Texte intégral
Interview à France 2 le 26 :
F. Laborde Cette campagne pour l'élection présidentielle est partie. Mais, hier soir, il y a eu cette soirée un peu culturelle - encore que cela fasse partie de la campagne -, avec l'hommage de V. Hugo à Besançon. Vous étiez avec le Premier ministre ?
- "C'est la région dont je suis élu. Il y a eu une ambiance formidable et surtout l'évocation d'un grand poète et d'un grand Français. Quand on redécouvre le texte de V. Hugo, on voit une vision et une puissance. Il y a un mélange qui peut inspirer l'audace, mais aussi une forme de sagesse, de la tolérance entre la démocratie et la république, entre la tradition et la modernité. Je crois que pour un homme politique, pour un citoyen tout court, il y a de quoi réfléchir et de quoi admirer."
V. Hugo est un bon exemple de passion, parce que pour l'instant, cette campagne n'a pas l'air de passionner franchement les Français. On a vu dans les sondages récents que 59 % des Français disent que cela les intéresse moyennement et puis, en plus, ils trouvent majoritairement qu'il n'y a pas de vraie différence entre la gauche et la droite en matière de programmes...
- "La passion, c'est l'avenir, parce qu'en fait, la campagne vient de commencer. J. Chirac est candidat depuis dix jours - d'ailleurs, on se demande un peu où il est passé -, L. Jospin l'est depuis quatre ou cinq jours. Cela se chauffe. En même temps, je suis profondément en désaccord avec cette idée que la gauche et la droite c'est pareil. Regardons ce qui s'est passé : les 35 heures, les emplois-jeunes, la CMU, l'Apa, ce sont des réformes de gauche. D'ailleurs, la droite ne les a pas votées. Elle n'a pas voté la plupart des réformes, comme la parité qui ont touché la société et les femmes. Quand on regarde les programmes et si on se tourne vers la droite, on voit que les seuls impôts qu'ils pensent à baisser, c'est l'impôt sur le revenu de 5 %. Il n'y a que 50 % des Français qui le payent et 5 % pour ceux qui sont de la tranche supérieure et 5 % qui sont en bas, ce n'est pas du tout la même chose. Il y a là des propositions qui sont profondément de droite, d'autres profondément inégalitaires."
Sur la sécurité, sur l'éducation, il y a quand même de vraies convergences aujourd'hui...
- "Sur l'éducation, je crois qu'il y a encore des divergences sur la façon de concevoir la formation tout au long de la vie, sur la façon de concevoir le rôle des enseignants, sur la façon de concevoir l'autorité des familles et l'autorité à l'école. Quant à la sécurité, je crois que cela ne doit pas être un sujet de polémiques. Je crois que ce doit être un sujet de mobilisation générale et d'un certain point de vue, je me réjouis que le président de la République soit venu sur les propositions du Gouvernement. C'est-à-dire qu'il a intégré à l'arsenal tout sécuritaire, tout répressif de la droite des mesures qui soient plus préventives. Mais qu'il n'y ait pas d'opposition frontale là-dessus ne me choque pas. Encore que derrière les mots, il y a des choses : quand je vois au fameux meeting de l'UEM le maire de Nice, ex-Front national, arrivé et dire qu'il est favorable au rétablissement de la peine de mort, je me dis que, tout de même, à droite, il y a des choses qui sont plus complexes qu'on veut bien le dire."
On avait l'impression en début de cette campagne que les propos étaient extrêmement courtois entre le président de la République et le Premier ministre, que tout cela se faisait à fleurets très mouchetés et qu'on allait s'en tenir à une courtoisie peut-être un peu artificielle. C'est un peu en train de changer ?
