Texte intégral
M. le président
L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : "Les centres de santé pluriprofessionnels : antidote aux déserts médicaux ?"
Ce débat a été demandé par le groupe Écologiste et social.
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Nous commencerons par une table ronde en présence de personnalités invitées d'une durée d'une heure ; puis, nous procéderons, après avoir entendu une intervention liminaire du gouvernement, à une séquence de questions-réponses d'une durée d'une heure également. La durée des questions et des réponses sera limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
Pour la première phase du débat, je souhaite la bienvenue à Mme Laure Artru, présidente de l'Association de citoyens contre les déserts médicaux, à M. Frédéric Villebrun, coprésident de l'Union syndicale des professionnels des centres de santé et à Mme Jeanne Villeneuve, secrétaire générale de la Fédération nationale des centres de santé.
Je vais maintenant donner la parole à chacun de nos invités pour une intervention de cinq minutes maximum chacun.
(…)
La parole est à Mme la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées.
Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées
Je vous remercie sincèrement d'avoir inscrit ce débat à l'ordre du jour de votre semaine de contrôle, car la lutte contre les déserts médicaux n'est pas un sujet partisan : c'est un sujet qui, par nature, nous oblige et nous rassemble.
En effet, trop de nos concitoyens affrontent avec angoisse les difficultés à se soigner, trop de nos concitoyens renoncent aux soins et trop de professionnels de santé subissent eux aussi cette situation qui, on le sait, est liée à la fois à une démographie médicale trop faible et à des besoins de santé croissants. Pour y répondre, vous proposez comme "antidote", pour reprendre le terme que vous employez, le déploiement de centres de santé pluriprofessionnels.
Je sais votre attachement, partagé avec beaucoup de parlementaires et de collectivités locales, à ce modèle. De fait, les 2 500 centres de santé que compte notre pays, dont près de 700 sont pluriprofessionnels, sont des modèles vertueux de prise en charge. Vertueux, ils le sont parce qu'ils accueillent une patientèle souvent plus fragile, plus éloignée du système de soins traditionnel ; ils le sont aussi parce qu'ils garantissent un accès financier plus équitable grâce au tiers payant obligatoire et à l'absence de dépassements d'honoraires. Ils incarnent par essence l'exercice pluriprofessionnel, qui permet une vision globale du patient ; à ce titre, ils sont le terreau d'innovations utiles, par exemple les expérimentations introduites par l'article 51 de la loi de financement de sécurité sociale de 2018 et notamment le modèle Peps. Enfin, je sais qu'ils répondent aux aspirations de nombreux jeunes médecins qui refusent de choisir entre l'hôpital et le libéral.
Pour ces raisons, ils sont des acteurs incontournables de la médecine de ville et un des leviers d'une politique volontariste en faveur de l'accès aux soins. C'est une offre importante, complémentaire aux autres, mais ce ne peut pas être l'alpha et l'oméga d'une politique d'accès aux soins, et ce pour deux raisons. La première tient à leur implantation. Le rapport de l'Igas nous le dit : les centres de santé sont à 96 % situés en zone urbaine. Je ne nie pas les difficultés d'accès aux soins dans les métropoles ; il suffit, pour s'en convaincre, de faire quelques minutes de métro et de franchir le périphérique parisien. Mais au vu de ce chiffre, on ne peut pas en faire l'antidote universel contre les déserts médicaux, en particulier dans les territoires les plus ruraux.
La deuxième raison est liée à l'accès à un médecin traitant et à la prise en charge de la file active de patients. Le même rapport de l'Igas le souligne : les généralistes ayant leur cabinet au sein d'un centre de santé y sont moins nombreux à exercer comme médecins traitants et ils y suivent une patientèle plus réduite – 689 patients en centre de santé contre 1 120 en libéral. C'est donc un fait : nous devons diversifier nos réponses.
J'ajoute que certains centres de santé pluriprofessionnels rencontrent des difficultés à disposer d'un modèle économique et financier stable. C'est pour cette raison que mon ministère a sollicité l'Igas pour objectiver leur situation économique, financière et organisationnelle, et c'est dans ce même esprit que nous avons engagé, avec l'assurance maladie, un travail approfondi au cours des négociations conventionnelles du premier semestre 2025.
Un nouvel accord a été signé le 28 août ; il représente un investissement supplémentaire de 30 millions d'euros en 2026. Cet accord poursuit trois objectifs clairs : soutenir le développement territorial des centres de santé ; renforcer le travail en équipe ; valoriser les missions de santé publique et la prise en charge des publics vulnérables. L'an prochain, des groupes de travail s'attelleront, en concertation avec l'assurance maladie, aux rémunérations alternatives, à la valorisation des indicateurs de prévention et à la construction d'un contrat d'initiative territoriale.
Nous soutenons donc bien le développement des centres de santé, mais je le répète : depuis 2017, le gouvernement n'a pas trouvé un remède miracle qui dissiperait en un instant les déserts médicaux. Ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent ! Nous avons choisi d'activer un ensemble de leviers, les uns complétant les autres, parce que oui, la réalité est complexe et les territoires ne sont pas tous les mêmes.
Mais face aux attentes que j'évoquais en introduction, il faut aller plus loin et plus vite. C'est pour cette raison que le premier ministre a annoncé le lancement de France Santé. L'objectif est très clair : nous voulons que chaque Français, où qu'il vive, puisse trouver, à moins de trente minutes, un accompagnement immédiat dans son parcours de santé et obtenir un rendez-vous médical dans les quarante-huit heures lorsque son état l'exige. Les centres de santé seront pleinement intégrés à cette labellisation qui permettra de rendre l'offre de soins plus visible, plus lisible et plus intelligible pour nos concitoyens, de renforcer les lieux de soins déjà existants pour leur permettre de prendre en charge plus de patients, et enfin de créer une nouvelle offre de soins dans les lieux où il n'y en a plus.
