Texte intégral
AGATHE LAMBRET
Bonjour Laurent NUNEZ,
LAURENT NUNEZ
Bonjour,
AGATHE LAMBRET
Merci d'être avec nous sur France info. Bonjour Paul,
PAUL LARROUTUROU
Bonjour Agathe,
AGATHE LAMBRET
Laurent NUNEZ, on va revenir sur la consommation de drogue, sur la colère, le blocage des agriculteurs. Mais d'abord, un hacker dans un des lieux les plus sécurisés de France, le ministère de l'Intérieur s'est fait pirater. Que s'est-il passé ? Quelles données ont été volées si des données ont été volées ?
LAURENT NUNEZ
Oui, Je vous confirme qu'on a fait l'objet d'une intrusion malveillante il y a quelques jours maintenant. Donc, une intrusion malveillante qui a eu lieu par un individu ou un groupe d'individus qui s'est introduit dans nos systèmes d'information, en utilisant nos messageries. En réalité, il a d'abord piraté nos messageries mails. Et puis il y a 300 000 agents au ministère de l'Intérieur. Et donc, à partir de certaines boîtes professionnelles, il a pu récupérer des codes, des codes d'accès qui sont échangé, en clair, en dépit de toutes les règles de prudence pourtant que l'on diffuse très régulièrement. Il suffit de quelques individus qui ne respectent pas ces règles et quelqu'un de malveillant peut récupérer un certain nombre de mots de passe qui ont permis.
AGATHE LAMBRET
Ce n'est pas très sécurisé…
LAURENT NUNEZ
Ce n'est pas ce que je suis en train de vous dire, ils ont récupéré des mots de passe sur des boîtes mails. Ils ont pu effectivement, le ou la personne, a pu accéder à certains de nos systèmes d'information. Oui, je vous le confirme.
PAUL LARROUTUROU
Qu'est-ce qu'il a volé. On parle d'un fichier des antécédents judiciaires. Qu'est-ce qu'il a volé ?
LAURENT NUNEZ
Effectivement. Si je vous confirme qu'il a pu… Les données qui sont publiées proviennent bien de nos bases. Il a pu consulter un certain nombre de fichiers importants pour nous, notamment le fichier que vous citez, les antécédents judiciaires. Notamment, il procédé à un certain nombre d'extraction.
AGATHE LAMBRET
Le fichier des personnes recherchées aussi est concerné ?
LAURENT NUNEZ
Oui, également.
AGATHE LAMBRET
Cela veut dire qu'ils ont accès aux individus qui sont en France, aujourd'hui, surveillés ou en fuite et au passé judiciaire de citoyens.
LAURENT NUNEZ
Alors on ne connaît pas l'ampleur des compromissions, on ne la connaît pas encore, on ne sait pas ce qui a été extrait, à date. Je sais qu'il y a quelques dizaines de fiches qui ont pu être sorties du système, mais on parle de millions de données. Je parle de quelques dizaines à date. Je reste très prudent. On continue à investiguer, à la fois en judiciaire puisqu'évidemment, on a saisi immédiatement la justice. On a saisi la CNIL aussi, la Commission nationale informatique et libertés comme la loi nous l'impose. Et puis, il y a une enquête administrative que j'ai demandé, sur laquelle on travaille, et j'étais encore hier soir avec mes collaborateurs à ce sujet.
AGATHE LAMBRET
Elle a durée combien de temps ces ingérences ? Pendant combien de jours ces personnes ont eu accès à vos données ?
LAURENT NUNEZ
Pendant plusieurs jours. Donc actuellement, évidemment. Depuis, on a mis en place… Non pas plusieurs semaines. Depuis, on a mis en place un certain nombre de remédiations, on a imposé aux agents des contraintes fortes comme systématiser la double authentification. On a supprimé des mots de passe, supprimé des des comptes. Évidemment, ça obère un peu notre mode de fonctionnement, mais c'est une mesure évidemment de protection.
PAUL LARROUTUROU
Est-ce que ça met en danger la vie de certains de nos compatriotes ?
LAURENT NUNEZ
Non.
PAUL LARROUTUROU
À quel point ça met en danger la sécurité de la France ?
LAURENT NUNEZ
Ça ne met pas en danger la vie de nos compatriotes. Encore une fois, c'est une personne qui a pu accéder à des fichiers, en utilisant, j'insiste, des mots de passe qui n'auraient pas dû être échangés sur des boîtes messagerie, qui sont des boîtes en clair, en fait, et qui les a utilisées pour accéder à des monnaies.
