Le référendum sous la Ve République : histoire, modalités et usage (2/3)

L'Actualité de la vie publique - Podcast - N° 53

Temps de lecture  8 minutes 36 secondes

Par : La Rédaction

Podcast

Un drapeau tricolore comportant l'inscription RIC

Comment la Constitution définit-elle le référendum ? Quelles sont les principales critiques émises en France à l’encontre de la procédure référendaire ? Pourquoi le référendum de 1962 visant à modifier le mode de scrutin de l’élection présidentielle a-t-il suscité d’intenses débats ? Quels projets de réforme du référendum ont été envisagés au cours des dernières années ?

Le référendum sous la Ve République : histoire, modalités et usage (2/3)

[GENERIQUE

Vous écoutez « L’Actualité de la vie publique », un podcast du site Vie-publique.fr. 

Signature sonore

Patrice : Bonjour à tous, Bonjour « Guillemette » 

Guillemette : Bonjour « Patrice » 

Patrice : Référendum d’initiative partagée (RIP), référendum d’initiative citoyenne (RIC), initiative populaire des lois (IPL)…etc., si le débat concernant les moyens de renforcer la participation des citoyens aux affaires de la cité a été relancé en France ces dernières années, le référendum plonge en réalité ses racines dans un passé très ancien. 
Voici une nouvelle série de « L’Actualité de la vie publique » consacrée à cet instrument de démocratie directe qui suscite de nombreuses critiques mais représente, pour d’autres, un outil susceptible d’améliorer le fonctionnement de la démocratie représentative. 

Au sommaire de ce deuxième épisode : « Le référendum sous la Ve République : histoire, modalités et usage ». 

Patrice : Alors, première question Guillemette, comment le référendum est-il défini dans la Constitution française ? 

Guillemette : Tout d’abord, rappelons que le référendum est une procédure de vote permettant de consulter directement le peuple sur une question. L’article 3 de la Constitution reconnaît le référendum comme l’un des deux moyens d’expression de la souveraineté nationale. Il dispose, je cite : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » Les articles 11, 89 et 72 de la Constitution définissent les trois grands types de référendums. 

[Intervention 1. Patrice : Quels sont-ils ?] 

Guillemette : Le premier, défini à l’article 11, est le référendum législatif. Celui-ci peut porter sur : l'organisation des pouvoirs publics ; la politique économique, sociale ou environnementale de la nation (depuis 1995) ; et sur les services publics qui y concourent. Il peut également porter sur la ratification d’un traité international. Le référendum prévu par l’article 89 est le référendum constituant. Il vise à modifier la Constitution. Enfin, depuis la réforme constitutionnelle de 2008, il est possible d’organiser des référendums à l’échelle locale. En application de l’article 72, les électeurs d’une collectivité territoriale peuvent décider, par leur vote, de la mise en œuvre ou non d’un projet concernant une affaire locale (par exemple, la création d’une police municipale ou le choix du nom des habitants). 

Patrice : Qui est à l’initiative du référendum en France ? Eh bien Patrice, le droit d’initiative dépend justement du type de référendum. Le référendum législatif est décidé par le président de la République : à la demande du gouvernement ou des deux assemblées (Assemblée nationale et Sénat) ; à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenus par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Dans ce second cas, on parle de référendum d’initiative partagée. En ce qui concerne le référendum constituant, l’initiative de la révision constitutionnelle appartient concurremment au président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres du Parlement. Le recours au référendum est : obligatoire pour les propositions de lois constitutionnelles (à initiative des parlementaires) ; alors qu’il est facultatif pour les projets de lois constitutionnelles (à l’initiative du Gouvernement). Un projet de loi constitutionnel n’est présenté au référendum que lorsque le président de la République décide de ne pas le soumettre au Parlement réuni en Congrès. 

[Intervention 2. Patrice. Et pour le référendum local ?] 

Guillemette : Le référendum local est toujours à l’initiative de la collectivité locale (commune, département ou région). Si plus de la moitié des électeurs a pris part au scrutin, et que le « oui » réunit au moins 50% des suffrages exprimés, le référendum n’est plus consultatif mais devient contraignant. 

Patrice : Les résultats du référendum sont-ils toujours contraignants ? 

Guillemette : Sous la Ve République, en effet, le référendum a généralement une portée décisionnelle. Une réponse positive au référendum se conclut par la promulgation de la loi constitutionnelle ou ordinaire correspondant au projet, ou par la ratification d'un traité. Par exemple, la victoire du « oui » au référendum du 24 septembre 2000 a donné lieu à la réforme constitutionnelle de 2000 sur le quinquennat. Parfois même, le référendum a eu une portée politique au-delà de la question posée. Par exemple, en 1969, après la victoire du « non » à la proposition de réforme du Sénat et de régionalisation, le président de la République Charles de Gaulle se résout à quitter ses fonctions. L’échec de ce référendum est interprété comme un désaveu de sa personne et de sa politique. Mais la personnalisation du référendum n’est pas systématique. En 2005, par exemple, le « non » au projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe n'a pas provoqué de démission du Gouvernement ou du président de la République. 

Patrice : Quelles sont les principales critiques émises à l’encontre du référendum ? 

Guillemette : Certaines critiques portent sur la nature intrinsèque du référendum. Par exemple, le caractère réducteur de la question posée et la réponse, nécessairement binaire (oui ou non), ne permettent pas de trancher des questions complexes. Pour ses détracteurs, le référendum exclut toute forme de nuance et de consensus. Certains pointent également l’incompatibilité du référendum avec la culture et les pratiques du régime parlementaire. Il est en effet difficile de consulter plusieurs fois les citoyens sur un même sujet, ou tout simplement de corriger les erreurs d’un texte adopté par référendum. Au Parlement, à l’inverse, il est très fréquent que des lois soient amendées ou annulées en cas d’alternance politique. 

