Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre et candidat à l'élection présidentielle, sur ses propositions en matière de politique de l'emploi et de la formation, de création d'entreprise et d'aide à l'innovation, à Grenoble le 20 mars 2002.

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Circonstance : Rencontre-dialogue de Lionel Jospin avec les élus et les professionnels sur le thème de la France active, à Grenoble le 20 mars 2002

Texte intégral

Monsieur le Maire, Cher Michel Destot,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les représentants d'activités économiques, sociales, intellectuelles, scientifiques, si florissantes dans cette ville de Grenoble,
Il y a deux jours, j'ai présenté le projet que je proposais aux Français, et aujourd'hui, je veux saisir l'occasion de ce déplacement à Grenoble pour parler d'un des grands engagements qui est le mien devant le pays : la volonté de faire que la France soit plus pleinement encore qu'elle l'est aujourd'hui, active, qu'elle soit une société de la croissance et du travail.
Ce n'est pas tout à fait un hasard si nous avons choisi Grenoble pour ce faire, car Grenoble est peut-être un symbole à cet égard, car c'est la ville de France, en tout cas la grande ville de France, qui a connu la baisse de chômage la plus forte depuis que nous sommes aux responsabilités : 46 % de baisse.
C'était un beau lieu et un bon lieu pour parler justement de cette France qui travaille et qui crée.
Je ne veux pas ici répéter les éléments qui sont dans le projet que j'ai présenté aux médias, et à travers eux à l'opinion, mais je veux peut-être préciser le sens et le contenu d'un certain nombre de propositions. Et par ailleurs me prêter à un échange, à un dialogue que vous avez vous-mêmes et librement organisé.
Pour moi, la France Active, c'est une France qui se fixe le plein-emploi comme objectif, le retour au plein-emploi dans des conditions certainement différentes de celles que nous avons connues dans les années 60, mais aussi qui se fixe un emploi de qualité, pas simplement des emplois nombreux, mais autant que possible des emplois stables, des emplois à long terme dans lesquels la part des emplois précaires diminue.
J'ai dit que cet horizon pouvait s'ouvrir à l'échelle de la décennie, il y a deux ans maintenant. En cinq ans, nous avons contribué à créer plus de 2 millions d'emplois et à réduire le chômage de plus de 900 000 personnes. Je viens de proposer, vers le plein-emploi, un nouvel objectif mobilisateur, une nouvelle étape intermédiaire, celle qui consisterait, dans le mandat qui s'ouvre, à faire à nouveau diminuer le chômage de 900 000 personnes dans notre pays.
La différence peut-être avec le passé, ce n'est pas seulement un objectif que nous voulons atteindre, mais le fait que nous ayons, que la France ait réalisé cette performance dans les quatre années qui viennent de s'écouler, le fait, ce fait donne à cet objectif une crédibilité que la mobilisation contre le chômage avait perdu dans les années précédentes.
Je le dis au moment où je fais cette campagne, et cela me distingue sans doute de plusieurs autres, de beaucoup des autres candidats : la France n'est pas la France du déclin que j'entends dépeindre par certains ; la France va mieux depuis cinq ans, mais si je sais qu'elle va mieux, si je pense qu'elle va mieux, cela ne veut pas dire que tout va bien et il reste donc des causes qui doivent nous mobiliser pleinement.
La France n'a jamais été aussi active qu'aujourd'hui. J'entends parfois dire le contraire, parce que certains prétendent que les Français pris individuellement travaillant moins, la France travaillerait moins. C'est le contraire qui est vrai : la France n'a jamais été aussi active : plus de 2 millions d'emplois créés en moins de cinq ans, c'est un record historique. Si donc la durée individuelle hebdomadaire du travail a baissé, le nombre total d'heures travaillées dans notre pays, lui, s'est accru chaque année de 2 %, ce qui, là aussi, a peu de précédent.
Alors, il y a peut-être que certains qui souhaiteraient que, individuellement, chaque salarié travaille plus sans se préoccuper que des centaines de milliers d'autres restent au chômage ; moi, je préfère effectivement pouvoir dire que les salariés vont travailler moins individuellement, trouvant davantage de temps libre, ce qui ne veut pas dire que la machine économique sera moins productive, mais par contre que le nombre de salariés, ou d'hommes et femmes occupés à nouveau, trouvant du travail, lui, s'est accru.
Comment aller au-delà ? Tel est un peu au fond l'objet de notre rencontre d'aujourd'hui. Pour résumer ma pensée, je dirai que nous voulons, je veux une économie de la croissance et une société du travail. Je ne sépare pas l'économie de la société, je ne sépare pas l'économique du social, il ne suffit pas simplement de travailler plus, encore faut-il que ce travail corresponde à une amélioration des besoins humains.
