Déclaration de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la gestion du risque sanitaire, l'exercice de la profession vétérinaire et l'enseignement vétérinaire, Toulouse le 31 janvier 2002.

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Circonstance : Déplacement à l'école nationale vétérinaire à Toulouse le 31 janvier 2002

Texte intégral

Monsieur le Président,
Madame et Messieurs les Directeurs,
Mesdames, Messieurs,
C'est évidemment un grand honneur pour moi d'être présent parmi vous cet après-midi, en cette circonstance un peu solennelle.
1ère PARTIE : VETERINAIRE HONORIS CAUSA
Toute la grande " famille " vétérinaire est réunie devant moi, et a donc décidé de m'accueillir en son sein, en me délivrant ce diplôme de vétérinaire honoris causa. Je ne sais pas, Madame la Directrice, si je mérite tous les qualificatifs élogieux que vous m'avez attribués tout à l'heure, et qui sont ceux que le corps enseignant attend d'un futur diplômé. Sachez en tout cas que j'ai grand plaisir à constater que vous jugez positivement mon action à la tête du ministère de l'agriculture et de la pêche, marquée il est vrai par des crises sanitaires successives. Vous les avez rappelées pour l'essentiel, je ne vais donc pas me lancer dans une chronologie qui serait fastidieuse.
Un ministre de l'agriculture aborde naturellement le métier de vétérinaire par le biais de l'administration dont il assure la tutelle. Je pense bien sûr à la Direction générale de l'alimentation et aux directions départementales des services vétérinaires, mais aussi au Conseil général vétérinaire et à la Direction générale de l'enseignement et de la recherche. Puis il apprend à connaître, au fil des assemblées générales et au gré des rencontres, les praticiens, les enseignants, les syndicats ou encore l'Ordre.
J'ai pu constater la richesse et la diversité du métier de vétérinaire qui est, quel que soit le domaine d'activités, fortement ancré dans la société (ce qui explique peut être que les vétérinaires soient si nombreux sur les bancs de l'Assemblée nationale et du Sénat !..). Santé et protection des animaux de compagnie ou des animaux d'élevage, recherche, enseignement, industrie, administration, etc..., le rôle et la compétence du vétérinaire sont je crois reconnus et appréciés partout et par tous. Vous m'autoriserez, je pense, une mention particulière pour les inspecteurs de santé publique vétérinaire (c'est la dénomination qui a été retenue pour le nouveau corps en cours de constitution au ministère de l'agriculture) qui grâce à l'efficacité et à la compétence dont ils ont fait preuve, particulièrement pendant les crises sanitaires, ont illustré le rôle éminent des vétérinaires pour garantir la sécurité sanitaire de l'alimentation. Et l'éminence appelle l'évidence : la réforme des directions des services vétérinaires a été unanimement soutenue quand je l'ai proposée.
Franchement, je n'ai eu qu'à me féliciter de travailler avec -et de pouvoir compter sur- les uns et les autres. Vous jugez aujourd'hui l'action d'un ministre, mais vous savez bien qu'elle n'est rien sans le travail des femmes et des hommes de son ministère au service de la collectivité -il y en a quelques unes et quelques uns présents ici que je salue. Ce n'est pas fausse modestie de ma part, mais bien la reconnaissance que la tâche accomplie est avant tout celle d'une équipe. Je partage donc bien volontiers avec eux la récompense que vous me faites aujourd'hui, même si la plupart ont déjà le diplôme en poche. Je veux également associer Catherine Geslain-Lanéelle, Directrice générale de l'alimentation, et Alain Berger qui a dirigé mon cabinet pendant plus de 3 ans. Ils ne sont que de " modestes " ingénieurs, mais ils ne seraient sans doute pas tout à fait démunis devant une épreuve de validation de leurs acquis vétérinaires ! Je salue aussi tout particulièrement Isabelle Chmitelin, notre Chef des services vétérinaires, ainsi que mes collaborateurs qui se sont succédé au Cabinet, Claudine Lebon et Loïc Evain.
