Déclaration de Mme Dominique Voynet, secrétaire nationale des Verts, sur les thèmes de campagne de Noël Mamère, candidat des Verts à l'élection présidentielle, Toulouse le 17 janvier 2002.

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Circonstance : Meeting de lancement de la campagne des Verts pour l'élection présidentielle, à Toulouse le 17 janvier 2002

Texte intégral

Cher(e)s ami(e)s,
Cher Noël, Cher Dany,
C'est une bonne idée de lancer ici à Toulouse, ensemble, la campagne de Noël MAMERE, candidat des Verts, à l'élection présidentielle.
Qu'un homme politique " quasi-bordelais " ait choisi la capitale régionale de Midi Pyrénées pour aborder la dernière ligne droite, les 93 derniers jours d'un tour de France qui le mènera dans beaucoup de villes de l'hexagone, c'est déjà en soi une petite révolution !
Il ne s'agit pas seulement, je crois, de rendre hommage à Toulouse et aux toulousains, victimes le 21 septembre de la plus grande catastrophe industrielle qu'ait connue la France depuis longtemps.
Il s'agit aussi de saluer Toulouse et son agglomération comme métropole occitane et européenne, symbole de vie, de jeunesse, de brassage social et multinational, d'innovation et de culture, passionnée de liberté, de résistance et de république.
C'est en effet sous le signe de la vie, du courage, de la gaïté, de l'optimisme, que
nous voulons placer notre campagne.
Les élections présidentielles, n'ont pas toujours été forcément favorables aux Verts, en raison des Institutions de la Cinquième République qui favorisent le bloc à bloc, l'affrontement entre des personnes plutôt que le débat entre des projets.
Mais nous concevons celles de 2002 dans la lignée d'une dynamique de succès qui des législatives de 1997 aux municipales de 2001 en passant par les européennes de 1999, où nous étions tirés par Dany, ont permis aux Verts de faire de grands pas en avant.
Nous aurons bien besoin, Noël de ta pugnacité, de ton sens du terrain, de ta capacité d'intuition pour donner des couleurs à une scène politique qui décidément a tendance à faire dans la grisaille, dans le politiquement correct et dans le conventionnel.
Les marchands de vent, les vendeurs de démagogie, les professionnels de la peur sont en effet tous sur le pont !
À droite bien sûr d'abord, où l'on sent monter, à chaque apparition de M. Devedjian, derrière les efforts crispés de M. Sarkozy, de Mme Alliot Marie et de M. Barnier pour parler au petit peuple, pas uniquement les premières rivalités sur le long chemin de Matignon, mais surtout une aversion viscérale pour leur ennemi à tous, la majorité plurielle, verte, rose, rouge.
Pour ces gens-là, la gauche a toujours, malgré les années qui passent, une odeur de Front Populaire et de Mai 68, et pas une seule de nos réalisations depuis 1997 n'a l'heur de plaire à ces admirateurs de Silvio Berlusconi et de George Busch, père et fils !
Ni la formidable libération de temps par les 35 heures (Pensez donc : un pays où l'on travaille moins longtemps !), ni la CMU ou l'Allocation Personnalisée d'Autonomie (Un pays arriéré où les assurances privées ne gèrent pas tout !), ni les 350 000 emplois jeunes (Un pays où l'Etat se mêle d'économie), ni le PACS où les possibilités nouvelles offertes en matière de contraception (Un pays où les valeurs familiales ont été piétinées !).
Non rien de tout cela, qui fait que les Verts ne regrettent pas 1997, ne trouve grâce aux yeux des entourages de MM. Chirac, Madelin, Pasqua, Villiers ou de Mmes Boutin et Lepage !
De ce côté de l'échiquier politique, la pensée unique triomphe d'ailleurs complètement.
Le MEDEF impose son programme, le Conseil Constitutionnel s'érige en juge économique au point de fragiliser à terme tout l'édifice juridique de notre code du travail.
Le malheureux M. Bayrou ne trouve dans ce régiment d'artillerie lourde aucun espace pour faire entendre la petite musique de son bus au colza.
Le mot d'ordre officiel c'est " un pour tous et tous pour Chirac ! "
Il faut que l'actuelle opposition soit bien inquiète sur son avenir et bien cynique pour se ranger avec un tel empressement apparent sous la bannière d'un président sortant avec un bilan aussi pauvre, marqué par une politique économique et fiscale à contre-temps, une dissolution ratée, cinq ans passés à mettre les bâtons dans les roues de la majorité plurielle, à distiller ses remarques sécuritaires et démagogiques à tout bout de champ.
