. J'ai expliqué notre choix d'ajuster les crédits budgétaires aux besoins effectifs de paiement. C'est un changement de pied, qui permet une meilleure gestion des crédits en phase de tensions budgétaires.

Pour le reste, je ne répondrai pas pour chacune des lignes de la mission Investir pour la France de 2030. Vous aurez ce débat dans votre niche parlementaire et Marc Ferracci pourra vous en dire davantage s'agissant d'un domaine qui était encore sous sa responsabilité il y a quelques semaines. En tant que ministre des comptes publics, je n'ai pas la possibilité de décider ce qu'on paie et ce qu'on ne paie pas au titre des engagements pris dans le cadre la mission Investir pour la France de 2030.

M. Emmanuel Mandon (Dem). Madame la ministre, je vous exprime notre soutien. Une fois encore, j'ai été choqué par le ton et le style de l'intervention de notre collègue Tanguy. Je constate qu'il est reparti après avoir fait son numéro déplorable. Alors que j'observe la vie parlementaire depuis près d'une quarantaine d'années et que j'ai l'honneur de siéger ici depuis deux ans, je n'ai jamais vu un tel comportement.

Vous nous avez présenté en toute transparence les actes de gestion pour l'exercice 2025 et les dispositions du PLFG qu'il nous faudrait adopter. Nous apprécions l'exercice et la sincérité de votre démarche à l'égard du Parlement. La situation nous engage. Nous prenons acte de l'état de la croissance et des données macroéconomiques qui nous ont été présentées, de même que de la confirmation des hypothèses de travail qui ont permis la présentation du PLF pour 2026.

L'évolution des recettes et des dépenses confirme que la situation peut redevenir sous contrôle dans un délai rapproché, à condition toutefois que la raison l'emporte. La solidarité a son rôle à jouer, notamment en matière fiscale, que nous pouvons moduler tout en étant déterminés et courageux dans les dépenses.

La photographie paraît confirmer une certaine logique. Néanmoins, vous faites preuve – à raison – d'une grande prudence. Les efforts de l'État, que nous constatons année après année, doivent se poursuivre. S'agissant des collectivités territoriales, la dynamique de dépense existe, mais je dois relayer les vives inquiétudes des élus locaux qui ont toujours le sentiment d'être la variable d'ajustement, et à tout le moins les victimes collatérales d'une crise de notre système d'État-providence. Comment rétablir la confiance ?

Nous relevons aussi, au titre des révisions de l'évaluation des recettes fiscales, une baisse d'un demi-milliard d'euros du produit de la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR). Pourrait-on avoir une idée de l'effet de l'absence d'adoption du PLF pour 2025 à l'automne 2024 ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Concernant la CDHR, le décalage est d'environ 500 millions d'euros. C'est la conséquence de la censure, qui a rompu la petite rétroactivité des lois fiscales et sans laquelle cette recette aurait dû entrer.

Je vous remercie pour votre soutien à la transparence et à la bonne exécution budgétaire. La communication de données mensuelles et trimestrielles doit devenir une habitude, pour le périmètre de l'État mais aussi pour les collectivités et la sphère sociale. En effet, l'État représente moins de 40% de la dépense totale tout en assurant les transferts aux collectivités, à la sécurité sociale, aux ménages et aux entreprises. Aujourd'hui, 60% du budget de l'État sont des transferts, c'est-à-dire des flux financiers que l'État collecte et envoie aux collectivités, à la sécurité sociale, aux ménages et aux entreprises dès le 2 janvier. C'est notre responsabilité, bien sûr, mais cela veut dire qu'on appelle dépenses de l'État de nombreuses dépenses qui, in fine, sont à la main des collectivités et de la sphère sociale. Cela rend parfois difficile la lecture du déficit de l'État.

