Déclaration de Mme Rama Yade, secrétaire d'Etat aux sports, sur la politique du sport en Guyane, le mouvement sportif guyanais et le développement de la pratique sportive outre mer, Cayenne le 12 décembre 2009.

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Circonstance : Intervention devant le mouvement sportif régional de Guyane le 12 décembre 2009

Texte intégral

Monsieur le Préfet, 
Monsieur le Recteur,
Monsieur le président du Conseil régional,
Monsieur le président du Conseil général,
Monsieur le Maire de Cayenne,
Monsieur le Président du Comité Olympique et sportif de la Guyane,
Mesdames et messieurs les représentants des ligues sportives, comités sportifs régionaux,
Mesdames et messieurs les responsables de clubs et d'associations,
Mesdames et messieurs les chefs de services,

Monsieur le Président du pôle universitaire, je vous dois bien un salut particulier, puisque vous avez l'amabilité de nous accueillir au sein de votre Université 
Mesdames, Messieurs, mes chers amis, 

Parler de sport dans une université n'est incongru que pour les esprits étroits et chagrins. On a oublié l'antique tradition où le gymnase était le lieu d'éducation de l'esprit et du corps. Et que l'élévation de l'un n'allait pas sans fortifier le second. A Athènes Socrate dialoguait avec Alcibiade, après les jeux de la palestre.

C'est pourquoi j'ai tenu, quelques mois après ma nomination, à tracer les lignes d'action pour une nouvelle ambition sportive, à la Sorbonne. Les valeurs de l'esprit sont celles du sport : la vérité et la justesse d'un raisonnement ne sont pas éloignées du geste juste et de l'enchaînement parfait des mouvements. Le sport comme l'éducation doivent être remis au cœur de la Cité et participer du même lien civique et social. C'est ma conviction. C'est mon ambition.

C'est pourquoi je suis heureuse de conclure mon déplacement en Guyane parmi vous, dans cet amphithéâtre universitaire. Vous illustrez tous ici rassemblés le sport guyanais, au quotidien. Vous n'attendez pas de moi que je vous dise tout le bien que je pense de vous. Et bien, je le dirai.

Tout le système sportif français, son originalité propre, repose sur cet extraordinaire maillage de proximité que constituent les clubs.

Le lien direct du pratiquant, du licencié sportif, s'incarne au sein du club. Le club, c'est le lieu de l'initiation de l'apprentissage, de la compétition, mais c'est bien plus que cela.

Mise a part l'école de la République, et nous revenons là à nos valeurs, sont-ils si nombreux ces espaces où s'éprouve une véritable mixité sociale ?

J'en doute !

Y-a-il beaucoup d'autres espaces dans la cité où se pratiquent une telle mixité générationnelle ? Très peu !

Au club, selon les créneaux horaires, on passe de l'équipe des poussins à la section adulte, voire du 3e âge ! Tout le monde sous le même toit !

Les comités départementaux ou régionaux, il en existe une petite quarantaine en Guyane, sont un échelon également déterminant : ils fédèrent les énergies, mutualisent des actions qui ne peuvent se tenir dans le périmètre plus restreint du club, comme un programme de formations d'arbitres ou d'animateurs de clubs.

Vos comités ou ligues sportives sont aussi porteurs des stratégies de développement de chaque discipline sur l'ensemble du territoire régional. Leur rôle est aussi d'organiser les échanges entre les clubs, le calendrier des compétitions par exemple. Bref de tenir et de faire vivre le réseau.

Cet échelon est devenu ces dernières années un interlocuteur privilégié des divers acteurs institutionnels, dont l'Etat au travers des relations étroites qu'ils entretiennent avec la DDJS.

Au-delà de cette structuration verticale propre à chaque discipline, je n'oublie pas le rôle dévolu au comité régional olympique et sportif de Guyane, le CROSGUY dites- vous familièrement, qui a la mission de représenter l'ensemble du mouvement sportif.

Vos responsabilités d'interlocuteurs représentatifs du mouvement sportif n'ont cessé de croître ces dernières années.

Je m'en félicite.

Recevez Mesdames et Messieurs, ces quelques mots comme l'hommage de ma reconnaissance à vous tous dirigeants, animateurs, éducateurs, arbitres, qui font vivre le sport au quotidien, au service dévoué de leurs concitoyens.