J'ai beaucoup appris, évidemment, sur le plan technique pour pouvoir agir, en toute connaissance de cause, dans la gestion du risque sanitaire. Je n'imaginais pas prendre telle ou telle mesure sans comprendre au minimum le pourquoi du comment ! Il a fallu m'expliquer le problème des anticorps d'origine vaccinale que l'on ne sait pas distinguer des anticorps résultant d'une contamination virale, pour que j'admette que l'on renonçât à la prophylaxie médicale de la fièvre aphteuse en 1991. Je n'ai fait qu'effleurer l'univers scientifique du prion, alors que l'ESB m'a tellement accaparé preuve que l'on peut " faire beaucoup en sachant peu ". La formule peut faire sourire, mais elle illustre surtout la difficulté de prendre les bonnes décisions lorsque les incertitudes scientifiques dépassent de beaucoup les certitudes. C'est là bien sûr que le principe de précaution prend toute sa place. Mais il doit être utilisé à bon escient. Je me garderai bien de donner des leçons en la matière ; je dirai simplement que j'ai essayé avec mes collègues du Gouvernement de faire tout ce que nous pensions nécessaire et utile de faire, dans l'intérêt de nos concitoyens. C'est l'Histoire qui dira si nous avons fait exactement ce qu'il fallait faire.
J'ai souvent dit en plaisantant à mes collaborateurs, que j'espérais bien être nommé un jour vétérinaire par validation des acquis. Je ne croyais pas si bien dire. Je découvre aujourd'hui que je suivais, sans le savoir, une formation diplômante. Enfin, je sais maintenant ce que je pourrai faire, si je ne parviens pas à valider mes autres " unités de valeur " dans quelques mois auprès des électeurs de mon département voisin des Hautes-pyrénées !..
En réalité, si vous avez entendu certains de mes propos dans un autre contexte, je devrais plutôt être vexé de l'honneur que vous me faites aujourd'hui. Vous savez bien que je dis souvent qu'il n'est pas besoin pour qu'un ministère soit bien dirigé d'y mettre un " spécialiste " à la tête (pas besoin d'un magistrat à la Justice, d'un enseignant à l'Education ni d'un médecin à la Santé...). Bon, je corrige aussitôt car on peut malgré tout être médecin et bon voire excellent ministre de la Santé... Et vous me faites vétérinaire ! Je suis d'ailleurs étonné que d'autres n'aient pas envisagé de me faire agriculteur, éleveur, pêcheur ou forestier. Car dans ces domaines aussi, je commence à avoir une certaine expérience.
Donc en un mot comme en cent : merci ! Je suis très touché par ce témoignage de reconnaissance.
2ème PARTIE : RAPPORT RISSE
Je voudrais maintenant aborder quelques sujets de préoccupation dont vous vous êtes fait l'écho tout à l'heure, Madame la Directrice, qui sont ceux du corps enseignant mais aussi de la profession vétérinaire dans son ensemble. Avant de rappeler les évolutions importantes qu'a connues l'enseignement vétérinaire ces dernières années, je m'arrêterai un instant sur les propositions qui m'ont été faites par votre confrère Jacques RISSE ici présent, que je salue et remercie vivement pour le rapport qu'il a établi à ma demande. Ce rapport, vous le connaissez, il a été rendu public au début de l'année.
Après avoir mené de larges consultations, Jacques RISSE pose un diagnostic sans fard sur la présence et l'exercice vétérinaires en milieu rural. Je retiens que la situation n'est pas dramatique, du moins pas encore, mais qu'il y a des choses à faire si nous voulons garantir de manière durable une parfaite maîtrise des risques sanitaires dans notre pays. Les vétérinaires ont évidemment un rôle éminent à jouer, aux côtés des éleveurs qui appréhendent de mieux en mieux les questions sanitaires. L'action conjuguée des uns et des autres explique le niveau de qualité sanitaire croissant des productions animales au cours de ces dernières années.
Je ne suis évidemment pas en mesure de répondre point par point aux recommandations nombreuses contenues dans ce rapport. Celles ci vont être étudiées avec attention par mes services. Je souhaite néanmoins m'arrêter sur 2 ou 3 sujets particuliers.
1/ Il y a manifestement un problème d'orientation à la sortie des écoles, les jeunes diplômés délaissant peu à peu la rurale au profit d'autres activités jugées plus intéressantes ou moins difficiles. Partisan de la parité, je me garderai bien de critiquer la féminisation du recrutement (7 étudiants sur 10 admis en 2001 sont des étudiantes !). Est-on certain d'ailleurs que la situation serait différente si le rapport était inverse ?
Pour rompre avec cette tendance lourde, il convient effectivement de se donner les moyens d'encourager, d'inciter les étudiants à revenir vers les productions animales. Je note que l'idéal serait qu'un vétérinaire sur 3 s'installe à la campagne plutôt qu'à la ville. C'est en tout cas la volonté, sinon le devoir, du ministère de l'agriculture qui a besoin de former des professionnels de la santé animale et de la santé publique vétérinaire, pour répondre aux attentes clairement exprimées de nos concitoyens en termes de sécurité et de qualité des produits agricoles et alimentaires.