- "Non, je ne crois pas. Il peut y avoir des propos, ici ou là, dans les meetings ou des réunions publiques, il peut y avoir quelques plaisanteries, mais je crois qu'une campagne ne doit pas être triste. En même temps, elle doit restée courtoise, mais elle ne doit pas esquiver les vrais problèmes. Quand L. Jospin dit "présider autrement", je crois qu'il touche quelque chose qui est très juste, parce que si on regarde le dernier septennat, on voit effectivement deux ans pendant lesquels J. Chirac, élu sur la fracture sociale, a renié ses promesses, a tourné le dos à ses paroles et puis pendant cinq ans, il s'est contenté de critiquer, d'être dans l'opposition à son gouvernement et de commenter. Ce n'est pas cela qu'être président de la République. Le président de la République doit être un homme actif qui donne les orientations, qui défend les institutions et qui porte la parole à l'étranger, qui travail en cohérence avec son gouvernement. Je crois que L. Jospin peut l'incarner. Bref, ce qu'il veut dire à travers cela, c'est que le président de la République doit être l'homme d'un projet et non pas l'homme d'une carrière, qu'il doit être un homme qui travaille et non pas un homme qui est perpétuellement candidat. Je crois que ce sont de vrais sujets. Ce n'est pas une attaque contre J. Chirac. On peut avoir avec lui des rapports courtois, pas antipathiques, même parfois drôles. Mais, en même temps, cela ne change pas le fond : c'est-à-dire que la politique, ce sont des oppositions et la droite et la gauche ne sont pas pareilles. Dans la campagne, on le découvrira de plus en plus."
Pour le deuxième tour, est-ce qu'il y a déjà matière à préoccupation quand on voit le faible score du Parti communiste, quand on voit que l'extrême gauche est à 8 % et qu'A. Laguiller dit qu'elle ne va pas donner de consignes de reports, quand on voit les Verts qui ne sont pas avec des scores formidables ? Il n'y a pas un peu de préoccupations à avoir ?
- "Je me souviens qu'en 1995 - il y a 7 ans -, la gauche était à 40 % au premier tour et qu'elle a fini à 47,5 %. Cette fois-ci, le total des voix de gauche est nettement supérieur aux voix de droite. Votre raisonnement, me semble-t-il, vaut pour J. Chirac qui, manifestement, n'a pas de réserves à droite. Pour ce qui est de la gauche, ce qui va compter c'est la capacité de L. Jospin à rassembler. Je crois que tout en menant une campagne de premier tour, tout en étant profondément de gauche, profondément socialiste - les polémiques là-dessus me font un peu sourire -, il se prépare déjà à rassembler sur une approche qui soit à la fois de gauche mais aussi pragmatique, aussi moderne, parce que c'est de cela dont la France a besoin. Elle n'a pas besoin d'idéologie, mais elle a besoin de progrès. Ce progrès doit être incarné à travers un peu plus que le Parti socialiste."
Quel sera votre rôle dans la campagne. ? J. Glavany a quitté ses fonctions de ministre de l'Agriculture pour devenir [directeur de campagne] du candidat Jospin. Vous, vous restez ?
- "Je reste au Gouvernement mais, en même temps, si on me demande de faire quelque chose - je crois qu'on va me le demander -, je le ferai volontiers comme je le fais depuis tant d'années avec L. Jospin."
Vous êtes très proche de L. Jospin ?
- "En tout cas, nous sommes amis depuis longtemps. J'ai travaillé avec lui depuis très longtemps et j'ai donc envie d'être dans cette campagne. J'y serai. J. Glavany a fait un choix personnel. Parce que le directeur de campagne est quelqu'un qui doit se consacrer à plein temps à cette fonction. Je serai un homme politique qui milite pour son candidat. Je n'ai pas remarqué par exemple que J. Chirac, président de la République, a démissionné. On peut très bien faire de la politique tout en gardant ses fonctions."
Parlons de l'Europe : à quelques jours de l'ouverture de la Convention sur l'avenir de l'Europe et la création d'une Constitution européenne, on voit qu'il y a une sorte d'axe entre T. Blair et G. Schröder pour proposer des réformes en matière européenne. Pourquoi la France n'est-elle pas associée à ce projet ?
- "Il y a tellement d'axes. On aime tellement signer des textes ici ou là. Je crois que c'est un texte qui est plutôt positif, parce qu'il est intelligent. Il pose un problème de l'Union européenne : comment on décide ? Parce qu'il constate que les mécanismes de décisions sont grippés, qu'on n'arrive pas à se mettre d'accord, qu'on ne vote pas assez à la majorité et qu'à l'unanimité on est bloqué sans arrêt... C'est un texte de réflexion très pragmatique. Il illustre aussi peut-être l'avancée de T. Blair vers l'Europe, dans l'Union européenne. Je crois que pour l'Europe aussi, il sera très important que la France recouvre une unité de direction, qu'elle est un cap et qu'on sache bien qui fait quoi. C'est vrai que nous perdons du temps à savoir qui va parler, qui ne va pas parler. La cohabitation, de ce point de vue-là, pour l'impulsion - non pas pour le travail quotidien - a été sans doute un obstacle."