Avant de répondre à vos questions, je veux vous redire mon attachement aux centres de santé. Eu égard à l'intitulé de votre débat, je tiens aussi à rappeler que face aux déserts médicaux, aucune solution unique ne suffira. C'est l'intelligence collective, la pluralité et la complémentarité des modèles, ainsi que l'adaptation aux territoires et aux publics, qui feront la différence.
M. le président
Nous en venons aux questions des députés.
La parole est à M. Jean-Claude Raux.
M. Jean-Claude Raux (EcoS)
À l'heure actuelle, 87 % de notre territoire est un désert médical ; au moins 6,5 millions de Françaises et de Français n'ont plus de médecin traitant et, depuis 2010, si la densité médicale est en hausse dans trente et un départements, elle est en baisse dans soixante-neuf autres. En 2024, les dépassements d'honoraires ont représenté au total un peu plus de 4 milliards d'euros. Ce constat, nous le connaissons toutes et tous, mais les réponses politiques que nous proposons diffèrent.
Le pacte de lutte contre les déserts médicaux de François Bayrou n'aura, je le crains, servi à rien. La mission de solidarité obligatoire des médecins n'a été ni obligatoire – elle s'est faite sur la base du volontariat – ni solidaire – elle a fait l'objet d'incitations financières – et nous pouvons le dire, ce pacte était un écran de fumée ; en tout état de cause, ce n'était pas un remède miracle.
Après le pacte de François Bayrou vient le label de Sébastien Lecornu : à chaque premier ministre son pansement. Soyons vigilants pour que France Santé ne soit pas qu'un autocollant apposé sur la façade d'un centre ou d'une maison de santé déjà existants et pour que l'argent public soit employé au mieux, avec discernement, au profit des territoires sous-dotés. Si je me permets cette remarque, c'est parce qu'un rapport de la Cour des comptes montre que les aides à l'installation ont été accaparées par un faible nombre de médecins libéraux et que leur efficacité est loin d'être prouvée.
Dans le même temps, l'équilibre économique des centres de santé pluriprofessionnels est plus que fragile – vous l'avez rappelé, madame la ministre, et leur déficit médian est de 10 % –, alors qu'ils accueillent tous les publics, y compris les plus vulnérables, sans dépassements d'honoraires. Les intervenants nous disaient tout à l'heure que plusieurs ministres travaillaient avec intérêt sur ce sujet mais qu'il manquait une impulsion politique. Madame la ministre, serez-vous celle qui engagera cette dynamique ? Plusieurs demandes ont été formulées récemment, telles que l'augmentation de la subvention Teulade, la réforme de la taxe sur les salaires et la perspective d'une rémunération forfaitaire des soins – la fameuse capitation qui est en cours de discussion et qui a été expérimentée dans le cadre des Peps 1 et 2.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre
Vous m'interrogez en réalité à la fois sur le financement des établissements concernés, en l'occurrence les centres de santé pluriprofessionnels, et sur la rémunération des professionnels qui y exercent. J'ai pu m'exprimer à plusieurs reprises sur le sujet du financement, notamment lors de nos débats en première lecture du PLFSS, mais aussi au Sénat, jusque tard hier soir.
Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, je suis convaincue que nous avons besoin de l'ensemble des dispositifs existants : centres de santé, maisons de santé, secteur 1, secteur 2, exercice libéral comme salarié. Cela posé, il faut ensuite répondre aux besoins. Vous l'avez dit, les centres de santé, surtout ceux qui sont pluriprofessionnels, répondent à des besoins spécifiques ; ils doivent donc bénéficier d'aides financières, à l'image de celles proposées lors des négociations du mois d'août.
Les financements doivent être adaptés aux besoins, mais il faut aller plus loin. Dans les mois qui viennent, il faudrait que nous puissions débattre du financement global de notre système de santé ; d'ici là, nous devrons aussi réfléchir à faire évoluer les modes de rémunération des professionnels dans le sens d'une même adaptation aux besoins. Cela suppose des modes de rémunération convergents, que l'on soit libéral ou salarié : une part fondée sur les besoins de santé, une part à l'acte pour certains soins et une part associée à une mission de service public.
Ces trois dimensions peuvent s'appliquer aussi bien en salarié, dans un centre de santé, qu'en libéral, dans une maison pluriprofessionnelle ou en pratique individuelle. Une telle convergence permettra aux professionnels de passer d'un mode d'exercice à l'autre au cours d'une même semaine, par exemple de l'hôpital au cabinet libéral.
M. le président
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu (GDR)
La création des maisons France Santé pose une difficulté : une simple labellisation ne suffit pas. Dans ce nouveau cadre, allons-nous voir se développer un véritable réseau de service public territorial de santé ? C'est notre unique question ! Nous sommes tous deux élus d'une région, madame la ministre, particulièrement affectée par la désertification médicale – et sans doute mon territoire l'est-il encore plus que le vôtre ; or il est impératif que nous assurions l'accès aux soins de tous nos concitoyens. C'est un droit quasi constitutionnel et l'État est en train de faillir sur ce sujet : c'est dramatique, d'autant plus que le fossé se creuse entre les départements les moins dotés et les mieux dotés. Nous ne pouvons pas accepter cela.
Par ailleurs, je suis d'accord avec ce que vous nous dites sur le forfait ou l'acte. Le centre de santé qui a été créé à mon initiative à Vierzon est précisément construit sur ce schéma d'un GIP qui autorise la double tarification.
Comment comptez-vous faire jouer la solidarité nationale pour assurer l'égalité républicaine ? Les collectivités territoriales n'ont pas à payer les déficits des centres de santé ou des maisons de santé, auxquels il arrive que les collectivités apportent un soutien financier, notamment pour l'investissement, alors que le principe de solidarité nationale, sur lequel est fondée l'assurance maladie, impose que tout citoyen, qu'il habite à Dunkerque, à Martigues, à Vierzon ou à Orléans, bénéficie du même service.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre
Merci d'évoquer Orléans, monsieur le député, cela me donne l'impression d'être un peu chez moi, ce soir. (Sourires.)