Mme Félicie Gérard (HOR). Le PLFG est un texte technique important, puisqu'il permet au Parlement de contrôler la fin de l'exécution du budget en cours d'année et de s'assurer que les dépenses autorisées sont maîtrisées jusqu'au dernier euro. Celui qui nous est présenté illustre la volonté du Gouvernement de tenir la trajectoire fixée par la loi de finances pour 2025. La prévision de déficit public est inchangée – 5,4% du PIB –, malgré un contexte économique marqué par un ralentissement de la croissance et une inflation modérée. Cette stabilité est rendue possible par un pilotage resserré des dépenses de l'État, notamment par des surgels de crédits dès avril puis en septembre, et par un échange régulier avec le Parlement au sein du comité d'alerte des finances publiques. C'est un progrès indéniable.

Néanmoins, elle traduit aussi notre incapacité à réellement amorcer la décrue de notre déficit. Le solde de l'État s'améliore, mais repose encore trop fortement sur des éléments conjoncturels, comme des recettes fiscales plus dynamiques grâce à l'impôt sur les sociétés et une charge de la dette momentanément allégée par la baisse des taux courts. Malheureusement, rien ne garantit que ces conditions favorables se maintiendront. Nous restons donc dans une zone de risque budgétaire. La moindre variation du taux ou la moindre dégradation de conjoncture pourrait effacer les marges de manœuvre reconstituées.

Alors que le pilotage budgétaire en cours d'année a permis de maintenir la cible de déficit à l'identique de la loi de finances initiale pour 2025, vous permet-il de mieux ajuster les prévisions pour 2026 ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je vous remercie pour votre confiance et votre soutien dans cet exercice de transparence démocratique. C'est bien le moins que nous vous devons, mais c'est nouveau.

Pour qu'il y ait une meilleure gestion, il faut que les chiffrages initiaux soient meilleurs, c'est-à-dire plus « sincères ». Cela évite de devoir faire de l'acrobatie budgétaire en cours d'année quand les rendements sont moindres qu'attendu.

Il faut aussi éviter les reports, qui s'ajoutent à la loi de finances votée. En 2023, par exemple, les reports entrants ont représenté 8,3 milliards d'euros pour les seuls crédits budgétaires, hors relance et crise sanitaire. Pour rappel, ils étaient de 2,7 milliards d'euros en 2017, de 0,9 milliard d'euros en 2018, de 1,1 milliard d'euros en 2019, de 0,8 milliard d'euros en 2020. Il n'est donc pas étonnant que le budget ait été sous-exécuté par rapport à la loi de finances initiale pour 2023, au prix de décisions budgétaires difficiles en cours d'année et de dépenses de l'État inférieures à celles qui avaient été votées. En 2025, nous avons décidé de diviser par deux l'enveloppe des reports entrants, qui ont représenté 4 milliards d'euros. Mon objectif est que nous continuions à faire baisser encore cette masse en 2026, pour revenir à un étiage qui facilitera à la fois la gestion et le suivi par les députés.

M. Charles de Courson (LIOT). L'amélioration annoncée de 8 milliards du déficit du budget de l'État n'est qu'apparence. En effet, la hausse des dépenses publiques se poursuit, avec 45 milliards d'euros supplémentaires, soit 0,2 point. Certes, 27 milliards d'euros incombent à la sécurité sociale et 7 milliards d'euros aux collectivités. Mais vous êtes responsable des blocs État et sécurité sociale. Quant aux prélèvements obligatoires, ils poursuivent leur progression de 0,8 point.

S'agissant de l'amélioration de 8 milliards du solde du budget de l'État, j'appelle votre attention sur plusieurs points.

D'abord, vous aviez prévu 2 milliards d'euros de CDHR. Avez-vous réajusté ce montant, comme vous l'avez fait dans le PLF pour 2026 en le fixant à 1,5 milliard d'euros ? La même question se pose concernant la hausse exceptionnelle de l'impôt sur les sociétés.

Ensuite, l'estimation des recettes de TVA est erronée pour la troisième année consécutive. La loi de finances initiale prévoyait une hausse de 10 milliards d'euros, réajustée en catastrophe au Sénat à 5 milliards d'euros. Vous dites que la hausse sera finalement nulle, prévoyant donc une stabilité par rapport à 2024, mais à la fin du mois d'octobre, les recettes s'élèvent à 63,4 milliards d'euros , contre 65,76 milliards d'euros à la même période de l'année dernière. Il risque donc d'y avoir encore quelques pertes.

