Interview de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, à France 2 le 18 novembre 2025, sur le déploiement d'une force de stabilisation internationale à Gaza, la libération de Boualem Sansal, la loi narcotrafic, le soutien à l'Ukraine et l'élection présidentielle en 2027.

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Média : France 2

Texte intégral

JOURNALISTE
Bonjour Jean-Noël BARROT. Le Conseil de Sécurité de l'ONU a adopté hier une résolution qui prévoit le déploiement d'une force de stabilisation internationale à Gaza. À quoi cette force servira-t-elle précisément ?

JEAN-NOËL BARROT
Oui, les Nations Unies ont adopté le plan de paix que les États-Unis avaient présenté. Et je m'en félicite, c'était une…

JOURNALISTE
La France a voté pour ?

JEAN-NOËL BARROT
La France a évidemment voté pour. C'était une étape indispensable vers la mise en oeuvre de ce plan de paix auquel, vous vous en souvenez, nous avons contribué, avec l'initiative que nous avons portée avec l'Arabie Saoudite. Et ça va donc permettre la mise en oeuvre de ce plan sur le volet de l'humanitaire et de la reconstruction, sur le volet de la gouvernance, c'est-à-dire de l'administration de Gaza et sur le volet de la sécurité, avec la création de cette force internationale de stabilisation.

JOURNALISTE
Qui va servir à quoi ?

JEAN-NOËL BARROT
Qui va servir à ramener la sécurité à Gaza au moment où le Hamas doit être désarmé. Nous avons appelé à ce désarmement. Nous avons amené la communauté internationale à appeler à ce désarmement.

JOURNALISTE
Donc, cette fois, ce sera le droit d'aller désarmer, donc de s'opposer au Hamas et de le désarmer ?

JEAN-NOËL BARROT
Elle va se mettre en place progressivement, avec l'apport d'un certain nombre de pays qui y contribueront, et avec l'appui d'un certain nombre de missions qui sont déjà en place. Je veux signaler que l'Union Européenne est déjà présente à Gaza et en Cisjordanie avec deux missions : l'une qui consiste à sécuriser les points de passage à Rafah, et l'autre qui consiste à former les policiers palestiniens en Cisjordanie. Nous avons vocation à amplifier notre présence au sein de ces missions européennes pour concourir à la sécurisation de Gaza.

JOURNALISTE
Est-ce que ça veut dire que dans cette force de stabilisation internationale à Gaza, il y aura des militaires français ?

JEAN-NOËL BARROT
Nous avons déjà une présence au sein du centre de coordination, qui est aujourd'hui basé en Israël, avec à peu près 300 personnels, civils et militaires. Des militaires français, des diplomates français sont présents sur place pour participer à la mise en oeuvre de ce plan sur tous les volets et pas uniquement le volet sécuritaire.

JOURNALISTE
Donc, on peut en conclure qu'il y aura des militaires français dans cette force de stabilisation ?

JEAN-NOËL BARROT
On peut conclure que la France y contribuera d'une manière ou d'une autre puisqu'elle est déjà présente sur le terrain.

JOURNALISTE
Combien d'hommes ?

JEAN-NOËL BARROT
Dans le cadre des missions européennes auxquelles la France contribue déjà, nous sommes en train d'évaluer la participation ou le renforcement de notre participation, notamment celle de forces de l'ordre, des gendarmes ou des policiers qui au sein de cette mission européenne pourront former les policiers palestiniens qui ont vocation à prendre en main la sécurité de Gaza.

JOURNALISTE
Le Président de la République part à Berlin ce soir pour rencontrer son homologue et le Premier ministre britannique. Va-t-il ramener Boualem SANSAL dans ses bagages, si je puis dire ?

JEAN-NOËL BARROT
Ecoutez. Boualem SANSAL est avec son épouse à l'ambassade de France, à Berlin. Je me suis entretenu avec eux samedi soir. Ils vont bien. Ils ont hâte de rentrer. Nous avons hâte de les accueillir. Et ce moment interviendra le moment venu.

JOURNALISTE
Mais il est totalement libre de ses mouvements, Boualem SANSAL ?

JEAN-NOËL BARROT
Il a été gracié. Nous avons salué ce geste des autorités algériennes. Il devait passer un certain nombre d'examens médicaux. Et en fonction de ces résultats, nous pouvons espérer son retour en France très prochain.

JOURNALISTE
D'accord. Donc, ce sont uniquement des soucis médicaux qui l'empêchent de revenir en France ? Il n'y a pas d'autres gênes, d'autres complications ?

JEAN-NOËL BARROT
Vous avez vu comme moi la réalité des choses. Il a été gracié par le Président algérien. Il a été libéré. Il s'est rendu en Allemagne. Il a été accueilli à l'ambassade de France. Et nous espérons son retour prochain dans notre pays.

JOURNALISTE
Dans quelques minutes maintenant, vous serez à l'Elysée, à l'invitation du président de la République pour une réunion sur la loi narcotrafic, pour faire le point sur la loi. En quoi ça concerne le ministre des Affaires étrangères que vous êtes ?