Vous avez bien voulu me brosser un état des lieux rapide du sport guyanais.

J'ai bien noté qu'il était partagé.

Le développement du sport en Guyane est indéniable : de nouvelles disciplines sont apparues, des clubs se créent, et, globalement, l'offre d'activités sportives est en croissance : 26 903 licenciés en 2002, presque 33 000 en 2008.

Ce n'est pas rien ! Entre 2007 et 2008, le taux de progression des licenciés a été de + 8,3%.

C'est exemplaire, même si cette progression ne suffit pas à suivre l'évolution démographique importante que connaît la Guyane.

Du fait de cette course sans fin, le taux de pratique sportive en Guyane reste très sensiblement inférieur au taux moyen en métropole : de l'ordre de 10 points en deçà (15 % de licenciés en Guyane : 25 % sur l'ensemble de la France).

Il est juste de reconnaitre que ce différentiel de taux de pratique n'est pas propre à la région Guyane. Le constat est le même, avec des nuances, pour l'ensemble des quatre DOM.

C'est bien la preuve que, Outre-Mer, le développement de la pratique sportive connaît des freins structurels.

C'est le grand mérite des Etats généraux de l'Outre-Mer de les avoir identifiés et d'avoir proposé des mesures de nature à inverser la tendance.

Je sais que le mouvement sportif guyanais a pris sa part à cette réflexion collective ; je vous en félicite.

L'une des difficultés criante demeure le manque d'installations.

Ce déficit concerne tout autant les structures sportives de proximité, comme les plateaux sportifs multisports, que les équipements spécialisés, et les équipements structurants. La forte urbanisation de certaines communes de Guyane rend la résolution du problème délicate, presque insurmontable.

J'ai reçu récemment, à sa demande, dans mon bureau à Paris, M. le Maire de Macouria, avec une partie de son équipe municipale. L'étendue de sa commune, la diffusion de l'urbanisation luit faisait estimer à 9, le nombre de plateaux de proximité nécessaires pour l'EPS et la pratique sportive. On voit bien l'ampleur de l'effort !

D'autant plus qu'à ces besoins quantitatifs, s'ajoutent souvent des contraintes d'usure importantes liées aux conditions climatiques.

Doit-on se décourager ? Ce n'est pas mon tempérament. Il faut prendre ce problème à bras le corps. Trouver les solutions innovantes ; ménager les transitions ; planifier aussi, car à qui ferait-t-on croire que tout se règlera en un jour !

C'est pourquoi, j'ai décidé de confier à monsieur le député - maire de Fort de France, Serge LETCHIMY, une mission sur les équipements sportifs Outre-Mer. Les quatre DOM seront expertisés, et la Guyane évidemment. Merci de lui apporter votre contribution, lorsqu'il vous sollicitera.

La question de la Formation des cadres dont le sport a besoin pour son développement justifie également que des avancées soient rapidement trouvées.

Le projet d'un Institut régional pour la formation et le haut niveau que vous venez d'exposer constitue un outil désormais indispensable au sport guyanais.

Je vous confirme l'engagement de mon ministère à le financer, à hauteur de 4 millions d'euros sur les crédits du CNDS.

Le Conseil régional étant maitre d'ouvrage de cet important équipement, je ne peux que souhaiter, Monsieur le Président, que le projet puisse être transmis rapidement par le préfet au CNDS.

Le parti-pris retenu, s'agissant notamment de sa vocation d'accueillir les parcours d'excellence sportive, de s'appuyer sur les infrastructures déjà réalisées, est sage et permet de valoriser le potentiel existant.

J'ai bien noté que des améliorations seront à prévoir, ici ou là, pour moderniser ou compléter ces infrastructures périphériques.

Ces propositions auraient tout intérêt à être intégrées dans les réflexions plus larges qu'il conviendra de mener pour faire de la Guyane, cette « base avancée » annoncée par le Président de la République pour l'accueil et la préparation des équipes nationales en perspectives du mondial de football au Brésil en 2014 et des jeux Olympiques de Rio de 2016.