S'agissant de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), je ne comprends pas. Vous dites qu'en exécution, elle aura augmenté de 500 millions d'euros. Mais à fin octobre 2025, on était à 13,40 milliards d'euros, contre 13,7 milliards d'euros à fin octobre 2024. C'est donc plutôt une baisse de 300 millions d'euros qu'une hausse de 500 millions d'euros.

Même chose pour l'impôt sur le revenu : la prévision révisée pour 2025 du PLF 2026 était de 94,9 milliards d'euros en réajusté, contre 88 milliards en 2024, soit une hausse de 8%, mais, à la fin du mois d'octobre, nous n'en étions encore qu'à 4% de hausse.

La seule bonne nouvelle concerne l'impôt sur les sociétés, qui est au même niveau qu'en 2024. Vous aviez néanmoins prévu une chute – ce que je n'ai jamais compris.

Je persiste donc à penser que vous avez un problème fondamental d'estimation des recettes et que vos modèles sont inadaptés. Je l'ai dit et redit quand j'étais rapporteur général, et cela continue.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous avons révisé à la hausse les bases fiscales du secteur financier, ce qui explique notre prévision pour l'impôt sur les sociétés.

Par ailleurs, un cercle de prévisionnistes réunit les économistes du secteur privé et de la sphère publique pour améliorer les modèles. Le résultat ne sera pas immédiat, mais l'objectif est d'améliorer ce qui s'est révélé défaillant, mal calibré ou mal calibré pour la prise en compte des aléas. Le HCFP joue également un rôle essentiel en la matière.

Je n'ai pas la certitude que nous serons à 5,4% de déficit, mais les aléas haussiers et baissiers sont perçus comme centrés par l'ensemble des acteurs, internes et externes. Cela signifie que le déficit se situerait entre 5,3% et 5,5% du PIB. Nous verrons le déroulé précis en fin d'année.

Enfin, comme vous l'avez constaté dans le PLF pour 2026, nous communiquons sur les aléas, sur ce que nous pensons le plus probable et sur les zones d'incertitudes. C'est une bonne pratique d'associer le Parlement à nos questionnements et à nos hypothèses.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Ce PLFG confirme les constats que nous formulons depuis l'avènement du macronisme : la politique économique néolibérale engendre des effets récessifs. L'évolution des recettes de TVA en est une illustration claire. L'écart de 5 milliards d'euros entre la loi de finances pour l'année et ce PLFG traduit un affaiblissement de la consommation populaire. Les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2026 risquent d'accentuer cette tendance, en portant une nouvelle atteinte au pouvoir d'achat des ménages modestes. Dans ce contexte, comment justifier la hausse de 12,2 milliards d'euros des recettes nettes de TVA prévues pour 2026 ? La rebudgétisation de la dotation globale de fonctionnement des régions ne saurait, à elle seule, expliquer un tel optimisme fiscal.

Par ailleurs, les récentes déclarations de M. Bruno Le Maire appellent à la vigilance. Si le PLFG ne présente pas d'écart majeur concernant le déficit, l'absence d'échéance électorale en 2025 peut en partie éclairer ce résultat. Le risque d'écart entre le déficit prévu et le déficit constaté pourrait réapparaître dès l'année prochaine. Quelle réforme le Gouvernement entend-il engager pour renforcer la transparence et l'indépendance du processus de prévision budgétaire, pour le soustraire durablement à toute considération électorale ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. C'est l'enjeu du plan d'action pour les finances publiques, qui a été présenté en mars et fait l'objet d'auditions devant cette commission. Il vise à améliorer à la fois la transparence et la communication des données dont mon ministère dispose concernant l'État et la sphère sociale. L'objectif est aussi que plus d'acteurs accompagnent et aiguillonnent le travail des prévisionnistes. Nous considérons que cet outil est utile à la Nation, et pas seulement à la disposition d'une administration. Je souhaite que cette méthode soit également utilisée en 2026, car le fait que nous tenions les objectifs lui doit beaucoup.