Je veux donc une économie de croissance. Je crois, à cet égard, dans la politique économique. Nous n'attendrons pas la croissance, l'il rivé sur l'outre-Atlantique, même si le fait que la reprise économique semble s'amorcer aux Etats-Unis est, pour la période qui vient, un élément tout à fait favorable s'il est confirmé.
Donc vouloir une économie de la croissance, c'est faire à mon sens un triple choix : le choix de l'Europe, le choix de la création d'entreprise, le choix de l'innovation.
Après le fort ralentissement constaté en 2001, il semble que le rebond puisse commencer à s'esquisser en Europe, si bien que retrouver un objectif, un sentier de croissance de 3 % dans le deuxième semestre de cette année apparaît comme tout à fait possible.
Là aussi, ces objectifs ne sont pas déraisonnables puisque en France, c'est ceux que nous avons connus pendant quatre ans. Nous avons eu une croissance moyenne de 3 % jusqu'au fléchissement de l'année qui vient de s'écouler.
Cette croissance, contrairement à ce que j'entends parfois dire, elle se construit d'abord par un bon pilotage de l'économie, et aussi beaucoup, d'ailleurs les Français en ont l'intuition quand on les interroge sur les causes de la récession, par des choix européens.
C'est pourquoi je propose de nouvelles étapes dans la construction de ce que nous appelons un " gouvernement économique européen ", que justifie tout particulièrement le fait que nous fonctionnons maintenant à douze pays, en attendant plus, en monnaie unique.
Nous proposons la consécration institutionnelle de l'eurogroupe, nous proposons que son Président soit élu par ses pairs, de façon à ce que la concertation et la coordination des politiques économiques soient plus forte. A cet égard, pour mieux coordonner cette politique économique, je propose que les prises de décision en Europe soient faites à la majorité qualifiée en matière fiscale et en matière sociale. Pour moi, le fait que l'Europe ne soit pas seulement une zone de croissance économique mais une zone de progrès social, l'objectif d'un traité social européen, l'objectif d'une harmonisation sociale par le haut est un de mes objectifs centraux, et nous avons d'ailleurs, depuis quatre ans et demi, travaillé dans ce sens.
Cela suppose naturellement que les politiques économiques conduites au niveau national gardent de la continuité, de la cohérence et de la crédibilité. C'est pourquoi je propose à la fois que nous maîtrisions nos dépenses, mais en nous fixant clairement des priorités principales - sur la justice, sur la sécurité, sur l'éducation, sur la recherche, sur des mesures de justice sociale -, qu'en même temps, nous pratiquions la baisse d'impôts, mais que nous la pratiquions de façon modérée et qui reste donc crédible tout en respectant nos engagements européens de réduction progressive de nos déficits, et c'est ce triangle vertueux qu'il faut maîtriser, et que je ne vois pas maîtrisé chez d'autres.
Je parlais de coordination sociale, de progrès social, il y a aussi une nécessité d'harmonisation fiscale en Europe.
S'agissant de l'impôt sur les sociétés, je ne pense pas, contrairement à d'autres, que la priorité soit aujourd'hui de le réduire, c'est d'ailleurs nous qui avons supprimé la surtaxe dite Juppé de 10 %, qui avait été instaurée sur l'impôt sur les sociétés. C'est nous aussi qui avons créé un taux réduit d'impôt sur les sociétés pour les petites et moyennes entreprise. Nous avons pris en compte ces réalités, mais je crois que la situation aujourd'hui est à cet égard normale, et que, en fait, l'objectif que nous devons nous fixer à l'échelle de l'Europe, ce n'est pas une compétition fiscale, ce n'est pas du dumping fiscal pour faire baisser constamment la fiscalité sur les entreprises ou sur le patrimoine parce que, sinon, il va arriver un moment où seul le travail sera réellement imposé de façon normale. Nous comptons, au contraire, continuer à équilibrer la fiscalité entre le travail et le capital.
Je veux, bien sûr, aussi que l'Europe économique et sociale soit un espace d'innovation. C'est ce que nous avons dit à Lisbonne, il y a déjà plusieurs années, et le brevet communautaire est une illustration symbolique de ce que l'on peut faire pour rassembler les forces de la recherche et de l'innovation en Europe.
Deuxième objectif de cette économie de croissance, c'est le choix de la création d'entreprise. L'entreprise est le lieu où se produisent les richesses, c'est le lieu aussi où les individus se forgent une identité au travail, et c'est un lieu d'intégration sociale.