AGATHE LAMBRET
Donc, il y a eu des imprudences au ministère de l'Intérieur ?
LAURENT NUNEZ
Voilà, il y a eu évidemment des imprudences.
AGATHE LAMBRET
Vous faites une enquête pour savoir aussi qui a communiqué ces mots de passe sur des messagers ?
LAURENT NUNEZ
L'enquête est d'abord judiciaire pour essayer de retrouver très vite l'auteur. Donc, je fais toute confiance aux services qui sont saisis, dont l'office anti-cybercriminalité.
PAUL LARROUTUROU
Vous avez des pistes ? L'enquête peut être un coup des Russes ?
LAURENT NUNEZ
Non, je ne parlerai pas de pistes. Il y a une enquête judiciaire en cours. Ce que je peux vous dire, c'est qu'en administratif, on a mis en oeuvre tous les moyens pour remédier à tout cela, évidemment, que c'est grave. Il y a quelques jours, je disais qu'on ne savait pas s'il y avait eu des compromissions ou pas. Là, on sait qu'il y a eu des compromissions dont on ne connaît pas l'ampleur. À date, on parle de quelques dizaines d'extractions.
AGATHE LAMBRET
Sur le dark-web, les hackers présumés parlent de millions de données et ils menacent de les divulguer s'ils n'obtiennent pas quelque chose en échange. Ils sont en train de vous faire chanter ?
LAURENT NUNEZ
Ce que je peux vous dire ce matin, c'est qu'il n'y a pas eu extraction de millions de données. À ma connaissance, c'est faux, mais je reste très prudent sur le niveau des compromissions.
PAUL LARROUTUROU
Vous avez reçu une demande de rançon ?
LAURENT NUNEZ
On est en train d'investiguer sur tous ces sujets et surtout, immédiatement, de se protéger.
PAUL LARROUTUROU
Vous avez reçu une demande de rançon ?
LAURENT NUNEZ
Non, je n'ai pas reçu de demande de rançon. C'est ce qui est dit sur les réseaux sociaux par un forum. Mais j'insiste, le ministère de l'Intérieur, c'est 300 000 personnes. L'hygiène numérique, c'est extrêmement important. C'est vrai à l'intérieur, comme dans tous les ministères. Nous ne sommes pas le seul ministère à gérer des systèmes d'information extrêmement importants. Ce qu'on appelle l'hygiène numérique, c'est-à-dire la précaution que doivent prendre les agents à ne pas échanger de données protégées, de données chiffrées, en clair. C'est extrêmement important puisqu'on a vu que c'est cette vulnérabilité qui, au cas d'espèces, a été exploitée. Évidemment, on en tira toutes les conséquences.
AGATHE LAMBRET
Dernière question, est-ce que ça pourrait mettre des enquêtes en cours à terre, par exemple ? Est-ce que vous redoutez que ces données soient divulguées ?
LAURENT NUNEZ
Évidemment, oui, à partir du moment où vous avez le propre d'un système d'information, c'est pour ça, d'ailleurs, qu'il est validé par la CNIL, la Commission Nationale Informatique et Libertés. C'est qu'on traite des données personnelles et la contrepartie de ce traitement, l'autorisation qui nous est donnée, c'est d'en assurer la protection la plus totale. Au cas d'espèces, il y a eu une intrusion, donc ça n'a pas été le cas. Je considère que c'est un acte grave, je le dis, c'est très grave. Après, savoir si ça va compromettre des enquêtes ou pas, je ne peux absolument pas vous le dire à ce stade. Je ne pense pas, mais je n'en ai aucune certitude.
AGATHE LAMBRET
Vous avez été contacté par les hackers ou pas ? Est-ce qu'ils vous ont demandé directement une rançon ?
LAURENT NUNEZ
Il y a un certain nombre de choses qui ont été publiées sur les réseaux, mais nous n'avons pas de contact, bien évidemment. Ces personnes-là, on les recherche en judiciaire. Il y a des investigations judiciaires. Et puis en administratif, évidemment. Quand, je dis en administratif, ça veut dire nous, service du ministère de l'Intérieur, on a travaillé évidemment sur ce sujet.
PAUL LARROUTUROU
Mystérieuse affaire sur laquelle enquête la DGSI, un boîtier espion a été découvert sur un ferry qui s'appelle le Fantastic, qui est accosté dans les Roacet. On parle d'un système informatique susceptible de permettre, à priori, une prise de contrôle à distance du navire. Qu'est-ce que vous pouvez nous dire sur cette affaire ? On sait qu'un laiton a été intercepté. Et s'ils sont avérés, ces faits sont-ils aussi graves ?