Vous posez plusieurs questions et je vais essayer d'y répondre avec concision. Commençons par France Santé, dont vous vous demandez s'il s'agit d'un label ou d'un réseau public. France Santé, c'est beaucoup plus que cela ! C'est tout d'abord un outil qui rend visibles les organisations mises en place pour permettre d'accéder aux soins. Le centre de santé de Vierzon, que vous avez cité, pourrait par exemple être labellisé maison France Santé, puisqu'il répond à cette demande d'accès aux soins. Les gens qui viennent d'arriver à Vierzon et ne connaissent pas encore bien la ville pourront ainsi immédiatement identifier les portes auxquelles ils devront frapper pour se faire soigner. C'est une information qu'il me semble important de délivrer aux gens. Ce premier objectif de visibilité n'est pas si anodin qu'il y paraît.
Ensuite, cet outil permettra de renforcer les structures existantes. Si on finance au sein de votre centre de santé une infirmière en pratique avancée, une secrétaire, il pourra se développer encore davantage.
Enfin, dans les secteurs où aucune profession médicale n'est installée, le financement que nous proposons, en permettant par exemple de doter une pharmacie d'une cabine de téléconsultation assistée, en collaboration avec un infirmier, permettra de créer les conditions d'un développement des offres d'accès aux soins à partir de ce noyau.
Je crois sincèrement à ce dispositif France Santé, qui est à la main des professionnels et des territoires.
Pour ce qui concerne le financement par les collectivités, nous connaissons tous l'importance de l'engagement financier des communes, des départements, des régions, des EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) dans les murs des maisons de santé, les transports, les logements des étudiants – c'est particulièrement vrai pour notre région, monsieur le député, car elle a dû, afin de compenser une démographie médicale en grande difficulté, innover pour résister.
Les collectivités, j'en suis convaincue, ont un rôle à jouer dans le financement des établissements, quitte à faire évoluer celui-ci.
M. le président
La parole est à M. Mickaël Cosson.
M. Mickaël Cosson (Dem)
Le parcours médical est au cœur des préoccupations de nos concitoyens, tout comme le parcours résidentiel, et il importe de remettre au centre du dispositif, non pas les professionnels qui seront chargés d'administrer les soins, mais bel et bien l'usager.
Or ce parcours médical est devenu chaotique pour nombre d'usagers contraints de subir des délais d'attente inacceptables ou de parcourir de longues distances avant d'obtenir un rendez-vous avec un spécialiste. Le dispositif des maisons France Santé est une bonne initiative et pourrait relancer la dynamique, mais encore faudrait-il placer l'usager au centre du dispositif pour mettre fin à une situation insupportable pour lui.
Je crains cependant que nous n'ayons pas suffisamment exploité certains outils que nous connaissons depuis l'école primaire, comme la pyramide des âges ou l'évolution de la société, qui pourraient nous permettre d'anticiper les problématiques.
Enfin, quand sera-t-il possible d'imposer un parcours médical afin de prévenir la survenue de maladies qui engendrent des soins coûteux ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre
Vous posez la question essentielle de la place de l'usager dans le système. Le DMP (dossier médical partagé) fut une première réponse. J'espère que vous avez tous installé Mon espace santé sur votre téléphone, car c'est un outil très utile, placé entre les mains de l'usager. Lorsque Agnès Buzyn et moi l'avons créé en 2018, nous avions bien conscience du changement de paradigme que nous opérions, puisque les données de santé n'allaient plus être gérées par le professionnel de santé, mais par l'usager lui-même.
Concernant le parcours médical, qui peut s'avérer chaotique, c'est précisément pour répondre à cette situation que nous avons fait évoluer ces dernières années la pratique des professionnels de santé qui ne sont pas des médecins. Je pense aux infirmiers en pratique avancée ou aux infirmiers de coordination qui occupent une place centrale dans ces parcours, notamment dans les maisons ou les centres de santé, mais aussi dans le cadre de l'expérimentation de nouveaux dispositifs, qui donnent aussi l'occasion de tester de nouveaux modes de financement.
À présent que ces parcours ont été expérimentés en différents points du territoire, j'aimerais qu'ils soient généralisés pour offrir les mêmes chances à tous nos concitoyens.
La question de l'accès à un spécialiste est cruciale. Ces dernières années, nous avons trouvé des pistes pour répondre à la problématique de l'accès à un généraliste, mais nous n'avons pas encore réussi à résoudre celle de l'accès à un spécialiste. Nous avons pris plusieurs mesures, qu'il faudra développer, en particulier celle des équipes de soins spécialisés. Celles-ci permettent de rassembler autour d'un projet les spécialistes présents dans un territoire. Ces équipes peuvent d'ailleurs faire partie de France Santé si elles le souhaitent.
La téléexpertise et la téléassistance pourraient également constituer le moyen de réduire ces délais – je ne peux hélas pas développer, car mon temps de réponse est limité.
Quant à la prévention, je vous renvoie à une disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui tend à prendre en charge les soins des malades avant qu'ils ne soient placés en ALD (affection de longue durée)
M. le président
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil.