C'est un lieu aussi où peut se tisser le lien social, du moins si tous les acteurs de l'entreprise, pas simplement les chefs d'entreprise, pas simplement l'encradrement, mais aussi les ouvriers, les techniciens, les salariés sont véritablement considérés comme partie prenante de cette entreprise, non pas simplement comme des variables économiques, non pas seulement comme des gens qui exécutent, mais des gens qui ont la capacité de créer à quelque niveau que ce soit, de produire, d'innover, d'organiser différemment pour peu qu'ils soient associés.
C'est pourquoi je propose de nouveaux efforts de simplification et d'accompagnement en faveur de la création d'entreprises - efforts engagés par mon gouvernement mais qui seraient poursuivis et amplifiés.
Pour les très petites entreprises, par exemple, de moins de cinq salariés, cet effort doit être poussé plus loin, à l'instar de ce qui a été fait pour l'emploi d'une personne à domicile avec le chèque-service. C'est l'objet du chèque-emploi salarié que je propose, qui simplifiera les formalités d'embauche et de rémunération des salariés, sans, bien sûr, remettre en cause en quoi que ce soit leurs droits.
Enfin, vouloir une économie de la croissance, c'est faire le choix de l'innovation. Mes hôtes, me montraient deux projets, dont l'un que je connaissais déjà bien, et dont l'autre dont j'avais entendu parler, mais dont on m'a donné véritablement le sens.
Le premier, c'était cette grande entreprise, cette grande aventure de Minatech, c'est-à-dire de développer encore à Grenoble le pôle qui existe déjà puissamment, celui des micro et des nano-technologies.
Et là, la façon dont on sait faire agir ensemble les universités grenobloises, et en particulier l'Institut national polytechnique de Grenoble, le CEA et ses laboratoires spécialisés, mais aussi l'État - grâce à l'appui du ministère de la Recherche - mais aussi les collectivités locales - grâce à l'engagement du Département, qui deviendra maître d'ouvrage sous l'inspiration d'André Vallin -, la Ville, bien sûr, au premier chef - Michel Destot étant, par culture, formation et profession de maire, tourné vers le développement économique et scientifique. La Ville, l'agglomération, ce que vous appelez la métro, avec Didier Migaud, la Région bien sûr qui participe aussi, et cette capacité à fédérer toutes ses forces autour de grands projets me paraît être significative d'une France capable de construire et de bâtir.
Un autre projet m'a été montré, ou rappelé, je le connaissais puisqu'il y a un an, pas loin de Chambéry, justement avec Louis Besson, Jean-Claude Gayssot, lançant les projets du Lyon-Turin, du ferroutage, nous avions déjà regardé un premier prototype de wagons dont on m'a montré aujourd'hui la continuité, la signification du projet. Toute cette philosophie et maintenant cette construction du ferroutage, qui va nous permettre de réconcilier deux secteurs de l'économie et du transport, souvent antagonistes jusqu'à maintenant, le rail et la route, qui se disputaient les coûts, les investissements, qui semblaient engagés dans une concurrence, dont les conséquences étaient douloureuses à certains égards ; cette capacité de construire des synergies entre le rail et la route ; ce paradoxe, cette originalité de découvrir que c'est une société d'autoroute qui participe au financement du ferroutage, parce qu'elle comprend que, à terme, - et le secteur des transports routiers commence à comprendre, des entreprises, et aussi des salariés -, que si la congestion se fait partout, si les embouteillages se créent partout, si chaque tunnel devient un enjeu, un enjeu de sécurité, un enjeu d'environnement, un jour, ce sera l'arrêt littéral. Donc, cette capacité à faire des synthèses entre des groupes des secteurs économiques très importants est quelque chose de tout à fait décisif. Et les technologies sont à cet égard à la pointe de ce qui permet ce rapprochement et cette synthèse.
Les technologies de l'information et de la communication commencent à modifier profondément notre système productif, modifient dans une certaine mesure les équilibres économiques dans le monde, portent les germes d'une révolution industrielle peut-être inédite, posent la question de l'égalité dans l'accès au savoir. Je me suis engagé contre le fossé numérique. Dans un comité interministériel d'aménagement du territoire, à Limoges, j'avais pris l'engagement, que je rappelle dans mon projet, de la diffusion des technologies du haut débit sur l'ensemble du territoire français de façon à ce qu'aux inégalités de richesses et de territoire ne s'ajoutent pas les inégalités d'accès à ces nouvelles technologies qui, d'une certaine façon, relèvent d'une philosophie du service public.