LAURENT NUNEZ
D'abord, ça démontre l'extrême réactivité et la performance de nos services. Effectivement, je suis au courant qu'il y a une affaire. Vous comprendrez que c'est une affaire très grave. Elle est couverte par le secret de l'instruction. D'une part, il y a une enquête judiciaire. S'agissant d'un navire qui est fait d'une liaison internationale, nous avons des relations avec des partenaires, des services partenaires étrangers sur cette affaire. Je ne vous en dirai pas plus. Ce que je sais, c'est qu'il y a effectivement des individus qui ont essayé de s'introduire dans un système de traitement de données d'un navire.
AGATHE LAMBRET
Mais pour faire quoi ? Pour détourner le bateau ?
LAURENT NUNEZ
À ce stade, on n'en sait rien. En tout cas, il y a des enquêtes en cours. Ce sont des affaires qui sont couvertes par le secret de la défense nationale.
AGATHE LAMBRET
Vous dites qu'on n'en sait rien, mais il y a quand même un citoyen laiton qui a été mis en examen à Paris, notamment pour atteinte à un système de traitement automatisé de données en bande organisée dans le but de servir les intérêts d'une puissance étrangère.
LAURENT NUNEZ
Les enquêteurs vont manifestement sur la piste de l'ingérence. Une ingérence étrangère. En ce moment, les ingérences étrangères proviennent très souvent du même pays. Je ne peux vraiment pas vous en dire plus. Il y a une enquête en cours, il y a des investigations. Il faut respecter tout ça.
PAUL LARROUTUROU
Sauf que ce n'est pas le premier boîtier espion trouvé sur un bateau.
LAURENT NUNEZ
En tout cas, ce type de dispositif a pu être trouvé dans d'autres affaires. C'est tout ce que je peux vous dire. C'est un bateau qui aille sur des liaisons internationales. La France n'est pas seule dans cette affaire. Je veux saluer la réactivité des services qui ont pu interpeller des personnes dans cette affaire. Je m'arrête là pour ce qui est des développements concernant l'affaire.
AGATHE LAMBRET
Laurent NUNEZ, vous rentrez de Marseille et vous étiez avec le Président un mois après l'assassinat de Mehdi KESSACI par des narcotrafiquants.
EMMANUEL MACRON, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
On ne va rien lâcher, on doit pilonner. À mesure qu'on sert, ils vont continuer de réagir. La route sera longue, mais on ne doit rien lâcher.
AGATHE LAMBRET
Voilà, c'était Emmanuel MACRON. Laurent NUNEZ, la violence ne cesse de franchir des capes. On n'a jamais autant consommé de cocaïne. Et le marché des drogues a presque triplé ces dernières années. On est en train de perdre la guerre, non ?
LAURENT NUNEZ
Non, on ne perd pas la guerre du tout. On gagne de nombreuses batailles. On démantèle énormément de réseaux. Depuis 10 ans, on a complètement réorganisé l'appareil de lutte contre le trafic des stupéfiants. Chaque période a amené ces dispositifs nouveaux. Vous savez, en 2015, François Hollande a expérimenté ce qu'on appelle les CROSS. Aujourd'hui, les cellules dans chaque département ou les services échangent toutes les informations. Et puis en 2017, 2018, le président de la République, Emmanuel MACRON, a créé l'OFAS. On a poursuivi le décloisonnement. On démantèle énormément de réseaux. Récemment, il y a eu la période de Gérald DARMANIN où on a eu les opérations Place Net qui continuent. On continue à démanteler les réseaux. Avec Bruno RETAILLEAU, on a eu la loi narcotrafic. Et moi, j'applique tous ces dispositifs. Non, on gagne énormément de batailles. On démantèle énormément de réseaux. Vous dites qu'effectivement, les saisies de cocaïne augmentent. C'est vrai. On a déjà dépassé le seuil de saisie de cocaïne de l'année dernière. C'était 53-54 tonnes. On est déjà à plus de 70 tonnes. Mais pour autant, il y a moins de points de villes et on démantèle de plus en plus de réseaux. Donc, on gagne des batailles. Mais la guerre, vous avez raison, est loin d'être gagnée. Mais on la poursuit. Demandez aux habitants du quartier de la Paternelle à Marseille, au Tonkin, à Villeurbanne ou dans la plupart des quartiers de Saint-Ouen où, avec le maire de Saint-Ouen, on fait un travail formidable en matière de démantèlement de réseaux. Demandez à ces habitants si on ne les a pas libérés des trafiquants. On gagne des batailles. Il faut savoir positiver sur ce sujet. Moi, je veux voir le côté positif. Mais je ne suis pas naïf. Il y a encore beaucoup de choses à faire. Et la loi narcotrafic, la dernière loi, nous a encore donné des moyens supplémentaires.