Devant les Elus et les représentants des organisations socioprofessionnelles, ce matin à la Chambre de commerce, j'ai souligné combien cette ambition devait être portée par une mobilisation unanime de toutes les forces vives de la Guyane. C'est une des conditions de la réussite.

Le mouvement sportif guyanais, du responsable de club au président de ligue, du licencié de base au cadre technique, doit faire vivre, entretenir cette flamme.

L'enjeu est de taille ; c'est une chance inouïe. C'est, collectivement, tous ensemble, que nous réussirons. La mission nationale d'expertise et d'appui que je vais mettre en place rapidement, et à laquelle seront associés des représentants d'autres ministères concernés, aura pour mission de vous apporter tout l'éclairage et l'aide utile.

Je souhaite lui associer l'expérience et le charisme d'un ou d'une sportive guyanais, car vous le savez bien, les meilleurs ambassadeurs du sport, ce sont les sportifs eux-mêmes !

Parallèlement à sa mise en place à Paris, il faut que la Guyane propose les modalités qui lui sembleront les plus pertinentes pour organiser, ici, avec tous les acteurs concernés, ce travail collectif pour construire ce projet, pour le faire passer de l'idée à l'action. Pour que la mobilisation que chacun appelle de ses vœux ne se dilue pas.

Monsieur le Président du Conseil régional, ce projet d'institut régional pour la formation et le haut-niveau, s'il arrive au meilleur moment, doit aussi s'ouvrir sur son environnement extérieur. Je suis sensible au principe même du travail en réseau avec le Creps Antilles –Guyane, dans le respect de l'autonomie de l'Institut.

Ce travail en réseau est nécessaire pour plusieurs raisons :

D'abord en matière d'offres de services, tout ne pourra pas être proposé partout : c'est vrai en formation, cela l'est davantage encore pour le haut-niveau. Une complémentarité peut donc être effectivement aménagée, dans les deux sens, de préférence.

Ensuite, parce qu'en matière de sport, et singulièrement de sport de haut niveau, l'échange, la confrontation des pratiques est au fondement de la culture de la progression du sportif. La Guyane, comme les autres Dom, aspire plus à ouvrir les volets et les fenêtres qu'à se replier sur son pré carré. Je vais donner instruction à mes services pour que les modalités de cette coopération et de ce travail en réseau entre votre Institut et le CREPS de Pointe à Pitre puissent être précisées.

Une convention pourrait d'ailleurs sceller ces coopérations, et en préciser les objectifs et les moyens, ce qui constituerait une première.

Monsieur le Préfet, Monsieur le Président du Conseil régional, nous pourrions demander au directeur de la jeunesse et des sports, sous votre autorité, de faciliter la mise en relation entre l'institut régional, et le Creps.

Je voudrais maintenant présenter quelques-unes des autres mesures en faveur du sport élaborées dans le cadres des travaux du Comité interministériel de l'Outre-Mer, à la suite, je le rappelle, des propositions résultant des Etats généraux.

? L'une des propositions suggère d'expérimenter Outre-Mer des classes à horaires aménagées visant à réserver deux à trois demi-journées par semaine aux pratiques sportives, dans une perspective de plein emploi des infrastructures scolaires sur l'ensemble de la journée. Et d'une façon générale, mieux valoriser le potentiel de l'EPS et du sport scolaire, en favorisant les complémentarités et les passerelles entre le milieu de l'école et la vie sportive locale, communale et associative.

Une telle expérimentation ne saurait s'improviser ; elle ne peut s'imaginer sans être portée par les services académiques, avec l'appui des communes volontaires. L'adhésion des équipes éducatives et du tissu sportif local est une condition de la réussite.

Monsieur le Préfet, Monsieur le Recteur, sachez que j'accueillerai avec intérêt vos analyses et vos propositions pour expérimenter en Guyane, et pourquoi pas aussi dans une commune de l'intérieur, un tel dispositif de mi-temps sportif, cher au Président de la République.

? Valoriser les attraits des régions ultra-marines pour un tourisme sportif, par la mise en valeur des sites naturels et par le développement des infrastructures pour les manifestations sportives représente un enjeu fort pour l'ensemble des DOM dont le potentiel naturel et la qualité des sites sont exceptionnels. La Guyane dispose d'un indéniable potentiel, mais aussi d'une réelle expérience en matière d'écotourisme.