Mme Claire Marais-Beuil (RN)
Je suis d'accord avec vous, madame la ministre, sur le fait que les médecins, autrefois répartis dans l'ensemble d'un territoire, se sont regroupés dans des centres de santé ou des maisons médicales, généralement installés dans des centres-bourgs, ce qui a fait des territoires ruraux de véritables déserts médicaux. Comment comptez-vous faire pour que les maisons France santé tiennent leurs promesses alors qu'il n'y a plus de maillage territorial ? Comment sera-t-il possible de garantir une offre de soins de proximité à moins de trente minutes et sous quarante-huit heures ? Sur mon secteur, par exemple, je ne vois pas quelle solution vous pourriez trouver à moins d'une heure et demie. Les médecins sont saturés et il me paraît difficile de leur demander de travailler encore davantage quand on sait que ceux encore présents en milieu rural travaillent déjà soixante-dix heures par semaine ! Si on accueille moins de patients dans les centres de santé, c'est tout simplement parce que les médecins y assurent moins d'heures.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre
Vous avez raison de soulever ce problème, madame la députée. Il peut être angoissant et compliqué de vivre éloigné d'une offre de soins. France Santé est l'outil qui permettra de trouver des solutions dans les secteurs dépourvus d'offre médicale. L'idée n'est pas d'imposer des mesures, mais de proposer des pistes.
Par exemple, s'il reste une pharmacie et une infirmière dans un secteur déserté par les médecins, il est possible d'envisager une collaboration entre ces deux professionnels pour installer au sein de la pharmacie une cabine de téléconsultation dans laquelle le malade serait accompagné par l'infirmière, lui offrant ainsi la possibilité d'accéder à une offre de soins dans les quarante-huit heures. Il faut ensuite espérer que, progressivement, des médecins seront tentés de venir s'installer autour de ce noyau constitué d'une pharmacie et d'une infirmière. Je ne dis pas qu'un dermatologue viendra forcément s'installer, en tout cas dans les premiers temps, mais notre intention est de favoriser une dynamique propice à l'installation de médecins.
Le numérique est un bon outil pour cela. Je le sais pour l'avoir expérimenté dans mon propre département, où les premières cabines de téléconsultation ont été installées. Nous offrons une première réponse médicale aux patients et nous pensons que c'est ensuite, progressivement, que les professionnels se regrouperont en réseau autour.
M. le président
La parole est à Mme Ersilia Soudais.
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP)
Vous avez dit, madame la ministre, que la lutte contre les déserts médicaux n'était pas un sujet partisan. Vous mentez. Certes, vous me répondrez qu'une loi transpartisane a été votée à l'Assemblée nationale, mais sachez qu'elle est boudée par le Sénat, lequel est dominé, je vous le donne en mille, par la droite.
Vous me direz encore que le gouvernement s'est engagé à honorer un pacte pour lutter contre les déserts médicaux ; peut-être, mais, dans les faits, les gouvernements successifs se sont illustrés par une réduction continue des dépenses.
Vous vous abriterez, en vertu de ce fameux pacte gouvernemental, derrière la solidarité territoriale pour ne pas dépenser davantage mais, comme l'a souligné Laure Artru, présidente de l'Association de citoyens contre les déserts médicaux lors de la première partie de ce débat, ce n'est pas par la solidarité territoriale que des réponses pourront être trouvées à la problématique des soins primaires.
La cartographie des zones prioritaires est d'ailleurs établie selon une méthodologie plus que douteuse, puisque la Seine-et-Marne n'y figure pas, alors qu'elle fait partie des départements les plus touchés par la désertification médicale.
Enfin, quand 87 % du territoire souffre de la désertification médicale, il est bien difficile de faire jouer cette solidarité. La solidarité entre pauvres a ses limites !
Bien sûr, et vous y avez pensé, il reste toujours la possibilité d'exploiter les médecins – c'est ce que vous faites avec les Padhue. Mais là encore, il y a eu un souci car le GHEF, le Grand Hôpital de l'Est francilien, pour combler le manque de médecins, avait décidé d'instaurer une prime différentielle, laquelle a été jugée non réglementaire et a dû être remboursée par les médecins – jusqu'à 100 000 euros pour certains d'entre eux !
Arrêtons l'hypocrisie, madame la ministre, et posons-nous la bonne question : comment faire mieux avec moins ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre
Vous posez une question importante, à laquelle je répondrai par un exemple concret : il y a cinq ans, dans mon département, il était impossible, même dans une métropole de 300 000 habitants, d'obtenir un rendez-vous médical sous quarante-huit heures – il n'y avait pas d'autre solution que de se rendre aux urgences. Les professionnels se sont rassemblés au sein de communautés professionnelles territoriales de santé ; ils ont organisé un accès aux soins non programmés permettant à des patients dépourvus de médecins traitants d'être reçus par un praticien sous quarante-huit heures. La coopération entre professionnels fait gagner du temps médical et améliore la prise en charge des patients, et c'est encore mieux lorsque des infirmiers en pratique avancée, des infirmiers de coordination et des assistants médicaux entrent dans le processus.
Certes, la situation est difficile et nous ne pourrons faire apparaître des médecins en un claquement de doigts, mais je suis certaine d'une chose : l'obligation d'installation ou le déconventionnement des médecins – que vous avez évoqués – détruiraient tout ce que les professionnels sont en train de bâtir et compliqueraient davantage l'accès aux soins. Pour ma part, je crois beaucoup dans la coopération entre professionnels.
M. le président
La parole est à Mme Chantal Jourdan.
Mme Chantal Jourdan (SOC)
Je souhaite revenir sur le rôle du réseau France Santé, car nous avons du mal à le cerner avec précision. Si nous comprenons que ce réseau peut favoriser la coordination – ce qui est une bonne chose –, nous sommes interpellés par les CPTS qui craignent de perdre la fonction d'aide à l'accès aux soins sur les territoires qu'elles remplissent actuellement, dans la mesure où vous semblez vouloir confier à France Santé le soin d'adapter l'offre de soins dans les territoires. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce sujet ?