Est-ce que l'Europe n'est pas aussi un peu absente du terrain du Proche-Orient, quand on voit par exemple que la dernière initiative de paix qui est saluée unanimement vient d'un prince saoudien, qui propose une normalisation des relations avec Israël en échange d'un retrait des territoires ? L'Europe est un peu muette !
- "Non, je ne dirais pas cela. L'Europe est très présente. Elle a des idées sur le Proche-Orient, elle le fait savoir. Il y a notamment l'idée qu'il faut que deux Etats coexistent là-bas : un Etat palestinien et Israël assuré dans ses frontières. Ce qui fait l'évènement, c'est que ce sont des arabes justement qui donnent cet élément. Hier, R. Solana était auprès de Y. Arafat. Il a obtenu de lui qu'il reprenne le dialogue avec Israël en matière de sécurité. C'est donc que l'Europe est à la fois un médiateur utile là-bas et aussi un apporteur d'idées. Ces idées saoudiennes, bien sûr, sonnent de manière agréable à nos oreilles, car elles peuvent ouvrir l'espace pour le dialogue tellement désert dans cette région du monde, qui est frappée par cette tragédie qui nous touche tous."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 1e Mars 2002)
Interview à France-Inter le 28 février :
"On constate qu'il veut baisser les impôts sur le revenu, qu'il veut baisser les impôts sur les entreprises, qu'il veut baisser les charges, qu'il veut financer les retraites, qu'il veut conserver les déficits. Donc, il faut chercher l'erreur. Et l'erreur, elle est assez simple, c'est qu'il y a deux oublis là-dedans : la justice sociale et les services publics. Services publics, parce que tout cela aura un coût absolument massif - 30 milliards d'euros pour l'ensemble du plan de baisse d'impôts - et cela signifie que ce sera autant de services publics en moins : moins d'éducation, moins de police, moins de justice. Chacun sent bien qu'il y a là un peu d'incohérence. Et puis, il y a la justice sociale qui est aussi oubliée parce que quand on dit que l'on veut baisser de 5 % l'impôt sur le revenu de toutes les personnes imposables, cela signifie en fait que la baisse de l'impôt sera effectivement concentrée sur les plus favorisés des Français. Donc, on a un retour du Chirac libéral de 1986."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 1e mars 2002)
F. Laborde Cette campagne pour l'élection présidentielle est partie. Mais, hier soir, il y a eu cette soirée un peu culturelle - encore que cela fasse partie de la campagne -, avec l'hommage de V. Hugo à Besançon. Vous étiez avec le Premier ministre ?
- "C'est la région dont je suis élu. Il y a eu une ambiance formidable et surtout l'évocation d'un grand poète et d'un grand Français. Quand on redécouvre le texte de V. Hugo, on voit une vision et une puissance. Il y a un mélange qui peut inspirer l'audace, mais aussi une forme de sagesse, de la tolérance entre la démocratie et la république, entre la tradition et la modernité. Je crois que pour un homme politique, pour un citoyen tout court, il y a de quoi réfléchir et de quoi admirer."
V. Hugo est un bon exemple de passion, parce que pour l'instant, cette campagne n'a pas l'air de passionner franchement les Français. On a vu dans les sondages récents que 59 % des Français disent que cela les intéresse moyennement et puis, en plus, ils trouvent majoritairement qu'il n'y a pas de vraie différence entre la gauche et la droite en matière de programmes...
- "La passion, c'est l'avenir, parce qu'en fait, la campagne vient de commencer. J. Chirac est candidat depuis dix jours - d'ailleurs, on se demande un peu où il est passé -, L. Jospin l'est depuis quatre ou cinq jours. Cela se chauffe. En même temps, je suis profondément en désaccord avec cette idée que la gauche et la droite c'est pareil. Regardons ce qui s'est passé : les 35 heures, les emplois-jeunes, la CMU, l'Apa, ce sont des réformes de gauche. D'ailleurs, la droite ne les a pas votées. Elle n'a pas voté la plupart des réformes, comme la parité qui ont touché la société et les femmes. Quand on regarde les programmes et si on se tourne vers la droite, on voit que les seuls impôts qu'ils pensent à baisser, c'est l'impôt sur le revenu de 5 %. Il n'y a que 50 % des Français qui le payent et 5 % pour ceux qui sont de la tranche supérieure et 5 % qui sont en bas, ce n'est pas du tout la même chose. Il y a là des propositions qui sont profondément de droite, d'autres profondément inégalitaires."