Le projet de « base avancée », en permettant de mieux faire connaître et reconnaître la Guyane s'avèrera, demain, j'en prends le pari, un extraordinaire vecteur de développement du tourisme sportif.

? Une des mesures « Sport » du CIOM vise à inciter à la mobilité et l'ouverture des jeunes domiens sur leur environnement régional, français et européen, en continuant à doter le fonds d'échanges culturels et sportifs crée en décembre 2000 de moyens significatifs.

Faisons de ce fonds que j'ai souhaité voir relancer un véritable « Erasmus » ultramarin pour le sport et la culture.

? Confortons la structuration du mouvement sportif local et régional à travers une démarche ambitieuse de formation des dirigeants associatifs bénévoles ou la passation de conventions d'objectifs pluriannuelles entre les financeurs publics (dont l'Etat et le CNDS ) et les comités sportifs régionaux (CROS et ligues sportives régionales).

Enfin, la dernière mesure que je souhaiterai vous présenter, je le sais, vous tient particulièrement à cœur.

Il s'agit de mieux accompagner les jeunes sportifs de talents qui doivent à un moment de leur parcours vers l'excellence partir, poursuivre leur entrainement et leur formation dans les structures d'excellence, comme l'Insep par exemple.

S'il est mal préparé, ce grand saut peut être un échec.

Certes, il faut mettre en valeur les grands sportifs guyanais qui ont réussi : je n'en citerais que deux, mais, car ils témoignent bien de ces histoires de vie hors du commun du sportif de haut niveau :

 Bernard Lama, dont le nom est inséparable de cette fantastique histoire de l'équipe de France de football.

 Malia Metella, l'extraordinaire championne de natation, jeune nageuse de, Remire Montjoly, qui a annoncé récemment la fin de sa brillante carrière de sportive de haut niveau : cette jeune femme, dont le portrait géant éclaire le salon d'accueil de mon ministère, a non seulement réussi son rêve d'être championne, mais aussi sa vie personnelle et professionnelle.

Sont prévues à ce titre, en liaison étroite avec le mouvement sportif, et sous le pilotage d'un chargé de mission « sport de haut niveau Outre-Mer » spécialement identifié au sein de la direction des sports, les dispositions concrètes suivantes :

 l'incitation des fédérations sportives à désigner un correspondant outre-mer ;

 la définition d'un cahier des charges « qualité et déontologie » pour l'accueil des sportifs ultra marins de l'orientation au moment du départ au retour (réseau de familles d'accueil ;

- l'aide à la réorientation et au retour en cas d'échec ;

 l'incitation des fédérations à généraliser, dans leurs règlements fédéraux, sur la base d'une unique licence, la possibilité de double appartenance au club d'origine et au club d'accueil en métropole au bénéfice des sportifs de haut-niveau formés dans les DOM …

Vous le comprenez bien, Mesdames et Messieurs, par cet ensemble de dispositions, ce sont bien les valeurs du modèle sportif français qui ressortent : une exigence de performance, certes, mais en préservant une approche éducative et morale forte.

Toutes ces dispositions doivent être appliquées désormais.

Certaines ont commencé à être mises en œuvre. D'autres le seront rapidement.

L'ambition est bien qu'en Guyane, comme partout en Outre-Mer, le sport bénéficie des mêmes conditions de développement qu' en France.

Je n'accepterai pas que la politique publique du sport soit à deux vitesses.

Telle est la volonté qui m'anime et l'engagement que j'ai tenu à prendre devant vous.

Mesdames et Messieurs, si nous sommes dans une université, je ne voudrais pas pour autant prolonger ce discours d'ennui académique. J'aimerais conclure sur quelques mots fraternels : la vertu du sport pour moi, c'est aussi son cœur, son élan, ses joies, son partage, sa solidarité, sa chaleur, son goût de l'effort et du fair-play. Ces qualités la Guyane les possède en abondance, ce sont celles qui vous animent.

Faites les vivre magnifiquement.

Je vous remercie. /.

Seul le prononcé fait foi

Source : http://www.sports.gouv.fr, le 16 décembre 2009