Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF et candidat à l'élection présidentielle, à France Inter le 18 février 2002, sur ses conceptions de l'avenir de la France, de l'UDF, le désistement en faveur de J. Chirac au 2ème tour et sur son programme en matière de protection sociale, de participation et de sécurité.

Prononcé le

Média : France Inter

Texte intégral

J.-L. Hees : Parlons de vous et de vos amis - s'il vous en reste. Cela a été une décision importante, je présume, de se présenter au suffrage des Français et on sent que cela n'est pas facile de faire campagne. On sent que les sondages ne sont pas exactement au rendez-vous ou en tout cas, ils ne sont pas ceux que vous souhaitez, j'imagine. Et puis un certain nombre d'amis vous lâchent - je pense à H. de Charette notamment. Je me demande si vous regrettez la décision que vous avez précise, il y a quelques semaines, de vous présenter à l'élection présidentielle vu les circonstances ?
- "Non, parce que lorsque l'on porte des idées, une vision de l'avenir de la France, on la défend et quand les temps sont difficiles, c'est là que se révèle la qualité des hommes, en tout cas la qualité principale à mes yeux en politique, qui est le courage d'assumer et de faire face. Si vous regardez depuis des années et des années ce qu'il manque le plus à la politique française, c'est sûrement le courage pour cesser de reculer devant l'insécurité dont on parle tous les jours, devant la pauvreté, l'illettrisme ou le sentiment d'injustice de la société française. Donc, courage et vision, cela mérite d'être présenté aux Français."
J.-L. Hees : Mais ceci souligne sûrement votre qualité, mais je pensais à celles de vos amis en politique : H. de Charette, P. Douste-Blzazy. Ce sont des gens qui choisissent une autre voie que celle de leur famille, l'UDF.
- "Ils choisissent une autre voie parce que depuis très longtemps, dans la politique française, à droite, au moment des élections présidentielles, les changements de camps sont la règle. Et c'est une faute. En tout cas, moi, je le vis comme tel. Mais cela n'a pas l'importance qu'on lui accorde, parce que ce sont les Français, ceux qui nous écoutent, directement, qui vont faire leur choix. Ils le feront sur d'autres critères naturellement que l'opportunité ou les glissements des défections des politiques. Regardez, il y a sept ans, les glissements ou les défections étaient autour de J. Chirac en direction d'E. Balladur et puis finalement, c'est J. Chirac qui a été élu."
S. Paoli : Mais quand vous dites, comme ces dernières heures, que vous allez résister. Vous résistez à qui ? A J. Chirac ?
- "Oui, à cette idée, dont on verra les illustrations cette semaine, selon laquelle il faut un seul parti politique à droite. Si vous réfléchissez à ce que peut être le pouvoir, exercé par un seul parti, sans contre-partie aucune, sans équilibre, une seule formation politique avec un seul chef décidant de tout et dans tous les postes, tout d'un coup, vous vous dites que ce n'est pas la démocratie dont vous avez envie. La démocratie dont j'ai envie est une démocratie d'équilibres entre au moins deux courants, forces politiques qui se respectent et qui s'équilibrent, qui s'entendent. Si vous avez un parti et un seul, alors c'est la voie ouverte à toutes dérives, à l'idée que les clans peuvent s'installer au sein du pouvoir. Ce n'est pas du tout ce dont j'ai envie, ni pour la France ni pour l'opposition. J'ai envie d'un équilibre. Alors cette idée qui est travaillée, vous le savez, depuis des mois et des mois, selon laquelle il faut faire table rase et qu'il suffit de se retrouver tous autour de J. Chirac, comme on le verra à la fin de cette semaine à Toulouse, n'est pas la mienne. Et cela n'est pas une idée d'équilibre démocratique, ce n'est pas une idée saine en tout cas. En tout cas c'est comme cela que je vois les choses."
