Interview de M. David Amiel, ministre délégué, chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État, à Sud Radio le 15 décembre 2025, sur l'attaque terroriste de Sydney, l'antisémitisme, les achats publics, le budget de l'État et les questions agricoles.

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Média : Sud Radio

Texte intégral

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Bonjour David AMIEL.

DAVID AMIEL
Bonjour.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Nous allons justement évoquer votre croisade contre les tarifs abusifs, pratiqués par les centrales d'achat public. Il y a sans doute des milliards à dégager dans cette histoire. Un mot d'abord sur l'attaque terroriste de Sydney. Vous êtes membre du Gouvernement. Elle avait pour but de tuer le plus grand nombre de juifs. Que dites-vous ce matin, David AMIEL ? Est-ce là le résultat de l'antisémitisme, il faut le dire, qui a gagné le monde entier, et que nous constatons ici, en France ?

DAVID AMIEL
Oui, l'antisémitisme se répand. Il se répand dans le monde entier. Et cet antisémitisme tue. On l'a vu hier, dimanche, en Australie. Et on pense évidemment aux familles des blessés, des victimes, à leurs proches, à tous les juifs qui fêtent en ce moment même les fêtes de Hanouka. Mais c'est aussi le cas en France : l'antisémitisme a tué et tue en France. Et c'est la raison pour laquelle il faut le combattre pied à pied. Non seulement combattre le terrorisme, mais aussi combattre tous les discours qui pavent la voie à ces actes.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous dites " les discours ", est-ce que certains politiques jouent avec le feu depuis le 7 octobre ?

DAVID AMIEL
Il est évident que depuis le 7 octobre, certaines déclarations politiques du côté de l'extrême gauche alimentent l'antisémitisme. Du côté de la France insoumise, c'est évident aussi qu'il y a un antisémitisme d'extrême droite qui n'a pas disparu. On le voit aussi jour après jour. Donc, oui, il faut pouvoir tenir une ligne intransigeante face à toutes ces manifestations d'antisémitisme. C'est la ligne du Gouvernement.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Oui, il dénonçait ces discours qui peuvent fabriquer, on va dire, de l'antisémitisme et même des actions violentes.

DAVID AMIEL
On a aujourd'hui beaucoup de juifs, en France, qui rentrent chez eux la boule au ventre, qui changent leur nom sur leur adresse, qui changent leur nom quand ils commandent un taxi, qui enlèvent leurs enfants de l'école publique. Et tout ça, c'est inacceptable.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
David AMIEL, une réunion importante consacrée aux achats publics se tient aujourd'hui à Bercy. Ce n'est pas anodin, cette histoire. À la clé, ce sont peut-être des milliards que l'État pourrait économiser sur les centrales d'achat. David AMIEL, les commandes publiques sont trop chères aujourd'hui ?

DAVID AMIEL
Les commandes publiques, c'est très important. Vous l'avez dit, c'est 230 milliards d'euros. L'État et les collectivités locales. Évidemment, c'est nécessaire.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
230 milliards d'euros ?

DAVID AMIEL
230 milliards d'euros.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Tous azimuts, hein ?

DAVID AMIEL
Tous azimuts. Donc, c'est nécessaire pour faire fonctionner les hôpitaux, les mairies, l'État. Mais oui, on peut, on doit mieux faire. Il faut faire le ménage dans les achats publics pour s'assurer que chaque euro est dépensé utilement, parce que c'est l'argent des Français.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Très concrètement, une mairie, au hasard, ou un ministère, peu importe, achète une cafetière, un fauteuil, je ne sais quoi, trop cher, sur catalogue. Comment ça se passe ?