Sur la sécurité, sur l'éducation, il y a quand même de vraies convergences aujourd'hui...
- "Sur l'éducation, je crois qu'il y a encore des divergences sur la façon de concevoir la formation tout au long de la vie, sur la façon de concevoir le rôle des enseignants, sur la façon de concevoir l'autorité des familles et l'autorité à l'école. Quant à la sécurité, je crois que cela ne doit pas être un sujet de polémiques. Je crois que ce doit être un sujet de mobilisation générale et d'un certain point de vue, je me réjouis que le président de la République soit venu sur les propositions du Gouvernement. C'est-à-dire qu'il a intégré à l'arsenal tout sécuritaire, tout répressif de la droite des mesures qui soient plus préventives. Mais qu'il n'y ait pas d'opposition frontale là-dessus ne me choque pas. Encore que derrière les mots, il y a des choses : quand je vois au fameux meeting de l'UEM le maire de Nice, ex-Front national, arrivé et dire qu'il est favorable au rétablissement de la peine de mort, je me dis que, tout de même, à droite, il y a des choses qui sont plus complexes qu'on veut bien le dire."
On avait l'impression en début de cette campagne que les propos étaient extrêmement courtois entre le président de la République et le Premier ministre, que tout cela se faisait à fleurets très mouchetés et qu'on allait s'en tenir à une courtoisie peut-être un peu artificielle. C'est un peu en train de changer ?
- "Non, je ne crois pas. Il peut y avoir des propos, ici ou là, dans les meetings ou des réunions publiques, il peut y avoir quelques plaisanteries, mais je crois qu'une campagne ne doit pas être triste. En même temps, elle doit restée courtoise, mais elle ne doit pas esquiver les vrais problèmes. Quand L. Jospin dit "présider autrement", je crois qu'il touche quelque chose qui est très juste, parce que si on regarde le dernier septennat, on voit effectivement deux ans pendant lesquels J. Chirac, élu sur la fracture sociale, a renié ses promesses, a tourné le dos à ses paroles et puis pendant cinq ans, il s'est contenté de critiquer, d'être dans l'opposition à son gouvernement et de commenter. Ce n'est pas cela qu'être président de la République. Le président de la République doit être un homme actif qui donne les orientations, qui défend les institutions et qui porte la parole à l'étranger, qui travail en cohérence avec son gouvernement. Je crois que L. Jospin peut l'incarner. Bref, ce qu'il veut dire à travers cela, c'est que le président de la République doit être l'homme d'un projet et non pas l'homme d'une carrière, qu'il doit être un homme qui travaille et non pas un homme qui est perpétuellement candidat. Je crois que ce sont de vrais sujets. Ce n'est pas une attaque contre J. Chirac. On peut avoir avec lui des rapports courtois, pas antipathiques, même parfois drôles. Mais, en même temps, cela ne change pas le fond : c'est-à-dire que la politique, ce sont des oppositions et la droite et la gauche ne sont pas pareilles. Dans la campagne, on le découvrira de plus en plus."
Pour le deuxième tour, est-ce qu'il y a déjà matière à préoccupation quand on voit le faible score du Parti communiste, quand on voit que l'extrême gauche est à 8 % et qu'A. Laguiller dit qu'elle ne va pas donner de consignes de reports, quand on voit les Verts qui ne sont pas avec des scores formidables ? Il n'y a pas un peu de préoccupations à avoir ?
- "Je me souviens qu'en 1995 - il y a 7 ans -, la gauche était à 40 % au premier tour et qu'elle a fini à 47,5 %. Cette fois-ci, le total des voix de gauche est nettement supérieur aux voix de droite. Votre raisonnement, me semble-t-il, vaut pour J. Chirac qui, manifestement, n'a pas de réserves à droite. Pour ce qui est de la gauche, ce qui va compter c'est la capacité de L. Jospin à rassembler. Je crois que tout en menant une campagne de premier tour, tout en étant profondément de gauche, profondément socialiste - les polémiques là-dessus me font un peu sourire -, il se prépare déjà à rassembler sur une approche qui soit à la fois de gauche mais aussi pragmatique, aussi moderne, parce que c'est de cela dont la France a besoin. Elle n'a pas besoin d'idéologie, mais elle a besoin de progrès. Ce progrès doit être incarné à travers un peu plus que le Parti socialiste."