P. Le Marc : Que répondez-vous à P. Douste-Blazy lorsqu'il dit dans Le Figaro par exemple ce matin : "J. Chirac défend les valeurs de l'UDF". Sous-entendu, la candidature de F. Bayrou est inutile.
- ""Valeurs" est le mot le plus utilisé en politique et sans doute le moins clair. Parce que sur ce qu'a fait J. Chirac en étant au pouvoir sur les deux valeurs qui sont indiquées, l'Europe et décentralisation, avez-vous le sentiment, vous qui êtes un observateur attentif, que cela est clair ?"
P. Le Marc : C'est à vous de répondre et pas à moi...
- "Cette phrase suffit."
P. Le Marc : Non, ne m'embarquez pas dans votre campagne !
- "On vient de voir J. Chirac et L. Jospin, tous les deux, faire le traité de Nice. Le moins que l'on en puisse dire, c'est que ce traité ne va pas dans le sens d'une Europe franche et claire. On a besoin aujourd'hui de proposer aux Français une vision claire et nette de ce que doit être l'avenir de l'Europe. Pour moi, c'est simple. Je veux que l'Europe équilibre les Etats-Unis dans le monde. Regardez le poids et la puissance américaine, la sûreté de soi que le Président Bush, au nom des Etats-Unis, manifeste. Regardez ce qui se prépare. La semaine dernière, le Président Bush a proposé une rallonge pour l'armée américaine, pour la défense de 48 milliards de dollars. Donc environ 50 milliards d'euros. Ce qui est plus du double, pour une seule rallonge, du budget de la Défense français total. Alors, vous vous dites que ce vers quoi nous allons, appelons les choses par leur nom, sans anti-américanisme, est une hégémonie. Je ne veux pas d'une hégémonie dans le monde. Je veux, en face de la puissance américaine, une puissance européenne. Ce n'est pas ce qui est en train de se construire. On a l'Europe des gentils mots, des mots sympas."
S. Paoli : H. Védrine, sur cette antenne, il y a dix jours de cela, a tenu des propos pas tellement éloignés des vôtres et très forts s'agissant de la politique américaine et s'agissant de la place que l'Europe doit prendre. Au fond, il y a quand même un discours. Vous êtes d'accord avec H. Védrine là-dessus ?
- "Qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui pour que l'Europe existe ? L'Europe de la défense, l'Europe de la politique étrangère, l'Europe qui s'occupe des grandes choses et non pas des petites ? Que fait-on ? A mes yeux je suis obligé de répondre en quatre lettres : rien. On tient des discours bienveillants, mais quant à discuter au sein des instances européennes de ce que doit être une défense de l'Europe, c'est-à-dire une défense appuyée sur les piliers de chaque défense nationale, mais se dotant ensemble d'armes, d'outils, d'instruments, de systèmes d'armement qui n'existent pas aujourd'hui : que fait-on ? Rien."
J.-L Hees : On va avoir l'occasion de revenir sur l'Europe, mais tout de même, j'essaye de comprendre ce qui se passe dans votre campagne. Est-ce que c'est la machine RPR qui est en train de broyer votre campagne ? Auquel cas je ne comprends pas très bien la suite, parce que ce n'est pas forcément l'intérêt du candidat Chirac d'avoir un candidat Bayrou ou Madelin, qui incarne aussi des idées centristes, sans réserves de voix à droite au deuxième tour. Il y aura un deuxième tour. Vous êtes bien d'accord avec ça. Que se passe-t-il ?
- "Ce qui se passe, ce que nous avons sous les yeux, c'est en réalité la préparation de la suite. Un certain nombre de responsables politiques font l'impasse sur l'élection présidentielle - n'y pensent pas ou pas bien - et préparent un parti unique pour la suite, dont ils pensent qu'ils pourrait leur assurer des responsabilités."
J.-L. Hees : C'est donc la fin de l'UDF ?