Ce défi des nouvelles technologies, de la société de l'information, nous l'avons relevé dès 1997, en prenant le tournant de la révolution de l'Internet, en lançant le PACSI (le Programme d'action pour la société de l'information), et je propose de nouvelles étapes dans cette direction, notamment pour l'équipement des jeunes en ordinateur en allant de l'école à l'Université, et puis avec cet accès au haut débit pour partout, d'ici 2005.
Faire le choix de l'innovation, c'est accentuer l'effort national de recherche et de développement. En accroissant l'autonomie des universités et des organismes de recherche, de façon à ce que les entreprises et l'université, ou les laboratoires se fécondent les uns les autres, dans le respect des missions et des contraintes de chacun, en développant des centres et des réseaux d'excellence européens, favorisant la mobilité des étudiants, des enseignants, des chercheurs, assurant la reconnaissance mutuelle des diplômes ; en améliorant les carrières scientifiques, et vous savez que nous avons décidé, au plan gouvernemental, une programmation dans les années qui viennent de recrutement des chercheurs, je le rappelais il y a peu à Génopole, dans la mesure où, dans ce secteur comme dans d'autres, il va falloir remplacer des hommes et des femmes d'âge mûr qui vont partir dans les dix ans qui viennent à la retraite. De ce point de vue, le crédit d'impôt recherche pour développer l'innovation dans les PME est un projet auquel Michel Destot a contribué en particulier.
Deuxième grand thème, nous voulons une société du travail, c'est-à-dire une société où l'on propose aux hommes et aux femmes, non pas l'assistance, la solidarité devant s'exercer face aux situations de précarité ou de difficulté, mais une société dans laquelle ils puissent trouver un travail, s'épanouir à travers lui, et cela suppose un certain nombre de réformes.
D'abord, l'accent mis sur la formation tout au long de la vie. Le progrès des techniques, l'engagement dans la compétitivité des entreprises, la mobilité des personnes bouleversent la vie professionnelle, les métiers se transforment : il faut que chacun puisse participer de ces changements et valoriser son talent en faisant évoluer sa ou ses qualifications.
Pour pouvoir le faire tout au long de la vie active, pour reprendre les parcours de formation qui sont parfois restés inachevés, au stade initial, l'objectif d'une formation tout au long de la vie sera une des priorités du quinquennat.
Ce sera déterminant pour gagner la bataille du plein emploi car nous devons, tout en continuant le mouvement d'allongement de la scolarité nécessaire pour assurer de meilleures formations, nous devons relever le défi suivant : 3 millions d'emplois supplémentaires majoritairement qualifiés seront à pourvoir dans les dix ans qui viennent, du seul fait des départs en retraite, je ne parle pas des nouveaux emplois que nous aurons à créer.
C'est donc un enjeu déterminant pour le plein-emploi mais aussi pour l'égalité. Il est injuste que tout se joue dans les premières années de la vie, au stade de la formation initiale, même si celle-ci est essentielle. Il est donc indispensable de donner une deuxième chance pour ceux qui ont pu rater le coche, ou bien ceux qui ont souffert d'inégalités. La qualification, je dirais la requalification, doit être le moyen d'assurer que chacun trouve un accomplissement dans son travail.
De ce point de vue aussi, entre la droite et nous, les projets, même quand on évoque des formules qui paraissent se ressembler, sont très différentes. Je peux donner un exemple très précis : dans le projet de Jacques Chirac, on évoque effectivement cette question, de façon d'ailleurs très vague, pas de façon précise, donc on ne voit pas le mécanisme, mais le financement est assuré par le seul salarié. Ne pourront financer évidemment ces reformations que ceux qui auront les moyens de le financer.
Notre philosophie est différente parce que c'est l'État, l'entreprise et le salarié, sous certaines formes, qui auront à participer à ce financement. Plus l'éloignement du système éducatif aura été précoce, plus la formation sera à reprendre et plus il sera légitime que l'apport de l'État soit important, et la part du salarié moindre.
On voit bien que, dans un cas, c'est la solution individuelle, dans l'autre cas, c'est un nouveau droit collectif que nous offrons aux jeunes, aux chômeurs, ou aux salariés de ce pays titulaires d'un emploi, mais voulant changer de travail ou améliorer leur qualification.
Avec ce nouveau droit, c'est naturellement une sécurité collective nouvelle qui est accordée.
Donc, chaque salarié serait doté d'un compte formation. Ceux qui seraient sortis le plus tôt du système scolaire pourraient bénéficier d'un temps de formation financé par la collectivité, d'autant plus élevé qu'ils auraient arrêté leurs études précocement, et par ailleurs des droits complémentaires seront accumulés pendant la vie active par une contribution des salariés et par une contribution des entreprises.
