Déclaration de Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication, sur l'accès à la vie sociale, publique et culturelle des handicapés notamment le plan d'action en faveur de l'accessibilité des équipements culturels et l'information et l'accueil adapté des personnes, Paris le 19 février 2002.

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Circonstance : Colloque "Mieux vivre la cité : accessibilité pour tous" à l'Unesco le 19 février 2002

Texte intégral

Mesdames
et Messieurs,
C'est, pour moi, un plaisir de me trouver ce soir, avec vous, à l'issue de votre première journée de travail. C'est aussi un devoir, tant les difficultés des personnes handicapées pour l'accès à la vie sociale et publique sont réelles et nombreuses et questionnent l'ensemble de la société. Ces difficultés, vous les connaissez bien et vous en avez largement débattu aujourd'hui. Contrairement à d'autres pays, je pense à la Suède où je me suis rendue récemment, nous n'avons pas encore résolu la question de la présence des personnes handicapées dans la vie sociale, alors même que près de 30 % de la population française peut être considérée, à des degrés divers, comme concernée par un handicap. Certes, un mouvement est en cours.
Le Premier ministre, Lionel Jospin, a voulu en accélérer le rythme par la présentation, il y a deux ans, d'un plan triennal pour " l'accès des personnes handicapées au milieu de vie ordinaire ". L'accès à la culture était naturellement intégré dans les objectifs de ce plan. Le 23 mai dernier, Ségolène Royal et moi-même, installions la commission nationale culture-handicap. Nous entendions créer, au sein de nos deux ministères, une instance de travail et de concertation qui permette réellement d'agir. Cette commission a beaucoup travaillé.
Dès le 20 juin 2001, quatre groupes de travail se réunissaient : ils ont élaboré des propositions qui, par leur ampleur, témoignent des besoins, et tracent le chemin à parcourir. Je tiens à remercier, ici, toutes celles et ceux qui ont participé à l' élaboration de ces propositions : ils nous ont rappelé avec force la demande de culture des personnes handicapées. Ces propositions ont été présentées le 7 février dernier à la Commission nationale, réunie en séance plénière au ministère de la Culture, et constituent aujourd'hui la base du travail que nous allons mener dans les mois et les années à venir.
Pour ma part, j'engage le ministère de la Culture dans un plan d'action qui vise à changer réellement les choses et dont je souhaite qu'il soit poursuivi en collaboration étroite avec la Commission, les personnes handicapées elles-mêmes et les associations qui portent leurs préoccupations.
Ce plan d'action s'organise autour de trois objectifs :
I. L'engagement d'un plan de formation des acteurs culturels ;
II. Un volontarisme renforcé en matière d'accessibilité ;
II. Une information adaptée.
I . Un travail de formation nécessaire
Il y a, dans notre pays, un état d'esprit à faire évoluer, des mentalités à changer. Il s'agit, à mes yeux, d'une condition préalable au succès de notre action. L'injonction ne suffit pas. Cela passe par un travail de sensibilisation des professionnels du monde de la culture comme de ceux du milieu associatif. Travail de longue haleine, certes, mais indispensable et qui donnera lieu à la mise sur pied d'un plan de formation de vaste ampleur :
- tout d'abord auprès des agents des directions régionales des affaires culturelles et des directions régionales et départementales de l'action sanitaire et sociale. Dès 2002, cette formation sera organisée dans cinq régions pilotes, ce qui permettra de tester la pertinence de son contenu et sa méthodologie ;
- ensuite auprès des personnels d'accueil et de médiation comme auprès des responsables des équipements culturels soutenus par l'Etat;
- enfin auprès des correspondants " culture " des grandes associations de personnes handicapées pour leur permettre de mieux connaître les institutions artistiques et les acteurs culturels.
Cette sensibilisation doit, d'ailleurs, aller au-delà : elle concerne au premier chef les architectes et les étudiants en architecture. C'est pourquoi j'ai demandé à la Direction de l'architecture et du patrimoine d'organiser la concertation préalable et nécessaire avec le milieu professionnel et les responsables des écoles d'architecture pour insérer concrètement la préoccupation liée aux différents handicaps aussi bien au niveau de la formation initiale que de la formation continue.
II. Un volontarisme renforcé en matière d'accessibilité
Celle-ci concerne certes l'accessibilité physique aux équipements culturels mais aussi l'accessibilité aux activités culturelles et aux contenus.
1. L'accessibilité physique
Il en est des équipements culturels comme de tous les lieux qui accueillent du public : leur construction comme leur aménagement doit satisfaire aux exigences de la loi de 1975 sur l'accessibilité. Pour assurer une application plus effective de ce texte par les maîtres d'ouvrage, j'ai décidé deux mesures :
a) Désormais, les aides financières du ministère de la Culture ne seront accordées à toute construction ou rénovation qu'à condition que l'accessibilité des personnes handicapées ait été étudiée en amont du projet : il faut en effet intégrer l'accès et les possibilités d'utilisation des bâtiments dans leur conception générale, et en faire un élément central de l'accueil des usagers.
b) Le processus de vérification et de contrôle du cahier des charges sera renforcé. En cas de non respect, la restitution des subventions octroyées par le ministère de la Culture sera demandée et mise en uvre.
2. L'accessibilité aux productions artistiques et aux activités culturelles