Deuxième question : à propos des difficultés économiques des centres de santé, vous avez évoqué de nouvelles formes de financement – financements forfaitaires, rémunérations alternatives. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Une réforme des financements permettrait-elle de renforcer le maillage des centres de santé ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre
Il nous semblait logique d'inclure les CPTS dans le réseau France Santé, étant observé que ce réseau n'est pas un nouveau dispositif, mais la labellisation de ce qui existe déjà. France Santé ne prend donc pas la place des CPTS. C'est une sorte de chapeau devant servir à améliorer la lisibilité de l'offre de soins pour nos concitoyens et à la renforcer avec une dotation moyenne de 50 000 euros : on essaie de créer quelque chose là où il y a rien.
Notre projet de PLFSS comportait un article prévoyant de changer le nom des CPTS en "communautés France Santé", mais s'il faut retirer cette disposition au cours du débat législatif, nous le ferons sans difficulté. Seules les maisons de santé qui le souhaitent seront labellisées France Santé ; toutes ne le seront pas. Le label est une possibilité offerte aux acteurs des territoires, professionnels et élus, en association avec chaque département, de rendre visible un lieu et de bénéficier pour cela d'un petit financement. Ce financement peut, par exemple, aider à l'installation d'une infirmière référente en santé mentale. Vous savez que, dans le cadre de la grande cause nationale 2025 en faveur de la santé mentale, nous essayons de développer ce rôle d'infirmière référente en santé mentale – avec des résultats mitigés pour le moment, mais ce financement pourrait justement donner un coup de pouce au dispositif.
Vous m'interrogez sur le financement forfaitaire : je crois à la souplesse des dispositifs. J'aimerais une réforme d'ampleur qui aille vers une convergence des modes de rémunération sans imposer la rémunération forfaitaire. Selon moi, chaque professionnel doit trouver le mode d'exercice qui lui convient et conserver la possibilité de passer d'un mode d'exercice à un autre, parce qu'on a le droit d'avoir envie de changer d'activité tout au long de sa carrière.
M. le président
La parole est à Mme Catherine Hervieu.
Mme Catherine Hervieu (EcoS)
Nous parlons beaucoup d'égalité territoriale pour l'accès à l'offre de soins : comment l'articuler avec les différences de prévalence des pathologies selon les territoires, liées à aux contextes environnementaux qui leur sont propres ? Comment prendre en compte ce critère au-delà de celui du nombre de patients en déshérence de soins ?
Les registres régionaux et nationaux peuvent aider à prendre en compte les différences territoriales en matière de prévalence des pathologies. À cet égard, je me félicite du vote en faveur de la création d'un registre national des cancers intervenu il y a quelques mois à l'Assemblée. C'est un bel outil de prévention.
La prévalence du cancer étant très importante, disposer d'un accès aux soins le plus rapide possible en cas de symptômes, même dormants, est très important. Cette dimension est-elle prise en compte lors de la labellisation des centres France Santé ?
Enfin, vous avez évoqué le rôle des infirmières référentes en santé mentale. Au regard de la détérioration de la santé mentale qui touche toutes les générations et tous les territoires, cette réponse semble un peu en deçà des besoins en la matière, en dépit de l'intérêt qu'elle présente.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre
Vous avez raison d'insister sur la prévalence de l'environnement dans les pathologies.
Le décret d'application de la loi prévoyant la création d'un registre national des cancers est à l'étude à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil).
Votre question sur la santé mentale est vraiment importante. Nous connaissons tous ici les drames que vivent les familles et les chiffres qui révèlent l'ampleur des problèmes de santé mentale dans notre société. Le recours à des infirmières référentes ne constitue pas la seule mesure à avoir été prise. Je le dis d'autant plus facilement que ce sont mes prédécesseurs qui ont agi depuis plusieurs années, et particulièrement en 2025, année de la grande cause nationale consacrée à la santé mentale. En décembre, j'aurai l'occasion de dresser le bilan de cette grande cause pour déterminer comment poursuivre nos efforts.
L'infirmière référente constitue l'un des éléments de la prise en charge. Des études internationales ont démontré ce dont je suis moi-même convaincue : la qualité de prise en charge des patients s'améliore quand les médecins travaillent avec d'autres professionnels – IPA, kinésithérapeutes, infirmières référentes. Cela est particulièrement vrai pour les maladies chroniques. Une infirmière référente de santé mentale va pouvoir coordonner des soins, être présente pour répondre à la demande des patients. Il faut à tout prix éviter qu'un patient, ou un usager selon le terme utilisé tout à l'heure, n'obtienne pas de réponse à sa demande. Les usagers ne veulent pas nécessairement voir un médecin, mais ils souhaitent que quelqu'un réponde aux questions qu'ils se posent. Par rapport à une infirmière, une IPA a suivi deux années d'études supplémentaires, dans le cadre universitaire. Elle dispose d'une formation, d'un diplôme, de compétences pour soigner et orienter le patient. Cela permet de gagner du temps et d'offrir une meilleure prise en charge. Personnellement, je crois beaucoup aux infirmières référentes en santé mentale pour répondre, coordonner et faire gagner du temps aux médecins.
M. le président
La parole est à M. Éric Martineau.
M. Éric Martineau (Dem)
Si les centres de santé sont censés pallier le manque de médecins, comment peuvent-ils fonctionner durablement sans médecins ? Faut-il rendre obligatoire la présence de médecins dans les zones sous-dotées pour que ces centres fonctionnent ? Si j'ai bien compris que la loi transpartisane que nous sommes plusieurs ici à défendre ne plaît pas à tous, je reste perplexe. Ce texte n'oblige pas les médecins à s'installer là où ils ne le veulent pas. Il donne seulement la possibilité aux ARS d'interdire à un médecin de s'installer dans un territoire trop doté. Ce n'est pas la même chose !
Je salue la présence de Laure Artru en première partie de ce débat. Lorsqu'elle s'est rendue avec Guillaume Garot dans ma circonscription, la réunion que nous avions organisée sur la santé dans un petit village a rassemblé près de 300 personnes : l'accès aux soins soulève une véritable inquiétude parmi nos concitoyens.