J'ai demandé à la DGER et à la DGAL de constituer sans délai un groupe de travail, qui associera les directeurs des écoles vétérinaires, pour examiner les aménagements qu'il conviendrait d'apporter au programme des études, à partir des suggestions faites par Monsieur RISSE. Je souhaite qu'ils fassent des propositions opérationnelles avant l'été.
Il me semble que le moment est venu de " repenser " l'exercice vétérinaire rural, qui avec l'abandon progressif des prophylaxies traditionnelles, devrait dorénavant privilégier une maîtrise des risques sanitaires suivant une approche collective (à l'échelle du troupeau) et globale (prise en compte de l'ensemble des risques) plutôt qu'individuelle et spécifique. Quand je dis globale, je pense à la surveillance des maladies animales bien sûr, mais aussi aux médicaments vétérinaires, aux contaminants, à la protection animale, à l'environnement de l'élevage, etc... .
Le projet de réseau sanitaire bovin s'inscrit tout à fait dans ce cadre, résolument moderne et tourné vers l'avenir. Ce partenariat entre les éleveurs et les vétérinaires, qui constitue le fondement même du réseau, me plaît bien : chacun à sa place, avec ses compétences et son savoir-faire, au service de l'intérêt commun. Je sais qu'il y a encore des difficultés de nature conceptuelle à surmonter, en particulier sur les visites d'élevage qui devront à mon sens faire partie des éléments incontournables du réseau. Je l'ai écrit récemment au Président de la FNGDS, et je suis persuadé qu'il saura convaincre les éleveurs de la pertinence du système que nous voulons mettre en place. Il est temps de conclure un chantier ouvert il y a 4 ans déja, sinon le tentation d'entamer l'Arlésienne va devenir forte...
2/ Ceci m'amène tout naturellement à aborder un autre chapitre important du rapport RISSE, celui du mandat sanitaire. J'ai lu et entendu les récriminations des vétérinaires sanitaires au moment de la crise de la fièvre aphteuse, qui m'ont été rappelées lors du Congrès de Biarritz en octobre dernier. Je sais la contribution essentielle des vétérinaires sanitaires dans la surveillance et le contrôle des maladies animales, sous l'autorité des directeurs des services vétérinaires, et je veux une nouvelle fois leur rendre hommage.
Je veux là encore laisser aux services du ministère le temps de la réflexion, et de la concertation avec les organisations professionnelles représentatives. Mais je souhaite d'ores et déjà retenir une idée qui me paraît intéressante : la nécessité de valoriser le mandat sanitaire. Cette valorisation passe d'abord par une formation spécifique des vétérinaires au mandat sanitaire, sanctionnée par un certificat d'aptitude qui sera indispensable pour l'exercice des missions déléguées par les pouvoirs publics. Je pense également que ce certificat devra être délivré pour une période limitée renouvelable, de façon à encourager la formation continue, essentielle quand on sait la vitesse avec laquelle évolue la réglementation vétérinaire à Paris comme à Bruxelles.
Cette formation initiale au mandat sanitaire devrait je pense être dispensée dans chacune des écoles vétérinaires, peut être au cours de la dernière année d'études. La formation continue pourrait mettre à contribution les groupements techniques vétérinaires, sous contrôle des DSV. L'Ecole nationale des services vétérinaires (ENSV) aurait certainement aussi un rôle à jouer dans le dispositif. Tout ceci reste largement ouvert pour le moment. J'ai donc demandé à la DGAL de bâtir avec la DGER avant l'été ce qui pourrait constituer le programme de cet enseignement particulier, qui sera soumis bien sûr à la discussion et à la concertation avec vos représentants.
Je rapproche évidemment ces propos sur le mandat sanitaire, de ceux que je tenais à l'instant sur la modernisation de l'exercice en milieu rural à travers des initiatives comme le réseau sanitaire bovin.
3ème PARTIE : ENSEIGNEMENT VETERINAIRE
Mais au delà du rapport RISSE, je souhaiterais tout de même rappeler que l'enseignement vétérinaire a connu des évolutions importantes ces dernières années.