Où est la politique européenne de cette droite ?
Où est l'originalité de sa politique internationale ailleurs que dans l'alignement sur les projets américains ?
Où est sa politique économique sinon dans le rabâchage des dogmes du FMI, de la banque mondiale et de l'OMC ?
Où est sa politique environnementale, au-delà des grands discours, à part la rengaine creuse sur les véhicules propres, et l'appel à la bonne volonté écologique des multinationales que tout ça, entre parenthèses, doit bien faire rigoler ?
Le vide de cette pensée, n'est cependant pas sans danger.
Et nous pouvons redouter que demain, la droite française fasse avec EDF ou GDF ce qui est en train de se passer avec la société américaine Enron, ex-numéro 6 mondial de l'énergie.
Cette entreprise, dont le Président, ami personnel de George Busch, est l'inventeur de la notion de marché des permis à polluer (et aussi le grand pourfendeur des accords de Kyoto), vient de voir la valeur unitaire de ses actions chuter de 90 dollars à 30 cents, s'apprête à licencier des milliers d'ouvriers ; elle vient de ruiner totalement des milliers d'épargnants retraités qui avaient cru au mythe des fonds de pensions comme porteurs de sécurité pour leurs vieux jours !
Alors non, la candidature des verts à la présidentielle ne se trompera pas d'objectif : notre adversaire, c'est bien le Président sortant de droite !
D'abord par ce qu'il personnifie plus que tous les autres les murs délétères d'une politique désormais caduque ; ensuite parce qu'il incarne une orientation négative pour la France, pour l'Europe et pour les générations futures !
Cependant, et même si c'est nécessaire, il ne suffira pas pour l'emporter et pour convaincre, de battre le rappel contre les revanchards et les risques de retour en arrière.
Sur les chemins du renouvellement de la politique et de la victoire en 2002, nous souhaitons dans cette campagne faire la démonstration d'une originalité positive des Verts, du plus et de la valeur ajoutée qu'ils représentent pour toute la société !
C'est aussi parce que la gauche est parfois frileuse et qu'elle retombe de temps à autres dans les ornières du passé que la candidature de Noël MAMERE aura tant d'importance !
Je vous laisserai, à tous les deux, le soin de tailler à Jean-Pierre CHEVENEMENT le costume de conservateur productiviste laïcard, étatiste et chauvin, qu'il mérite hélas !
Je voudrais simplement indiquer à quel point les Verts ont été choqués des propos qu'il a tenus ici, il y a quelques jours, et qui sont, sous couvert de défense de l'emploi, l'apologie pure et simple des stratégies industrielles, privées ou d'Etat, qui ont abouti à la catastrophe de Toulouse.
Si je peux comprendre que la vieille garde pasquaeïnne s'identifie à ce type de propos, je conjure les électeurs de gauche de ne pas s'illusionner.
Je leur lance un appel : ne croyez pas que vos déceptions, vos mécontentements ou vos colères puissent trouver une réponse à la hauteur des enjeux de notre temps, dans des déclarations passéistes, sur l'Etat, l'ordre, l'autorité !
Ne considérez pas comme de simples excès de langage, les déclarations favorables de Jean-Pierre Chevènement à propos du dictateur tunisien Ben Ali, ni celles qui cautionnent en Corse, les exactions délinquantes du préfet sauvageon Bernard Bonnet !
Au-delà de cette caricature, une politique de changement ne doit pas entretenir l'illusion qu'on pourrait revenir au bon vieux temps des années 60/70, quand le chiffre de la croissance ou de la consommation et la litanie des journées nationales de grève tenaient lieu de politique économique et de dialogue social !
Ne suffiront pas non plus de simples politiques d'accompagnement social ou de réparation écologique à la marge, des conséquences négatives d'une économie sans contrôle ni règle du jeu : c'est malheureusement ce qu'on fait la plupart des gouvernements depuis le milieu des années 80.
Car tout cela, c'était bien avant que la société prenne la mesure des risques écologiques et sociaux ou sanitaires de notre modèle de développement !
C'était avant que ne s'affirment d'énormes puissances multinationales qui bousculent les règles du jeu économique, du droit et de la démocratie.
C'était avant que le 11 septembre ne fasse voir aux yeux du monde les risques énormes de terrorisme et de guerre, auxquels nous conduit la terrible réalité des inégalités entre les peuples, les Etats et les régions.