- "C'est la fin de l'UDF qui est en question. C'est l'architecture de l'opposition, c'est l'idée de savoir si pour une opposition en bonne santé, il faut plusieurs courants - deux grands courants à mes yeux - ou un seul. C'est le fait de savoir qui a ou croit avoir, parce que tout cela est assez dérisoire au fond, le pouvoir sur cet ensemble. Ceci n'est pas rendre service à l'opposition et n'est pas rendre service à la France. Au fond, c'est la seule chose qui m'intéresse : quelle est la bonne architecture, le bon système pour qu'on puisse faire en France, dans les dix années qui viennent, des réformes qu'on a été incapables, droite ou gauche, de faire Quel est le bon système ? A mes yeux, ce n'est pas celui d'une droite-gauche constamment en opposition frontale et qui font croire qu'on vit en guerre civile. C'est un autre système avec un centre fort qui assume ce qu'il est et qui permet de pratiquer des réformes, de faire entrer dans la réalité ce qui a tant de mal à y entrer c'est-à-dire la modernité, une vision plus sociale-libérale et une vision européenne."
S. Paoli : Mais tout le monde est au centre aujourd'hui.
- "Qui ?"
S. Paoli : Chirac, le Parti socialiste, vous. Tout le monde est au centre. La bataille va se mener au centre, comme d'habitude.
- "C'est la raison pour laquelle c'est si important que nous soyons là."
P. Le Marc : Mais ce qui frappe tout de même, c'est peut-être l'hégémonie du RPR, l'hégémonie chiraquienne, mais c'est aussi le manque d'intérêts des Français pour le centre et pour ses candidats. C'est presque une tradition dans la vie politique depuis la défaite de Giscard ?
- "Parce qu'on ne se bat pas - et moi je me bats. Parce qu'on ne défend pas des drapeaux clairement - je les défends clairement. Pendant très longtemps, le centre, cette partie de la politique française, cette partie de la droite ouverte, positive, constructive, a été inhibé. Pendant longtemps, il s'est présenté en rasant les murs, il a pratiqué des ralliements. Il est temps qu'il s'affirme et se fasse entendre parce que sans cela, on va continuer pendant combien de temps avec ce qu'on a vu depuis dix ans ? Ce qui est frappant c'est de se poser la question : quels résultats a-t-on obtenu avec cette politique-là - droite contre gauche - depuis dix ans ? Eh bien, il faut changer les choses..."
Deuxième partie - 8h15
S. Paoli : Juste avant le journal de P. Roger, vous évoquiez vous-même la possibilité d'un risque de disparition pour l'UDF au 2ème tour de la présidentielle, car vous évoquiez aussi la pression de certains, notamment de J. Chirac. Voterez-vous pour J. Chirac ?
- "Oui. Si les Français choisissent d'opposer L. Jospin à J. Chirac, je voterai pour J. Chirac parce que la manière dont la France est gouvernée depuis 5 ans, à mes yeux, n'est pas la bonne. Je le dis clairement : on nous enfonce dans une impasse par les choix qui sont faits et aussi par la manière de les imposer. Regardez les 35 heures par exemple : par la manière dont cela a été fait, c'est pour la France un instrument de désorganisation qui va être très grave. J'ai visité il y a peu de jours les urgences de l'hôpital H. Mondor, à Créteil. Ce que disent les responsables des services, c'est qu'ils vont dans le mur, qu'ils ne savent pas de quelle manière on va pouvoir sauvegarder le niveau de service de santé dont les Français ont besoin. Tout cela a été fait par une décision politique, prise sans réflexion, sans concertation et cela va coûter très cher à la France. Je pense donc que les choix que L. Jospin a faits ne sont pas les bons et la manière dont le Parti socialiste gouverne n'est pas la bonne sur ce sujet."