PAUL LARROUTUROU
Edouard PHILIPPE vous réclame un état d'urgence narco, donc, un régime d'exception avec des moyens dérogatoires aux droits communs. Qu'est-ce que vous lui répondez en clair ? Est-ce qu'on est suffisamment armés ?
LAURENT NUNEZ
Oui, nous sommes suffisamment armés. On a un débat d'ailleurs aujourd'hui, au Sénat et à l'Assemblée Nationale autour du Premier ministre sur ce sujet. Oui, on a des dispositifs juridiques qui n'ont cessé de monter en puissance avec un dernier aboutissement avec la loi narco qui donne au service d'enquête des techniques spéciales d'enquête supplémentaire qui sont plus intrusives qui créent un parquet national contre la criminalité organisée, un peu comme en matière de terrorisme. On peut faire très clairement le parallèle. Et puis, on a aussi un état-major qui réunit tous les services où on échange en permanence des informations pour mieux identifier ce qu'est cet hydre que créent les trafiquants de stups sur l'ensemble du territoire. Et puis on a renforcé notre coopération judiciaire.
AGATHE LAMBRET
Les trafiquants de stups. Hier, Emmanuel MACRON a ciblé une autre catégorie. Et il avait déjà parlé des bourgeois des centres-villes. Une fois de plus, il a taclé les consommateurs. Écoutez.
EMMANUEL MACRON
Rien de tout ça n'arriverait s'il n'y avait pas des gens qui, gentiment, achètent de la cocaïne, du hash, etc. Et moi, j'en ai ras-le-bol d'avoir des jeunes qu'on pleure et dans des quartiers, d'avoir d'autres gens qui considèrent que c'est festif d'aller acheter de la drogue.
AGATHE LAMBRET
Emmanuel MACRON qui a annoncé que l'amende pour les consommateurs va passer de 200 à 500 euros. Écoutez le scepticisme du maire de Marseille Benoît PAYAN.
BENOIT PAYAN, MAIRE DE MARSEILLE
Vous pensez qu'un consommateur va être dissuadé par une amende à 500 euros ? On verra. Moi, mes ennemis à moi, c'est ceux qui ont du sang sur les mains, c'est les narcotrafiquants. Je suis là pour couper la tête de la pieuvre.
AGATHE LAMBRET
Laurent NUNEZ, est-ce que c'est vraiment le consommateur le problème ? Il n'y a pas une volonté de se défausser ?
LAURENT NUNEZ
Non mais d'abord, attendez. Je réagis à ce que dit Benoît PAYAN. Ce n'est pas la seule mesure qu'a proposée le Président de la République depuis 2017. Il a complètement révolutionné la lutte contre le trafic de stups.
AGATHE LAMBRET
Il a révolutionné la lutte.
LAURENT NUNEZ
Bien sûr, il nous a demandé de créer l'OFAST. C'est ce qui a été fait. On a décloisonné, on démantèle de plus en plus de réseaux, on a des moyens juridiques, des moyens budgétaires. Avec le projet de loi de 2026 budgétaire, qui j'espère sera voté, on aura 700 emplois supplémentaires, dont 300 qui rendent sur la criminalité organisée.
AGATHE LAMBRET
Des moyens pour l'investigation ?
LAURENT NUNEZ
On attaque la pieuvre et on essaie de l'attaquer à la tête. On aura, avec la loi narco, la possibilité de geler administrativement des avoirs. C'est-à-dire que les préfets pourront prendre des décisions de gel d'avoir contre les narcotrafiquants. Donc on s'attaque évidemment à la pieuvre. Benoît PAYAN laisse à penser qu'on s'attaque aux consommateurs. Les consommateurs, oui, c'est un problème. S'il n'y avait pas de consommateurs, il n'y aurait pas de trafic. C'est juste ce qui est dit. Pas plus.
AGATHE LAMBRET
Mais c'est efficace une amende de 500 euros ?
LAURENT NUNEZ
L'amende actuellement, elle est de 200 euros. Quand vous la payez tout de suite, c'est 150. L'idée, c'est de la monter à 500 euros. Et par ailleurs, le Président l'a dit à d'autres moments de cette séquence marseillaise, il y a aussi cette volonté d'améliorer le recouvrement.