DAVID AMIEL
On a eu en tout cas beaucoup trop d'exemples, où on voit effectivement que des mairies, des ministères, achètent une cafetière, des dizaines d'euros supplémentaires, du prix auquel vous, moi, nous irions les acheter au supermarché. Une cafetière qui est vendue à 60 euros, elle peut être achetée par une mairie à une centaine d'euros. C'est inacceptable. C'est inacceptable. Et donc, j'y mettrai fin. Et j'y mettrai fin avec un dispositif très simple. Quand une mairie, une collectivité, passe par une centrale d'achats publics, parce que souvent, elles n'achètent pas directement, elles passent par des centrales d'achats publics dont c'est le métier, et qu'il y a un écart entre le prix qu'elle observe au supermarché du coin, sur internet, et le prix qui est sur le catalogue de cette centrale d'achats, eh bien, quand il s'agit de l'UGAP, la centrale d'achats qui dépend de l'État, elle pourra le signaler immédiatement, et le catalogue s'ajustera pour une très large gamme de produits.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
L'union des groupements d'achats publics, l'UGAP, qui brasse, combien, près de 7 milliards d'euros d'achats ?

DAVID AMIEL
Exactement.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Oui. Ça veut dire quoi ? Vous pouvez, vous, techniquement mettre le nez là-dedans ? Parce qu'il va falloir aussi... Il y a des intermédiaires, parce que les centrales d'achats, elles se fournissent sur une sorte de plateforme, en quelque sorte.

DAVID AMIEL
Oui. Bah, c'est le rôle de l'État, de la politique, de s'assurer que les achats publics sont sous contrôle. C'est-à-dire que chaque euro est dépensé. Et c'est bien ce que je m'emploie à faire. J'ai parlé du juste prix. C'est celui-là, mais il s'agit aussi de pouvoir faire des économies. Car sur cette masse considérable, on peut et on doit mieux faire. On vise avec Amélie DE MONTCHALIN, la ministre de l'Action et des Comptes Publics, 850 millions d'euros d'économies l'année prochaine, en 2026. On a déjà réalisé des économies les années précédentes, et on continuera à aller plus loin. On peut le faire en faisant la transparence sur le fonctionnement des centrales d'achats publics, j'en parlais. On doit le faire aussi en simplifiant la vie des acheteurs. Vous savez, il y a aujourd'hui beaucoup de gens qui passent des heures et des heures à éplucher des appels offres. Tout ça coûte très cher. Avec l'intelligence artificielle, on peut gagner 60 % de temps. Ce sont aussi des outils qu'on va généraliser.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
David AMIEL, j'ai lu, je ne sais pas si c'est vrai, une hypothèse qui donne 5 milliards d'euros à terme, pas l'année prochaine, mais d'économies potentielles, rien qu'en optimisant les achats des seules collectivités locales. C'est réaliste ou pas ?

DAVID AMIEL
C'est réaliste, à terme, de faire plusieurs milliards d'euros d'économies.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Plusieurs milliards ?

DAVID AMIEL
Dès l'année prochaine, nous visons 850 millions d'euros. Et on a bien l'intention de continuer les années suivantes, en étant encore plus ambitieux.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous parleriez de raquette publique, avec ces centrales d'achats ?

DAVID AMIEL
Non. Les centrales d'achats, elles peuvent être, et elles sont, utiles. C'est les gens dont c'est le métier d'acheter. En revanche, il faut qu'elles fonctionnent mieux.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous êtes d'accord pour dire que, finalement, ce serait une solution pour trouver une trappe à milliards, plutôt que d'accabler certaines catégories de Français en ce débat fiscal budgétaire. Vous connaissez qu'il y aurait la démarche à trouver. Pourquoi est-ce qu'on n'y pense pas, en fin de compte ?