Patrice : Alors comment expliquez-vous que le référendum soit fréquemment évoqué comme un moyen d’améliorer le fonctionnement de la démocratie représentative ? 

Guillemette : Pour ses promoteurs, le référendum permet en effet de rapprocher les citoyens de la prise de décision et de la fabrique des politiques publiques… A condition, bien entendu, de lui retirer tout caractère plébiscitaire ! En France, il y a un véritable débat autour de l’usage de l’article 11. 

[Intervention 4. Patrice : Vous voulez parler du référendum de 1962 ?] 

Guillemette : Tout à fait Patrice. En 1962, le général de Gaulle souhaitait faire adopter une réforme constitutionnelle visant à modifier le mode de scrutin de l’élection présidentielle. D’après l’article 89, une réforme ne peut être soumise au référendum qu’à condition d’être votée dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat. D’après l’article 11, en revanche, le président de la République, sur proposition du Gouvernement, peut soumettre au référendum tout projet de loi « portant sur l’organisation des pouvoirs publics ». Sachant le Parlement défavorable à cette réforme, le général de Gaulle a préféré le contourner et s’en remettre à l’article 11. Cette décision a été fortement contestée par ses adversaires politiques, mais aussi de nombreux juristes, qui y voyaient un abus de pouvoir contraire à l’esprit de la Constitution. Vous voyez Patrice, l’un des écueils du référendum en France, c’est qu’il soit utilisé par le pouvoir exécutif au détriment du pouvoir législatif. 

[Intervention 5. Patrice : Pourtant, le référendum peut être aussi à l’initiative des citoyens n’est-ce pas ?] 

Guillemette : En effet depuis la réforme de 2008, un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, soutenus par un cinquième des parlementaires, peuvent initier ce que l’on appelle un référendum d’initiative partagée, RIP. Mais en réalité, il est très difficile de rassembler les soutiens nécessaires. Sous la Ve République, aucun projet de RIP n’a franchi la barre de recevabilité. Par ailleurs, Patrice, il ne faut pas confondre le référendum d’initiative partagée avec le référendum d’initiative citoyenne. Le référendum d’initiative citoyenne, RIC, permettrait de soumettre au référendum une proposition de loi sans l’aval du Parlement. S’il faisait partie des revendications des Gilets jaunes en 2018, il n’est, à ce jour, pas prévu par la Constitution française. 

Patrice : Dernière question Guillemette, a-t-on envisagé récemment des pistes de réforme du référendum ? Oui, par exemple, dans son projet de révision constitutionnelle de 2019, le président de la République Emmanuel Macron envisageait de faciliter l’accès au RIP, en levant certaines limites, et d’étendre le champ du référendum, notamment aux questions de société. Mais cette réforme constitutionnelle n’a finalement pas vu le jour. Toujours est-il que le référendum est un sujet récurrent dans le débat public français : même s’il ne cesse de faire l’objet de critiques, les partis politiques, les think tanks et la société civile ne manquent pas d’idées pour le moderniser. 

Patrice : Merci beaucoup Guillemette ! C’est la fin de cet épisode ! Dans le troisième et dernier épisode, nous nous intéresserons aux modèles de référendums étrangers et aux autres pistes de participation citoyenne. Vous pouvez réécouter gratuitement les deux premiers épisodes de cette série sur vos plateformes préférées et notre chaîne YouTube. N’hésitez pas à vous y abonner ! Et pour en savoir plus, RDV sur notre site internet Vie-publique.fr et nos réseaux sociaux. On se retrouve très bientôt ! Au revoir Guillemette ! 

Guillemette : Au revoir Patrice, au revoir à tous !

Sources

• B. Bâcle (2016), « Le référendum, fin mot de la démocratie ? », The Conversation, 22 juillet 
• D. Chagnollaud de Sabouret (2019), « Référendum d’initiative citoyenne : en Italie, le référendum abrogatif est force de proposition », Le Monde, 8 janvier 
• Conseil constitutionnel https://www.conseil-constitutionnel.fr 
• D. Courant (2019), « Les assemblées citoyennes en Irlande. Tirage au sort, référendum et Constitution », La vie des idées 
• F. Gougou et S. Persico (2020), « Décider ensemble. La convention citoyenne pour le climat et le défi démocratique », La vie des idées, 29 mai 
• J. Fougerouse (2022), « Le référendum d’initiative partagée, un instrument démocratique neutralisé », The Conversation, 30 novembre 
• M. Fatin-Rouge Stéfanini (2020), « Assemblée citoyenne et référendum : quelques exemples étrangers à méditer », Pouvoirs, 4, n° 175 
• C. Legros (2023), « Comment rendre le référendum « démocratiquement correct » ? », Le Monde, 16 décembre 
• C. Legros (2023), « En Irlande, associer une convention citoyenne au référendum contribue à une décision éclairée », entretien avec Marie-Luce Paris, Le Monde, 15 décembre 
• R. Magni-Berton (2018), « Débat : le référendum d’initiative populaire, la solution ? », The Conversation, 11 décembre 
• L. Morel (2018), « Référendums, assemblées citoyennes : des propositions à ne pas sous-estimer », The Conversation, 17 décembre 
• L. Morel (2019), La question du référendum, Presses de Sciences Po 
• M.-L. Paris (2023), « Référendums en Irlande : le double non des électeurs doit être analysé comme un vote de protestation à l’égard du gouvernement », Le Monde, 29 mars 
• D. Rousseau (2014), « L’équivoque référendaire », La vie des idées 
• P.-E. Vandamme (2020), « Le référendum, un outil à améliorer », The Conversation, 19 mai

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