J.-L. Hees : Vous dites qu'au 2ème tour vous voterze Chirac. Je ne suis pas un grand stratège politique mais cela veut dire que votre candidature n'est peut-être pas si utile que cela pour les Français qui nous écoutent puisqu'ils savent que de toute façon, au second tour, vous appellerez à voter Chirac ?
- "Si le 2ème tour est celui que vous avez dit. Mais à quoi sert un premier tour ? C'est une élection à deux tours. Au 2ème tour, je ne veux pas laisser planer d'incertitude sur mon choix, ce ne serait pas honnête et ce ne serait pas juste. Mais si nous avons une élection à deux tours, c'est pour que le 1er tour serve à quelque chose. Le premier tour sert à bâtir un équilibre pour la France, à donner aux Français le moyen de mettre le projecteur ou le curseur sur ce qui les intéresse, sur leur volonté. Les Français auront l'occasion au 1er tour de dire qu'ils veulent une majorité nouvelle, une droite plurielle, qu'ils veulent une droite équilibrée, un projet qui dise "Europe sociale" et "pouvoir nouveau". Ce n'est pas en donnant ou en bloquant autour de J. Chirac l'organisation de l'opposition en un parti unique qu'ils y arriveront."
P. Le Marc : Il y a deux candidatures du centre, du moins de l'ancienne UDF, celle d'A. Madelin et la vôtre. N'est-il pas souhaitable que l'une des deux disparaissent du paysage ?
- "A. Madelin et moi défendons deux lignes différentes..."
P. Le Marc : ...il y a vraiment incompatibilité ?
- "Je n'ai jamais dit cela mais A. Madelin est [pour] un libéralisme dur et je suis sûr que cet excès-là ne convient pas à la France. Je présente une vision différente qui est axée principalement sur la construction de l'Europe et sur l'idée que social et libéral doivent marcher ensemble."
S. Paoli : Quand vous lisez dans les pages du Figaro de ce matin que P. Douste-Blazy dit que celui qui, aujourd'hui, incarne le mieux les valeurs de l'UDF, c'est J. Chirac, comment réagissez-vous à cela ?
- "D'une part, cela me donne envie de sourire et de l'autre de rappeler à chacun que c'est sous son propre drapeau et dans son propre camp que l'on défend le mieux ses couleurs, ses valeurs et son avenir."
J.-L. Hees : Terminons avec cet aspect familial de l'UDF - mais c'est tout de même important pour que les gens comprennent bien. Il y a des moments où il vaudrait mieux être orphelin en politique. Tout de même, quand on entend N. Fontaine, H. de Charette ou P. Douste-Blazy, vous n'avez pas d'amertume vis-à-vis de ces prises de position et surtout, pourquoi quand on est chef de parti, on ne sanctionne pas ? On vient aussi de dire dans le journal de 8 heures que J. Chirac a la mémoire longue. Je ne veux pas être cynique et vous n'êtes probablement pas cynique, mais est-ce que ces dernières semaines vous ne vous êtes pas dit que pour endiguer ces défections - pour parler gentiment -, il faudrait que vous vous conduisiez comme un chef de parti, c'est-à-dire que vous sanctionniez de temps en temps, que vous disiez qu'on ne peut pas franchir cette limite avec vous ?
- "Ce moment de la clarification viendra, et viendra vite. On va entrer en campagne, pour l'instant, on ne connaît pas encore les candidatures définitives. Il faudra clairement manifester le fait que discipline et cohérence sont les deux vertus de la politique, en particulier pour ceux qui auraient choisi de manière choquante de s'exprimer contre le choix de leurs militants. Je ne suis pas là par mon seul choix ; je suis là parce qu'une famille politique tout entière s'est réunie et a dit qu'elle allait être présente à l'élection présidentielle et que celui qui portera son drapeau, c'est F. Bayrou. C'est le mandat des militants exprimé en congrès, à la quasi-unanimité que je porte. Je suis détenteur de ce mandat et responsable devant eux. Donc, naturellement, les décisions devront être prises."