J'en viens aux effets récessifs des budgets. Une croissance à 0,7 ou 0,8% ne satisfait personne. Je ne parlerai pas de rebond ou de réveil de la croissance française, mais je note qu'au troisième trimestre, les entreprises, les chefs d'entreprise, les investisseurs, les salariés et les travailleurs indépendants ont permis au pays d'avoir une croissance de 0,5%. À elle seule, la France représente la moitié de la croissance de la zone euro. Or elle ne représente pas la moitié de l'économie de la zone euro. Certes, la situation est difficile. Mais, comparée à celle de pays proches, notre économie est plus résiliente qu'ailleurs. Je ne fanfaronne pas pour autant. N'oublions pas non plus la pression extérieure – celle de la Chine, celle des États-Unis et celle d'un monde dans lequel notre croissance est de facto plus faible, du fait de notre démographie.

Je le répète, au troisième trimestre, la France a fait la moitié de la croissance de la zone euro.

M. Gérault Verny (UDR). L'an dernier, j'ai été étonné de constater que les prévisions étaient plus ou moins affinées et rendaient la pratique budgétaire difficile. Cette année, les prévisions des recettes de TVA sont à nouveau surestimées. Comment avez-vous pu envisager une augmentation aussi importante il y a un an, et comment pouvez-vous recommencer pour 2026 ?

À la fin, on va se retrouver avec des recettes plus basses et plus conformes à ce qu'expliquent les économistes : une économie plutôt atone, en tout cas pas poussée par la consommation des ménages puisque le petit rebond de croissance que nous connaissons est plutôt le fait de l'investissement des entreprises. Comment pouvez-vous être aussi optimiste dans vos prévisions ? J'avais posé la même question à vos prédécesseurs. Le consensus des économistes au sens large estime pourtant que ces prévisions sont irréalistes. Du même coup, nous nous retrouvons dans une situation faussée, dans laquelle le budget voté ne peut pas être exécuté convenablement et demande des ajustements. Pourquoi ne faites-vous pas des prévisions worst-case, pour garantir le bon déroulement du budget ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Dans le PLF pour 2026, nous avons indiqué notre marge d'incertitude. C'est une grande nouveauté. L'objectif est de disposer d'un éventail de probabilités pour se donner des marges, car, dix-huit mois après, la réalité est rarement celle qu'on avait prévue. J'ignore s'il s'agit d'un scénario du pire ou du meilleur, mais nous communiquons sur le niveau d'incertitude.

S'agissant des prévisions, c'est une bonne chose que le HCFP pousse le Gouvernement à avoir les prévisions les plus centrées possible. Avant sa création, le Parlement n'avait pas la capacité technique ou opérationnelle lui permettant de comprendre comment ces prévisions étaient établies. La première mission du HCFP consiste à étudier nos prévisions macroéconomiques, leurs conséquences sur les recettes et la manière dont les modèles de recettes sont faits. C'est un grand progrès.

Pour autant, nos modèles collectifs sont-ils adaptés à la conjoncture et à certaines pratiques, comme la sous-déclaration des petits colis ? Je ne peux pas l'affirmer. Les modèles sont en permanence révisés et améliorés. Il est donc essentiel que nos prévisionnistes administratifs travaillent avec ceux des banques, du secteur financier, du secteur assurantiel, des instituts de recherche et des universités, pour que notre modèle Bercy s'enrichisse de toute la compétence de la Nation. Nous travaillons aussi avec la Commission européenne et avec la BCE, qui nous observent et ont accès à d'autres données. Ce travail n'est jamais fini.

J'étais prévisionniste en 2009 dans le secteur privé. Chacun a son propre modèle, mais il est bon que tous les modèles français puissent aider la Nation à avoir le modèle le plus fiable possible. Cela étant, un modèle n'est pas la réalité. C'est pourquoi j'ai décidé de créer une réserve interministérielle et des outils pour faire face aux aléas, quoi qu'il arrive. Grâce à cette double logique, avec de meilleurs modèles et une meilleure capacité à faire face aux aléas, nous pouvons aujourd'hui dire que nous avons mieux respecté le budget.