Ce grand projet doit associer l'État, les partenaires sociaux et les régions. C'est un des sujets que je proposerai à la conférence économie sociale nationale que j'ai tenue au lendemain de l'élection présidentielle.
Le deuxième axe totalement absent du candidat du RPR, c'est celui de l'emploi des plus de cinquante ans. C'est une question essentielle. Elle est tellement essentielle qu'elle a même été abordée au sommet de Barcelone, et d'ailleurs mal traduite parce que j'ai lu qu'on avait parlé d'une augmentation de l'âge de la retraite, alors que ce n'est pas du tout ça qui est dans le texte, mais une augmentation de l'âge de la cessation effective d'activité, qui est en moyenne, en Europe, inférieure à ce qu'est l'âge de la retraite en France. Et pourquoi ? Parce que sont comptés dans ces statistiques tous ces salariés, hommes et femmes, en pleine force intellectuelle et physique, expérimentés, et qui, à travers les plans sociaux que nous avons connus, et que nous connaissons parfois encore, sont obligés de partir en pré-retraite à 50 ans, à 52 ans, à 54 ans. Ça, c'est une véritable stérilisation de talents et de capacités de produire qu'il faut éviter.
Donc, cette question des salariés de plus de 50 ans est une question essentielle, à la fois dans la lutte pour l'emploi, dans l'objectif du financement des retraites, parce que, par définition, ce sera plus de cotisants, et dans la capacité aussi de redonner à des hommes et à des femmes une vraie dignité dans l'activité professionnelle.
Donc, sur ce terrain, nous proposons un nouveau contrat de retour à l'emploi combinant formation, emploi, accompagnement, qui répondra en particulier aux difficultés des chômeurs de plus de cinquante ans.
Il est d'ailleurs absolument essentiel, et je demanderai au gouvernement de poser cette question dans la conférence économique et sociale, il est essentiel de changer nos attitudes collectives à l'égard de la cessation de l'activité lorsqu'il s'agit de salariés jeunes encore et en pleine capacité de travail.
Troisième axe, c'est la réforme de la fiscalité. De ce point de vue, notre conception est différente, mais je ne vais pas reprendre l'ensemble de ce qui caractérise nos propositions en matière fiscale par opposition à celles que je lis à droite.
Nous continuerons à rééquilibrer la fiscalité en faveur des revenus du travail, nous veillerons néanmoins, notamment lorsque nous harmoniserons le prélèvement libératoire sur les intérêts et l'imposition des plus-values, à ce que ce que nous gagnerons de ce côté soit affecté à la baisse de l'impôt sur le revenu, pour lequel nous fixons un objectif de décrue de 10 %.
Par ailleurs, nous avons l'intention d'étendre la prime pour l'emploi, qui concerne le plus souvent des salariés qui ne paient pas l'impôt, ou qui paye faiblement l'impôt, et qui sont les oubliés complets des programmes fiscaux de la droite, qui ne travaille que sur l'impôt sur le revenu, accessoirement l'impôt progressif, donc l'impôt le plus juste.
Plein emploi, croissance, innovation, Europe, égalité, voilà donc les perspectives qui sont celles de la France active que je veux construire avec les Français. Je suis convaincu que, en particulier si nous associons mieux dans un dialogue social renouvelé les partenaires sociaux, nous pouvons avancer mieux, à condition aussi de donner leur juste place aux salariés dans la démocratie sociale que j'appelle de mes vux. C'est la question de la représentativité des syndicats assise plus fortement sur le vote des salariés, même si ces votes existent déjà aujourd'hui, c'est le fait majoritaire comme source de la légitimité dans la démocratie sociale, comme ça l'est d'ailleurs dans la démocratie politique, et puis c'est cette proposition d'une représentation des salariés dans les conseils de surveillance des entreprises afin que l'équilibre des intérêts et des pouvoirs y soient mieux assurés.
Voilà trois propositions qui, avec d'autres, discutées, peuvent constituer les bases d'une rénovation de notre régulation sociale, de façon à ce que les réformes à faire certes résultent de l'impulsion de l'exécutif, du législateur et de la loi, mais puissent résulter aussi des propositions et des contrats signés par les partenaires sociaux avec qui j'appelle à un dialogue renouvelé.
J'ai été nettement plus long que je n'avais prévu de l'être, mais je voulais bien faire comprendre la dynamique de nos propositions sur ce thème particulier que je traitais aujourd'hui. Et je me prête volontiers maintenant à l'échange qui a été prévu.
(Source http://www.lioneljospin.net, le 26 mars 2002)