Sans réduire la question à mon cas personnel, je suis convaincu que mon père est décédé trop tôt parce qu'il n'avait pas de médecin traitant. S'il en avait eu un, il serait encore en vie. Est-il normal que nous ne disposions pas tous de la même chance d'accéder aux soins et de vivre ? Alors que mon père a payé ses impôts comme tout le monde et cotisé à la Mutualité sociale agricole (MSA), aujourd'hui il n'est plus là. Je ne dis pas que c'est la faute des médecins, mais les disparités sont flagrantes et ce n'est pas normal : député à Paris, je sais que je peux obtenir un rendez-vous dans l'heure chez un dentiste et qu'on m'accueillera avec le sourire même si j'arrive avec trois quarts d'heure de retard. Malgré les dépassements d'honoraires, je trouve cette situation profondément injuste – et je ne doute pas que ce soit le cas pour vous aussi. Je ne mets personne en accusation, mais je suis convaincu que nous devons changer les choses. D'autres professionnels de santé, les pharmaciens par exemple, n'ont pas le choix de s'installer où ils veulent.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre
Je vous remercie de votre question. Dans nos permanences, de nombreuses personnes nous demandent : "Qu'attendez-vous pour obliger les médecins à s'installer chez nous ?". C'est une très bonne question, qu'il faut envisager avec beaucoup d'humilité.
Vous l'avez dit, sur 87 % de notre territoire – peut-être même un peu plus, car ce chiffre date de deux ans – le nombre de médecins est globalement insuffisant pour assurer leur répartition homogène.
Certes on peut toujours aller chercher des médecins dans des villes bien dotées, comme Bordeaux par exemple, mais un problème purement mathématique se posera de toute façon : le nombre de médecins traitants est insuffisant. Par conséquent, la régulation assurée au moyen d'une autorisation d'installation délivrée par l'ARS ne permettra pas de résoudre l'équation sur l'ensemble du territoire.
Ensuite, pour avoir recours à la régulation, il faut être certain qu'il n'existe aucune autre solution. Je vous donne un exemple très concret. Si une interne, jeune étudiante en fin de cursus de médecine, décide de vivre à Bordeaux, on peut imaginer, au vu de la situation en centre-ville, que l'ARS lui demandera d'attendre qu'un médecin parte à la retraite.
Or elle ne sera pas obligée de renoncer à son projet de vivre à Bordeaux, car plusieurs possibilités s'offrent à elle. Elle peut par exemple se rapprocher d'un médecin préretraité et lui proposer de lui racheter sa clientèle – comme cela se pratiquait il y a vingt ans. Elle peut également aller travailler à l'hôpital, où 15 000 postes sont disponibles, dans le secteur de l'industrie pharmaceutique ou encore à la sécurité sociale.
Bref, si cette jeune femme a décidé de vivre à Bordeaux, vous ne parviendrez pas, malgré tous vos efforts, à l'en dissuader. Car, lorsqu'on est médecin – contrairement à bien d'autres métiers, par exemple celui de professeur –, on dispose d'une certaine liberté. Par conséquent, tous les dispositifs que l'on peut imaginer en matière de régulation se révèlent inefficaces. Et si notre interne décide de partir travailler dans l'industrie pharmaceutique, on aura définitivement perdu un médecin qui aurait pu venir renforcer l'offre d'accès aux soins.
S'agissant des pharmacies, il faut savoir que des difficultés commencent à apparaître dans les déserts médicaux. En effet, les pharmaciens ont eux aussi été confrontés au problème du numerus clausus – même si, au départ, leur nombre était plus élevé. Et pourtant, ce secteur est très régulé.
Tous ces exemples le prouvent : la régulation n'est pas la solution. Il n'empêche que nous devons redoubler d'efforts. Je suis convaincue que nous disposons d'autres moyens pour agir – même si certains professionnels se montrent réticents face à certaines évolutions. Il faudrait par exemple développer le travail avec des assistants médicaux ou avec des infirmières en pratique avancée, ainsi que le travail en coopération, car nous savons qu'en procédant ainsi la pratique médicale gagne en efficacité.
Il est donc possible d'agir – y compris, si vous le souhaitez, en instaurant des contraintes –, mais en ayant recours à d'autres leviers que la régulation, car celle-ci est inefficace.
M. le président
La parole est à M. Elie Califer.
M. Elie Califer (SOC)
Vous nous expliquez que la régulation est inefficace et que les centres de santé ne constituent pas la solution unique.
Dans les territoires ultramarins – que vous connaissez –, en l'absence de médecins, comment faire fonctionner les centres de santé ?
Aux difficultés rencontrées partout en France s'ajoutent celles liées aux Padhue affectés en outre-mer. Certains ne parviennent pas à obtenir de visa et se retrouvent loin de leurs proches parce que leur demande de regroupement familial a été rejetée. En outre, comment les garder étant donné que les épreuves de vérification des connaissances ne sont presque jamais programmées ?
Comment comptez-vous assurer l'égalité républicaine, l'accès universel aux soins et surtout la permanence des soins dans nos territoires ? Les rares médecins que nous pourrions accueillir formulent des demandes, en matière de renforcement de l'attractivité, auxquelles nous ne pouvons pas faire face. Quelle est la solution ?
Comment envisagez-vous la situation des territoires ultramarins, avec leurs spécificités ? Ils méritent une réponse en matière d'accès aux soins, car ils font partie du territoire national. Vous avez fixé comme objectif un rendez-vous médical dans les quarante-huit heures, à moins de trente minutes du domicile du patient. Or, dans nos territoires, il faut attendre jusqu'à quatre mois pour obtenir un rendez-vous. Il convient donc de réfléchir, hors de toute idéologie, à cette situation de blocage et y mettre fin pour que tous les usagers de la santé bénéficient d'une prise en charge.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre
Tout d'abord, il n'est pas possible de donner une seule réponse pour l'ensemble des territoires ultramarins. Ils sont tous différents, chacun présentant des spécificités. Je m'en tiendrai donc à de grands principes.