JEAN-NOËL BARROT
Eh bien, parce que c'est vrai, nous avons pris une loi au mois de juin dernier pour doter la France d'un arsenal répressif contre ce fléau du narcotrafic, qui déferle sur les villes et les villages de France. Mais face à des trafics qui se mondialisent, qui s'internationalisent, il nous faut éradiquer le mal à la racine. Et c'est pourquoi la lutte contre le narcotrafic est aussi une question pour les affaires étrangères. Et c'est pourquoi, j'étais dans la région la semaine dernière, de l'Amérique latine et des Caraïbes, où est produit l'essentiel de cocaïne qui se déverse dans notre pays, pour lancer un plan de bataille avec la multiplication de nos accords de coopération : en matière de douane, de justice, de sécurité avec les pays de la région. Pour annoncer le renforcement des effectifs spécialisés dans nos ambassades, de douaniers, de magistrats, de policiers. Et puis pour annoncer la création d'une académie régionale, qui formera ces mêmes experts spécialisés des pays concernés, les pays de production, de rebond et de transit. Et enfin pour lancer un régime de sanctions européennes pour frapper les narcotrafiquants là où ça fait mal, c'est-à-dire au portefeuille. Un régime qui permettra de geler leurs avoirs, qui permettra de leur interdire toute transaction avec l'Union Européenne et toute entrée sur le territoire de l'Union Européenne.

JOURNALISTE
Il y a signature, hier, d'un accord historique entre la France et l'Ukraine : une lettre d'intention pour une centaine de rafales. On en a beaucoup parlé. L'accord parle d'un autre espace-temps, d'une régénération de l'armée ukrainienne dans l'avenir. Quel avenir pour l'Ukraine et pour l'armée européenne, alors que les villages tombent les uns après les autres ? Est-ce qu'on ne risque pas d'aider l'Ukraine trop tard ?

JEAN-NOËL BARROT
Non, la résistance ukrainienne tient. Et c'est le fait du courage de l'armée ukrainienne. C'est du fait du soutien que nous leur apportons depuis plus de trois ans maintenant. Mais ce qui est historique dans les accords qui ont été signés hier, c'est d'abord que pour la première fois depuis 1991 et son indépendance, l'Ukraine va disposer d'une flotte aérienne pour pouvoir, à l'avenir, se défendre et dissuader toute nouvelle agression.

JOURNALISTE
Dans 10 ans ?

JEAN-NOËL BARROT
Oui, mais c'est la première fois depuis son indépendance en 1991. Et c'est historique pour la France, pour notre industrie de défense. Il faut savoir qu'un rafale, c'est 7 000 emplois dans notre pays. Et donc, en vendre 100, c'est assurer à notre industrie de défense…

JOURNALISTE
Mais on le fait pour eux ou on le fait pour nous ?

JEAN-NOËL BARROT
Mais ce sont des intérêts qui se rencontrent et qui se conjuguent. Si nous soutenons l'Ukraine, c'est parce que c'est une question de principe, mais c'est aussi parce que c'est nos intérêts qui sont en jeu, c'est notre sécurité qui est en jeu. Et quand nous vendons des rafales à l'Ukraine comme à d'autres pays, ce sont des accords de coopération qui lient nos destins à celui de ces autres pays, mais c'est aussi de la création de richesses et de la création d'emplois pour la France. Et je le disais, le rafale, c'est 7 000 emplois dans notre pays.

JOURNALISTE
Vous êtes aussi vice-président du MoDem. Chacun dans la majorité, dans le bloc central, vous appelez ça comme vous voulez, le socle commun, y va de son petit projet de primaire, de la droite et du centre. Quelle est pour le MoDem la bonne solution pour trouver un candidat à l'élection présidentielle en 2027 ?

JEAN-NOËL BARROT
Je crois que l'élection présidentielle, ce n'est pas le sujet du moment.

JOURNALISTE
Ça va sans doute venir.

JEAN-NOËL BARROT
Ça intéresse sans doute les journalistes et les observateurs, mais ça n'intéresse pas les Français. Quant aux questions de sélection des candidats, je crois qu'elles devront attendre qu'un projet puisse émerger. Et s'agissant du centre, en particulier, il faudra qu'il puisse disposer d'un projet face à la poussée, à la montée des populismes à tendance autoritaire que nous voyons déferler sur la France et sur l'Europe.

JOURNALISTE
Une primaire comme l'a évoqué Laurent WAUQUIEZ, qui irait de Gérald DARMANIN à Sarah KNAFO, c'est envisageable pour le MoDem ?

JEAN-NOËL BARROT
À nouveau, je pense qu'il est beaucoup trop tôt pour parler de ces sujets-là. Quant au MoDem, il ne se situe pas entre Gérald DARMANIN et Sarah KNAFO. Le centre, c'est le centre. Et il a une existence propre.

JOURNALISTE
Alors, il y a eu une élection dont vous ne pouvez pas me dire que c'est dans longtemps. Ce sont les municipales, en mars prochain. Rachida DATI est candidate à Paris. Je n'ai pas trouvé la position du MoDem. Il y a Pierre-Yves BOURNAZEL également qui est candidat. Qui le MoDem va-t-il soutenir dans cette élection ?

JEAN-NOËL BARROT
D'abord, le MoDem considère que Paris a besoin d'une respiration et d'une alternance.

JOURNALISTE
D'accord, donc ça, ça veut dire " les socialistes vieillissent.

JEAN-NOËL BARROT
Et c'est pourquoi le MoDem a présenté un projet pour Paris, par la voix de Maude GATEL qui préside le groupe du MoDem au conseil municipal de Paris. Et c'est à elle que je laisserai le soin de détailler la question de nos alliances, désormais que le projet est prouvé et ça ne saurait tarder.

JOURNALISTE
Mais vous, vice-président du parti, soutenir Rachida DATI, ça ne vous paraît pas impossible ?

JEAN-NOËL BARROT
C'est une question que nos instances vont trancher. Mais c'est évidemment Maude GATEL, notre élue à Paris, celle qui a présenté le projet du MoDem pour les Parisiens, qu'il en reviendra d'en parler.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 novembre 2025