DAVID AMIEL
Ça fait plusieurs années qu'on réalise des économies sur les achats publics, plusieurs centaines de millions d'euros tous les ans. Ce qu'on veut avec ce plan, c'est pouvoir aller plus loin, parce qu'effectivement, quand on demande des efforts à l'ensemble des Français, il faut commencer par s'assurer que l'argent public est aujourd'hui bien dépensé. Il faut aussi s'assurer que cet argent public, ça va soutenir notre économie, nos PME, nos entreprises, nos industries, et qu'ils ne servent pas à biberonner des entreprises américaines ou chinoises. C'est aussi une des priorités de ce plan.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
David AMIEL, dernière ligne droite pour le budget. Il reste 8 jours maximum avant la signature finale. Je parle du budget de loi de finance. Elisabeth BORNE dit 49.3. Que réponds-vous ?

DAVID AMIEL
Qu'il faut, avant de parler de 49.3, de loi spéciale, enfin, on voit tout ce débat procédural qui obsède la classe politique française, il faudrait d'abord savoir quel compromis on souhaite. Ce qui est clé dans les prochains jours, c'est de pouvoir rapprocher ce que le Sénat a travaillé et ce que l'Assemblée nationale a travaillé. On a réussi à faire adopter le budget de la Sécurité Sociale. C'est la moitié des dépenses publiques. Ce qui est devant nous, c'est le budget de l'État et le financement des collectivités locales. C'est l'autre moitié. Moi, je crois qu'on peut y arriver.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Soutenez-vous les deux mesures votées au Sénat. Le remplacement d'un fonctionnaire de l'État sur deux partant à la retraite à exclusion du régalien, ça veut dire l'armée, la justice, la police, et l'augmentation du nombre de jours de carence dans la fonction publique ?

DAVID AMIEL
Non. En ce qui concerne le…

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ah, c'est non ?

DAVID AMIEL
Moi, je ne les soutiens pas. C'est ce que j'ai dit au Sénat quand on a eu le débat. Je l'ai dit aux Sénateurs, parce que le non-placement d'un fonctionnaire sur deux, on l'a déjà essayé dans le passé. Et le problème de ces règles aveugles, c'est que ça nous avait conduit, à l'époque, notamment à des coupes claires. Dans la police, on a mis des dizaines, enfin, des années à pouvoir rattraper cela. Ce que nous proposons avec ce budget, c'est des choix ciblés. On recrute dans la police, on recrute dans la justice, on recrute dans les armées, on recrute des accompagnants d'élèves en situation de handicap. On fait des économies considérables, par ailleurs. Et au total, le nombre d'emplois publics de l'État baissera de 3 000 dans la copie qui est proposée par le Gouvernement. Je crois que c'est cette étape ciblée, mission par mission, service public par service public, qui est utile.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Y a-t-il trop de fonctionnaires en France David AMIEL ? Emmanuel MACRON avait promis, c'était la campagne de 2017, de supprimer 120 000 postes. Résultat : il y a 176 000 agents supplémentaires aujourd'hui.

DAVID AMIEL
Le budget qui est proposé prévoit une réduction du nombre de postes, je viens de le dire, de 3 000. Mais je crois que si on regarde la question des finances publiques dans leur ensemble, c'est beaucoup les dépenses sociales qui ont alimenté la dette ces dernières années. Et si on se projette à l'avenir, évidemment, en 2027, la question d'une réforme structurelle, notamment des retraites, se pose. C'est ce que propose mon parti Renaissance avec Gabriel ATTAL. Et je crois que c'est une clé essentielle pour l'avenir.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous reconnaissez que c'est un échec d'Emmanuel MACRON en la matière sur l'histoire de la suppression du nombre, même ciblé, des fonctionnaires en France ? Vous avez été un de ses proches conseillers, jadis, d'Emmanuel MACRON. Là-dessus, il a échoué. Franchement.