P. Le Marc : Est-ce que l'on peut rassembler les Français lorsqu'on ne rassemble pas la totalité de sa famille ?
- "Vous auriez dû poser la question à J. Chirac en 1995. En 1995, J. Chirac était abandonné par tous les caciques, tous les élus qui allaient en rangs serrés chez E. Balladur. Cela ne l'a pas empêché en quelques semaines de se faire entendre des Français. Je suis dans une situation mutatis mutandis, comme on dit en latin, avec les différences semblables et je l'assume parce que ce qui compte, c'est de porter devant les Français un projet cohérent, une proposition politique qui soit assez forte pour que l'avenir en soit changé."
P. Le Marc : La différence, c'est que vous avez en face de vous J. Chirac qui est sans doute un meilleur candidat qu'E. Balladur...
- "Peut-être. Voulez-vous que nous réfléchissions ensemble ? De toute façon, les cinq années, de deux choses l'une : ou bien elles seront cinq années de plus pour un système ou pour un autre, ou bien elles seront le début de quelque chose de différent de ce que nous avons vécu depuis dix ans. C'est ce que je propose."
S. Paoli : Comment porter ces valeurs, M. Bayrou ? Quand on entend N. Fontaine dire - je cite mot-à-mot - que "la modération et la tolérance sont peut-être des handicaps en politique", comment allez-vous défendre vos valeurs personnelles ?
- "En effet, les campagnes électorales ne sont pas propices à cela parce qu'on fait croire aux Français que l'on est en guerre civile, que c'est l'abomination d'un côté et la désolation de l'autre. Parler juste, s'exprimer en disant ce qui ne va pas et ce qui, éventuellement, va, être capable de dire que naturellement on se moque des Français en leur faisant croire qu'il y a une opposition entre le bien et le mal, entre l'ombre et la lumière, et que pour réaliser les réformes en France, on a besoin non pas de cet antagonisme camp contre camp artificiel. Au contraire, on a besoin de dépasser les frontières de son camp pour convaincre une partie importante de l'autre camp que ce que l'on va faire est bien pour l'avenir de la France. Ce qu'il convient de conduire, ce n'est pas la politique de la droite contre la gauche ou de la gauche contre la droite, c'est la politique dont la France a besoin pour s'affranchir des difficultés qui sont les siennes. Cette modération, cette justesse de ton, cette capacité de rassembler, c'est précisément à ce moment que cela devient les vertus mêmes de l'action."
J.-L. Hees : Il doit y avoir pas mal de frustration tout de même chez vous actuellement... Je voudrais savoir ce que vous pensez de ce début de campagne. Il y a eu les affaires, il y en aura sûrement d'autres... Au moins, chez vous, il n'y a pas de turpitudes déclarées ou avérées...
- "... Et il n'y en aura pas !"
J.-L. Hees : Mais que pensez-vous de cette campagne ? Parce que sur le fond, puisque tout le monde veut parler du fond, il n'y a pas beaucoup de fond pour dire les choses comme elles sont...
- "Il n'y a pas du tout de fond. Quel sujet a été abordé pour l'instant ? Vous êtes des observateurs attentifs, scrupuleux : pas un sujet de fond n'a été abordé pour l'instant. C'est vraiment très triste et dommage et je suis là pour qu'il en soit autrement."
S. Paoli : Vous, l'Européen, on ne vous a pas tellement entendu là-dessus !
- "Mais interrogez-moi ! Vous passez votre temps..."
S. Paoli : Il faut vous interrogez pour vous entendre, un homme politique a besoin d'être interrogez pour portez un projet ?
- "Pas du tout, j'ai parlé d'Europe à votre micro il y a 5 minutes, peut-être étiez vous distrait à ce moment-là."
S. Paoli : Non, on vous écoute avec attention.
P. Le Marc : Est-ce que le problème de l'éthique politique doit être au coeur du débat de la présidentielle ou pas ?
- "Elle le sera."