AGATHE LAMBRET
Oui, parce qu'elles ne sont pas recouvrées dans la majorité.
LAURENT NUNEZ
On en recouvre 6 sur 10 quand même. Ce qui est beaucoup. J'entendais sur vos antennes ce matin, c'est un peu comme toutes les amendes. Mais c'est beaucoup 6 sur 10 et on va améliorer notre potentiel de recouvrement, notamment en faisant intervenir des services de la Direction Générale des Finances Publiques et puis surtout en ayant, on espère, la possibilité d'obtenir des adresses postales pour en améliorer le recouvrement.
AGATHE LAMBRET
Est-ce qu'il faut aller plus loin pour trouver cet argent ou pas ?
LAURENT NUNEZ
Non.
AGATHE LAMBRET
Parce que certains disent que ce serait plus efficace.
LAURENT NUNEZ
Ne pensez pas que c'est qu'une amende. C'est une amende forfaitaire, délictuelle. C'est un délit. Le consommateur, on lui prend de l'argent, c'est évidemment très important. Et par ailleurs, c'est un délit, avec inscription, etc.
AGATHE LAMBRET
Donc, ça a des conséquences.
LAURENT NUNE
Le commissaire Frédéric LAUZE, ce matin sur France Info, il est secrétaire général du syndicat des commissaires de la Police Nationale et il vous fait une proposition, on l'écoute.
FREDERIC LAUZE, SECRETAIRE GENERAL DU SYNDICAT DES COMMISSAIRES DE LA POLICE NATIONALE
Je pense, moi, qu'il faut aller plus loin et qu'il faut qu'il y ait aussi un coût social. Il faut que les employeurs soient prévenus lorsque quelqu'un est interpellé pour usage de stupéfiants. Ah ben oui, lorsque quelqu'un est interpellé pour usage de stupéfiants et qu'il améliore le crime organisé, le consommateur ne peut pas être considéré comme une victime et devenir ce passif. Il est un acteur et un maillon du crime organisé.
PAUL LARROUTUROU
Monsieur le ministre de l'Intérieur, est-ce qu'il faut que les employeurs soient informés qu'un de leurs employés prend une amende pour avoir consommé du hashish ou de la cocaïne ?
LAURENT NUNEZ
Mais tout se regarde sur les consommations. Je ne suis pas, à priori, hostile à cette proposition. Elle se regarde. Le salarié peut conduire des véhicules. Vous savez, on garde dans le corps les substances, les drogues, pendant longtemps. Donc tout se regarde. Il y a une autre mesure sur laquelle on va aussi travailler pour frapper aussi les consommateurs, c'est, est-ce que des consommateurs réguliers de stupéfiants dont il nous aurait été signalé par mes effectifs, les forces de sécurité intérieure, qu'ils ont été contrôlés de nombreuses reprises comme consommateurs ? Est-ce qu'on ne devrait pas convoquer ces personnes devant la commission départementale du permis de conduire et demander s'il ne faut pas leur suspendre le permis de conduire ? Tout ça, on va le regarder.
PAUL LARROUTUROU
Vous voulez que ce soit appliqué pour les employeurs et pour le permis de conduire ?
LAURENT NUNEZ
Les employeurs, ça se regarde. Le permis de conduire, ça se regarde. On ira plus loin sur les consommateurs. Le président a fait une annonce importante d'une augmentation d'amende qui est une demande forte des services Il y a une vraie attente là-dessus parce que ça a un effet dissuasif. Il y aura évidemment d'autres mesures. Il y a celle que vient de proposer Frédéric LAUZE et je viens de vous parler également sur le permis de conduire. Il faut s'interroger.
AGATHE LAMBRET
La réalité, c'est qu'une amende de 200 euros, ce n'était pas vraiment dissuasif.
LAURENT NUNEZ
C'est dissuasif. Il faut dissuader les consommateurs de consommer de la drogue. Je vous assure que l'amende est dissuasive. Par le passé, on n'avait pas l'amende forfaitaire délictuelle. On avait une amende douanière qu'on appliquait de la même façon. On l'a appliquée sur certains quartiers. Je vous parle avec ma longue expérience. Dans certains quartiers, je pense à Saint-Ouen par exemple, l'application de cette amende a été dissuasive. Si vous frappez les consommateurs au portefeuille, ils n'y reviennent plus. Encore une fois, c'est un délit. Vous avez commis un délit qui est constaté.