DAVID AMIEL
D'abord, il y a beaucoup de recrutements de fonctionnaires que vous évoquez qui ont été faits par les collectivités locales. Là-dessus, ce n'est pas l'État qui décide. Ensuite, effectivement, le choix qui a été fait par le Président de la République, ça a été de réformer les dépenses sociales. C'était le cas de la réforme des retraites, c'était le cas de la réforme de l'assurance-chômage, des différentes réformes de l'assurance-chômage, de réduire le déficit en dessous de 3%. C'était le cas jusqu'en 2019. Ensuite, il y a eu la crise. Et d'investir dans les services publics. Je crois que cet équilibre-là, c'est celui qu'il faut continuer à chercher.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous évoquiez Amélie DE MONTCHALIN, elle en avait parlé récemment. Où en êtes-vous, David AMIEL, de la suppression de certaines agences de l'État ? Elle l'avait dit, la ministre des Comptes publics. Vous en êtes où ?

DAVID AMIEL
C'est en cours

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'était un sujet qui a été extrêmement débattu au début de la discussion budgétaire, puis personne n'en parle aujourd'hui.

DAVID AMIEL
Eh bien, à tort. Parce qu'effectivement, c'est une question importante. On peut mieux faire en regroupant aussi des institutions qui sont aujourd'hui séparées.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Mais ça, c'est qui est dit depuis le début.

DAVID AMIEL
Je vous donne un exemple. Moi, je suis ministre de la Fonction publique.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Exemple.

DAVID AMIEL
On a un enjeu clé sur la formation d'un certain nombre de fonctionnaires. On a ce qu'on appelle des instituts régionaux d'administration. Aujourd'hui, il y en a 5 qui sont indépendants. Eh bien, moi, ce que je suis en train de réaliser, c'est de les regrouper en un seul établissement public pour assurer à la fois une meilleure formation, et évidemment être beaucoup plus efficace. C'est ce que je fais dans mon périmètre. Et chacun des ministres doit, dans son périmètre, pouvoir réorganiser ainsi les choses.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Encore une question sur votre périmètre, si vous le permettez, David AMIEL : le point d'indice, est-ce qu'il est encore gelé pour 2026, celui des fonctionnaires ?

DAVID AMIEL
Oui, tout à fait, puisque nous sommes dans une situation…

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ça ne bouge pas, ça, hein ?

DAVID AMIEL
Le budget du Gouvernement prévoit effectivement de maintenir le gel du point d'indice. C'est un effort considérable, mais c'est un effort indispensable dans la situation des finances publiques actuelle.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Est-ce qu'il y a une inquiétude aujourd'hui, David AMIEL, autour de, alors, nous sortons de votre périmètre, de la question agricole ? Vous avez vu la colère des paysannes. Est-ce qu'il faut signer le Mercosur ? Emmanuel MACRON a demandé un report de la signature à madame VON DER LEYEN. C'est prévu samedi prochain.

DAVID AMIEL
Emmanuel MACRON a effectivement rappelé qu'aujourd'hui, le compte n'y était pas. En particulier, sur les trois demandes qui sont centrales pour notre pays, ce qu'on appelle la clause de sauvegarde, pour pouvoir protéger nos marchés agricoles. La question des clauses miroirs pour s'assurer que les normes que l'on impose à nos agriculteurs, on les impose aussi aux produits importés et les contrôles.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Il est très tard pour avoir des certitudes. Il est tard, quand même.

DAVID AMIEL
Il y a eu des progrès ces dernières semaines sur ces trois sujets, précisément parce que la France met une pression considérable. Mais pour l'instant, le compte n'y est pas encore. Et c'est la raison pour laquelle le Président de la République a demandé à la Commission européenne de décaler ce qui était prévu au mois de décembre.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Le Gouvernement auquel vous appartenez redoute une crise agricole majeure, entre l'épidémie qui frappe les éleveurs et cette signature dont on se demande si elle pourrait être repoussée, franchement. L'agriculture, ça paraît compliqué. Là, c'est une poignée de jours.

DAVID AMIEL
L'agriculture, c'est un enjeu stratégique majeur pour notre pays. C'est l'assurance-vie de notre pays. Donc, effectivement, on fera tout ce qu'il faut faire pour pouvoir protéger l'agriculture française.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Nous verrons bien. Merci en tous les cas.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 décembre 2025