Premièrement, je rappelle que l'intégration des Padhue a augmenté de 40 %. J'ai d'ailleurs veillé, au moment de prendre mes fonctions, à ce qu'aucune difficulté liée à leur affectation ne se pose dans les circonscriptions. Si vous en rencontrez malgré tout – un visa qui tarde à être accordé, par exemple –, n'hésitez pas à nous en faire part et nous examinerons la situation. Cependant, la présence des Padhue ne réglera pas tous les problèmes.
Comme je le disais tout à l'heure à propos de mon département, être confronté à des difficultés particulières peut aussi favoriser l'innovation. Voilà pourquoi il me semble que, dans les territoires ultramarins, il est possible de développer des solutions innovantes, notamment en matière d'organisation.
Je constate par exemple avec une certaine stupeur – d'après les informations dont je dispose depuis ma prise de fonctions il y a quelques semaines – que le recours à la télémédecine dans les territoires ultramarins est très faible. À quelques semaines de 2026, nous nous devons d'utiliser davantage cette technologie pour améliorer l'accès aux soins, et cette remarque ne vaut d'ailleurs pas uniquement pour les territoires ultramarins. Il faut savoir qu'au Canada, où certains territoires sont très isolés, l'usage des innovations technologiques – qui apportent de vraies solutions – pour soigner la population est très impressionnant.
Par ailleurs – puisque je vous disais qu'il était impossible de donner une réponse unique sur la question des territoires ultramarins –, il est très important de former davantage d'étudiants, notamment des jeunes qui sont issus de ces territoires et auront envie d'y exercer leur activité. Il faut, dès le lycée, donner envie aux jeunes de se lancer dans des études de médecine et de rester dans un territoire ultramarin – ou d'y revenir, selon les cas.
Il faut également former au numérique les autres professionnels de santé. Je le répète : nous sommes en retard par rapport aux autres pays s'agissant de l'évolution de ces métiers. Par exemple, le nombre d'IPA formées dans notre pays est insuffisant, nous devons absolument faire en sorte qu'il augmente. Il faut aussi rappeler que les nouveaux outils numériques permettent la téléexpertise, dans le cadre de laquelle des infirmières peuvent accompagner à distance les patients lors d'un examen médical.
Nous devons accélérer le déploiement de ces dispositifs. À cet égard, les territoires les plus en difficulté pourraient aussi, selon moi, être les plus innovants.
M. le président
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil.
Mme Claire Marais-Beuil (RN)
Je préside le groupe d'études sur les maladies rares qui doit se réunir, pour la neuvième fois, la semaine prochaine. L'un des problèmes qui se posent aux familles concernées est celui de l'errance médicale. Nous parlons de 7 000 pathologies très particulières, qui obligent les patients à s'éloigner du parcours médical classique. Quelles réponses pouvons-nous apporter à toutes ces familles qui attendent d'obtenir un diagnostic ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre
Je crois beaucoup à la gradation des soins, y compris dans le cas, que vous évoquez, des maladies rares – comme, d'ailleurs, dans celui des maladies complexes, qui ne sont pas toujours les mêmes –, parfois difficiles à diagnostiquer ou à prendre à charge.
La gradation de l'offre de soins passe par la diversité des établissements de santé qui répondent à différents besoins. Il y a d'abord les hôpitaux de proximité, ensuite les structures de premier recours et enfin les centres d'expertise et de référence. Les maladies rares, par définition, ne peuvent être prises en charge par les établissements qui correspondent aux deux premières catégories car, à l'évidence, nul n'est expert sur tous les sujets.
L'ultraspécialisation est nécessaire, notamment pour les maladies dont vous parlez. Toutefois, les médecins ultraspécialistes ne peuvent être présents partout – ils ne sont de toute façon pas assez nombreux –, c'est pourquoi une gradation est nécessaire. D'ailleurs, celle-ci existe déjà dans notre pays – même s'il faut peut-être, dans certains cas, la consolider. Ces dernières années, beaucoup a été fait en la matière : les professionnels se sont organisés, coopèrent, innovent.
Le problème est celui de la lisibilité du dispositif pour les patients. Sur ce point, nous sommes en retard. Très souvent, les malades ne disposent pas de toutes ces informations – heureusement, les associations sont là pour les guider. Il arrive même que des professionnels ne sachent pas vers quel établissement diriger un patient atteint d'une maladie rare lorsque celui-ci rencontre des difficultés pour obtenir un diagnostic ou pour être suivi. Si la gradation est nécessaire, elle doit donc aussi être lisible.
M. le président
La parole est à Mme Ersilia Soudais.
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP)
J'aimerais revenir sur la question de la régulation. Comme l'a rappelé M. Martineau, il n'est absolument pas question d'obliger les médecins à s'installer à tel ou tel endroit, mais seulement de les empêcher de s'installer là où leur présence n'est pas utile.
Vous prétendez que la régulation est inefficace. Or, si nous partons du principe que toutes les solutions que nous proposons sont inefficaces, autant arrêter tout de suite de lutter contre la désertification médicale, car le combat est inutile.
Certes, aucune solution ne résoudra à elle seule le problème de la désertification médicale. Toutefois, la régulation nous semble indispensable étant donné que nous ne disposons pas d'un nombre suffisant de médecins sur l'ensemble du territoire et que, comme vous l'avez dit, ce n'est pas en claquant des doigts que ce nombre augmentera demain.