AGATHE LAMBRET
Laurent NUNEZ, ministre de l'Intérieur, dans un instant avec vous, on va parler de la colère des agriculteurs. Quelle est votre ligne en termes de maintien de l'ordre face à la souffrance des éleveurs ? Mais tout de suite, il est 8h49 et c'est l'info en une minute avec Maureen SUIGNARD.
(…)
AGATHE LAMBRET
Avec Laurent NUNEZ, ministre de l'Intérieur, on parle de la colère des agriculteurs, Paul.
PAUL LARROUTUROU
Oui, avec cette double réaction ce matin, la ministre de l'Agriculture qui appelle à l'apaisement, et votre prédécesseur Bruno RETAILLEAU qui dit qu'on n'en voit pas de blindés avant de commencer les négociations. On a entendu l'ampleur de la colère agricole, tous ces blocages, ces actions coup de poing. La tension monte, elle est palpable, vous qui surveillez le mouvement comme le lait sur le feu, quelle est précisément la situation sur le terrain, monsieur le ministre ?
LAURENT NUNEZ
La situation sur le terrain, c'est qu'actuellement, on a des mouvements qui sont organisés. Ils se concentrent beaucoup dans le sud-ouest, mais pas que… Un peu partout sur le territoire national. On a des rassemblements d'éleveurs, d'agriculteurs, souvent avec des tracteurs, qui se rassemblent devant des bâtiments publics, qui manifestent, et qui, devant les bâtiments publics en général, déchargent, débarquent des déchets, ou arrosent, comme on l'a vu hier devant la préfecture de Loches, du lisier. Ce matin, c'était à 5h du matin à Bourges, où c'est du fumier et du lisier qui a été répandu. On a ce type d'action qui se déroule depuis maintenant une grosse semaine. On a des blocages d'autoroutes aussi, des blocages de voies ferrées également, qui se déroulent sur l'ensemble du territoire national. La doctrine est très simple, les forces de l'ordre, pour l'instant, accompagnent le mouvement, on l'encadre et on évite qu'il y ait des dégradations et des violences.
PAUL LARROUTUROU
Pourquoi vous ne les évacuez pas ?
LAURENT NUNEZ
J'ai appelé les préfets, j'ai demandé aux préfets de gérer ce mouvement avec souplesse et tact. Il y a des discussions en cours, il y a un travail qui a été engagé par la ministre de l'Agriculture. Avec tact et souplesse, ça veut dire ça. On encadre et on évite les dégradations.
AGATHE LAMBRET
Ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que face aux agriculteurs, il y a une grande tolérance, parce que ça fait plusieurs jours que des autoroutes sont bloquées. Ça dérange des personnes, il y a mieux un accident, des blessés.
LAURENT NUNEZ
Vous me faites bien de me poser la question comme ça. Pourquoi ? Parce que j'entends dire, ici ou là, qu'il y aurait une répression, qu'on donnerait la force, qu'à partir de ce qui s'est passé évidemment à Bordes-sur-Arize…
AGATHE LAMBRET
La semaine dernière.
LAURENT NUNEZ
À partir de ce qui s'est passé la semaine dernière avec…
AGATHE LAMBRET
Dans l'Ariège, des affrontements, effectivement.
LAURENT NUNEZ
J'entends dire beaucoup de choses, mais en réalité on gère, mon prédécesseur à juste titre, il disait : « On n'envoie pas de blindés, on négocie, on discute », c'est ce qui est en train de se passer. La ministre est allée à Toulouse, le Premier ministre rencontre les représentants syndicaux demain, vendredi, il y a une discussion, et moi je gère le mouvement pour la partie qui est la mienne en termes d'ordre public, avec souple et tact.
AGATHE LAMBRET
Ce que vous êtes en train de nous dire, Laurent NUNEZ…
LAURENT NUNEZ
On est loin de ce qu'on entend dire d'une posture répressive des forces…
AGATHE LAMBRET
Parce que la semaine dernière, dans l'Ariège, vous avez envoyé les blindés, les fameux centaures de la gendarmerie, face aux éleveurs, que cela a ému. Il y a eu des échanges de gaz lacrymogènes, de grenades lacrymogènes, cela a ému. C'est pour ça que Bruno RETAILLEAU, aujourd'hui, dit qu'on n'envoie pas les blindés sur les agriculteurs. Depuis, il y a une volonté de redescendre en pression. Vous voulez montrer qu'on n'est pas dans l'affrontement avec les agriculteurs ?