Le projet écologiste se veut donc un projet de réforme globale, avec pour objectif une autre organisation de notre continent et de la planète :
Plus que jamais, nous avons besoin d'une constitution fédérale et démocratique pour l'Europe, de politique communes environnementales, sociales, fiscales, énergétiques ! Plus que jamais, alors que les peuples de Palestine, de Tchétchénie ou d'Afrique souffrent dans le silence de la communauté internationale, le devoir de solidarité s'impose !
Plus que jamais, devant la pénurie d'eau, la menace climatique ou la désertification, la coopération avec le Sud doit être une priorité, tout comme l'action pour une Organisation Mondiale de l'Environnement qui ait autant de poids que l'Organisation Mondiale du Commerce.
Pour nous, écologistes, c'est l'impératif même de croissance tel qu'il a été construit depuis des dizaines d'années qu'il convient de remettre en cause :
Nous proposons d'autres stratégies industrielles que celles qui prévalent aujourd'hui. En pleine crise cyclique des marchés de la surconsommation - téléphonie, informatique, automobile, électroménager, en plein marasme des industries du transport aérien, nous refusons la logique de la concurrence entre les forts et les faibles, l'ultra-spécialisation ou la mono-industrie qui cassent les régions !
Nous invitons au développement d'activités industrielles diversifiées, à forte utilité environnementale, tournées vers la coopération internationale, à fort contenu de qualification et de sécurité professionnelle, durables et compatibles avec les villes et les espaces ruraux.
Nous proposons d'autres stratégies agricoles, qui respectent le travail des paysans, la qualité des milieux et en particulier de l'eau, la santé, les paysages, l'aménagement équilibré des territoires.
Nous proposons d'autres stratégies énergétiques pour économiser la ressource, arrêter de dévorer et de gaspiller des sommes folles, ne pas laisser à nos enfants le poids de la gestion de nos propres aberrations comme c'est le cas avec le nucléaire. Oui, la modernité et l'efficacité, appellent aujourd'hui des énergies maîtrisées, renouvelables, flexibles, souples, décentralisées !
Nous proposons enfin d'autres stratégies en terme de transports, fondées sur la rationalisation des déplacements et la relocalisation des activités, la priorité aux transports collectifs, la diversification et la complémentarité des modes d'acheminement des marchandises.
Global et profondément réformateur, le programme des Verts est par conséquent forcément passionné d'égalité et de démocratie.
Comme de nombreux entrepreneurs et de nombreux syndicalistes, nous souhaitons améliorer le dialogue social dans l'entreprise, l'élargir à la négociation de la qualité du travail, à une autre gestion des temps, à la formation tout au long de la vie, à la mobilité choisie.
Avec la même intention, nous soumettons au débat, une nouvelle politique des revenus axée sur la réduction des inégalités, une réforme fiscale, l'augmentation des minima sociaux et leur extension au moins de 25 ans.
Enfin, nous aspirons, à une redéfinition de la place et de l'organisation de nos services publics :
Il y a aujourd'hui d'autres économies à faire que le rabiotage systématique sur les moyens des écoles, des hôpitaux ou de la justice.
Et s'il y a des investissements massifs à envisager pour soutenir l'activité économique, qu'on bâtisse des logements sociaux de qualité plutôt que des autoroutes partout !
Oui, nous préférons le dialogue civique à la prison, l'aide concrète aux victimes plutôt que les surenchères sécuritaires, la répression des grands trafics et la criminalité mondiale organisée - y compris quand il faut mettre en cause le laxisme des grandes banques - à une justice d'abattage ou à de simples stratégies policières de gesticulation et d'affichage.
Ni les unes ni les autres ne sont dissuasives ; ni les unes ni les autres n'enrayent la violence ; ni les unes ni les autres ne sanctionnent véritablement et ne remettent quiconque sur la voie de la réinsertion et de la responsabilité.
Je réaffirme ici au passage avec force notre soutien à ceux des magistrats, des enseignants, des soignants, des policiers ou des travailleurs sociaux qui, jour après jour, essaient avec les associations d'habitants, de recoudre le tissus social déchiré de nos cités : ils ont besoin d'aide, de respect et de moyens pour travailler.
Alors, bien sûr, ces réorganisations fortes et progressives de notre façon de vivre en société, impliquent une réforme profonde de l'Etat et de l'administration.
Réforme budgétaire, simplification du nombre d'échelons administratifs, poursuite de la décentralisation, sont au menu du changement écologiste.