En réalité, nous payons les pots cassés après de nombreuses années de mauvaise gestion en la matière. Je sais bien que le numerus clausus a été supprimé, mais cela ne change rien au fait que, d'une part, il n'y a pas assez de places dans les facultés pour former les futurs médecins et que, d'autre part, le personnel chargé d'encadrer les internes dans les hôpitaux est insuffisant.
Je reviens donc à la question des moyens, sur laquelle j'ai insisté lors de ma précédente intervention. Nous sommes en plein examen du PLFSS. À l'issue de la première lecture à l'Assemblée nationale, on compte 12 milliards de moins dans les caisses de la sécurité sociale – plusieurs milliards destinés aux hôpitaux ont ainsi été supprimés. Dès lors, ne serait-il pas temps, avant le vote final sur le PLFSS, de changer de stratégie ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre
Premièrement, s'agissant de la régulation, des exemples à l'étranger prouvent que cette solution est inefficace. Ensuite, je rappelle que le nombre d'étudiants formés a augmenté de 30 %, passant de 6 000 à 10 000 en cinq ans environ. Enfin, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) a augmenté de 66 milliards par an depuis 2018. Par conséquent, on ne peut pas dire que nous ne mettons pas d'argent dans ce secteur.
Par ailleurs, le financement ne résout pas tout – hélas, car ce serait beaucoup plus simple ! Parfois c'est un problème d'organisation qui se pose. D'autres fois, c'est le nombre de médecins qui est en cause. Même si nous décidions de consacrer à la santé des dizaines et des dizaines de milliards supplémentaires, si les médecins ne sont pas assez nombreux, cela ne servirait à rien.
En revanche, on ne peut pas dire que notre système de santé et nos hôpitaux n'ont pas bénéficié d'un financement ces dernières années. Vous savez que la revalorisation des professionnels représente 13 milliards par an, et j'ai déjà parlé de l'Ondam qui atteint 250 milliards et augmente chaque année de 66 milliards – nous parlons bien de milliards, ce sont des montants colossaux. Malheureusement, l'argent ne règle pas toujours tous les problèmes.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons pris d'autres décisions, notamment la suppression du numerus clausus ou l'augmentation du nombre d'étudiants formés – un processus qui doit prendre dix ans avant de produire ses premiers résultats. Je pense d'ailleurs qu'il faut former davantage d'étudiants, en y consacrant les financements nécessaires, car la surface du désert médical sur notre territoire est immense, et il n'y aura jamais trop de médecins dans notre pays.
Cependant, il est vrai que des questions se posent s'agissant du financement de notre système de santé. J'espère d'ailleurs que, dans les mois qui viennent, nous débattrons des moyens de financer notre modèle social en général, notamment notre système de santé.
M. le président
La parole est à M. Jean-Claude Raux.
M. Jean-Claude Raux (EcoS)
Nous avons évoqué le droit de chacun de nos compatriotes à accéder aux soins, le nécessaire maillage du territoire afin que des réponses rapides leur soient apportées, et le modèle, que vous avez qualifié de vertueux, des centres de santé pluriprofessionnels.
Dans le même temps, j'apprenais que les syndicats libéraux appelaient à la mobilisation et à la grève en début d'année prochaine pour s'opposer à la faculté, conférée à l'assurance maladie, de réduire les tarifs jugés excessifs de certains actes, ainsi qu'à la possible remise en cause des dépassements d'honoraires. Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, le gouvernement saura-t-il résister aux pressions syndicales des médecins libéraux et défendre l'intérêt général, à savoir celui des patients, face au corporatisme médical ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre
Lorsque des organisations syndicales font grève ou manifestent, il convient de les écouter. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale suscite l'inquiétude des professionnels. Leur colère, ou leur gronde, a deux causes, selon moi : d'un côté, ils s'estiment stigmatisés par ce budget ; de l'autre, ils ne voient plus l'assurance maladie comme un interlocuteur de confiance dans le cadre des négociations conventionnelles.
Le mécontentement des professionnels libéraux est dirigé contre plusieurs articles du PLFSS, en particulier l'article 24 visant à lutter contre les rentes dans le système de santé. Il faut expliquer ce qu'il contient. Dans un premier temps, il prévoit que les syndicats, avec l'assurance maladie, estimeront la rentabilité de chaque secteur. Certains seuils de rentabilité particulièrement élevés – entre 20 et 30 % de rentabilité opérationnelle, à comparer aux 4 à 6 % des cliniques privées, et aux 15 à 20 % des entreprises marchandes – peuvent être considérés comme excessifs – bien qu'il faille opérer des distinctions selon les actes médicaux. Cela ne se fera pas sans les syndicats de médecins – je le répète pour qu'ils l'entendent –, l'article précisant que des négociations conventionnelles devront alors s'engager pour faire baisser les tarifs excessifs. Ces tarifs correspondent à des dépenses de l'assurance maladie, il est donc normal que nous cherchions à les maîtriser.
Dans un second temps, en cas d'échec des négociations – c'est cela qui met très en colère les syndicats de médecins –, il faudra bien que quelqu'un, en l'occurrence le directeur général de la Cnam, prenne ses responsabilités pour procéder, de manière unilatérale, aux baisses de tarifs. Je peux comprendre que cela ne plaise pas du tout aux organisations syndicales, mais il faut bien que quelqu'un le fasse, puisque le budget de la branche maladie est concerné.
Nous devons retisser des liens de confiance entre les professionnels et l'assurance maladie, de sorte que les négociations conventionnelles préalables aboutissent. Nous pourrons ainsi réduire ensemble le déficit de la sécurité sociale et assurer la pérennité du remboursement des soins, de la protection sociale de nos concitoyens. Nous devons être fiers de ce système grâce auquel le reste à charge est le plus bas du monde, et que beaucoup d'autres pays nous envient, quelles que soient ses difficultés par ailleurs.
M. le président
Le débat est clos.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 28 novembre 2025