Quel sera votre rôle dans la campagne. ? J. Glavany a quitté ses fonctions de ministre de l'Agriculture pour devenir [directeur de campagne] du candidat Jospin. Vous, vous restez ?
- "Je reste au Gouvernement mais, en même temps, si on me demande de faire quelque chose - je crois qu'on va me le demander -, je le ferai volontiers comme je le fais depuis tant d'années avec L. Jospin."
Vous êtes très proche de L. Jospin ?
- "En tout cas, nous sommes amis depuis longtemps. J'ai travaillé avec lui depuis très longtemps et j'ai donc envie d'être dans cette campagne. J'y serai. J. Glavany a fait un choix personnel. Parce que le directeur de campagne est quelqu'un qui doit se consacrer à plein temps à cette fonction. Je serai un homme politique qui milite pour son candidat. Je n'ai pas remarqué par exemple que J. Chirac, président de la République, a démissionné. On peut très bien faire de la politique tout en gardant ses fonctions."
Parlons de l'Europe : à quelques jours de l'ouverture de la Convention sur l'avenir de l'Europe et la création d'une Constitution européenne, on voit qu'il y a une sorte d'axe entre T. Blair et G. Schröder pour proposer des réformes en matière européenne. Pourquoi la France n'est-elle pas associée à ce projet ?
- "Il y a tellement d'axes. On aime tellement signer des textes ici ou là. Je crois que c'est un texte qui est plutôt positif, parce qu'il est intelligent. Il pose un problème de l'Union européenne : comment on décide ? Parce qu'il constate que les mécanismes de décisions sont grippés, qu'on n'arrive pas à se mettre d'accord, qu'on ne vote pas assez à la majorité et qu'à l'unanimité on est bloqué sans arrêt... C'est un texte de réflexion très pragmatique. Il illustre aussi peut-être l'avancée de T. Blair vers l'Europe, dans l'Union européenne. Je crois que pour l'Europe aussi, il sera très important que la France recouvre une unité de direction, qu'elle est un cap et qu'on sache bien qui fait quoi. C'est vrai que nous perdons du temps à savoir qui va parler, qui ne va pas parler. La cohabitation, de ce point de vue-là, pour l'impulsion - non pas pour le travail quotidien - a été sans doute un obstacle."
Est-ce que l'Europe n'est pas aussi un peu absente du terrain du Proche-Orient, quand on voit par exemple que la dernière initiative de paix qui est saluée unanimement vient d'un prince saoudien, qui propose une normalisation des relations avec Israël en échange d'un retrait des territoires ? L'Europe est un peu muette !
- "Non, je ne dirais pas cela. L'Europe est très présente. Elle a des idées sur le Proche-Orient, elle le fait savoir. Il y a notamment l'idée qu'il faut que deux Etats coexistent là-bas : un Etat palestinien et Israël assuré dans ses frontières. Ce qui fait l'évènement, c'est que ce sont des arabes justement qui donnent cet élément. Hier, R. Solana était auprès de Y. Arafat. Il a obtenu de lui qu'il reprenne le dialogue avec Israël en matière de sécurité. C'est donc que l'Europe est à la fois un médiateur utile là-bas et aussi un apporteur d'idées. Ces idées saoudiennes, bien sûr, sonnent de manière agréable à nos oreilles, car elles peuvent ouvrir l'espace pour le dialogue tellement désert dans cette région du monde, qui est frappée par cette tragédie qui nous touche tous."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 1e Mars 2002)
Interview à France-Inter le 28 février :
"On constate qu'il veut baisser les impôts sur le revenu, qu'il veut baisser les impôts sur les entreprises, qu'il veut baisser les charges, qu'il veut financer les retraites, qu'il veut conserver les déficits. Donc, il faut chercher l'erreur. Et l'erreur, elle est assez simple, c'est qu'il y a deux oublis là-dedans : la justice sociale et les services publics. Services publics, parce que tout cela aura un coût absolument massif - 30 milliards d'euros pour l'ensemble du plan de baisse d'impôts - et cela signifie que ce sera autant de services publics en moins : moins d'éducation, moins de police, moins de justice. Chacun sent bien qu'il y a là un peu d'incohérence. Et puis, il y a la justice sociale qui est aussi oubliée parce que quand on dit que l'on veut baisser de 5 % l'impôt sur le revenu de toutes les personnes imposables, cela signifie en fait que la baisse de l'impôt sera effectivement concentrée sur les plus favorisés des Français. Donc, on a un retour du Chirac libéral de 1986."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 1e mars 2002)