M. François Jolivet, président. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Nicolas Ray (DR). Vous l'avez dit, madame la ministre, malgré tous vos efforts, les dépenses de l'État continuent d'augmenter. Votre évaluation de la dépense des administrations publiques centrales, établie sur deux ans, correspond, certes, à une baisse de 0,8 point de PIB entre 2023 et 2024, mais à une hausse – donc une dégradation – de 1,2% entre 2024 et 2025.

J'en viens à mes deux questions. Je regrette l'augmentation de 1,1% des dépenses de personnel. Je m'interroge à cet égard sur l'augmentation de la masse salariale de 6,7% intervenue en 2024 –  certes, ce n'est pas votre gestion. Comment expliquer cette évolution, qui aurait dû conduire à une maîtrise des dépenses salariales pour l'année 2025 ?

Par ailleurs, j'ai constaté un dérapage de près d'1 milliard d'euros sur les prélèvements sur recettes de l'État au profit des collectivités – je ne rejette pas du tout la responsabilité sur ces dernières. Il semble que les prévisions ont été erronées, s'agissant notamment du FCTVA (fonds de compensation pour la TVA), qui doit être augmenté de 600 millions d'euros : y a-t-il eu une difficulté à prévoir les dotations de l'État envers les collectivités ?

M. Jean-Pierre Vigier. Je rejoins mon collègue, il faut intervenir rapidement sur l'évolution à la hausse des dépenses – le nerf de la guerre. Pour l'ensemble des administrations publiques, la loi de finances prévoyait une croissance de la dépense publique de 1,2% du PIB : le PLFG la révise à 1,7%. La croissance de la dépense des administrations de sécurité sociale s'élève à 2,3% dans le PLFG, contre 1,6% selon les prévisions de la loi de finances initiale. Quant à celle de la dépense publique des administrations centrales, elle est passée de 0,6% à 1,2% du PIB dans le PLFG. Nous ne pouvons éternellement continuer ainsi. Ma question est donc simple : comment allez-vous agir et que proposez-vous pour réduire ces dépenses ?

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Madame la ministre, vous avez commencé votre propos en qualifiant ce texte de technique. Il est en réalité emblématique de vos choix politiques. Vous avez préféré un PLF de fin de gestion à un projet de loi de finances rectificative (PLFR), comme il en fut pourtant présenté entre 2017 et 2022, jusqu'à ce que vous cessiez d'être majoritaires. Un PLFR nous aurait pourtant permis de discuter de la partie recettes.

Oui, c'est un choix politique de faire largement reposer un budget sur des recettes appuyées sur les classes populaires et moyennes. Or c'est une impasse. La consommation populaire plonge en effet et le décrochage de la TVA, dont les recettes enregistrent une baisse de 5 milliards d'euros, n'est pas simplement lié au fait que certains épargnent, par crainte de la situation politique ou géopolitique, il est dû aussi à la pauvreté des familles, dont certaines se privent de repas.

En raison de ces choix budgétaires, nous sommes également dans l'incapacité de répondre à des besoins fondamentaux, comme le montrent les crédits ouverts – l'hébergement d'urgence et la sécurité civile, donc la protection des populations face au dérèglement climatique. Quelle est votre position quant à ce décrochage entre le niveau des recettes et les immenses dépenses et investissements nécessaires pour faire face aux crises ?

M. Matthias Renault (RN). Le montant de la charge de la dette en fin de gestion compte 2,9 milliards d'euros en moins que celui prévu par la LFI pour 2025. Quelle en est la raison, sachant qu'aucune baisse des taux d'intérêt n'a été prévue pour 2025 ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. S'agissant des chiffres, il faut distinguer les montants qui incluent les transferts et ceux qui ne les incluent pas. Dans les tableaux, apparaît ce que l'État porte à sa charge et qu'il doit ensuite mettre à disposition, pour que la dépense n'ait pas lieu dans sa sphère, mais dans celle des collectivités ou de la sécurité sociale. Votre commission serait donc bien inspirée de mener des travaux permettant d'avoir une plus grande visibilité sur la construction budgétaire et sur la dépense finale.