P. Le Marc : Pourquoi ?
- "Parce que l'on a besoin de comportements sains, parce qu'on ne peut continuer avec le sentiment que tout en politique est manoeuvre, affaires, autrement dit sous la table et sans clarté."
J.-L. Hees : Mais on peut continuer, la preuve on continue.
- "J'ai fait un autre choix."
P. Le Marc : Que faites-vous pour changer cette situation ?
- "Je propose d'être différent, pas seulement de faire des déclarations, d'être différent. Vous savez bien que tout cela c'est le résultat d'années et d'années de pratiques méthodiques pour pourrir les choses et faire de chaque dossier une grenade dans les jambes du voisin. Je propose qu'en politique, on redevienne sains.
P. Le Marc : C'est si simple que ça ? Il n'y a pas de changement dans le comportement, dans la législation, dans l'organisation du système politique à apporter ?
- "Une seule règle : la loi doit être la même pour ....
[interruption son]
- "...partie de la droite ouverte disons, positive, constructive. Ce mouvement a été inhibé. Pendant longtemps, il s'est présenté en rasant les murs. Il a pratiqué des ralliements. Il est temps qu'il s'affirme et qu'il se fasse entendre parce sans cela, on va continuer pendant combien de temps avec ce que l'on a vu depuis 10 ans ? Ce qui est frappant, c'est que cette politique droite contre gauche on l'a vu depuis 10 ans et quels résultats a-t-elle obtenu ? On les a sous les yeux. Eh bien il faut changer les choses, et c'est pourquoi vous me faites signe que c'est l'heure."
S. Paoli : Oui, On vous retrouve dans quelques minutes pour rentrer plus à fond dans votre programme et dans votre vision politique.
Troisième partie : 8h45
S. Paoli : Suite et fin du petit déjeuner de France Inter qui accueille ce matin F. Bayrou, président de l'UDF, l'un des candidats à la présidentielle, interrogé par J.-L. Hees, le directeur de France Inter, par P. Le Marc qui dirige le service politique. D'ailleurs, c'est P. Le Marc qui, juste avant la revue de presse, vous interrogeait sur l'éthique. Dans la revue de presse, on entend aujourd'hui l'importance que prend la forme par rapport au fond : le marketing politique, comment vendre la politique ? Vous êtes un bon vendeur de politique ?
- "Je ne sais pas, on verra. Ce n'est pas pour moi l'essentiel et ni pour ceux qui nous écoutent. Je crois qu'ils font vraiment la différence entre l'apparence, d'ailleurs, entre nous, peu réussie chez aucun des candidats. On ne peut pas prétendre que cette élection donne le sentiment qu'ici ou là, les uns ou les autres auraient trouvé la clé d'or du marketing. C'est même pauvre et ce sont des mots qui ne veulent pas dire grand-chose. Le moment va venir où il va falloir trouver des mots lourds et forts parce que je crois que le fond et la forme ne peuvent pas être distingués. Et le marketing, qui distingue le fond de la forme, est un marketing qui échoue. "
J.-L. Hees : J'aimerais bien avoir encore votre point de vue là-dessus, parce que je vous ai vu à la télévision dans une des rares émissions débats, au début de la campagne, où tout le monde s'engueulait gentiment comme d'habitude, et puis vous, vous disiez des choses, sur un certain nombre de dossiers : la sécurité, la croissance, l'emploi, l'Europe bien sûr. Qu'est-ce qu'on éprouve quand on ne parvient pas à se faire entendre ? C'est vous qui parliez du "zapping politique", je crois que c'est lorsque vous présentiez vos vux, très récemment. C'est la fin de la politique ou alors il faut entrer évidemment dans le jeu, deux blocs, deux gros candidats, droite contre gauche, et allons-y, on continue... ?