LAURENT NUNEZ
J'ai suffisamment d'expérience maintenant, comme je suis ministre de l'Intérieur, certes depuis deux mois, mais j'ai été haut fonctionnaire, j'ai été secrétaire d'Etat auprès du ministère de l'Intérieur. On a toujours géré les mouvements agricoles comme ça, tel que je viens de vous le dire, avec souplesse, avec tact. Et ça a toujours été notre ligne. Et à un moment, évidemment, quand il y a des dégradations, des débordements, on intervient. Évidemment, quand vous commencez à casser les grilles d'une préfecture, on intervient. Quand il y a des violences contre les personnes, on intervient. Ça s'est passé sur certains barrages, je ne dis pas qu'il y a eu quelques violences, il y a eu des interventions des forces de l'ordre. Maintenant, à bord de ce qui s'est passé dans l'Ariège, c'étaient des équipes de vétérinaires qui devaient intervenir sur une opération d'abattage et qui en ont été empêchées par plusieurs centaines de personnes. Il y a eu beaucoup de fakes, de mauvaises informations qui ont circulé sur cette affaire. Attention, il n'y avait pas que des éleveurs et des agriculteurs. On a identifié plusieurs dizaines de militants d'ultra-gauche qui avaient des cocktails Molotov. On en a récupéré, on a des photos. Donc, il y a eu des prises à partie extrêmement violentes des forces de l'ordre qui ont entraîné l'action à laquelle nous avons assisté. Ou, contrairement à ce qui a pu être dit, y compris par un député de la République, président de groupe, il n'y a pas eu de jet de grenade lacrymogène depuis un hélicoptère. Il n'y a pas eu de gendarmes qui se sont dit : « Non, on n'y va pas, ce n'est pas bien ». Donc voilà, il y a eu beaucoup de fausses informations qui ont circulé. Mais il y a eu ces images, évidemment. Ça a été une action d'ordre public qui a été dure. Et ces images ont tourné ensuite en boucle. Et évidemment, ont été portées à notre passif.
PAUL LARROUTUROU
Est-ce que vous êtes capable…
LAURENT NUNEZ
D'aller mener cette action ? Voilà, elle a été menée. Et regardez la façon dont on gère le mouvement maintenant. C'est ça ce qu'il faut regarder.
PAUL LARROUTUROU
Et vous attendez, on a compris, la négociation pour intervenir éventuellement. Est-ce que vous êtes capable de chiffrer les dégâts ? Est-ce que vous pensez que ça peut s'améliorer d'ici le salon d'agriculture en février ?
LAURENT NUNEZ
Mais bien sûr, ça va s'améliorer. Il y a des discussions qui sont en cours. La ministre de l'Agriculture a annoncé hier un certain nombre de mesures nouvelles. Avec la vaccination systématique, non seulement dans les zones protégées mais au-delà. On a pris en compte un cordon sanitaire, enfin une zone sanitaire. Il va y avoir beaucoup plus de vaccinations. Ça répond, me semble-t-il, à une partie des demandes qui sont faites du terrain. Donc j'ai bon espoir que ça s'améliore. En tout cas, il est certain qu'il ne faut pas oublier que ce week-end, il y a des départs en vacances. Il faut que les gens puissent circuler normalement.
AGATHE LAMBRET
Mais vous dites aujourd'hui qu'on ne répond pas à la souffrance en envoyant des CRS, comme Gérald DARMANIN l'avait dit en janvier 2024 ?
LAURENT NUNEZ
Oui, mais il avait raison, bien sûr. Oui, bien sûr.
AGATHE LAMBRET
Mais donc il y a un deux poids, deux mesures, vous comprenez ?
LAURENT NUNEZ
Non, il n'y a pas deux poids, deux mesures.
AGATHE LAMBRET
Vous n'avez pas la même indulgence avec les mouvements écologistes ou avec d'autres types de mouvements ultra-gauches, parfois ? Eux, ils n'ont pas le droit de bloquer des routes pendant plusieurs jours.
LAURENT NUNEZ
Il n'y a pas deux poids, deux mesures. On a toujours traité les mouvements agricoles de cette façon. Gérald DARMANIN a raison de le dire. Bruno RETAILLEAU avait raison de dire ce qu'il a dit ce matin. Même si j'apporte un bémol à ce qu'a dit mon prédécesseur, pour lequel j'ai un grand respect, c'est que les blindés, on les a vus sur une action ponctuelle où il y avait des barrages, avec des barrages qui empêchaient d'accéder à cette ferme, qui étaient mises à feu. Et donc il y a aussi à un moment la protection physique de nos effectifs qui rentrent en ligne de compte, et des manifestants eux-mêmes.