Ce qui marque, d'abord, les jeunes étudiants, c'est la mise en place effective du nouveau cursus défini par la réforme arrêtée en 1994. Ainsi, à la rentrée 2000 l'ancien cursus a été complété par l'année supplémentaire de 3ème cycle professionnel (dite de T1 PRO dans le jargon des écoles). Dans le respect de la charte pédagogique établie en concertation entre la DGER et les équipes pédagogiques des écoles, avec l'appui et le conseil des professionnels, cette année offre aux étudiants titulaires du diplôme d'études fondamentales vétérinaires (DEFV) un approfondissement dans l'une des trente dominantes proposées seules ou conjointement par les quatre écoles et débouche sur la thèse d'exercice et le diplôme d'Etat de docteur vétérinaire. Je ne peux que me féliciter du large choix ainsi offert aux étudiants, grâce à la concertation et la coordination entre les écoles.
Je relèverai aussi le développement des formations de spécialisation, qu'il s'agisse des certificats d'études approfondies vétérinaires (CEAV) ou des diplômes d'études spécialisées vétérinaires (DESV), seuls ces derniers permettant l'usage du titre de spécialiste.
Enfin, tout récemment, en mars 2001, pour compléter l'offre de formations complémentaires en réponse aux besoins de la société, un diplôme national d'internat des écoles nationales vétérinaires a été créé, mettant fin au statut expérimental provisoire (mais qui a tout de même duré plus de dix ans !) des formations dispensées à Alfort. Les premières formations d'internat "nouveau style" ont débuté à la rentrée 2001.
Il faut, enfin, sortir les jeunes des classes préparatoires de la situation d'échec " sec " dans laquelle ils se trouvent aujourd'hui s'ils ne réussissent pas véto. Leur isolement au sein du dispositif d'enseignement supérieur est aujourd'hui incompréhensible. J'ai décidé, avec mon collègue Jack LANG, d'engager une réforme de ce cycle préparatoire, de façon à élargir le spectre des débouchés d'une part, à rapprocher les cultures des futurs ingénieurs du vivant et des futurs vétérinaires, d'autre part. Cette réforme permettra aux jeunes de suivre une préparation commune en deux ans, de manière à rendre les conditions de préparation à la fois plus humaines et plus enrichissantes.
Je soulignerai que ces réformes et ces évolutions ont été accompagnées par un accroissement substantiel des moyens attribués aux écoles nationales vétérinaires : entre 1997 et 2002, plus de 50% des emplois nouveaux créés par les lois de finances leur ont été affectés (+ 16 postes d'enseignants-chercheurs, + 33 postes de personnels IATOS) et les crédits de fonctionnement ont cru de plus de 16%.
4ème PARTIE : SITUATION de l'ECOLE de TOULOUSE
L'école de Toulouse n'est pas restée en dehors de ce grand mouvement.
Je citerai, pour illustrer ce propos, le fait que le site de Toulouse a été retenu par mon collègue Roger-Gérard SCHWARTZENBERG pour la création d'un laboratoire de haute technologie destiné au développement des recherches sur les maladies à prions. L'école de Toulouse, l'INRA, et leurs partenaires voient ainsi, une nouvelle fois, reconnue la qualité de leurs partenariats déjà anciens. Nous sommes nombreux à fonder de grands espoirs sur les résultats de ces travaux.
Par ailleurs, l'école propose à ses 700 étudiants 9 parcours de T1-PRO dont je parlais tout à l'heure, ainsi que des formations de spécialisation (CEAV et DESV). Des projets de formation d'internat seront prochainement examinés par la commission nationale d'habilitation mise en place pour garantir la qualité et la cohérence des formations proposées.
L'école de Toulouse a vécu, au cours de l'année 2000, de terribles secousses et même des événements tragiques qui l'ont endeuillé. Elle a également été affectée en septembre dernier par l'explosion de l'usine AZF. Je rends hommage à toutes celles et à tous ceux qui, autour de Gilbert BONNES, ont travaillé pour panser les plaies, apaiser les tensions et créer une nouvelle dynamique. Lorsque M.BONNES achèvera prochainement la mission que je lui avais confiée, je souhaite que l'école, son nouveau directeur, tous ses personnels et étudiants retrouve sa cohérence collective et l'ambition légitime qui était la sienne, autour d'un projet fédérateur, mobilisateur, et élaboré dans la concertation.
Je rappellerai, pour terminer, qu'en installant le 3 octobre dernier, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire (je suis désolé pour l'affreux sigle de CNESERAAV !), j'ai lancé un grand débat sur la structuration de notre enseignement supérieur : il en va, j'en suis convaincu, de son avenir et aussi d'une certaine manière, de l'avenir d'un ministère de l'agriculture et de la pêche qui doit anticiper sur les besoins de nos concitoyens, producteurs ou consommateurs. Je souhaite que Toulouse, comme les autres écoles de notre système d'enseignement supérieur, y prenne toute sa part.
Je vous remercie.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 6 février 2002)