Nous ambitionnons par l'instauration de la sixième République, de redonner au Parlement son pouvoir d'initiative et de contrôle, d'élargir le droit au référendum, de transformer le vieux Conseil Constitutionnel en Cour Constitutionnelle moderne, de refaire de la France une terre d'accueil en donnant aux étrangers le droit de vivre dignement et en sécurité chez nous, en leur donnant le droit de vote aux élections locales.
Toutes ces réformes, toutes ces avancées positives sont possibles.
Bien sûr, elles ne régleront pas tout, et elles nécessitent aussi que tous nous nous y mettions là où nous sommes.
Mais elles permettront à chacun de commencer à reprendre un peu de contrôle sur sa vie de tous les jours, de faire le choix de travailler, de consommer et de vivre autrement son temps, ses activités, sa famille ou sa citoyenneté.
Si les Verts, à l'occasion de la présidentielle puis des législatives mettent ces propositions en discussion, c'est aussi parce qu'elles correspondent à de nouvelles façon de vivre, à de nouvelles aspirations chez nos concitoyens.
Elles sont d'ores et déjà inscrites dans la société qui bouge et qui change, qui veut pouvoir maîtriser les nouveaux risques, qui souhaite non seulement davantage de droits et de sécurité, mais aussi et peut-être surtout d'autonomie et de responsabilité.
Les Verts, contrairement à d'autres, ne voient pas derrière chaque infirmière ou chaque médecin en grève un conservateur corporatiste ou un source de problèmes : nous y voyons au contraire un signe de vitalité, la volonté de faire mieux et autrement.
Plus le score de Noël MAMERE sera élevé, et plus la force de ces aspirations nouvelles pourra se faire entendre, contre-balancer les démarches purement gestionnaires et ce que nous considérons comme des hésitations, de la navigation à vue parfois chez nos propres partenaires de la majorité plurielle
Nous respectons ces partenaires, nous avons appris à nous connaître depuis 1997. Chacun apporte son histoire, ses traditions, mais aussi ses pesanteurs.
Nous trouvons cependant que parmi ces pesanteurs figurent deux tendances regrettables :
La première consiste à ne pas assez écouter ses propres électeurs. La seconde à ne pas affronter avec assez de vigueur les lobbies et les groupes de pression, ceux du nucléaire, des camionneurs, de l'agriculture, de l'industrie, de la chasse, ou du béton !
Nous trouvons que subsiste ici ou là à gauche, cette idée que la politique se résume à un savant exercice de godille, ou à un simple arbitrage hyper-réaliste des rapports de force existants.
Eh bien cela n'est pas la conception qu'ont les Verts et leur candidat, du rôle de la politique.
Si nous voulons que nos concitoyens retrouvent confiance dans l'action civique, à nous de montrer que la prise en compte de l'intérêt général peut respecter les majorités et les minorités, autoriser la pluralité et le changement, donner au plus faible ou à l'innovateur la possibilité de se faire entendre et de peser dans la décision finale.
Alors évidemment, les victimes de l'insécurité routière sont moins bien organisées que les constructeurs de camions. Les défenseurs de l'environnement que les chasseurs. Les promoteurs d'énergie renouvelable sont moins puissants que les amicales du CEA !
Surtout, ils répugnent à utiliser les mêmes méthodes qu'eux !
La campagne des verts lors de cette présidentielle, veut donc donner un écho à tous ces mouvements ou ces entreprises qui agissent dans le sens du développement durable.
Elle sera l'occasion pour les Verts de dire ce qu'ils proposent, et aussi d'entendre ce que pensent et disent nos concitoyens.
Notre candidat Noël MAMERE, a la réputation d'être quelqu'un qui ne se paie pas de mots et dit les choses sans circonvolutions ni détours !
Je sais comme vous tous, pour l'avoir vu dans ses déplacements ou dans ses voyages, qu'il sait écouter, dialoguer, et qu'il saura porter et traduire les messages qu'il entend !
Voilà pourquoi les Verts lui ont demandé de les représenter !
Voilà pourquoi aussi, Noël MAMERE a comme tous les Verts, besoin que chacune et chacun d'entre vous apporte sa pierre à l'édifice.
Je suis sûre que Noël MAMERE saura vous faire partager son enthousiasme, sa compétence et sa soif de changement !
Le 21 avril, pour le développement durable, pour la solidarité et la responsabilité, vous voterez pour l'écologie, pour les Verts, vous voterez Noël MAMERE !
(Source http://www.les-verts.org, le 22 janvier 2002)