Je le redis, le déficit s'établit à 4,7% du PIB dans le projet de loi de finances initiale du Gouvernement pour 2026. Selon l'application stricte des normes comptables, cela revient à un déficit de 4,5% du PIB pour l'État et de 0,3% pour les collectivités, et à un excédent pour la sécurité sociale. Si l'on répartit ce déficit selon les lieux effectifs de dépenses, il s'établit à 1,6% pour l'État, 0,9% pour les collectivités et 2,2 % pour la sphère sociale.

J'insiste sur ce point, car notre communication et notre normalisation comptable nous amènent à une lecture totalement illisible et déconnectée des enjeux. Le ministre Laurent Saint-Martin est à l'origine de la loi organique du 28 décembre 2021 créant la loi de finances de fin de gestion (LFG). Le PLFG est un nouvel outil qui n'existe que depuis 2023 – auparavant, il s'agissait d'un PLFR de fin de gestion. Une proposition de loi organique serait toutefois la bienvenue pour clarifier le sujet des transferts : les tableaux communiqués présenteraient à la fois la tuyauterie de comptabilité nationale et la vision des dépenses effectives. Nos échanges seraient ainsi apaisés.

L'augmentation de la masse salariale de 6,7% en 2024 s'explique tout d'abord par des recrutements de fonctionnaires – militaires, policiers –, surtout dans la sphère régalienne et dans le cadre des lois de programmation. Il a fallu également prendre en compte le « pacte enseignant », mesure utile visant à encourager un certain nombre d'activités que les enseignants effectuaient souvent sans rémunération, donc de manière inégale sur le territoire. Par ailleurs et notamment à la suite des lois de programmation des ministères de l'intérieur, de la justice, des armées, des mesures catégorielles ont été prises. La hausse de 1,5% de la valeur du point d'indice de la fonction publique est également intervenue en année pleine. Enfin, des primes exceptionnelles ont été attribuées pour les Jeux olympiques – par définition, elles ne seront pas reconduites.

Lorsque j'ai pris mes fonctions le 23 décembre 2024, j'ai fixé pour objectif une évolution de la masse salariale de l'État proche de l'inflation et du glissement vieillesse technicité (GVT) – un élément de progression salariale. J'ai souhaité mettre un terme à la dérive qui consiste à utiliser les lois de programmation pour faire du catégoriel, quand elles ont été annoncées à d'autres fins. Au final, la hausse s'établit à 1,1%. Il s'agit donc d'une année très particulière, puisqu'il est très rare que la masse salariale de l'État n'augmente pas plus que l'inflation.

Madame Lejeune, des PLFG peuvent en effet être présentés depuis 2023. Contrairement aux PLFR, ils ne comportent aucune mesure fiscale. Le PLFG que je vous présente est technique, puisqu'il concerne le seul périmètre des dépenses de l'État telles que vous les avez collectivement validées, en adoptant, au mois de février dernier, les conclusions de la commission mixte paritaire (CMP). Je n'ai, pour ma part, fait qu'appliquer un texte né dans un contexte très particulier, sans avoir été membre du Gouvernement qui l'avait présenté ni avoir participé à la réunion de la CMP. Nous – les gouvernements successifs – avons collectivement considéré qu'il fallait, autant que possible, respecter ce texte à la lettre.

Dans la mesure où il s'agit d'un texte de compromis parlementaire, nous vous présentons un PLFG le plus neutre possible. Je le redis, sans malice et sans aucune manipulation, il comporte cinq ouvertures de crédits essentielles – sur la prime d'activité, l'allocation aux adultes handicapés, des dépenses dans les outre-mer, la mission Défense et nos engagements contractuels auprès de fournisseurs d'énergie – pour que nous puissions, d'ici à la fin de l'année, tenir ce qui a été prévu sans être en défaut de nos propres obligations.

Chacun doit en avoir conscience. S'il n'est pas adopté, je ne serai, par exemple, pas en mesure de rendre effective l'intégralité des 450 millions d'euros d'ouverture de crédits pour la prime d'activité. Nous nous mettrions ainsi en condition de ne pas pouvoir verser la totalité de ce que nous devons à nos concitoyens.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 25 novembre 2025