PAUL LARROUTUROU
Une petite minute avant la question qui vous sera posée ce matin par Agathe, vous avez annoncé renforcer la sécurité des lieux de culte après l'attentat antisémite de Sydney en Australie. Est-ce que les juifs sont en sécurité en France aujourd'hui ?
LAURENT NUNEZ
Oui, tout est mis en oeuvre pour que ce soit le cas, qu'ils soient menacés, oui c'est vrai aussi malheureusement. Oui, il y a une montée de l'antisémitisme. Ils sont clairement ciblés dans la propagande des terroristes de l'État islamique, d'Al-Qaïda, comme les forces de sécurité intérieure, comme d'autres cibles, les lieux de grands rassemblements. Oui, ils sont ciblés. Il y a une montée de l'antisémitisme qui peut conduire à un certain nombre d'individus plus fragiles psychologiquement, ou à passer à l'action. On a vu ce qui s'est passé à Sydney, ce qui est terrible, le premier jour d'Hanouka.
PAUL LARROUTUROU
Ça peut arriver en France ?
LAURENT NUNEZ
Mais tout peut arriver en France. Tout peut arriver. C'est pour ça qu'on est vigilant. C'est pour ça que moi je demande aux préfets, comme l'ont fait chacun de mes prédécesseurs, ça a toujours été pour tous les ministres de l'Intérieur une priorité, de protéger les lieux de culte, de protéger les fêtes religieuses. Ça veut dire des contacts avec les organisateurs, une présence physique de forces de sécurité intérieure, deux militaires du dispositif Sentinelle, que je n'oublie pas, et donc nous protégeons évidemment la communauté. Et donc oui, il y a une menace, mais oui, ils sont en sécurité. Et en tout cas, c'est l'honneur du Gouvernement de la France d'assurer à tous nos compatriotes, quelles que soient leurs confessions, de pouvoir exercer leur culte, de pouvoir s'afficher librement.
AGATHE LAMBRET
Laurent NUNEZ, comme tous les jours, c'est le moment de la question qui est à retrouver sur les réseaux sociaux. Aujourd'hui, la question qui démissionne. C'est assez invraisemblable, mais le maire de Chessy en Seine-et-Marne et tous ses adjoints ont présenté leur démission lundi parce qu'ils étaient contraints par la justice de célébrer le mariage d'un étranger visé par une OQTF, une obligation de quitter le territoire. Est-ce que c'est normal d'être contraint de célébrer le mariage d'une personne qui ne devrait pas être en France ? Est-ce que vous comprenez que cette situation puisse choquer ?
LAURENT NUNEZ
Alors, oui, évidemment, je comprends que ça choque. Vous mariez quelqu'un qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire, qui normalement n'a pas à être là. Comme citoyen, évidemment que ça me choque. Après il y a les règles de droit qui s'appliquent. Et ça relève d'abord du procureur de la République qui peut ou pas invalider le mariage quand il est saisi en ce sens par le maire, qui demande une enquête de police pour vérifier qu'il y a une vie commune, etc. Je comprends qu'au cas d'espèce, ça a été fait, que le procureur, en application du droit, confirmait sa décision. On peut être pour ou contre. Moi, évidemment, ça me…
AGATHE LAMBRET
Vous comprenez ce maire ?
LAURENT NUNEZ
Je trouve aussi que ça peut paraître aberrant pour nos concitoyens aussi. Moi, ça me semble aussi aberrant. Ce sont des choses qu'on ne comprend plus. Nos citoyens ne le comprennent pas. Maintenant, c'est le droit. Et surtout, ce que je veux dire, c'est que ça n'empêche pas... Attention… C'est pour ça que Gérald DARMANIN a fait modifier les textes et notamment la loi de janvier 2024 qui nous permet de reconduire, néanmoins, ces personnes. Ce n'est pas parce qu'elle va se marier avec quelqu'un qui est français ou qui est résident en France qu'on ne pourra pas le reconduire. Ça n'est plus un obstacle à la reconduite. Dès lors que l'on caractérise des troubles à l'ordre public, dès lors qu'on caractérise qu'il n'avait rien à faire sur le territoire national, on peut le reconduire. Et c'est ce qu'on fait. J'ai plusieurs centaines d'affaires en cours en ce sens.
AGATHE LAMBRET
Merci beaucoup, Laurent NUNEZ, d'avoir répondu aux questions de France Info.
PAUL LARROUTUROU
Merci Agathe, à demain.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 décembre 2025