a) Cette accessibilité concerne tout d'abord l'accès aux professions et aux formations artistiques. Compte tenu de la complexité de la question, liée à la diversité et à la spécificité des handicaps, le ministère de la Culture réunira un groupe de réflexion sur ce thème impliquant les directions concernées, les associations, des responsables de établissements de formation spécialisée et des artistes.
b) Elle concerne aussi la pratique amateur : beaucoup de personnes handicapées souhaitent pratiquer un art. Il faut les y aider. Dans l'immédiat, parce qu'elles sont nombreuses à vivre dans des institutions d'accueil ou les fréquentent, je souhaite, en lien avec le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, que les établissements médico-sociaux s'ouvrent davantage à la culture. A l'image de ce qui se fait, avec succès, en Picardie, j'incite les DRAC et les DRASS à se rapprocher et à signer ensemble des conventions destinées à intégrer la culture dans le projet d'établissement des centres du secteur médico-social, et à favoriser, pour ceux-ci, des jumelages avec des institutions culturelles, comme cela se fait déjà dans le secteur hospitalier.
c) L'accessibilité demande aussi que des questions plus techniques soient résolues. Je pense en particulier aux dispositifs d'accompagnement du spectacle, du cinéma ou de la télévision pour les personnes sourdes ou aveugles. Le sous-titrage, par exemple, est un dispositif encore trop rare - absent même des cinémas projetant des films en langue française. Pour avancer, une concertation est ici nécessaire. J'ai demandé au Centre national de la cinématographie de la conduire avec l'ensemble des professionnels, exploitants de salles et distributeurs, notamment.
De même, la question du sous-titrage à la télévision est posée avec raison et avec insistance par beaucoup d'entre vous. Les problèmes techniques et financiers ne doivent pas être un obstacle à la recherche des solutions. L'inspection générale du ministère de la Culture a été saisie de cette question. Un rapport est en cours d'élaboration. Ses conclusions seront rendues à la fin du mois d'avril. Mais, sans attendre celles-ci, je suis prête à faciliter une rencontre entre le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et les associations de personnes handicapées concernées, de façon à ce qu'elles puissent nouer des relations de travail avec l'instance chargée de veiller au respect du cahier des charges des grands médias audiovisuels. Je souhaite également évoquer le cas de l'accès à la lecture. Il me paraît très important de soutenir le développement de l'édition adaptée.
La Direction du livre et de la lecture de mon ministère uvre actuellement à l'élaboration du projet de groupement d'intérêt public (GIP) de l'édition adaptée, portée également par les ministères de l'Education Nationale et de l'Emploi et de la Solidarité, en partenariat avec l'association BrailleNet et l'Institut national des jeunes aveugles. Cette collaboration devrait permettre de renforcer l'accès au document écrit.
Enfin, j'ajoute que le développement de l'utilisation des nouvelles technologies, qui permettra de pallier, en partie, la difficulté des personnes handicapées à disposer d'informations écrites, me paraît tout à fait essentielle.
3. L'accueil
Toute personne qui se présente à la porte d'un équipement culturel doit bénéficier d'un accueil adapté : en d'autres termes, son arrivée doit avoir été prévue, et organisée. Pour cela, la formation évoquée tout à l'heure est nécessaire mais ne suffit pas.
Aussi, le ministère de la Culture prendra-t-il l'initiative de réunir un groupe de travail pour définir les normes minimales à respecter pour assurer l'accueil des personnes handicapées dans les équipements culturels. Les collectivités territoriales et les organisations professionnelles seront étroitement associées à l'élaboration d'une telle charte de façon à ce qu'elle puisse devenir une référence effective pour l'ensemble des décideurs et aménageurs. Ce document sera soumis à l'appréciation de la Commission Culture - Handicap.
III. Une information adaptée
Il s'agit là d'une question fondamentale. Avant de se déplacer, ou pour avoir accès aux activités culturelles, ou encore pour s'engager dans une profession culturelle ou artistique, les personnes handicapées doivent pouvoir s'informer précisément. Comme vous le savez, c'est loin d'être le cas. Il faut glaner les informations à des sources diverses, et ces informations ne sont pas toujours fiables. Mon ministère soutiendra la création de centres de ressources spécifiques au thème culture - handicap - je pense notamment à celui que vient de créer l'association Cemaforre - mais aussi renforcera les informations relatives à l'accessibilité des personnes handicapées (équipements, manifestations, festivals) dans les centres de ressources généralistes, qu'il s'agisse du site du ministère de la Culture ou de ceux des institutions culturelles sous la tutelle de l'Etat.
D'une manière générale, le ministère de la Culture incitera l'ensemble de ses partenaires pour que les informations concernant le handicap soient présentes dans tous les vecteurs de communication culturelle. Nous y travaillerons avec les collectivités territoriales.
Conclusion
Mesdames et Messieurs, je crois que nous avons, dans la concertation, entamé une action durable. Nous sommes légitimement fiers, en France, de la qualité du service public de la culture. Nous avons pris conscience que celui-ci ne serait pas totalement assuré tant que la majorité des personnes handicapées éprouverait des difficultés à en tirer profit. L'année 2003 sera l'année européenne des personnes handicapées : ce sera l'occasion de marquer les première avancées de la démarche engagée, et de montrer à la société toute entière à quel point l'art et la culture sont au cur même de la vie. Je remercie les personnes handicapées et leurs associations de nous le rappeler avec force.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 20 février 2002)