- "C'est la fin si on se résigne ! Cela fait longtemps que l'on se résigne en France à cette disparition du fond, des gens qui ont quelque chose à dire, qui essaient de nuancer le propos, qui ne caricaturent pas constamment l'autre camp, ce que l'autre dit ou fait, qui se situent mais qui ne caricaturent pas. Si on se résigne, si on accepte, en effet, c'est la fin et on aura une espèce de politique à l'américaine dans laquelle il n'y a plus de différence que dans l'apparence. Mais s'il n'y a pas de différence, on perpétue, on continue les guerres civiles et à chaque alternance, chacun amène son clan avec soi. "
J.-L. Hees : Mais alors quel est le camp qui exclut ?
- "Eh bien moi, je ne me retrouve pas dans cette manière là de faire de la politique et les Français non plus. Vous savez, ils sont exaspérés et désespérés parce qu'ils entendent une espèce de bouillie qui vient dans leurs oreilles, avec les mêmes mots : tout le monde parle d'insécurité avec les mêmes mots, tout le monde prononce le mot "Europe" sans rien mettre derrière, tout le monde dit "social" mais on ne voit absolument pas ce que c'est ; les mêmes mots qui font cette bouillie dont ils ne distinguent ou ne retiennent rien. C'est de cela, en tout cas, moi, dont je veux sortir. Vous m'aviez promis que l'on viendrait au fond, il est 8 heures 43. "
J.-L. Hees : Qui est-ce qui exclut le plus dans l'ordre des idées ? Parce que vous disiez, je vous cite encore, "le pluralisme des idées il est plus à gauche qu'à droite". J'aimerais avoir un mot d'explication là-dessus.
- "Oui ça fait très longtemps qu'à droite on refuse la différence et qu'à chaque élection depuis 25 ans, on organise les changements de camps comme si, au fond, tout le monde avait la même idée et défendait la même chose. Or, ce n'est pas vrai, d'abord, et ce n'est pas sain, ensuite. S'il y avait ce que je crois être le bon équilibre -, c'est-à-dire une droite nationale fière d'elle-même et au centre, un parti plus social et plus européen, chacun des deux assumant son camp, on couvrirait un espace plus large. Par exemple, si cette droite qui lève la tête existait, Chevènement n'aurait pas eu l'espace qui lui a permis de s'installer dans les sondages. Et de la même manière, au centre, on occuperait beaucoup mieux l'espace. Mais prétendre que tout le monde pense la même chose, que ceux qui ont voté " oui ", ceux qui ont voté " non " à Maastricht, c'est la même chose, ne pas sentir ce besoin de fierté qu'éprouvent les électeurs de la droite et du centre, de fierté et d'affirmation, on a le droit de ne pas penser la même chose sur tout et c'est même mieux ! On a le droit de ne pas avoir les mêmes comportements sur tout et c'est même mieux ! On représente les Français et les Français ne sont pas dans un seul courant ! C'est cela nous fait perdre régulièrement depuis 25 ans. Et en tout cas, même si nous gagnons par accident les élections, cela ne nous permet pas de gouverner la France. Souvenez-vous des années 1993-1995 et 1995-1997 : il n'y avait pas cette assise, et en quelques mois, nous avons été balayés. Si l'on veut gouverner sur le long terme, à ce moment-là, il faut faire naître un courant politique nouveau qui portera ces aspirations dont je parle. "
P. Le Marc : Parlons du fond : une des spécificités de votre combat à droite, dites-vous, c'est la dimension sociale. Quelle réponse apportez-vous aux salariés qui demandent une protection devant le libéralisme et sa logique souvent destructrice sur le plan social et aussi une participation à la décision ?
- "Protection d'abord et participation ensuite. Leur faire croire, comme on entend quelques-uns le dire, que l'on peut voter une loi pour éviter les licenciements, c'est leur mentir les yeux dans les yeux. Cela n'existera pas ; ce qui est nécessaire, c'est de leur apporter de nouveaux droits pour que, si les accidents arrivent à ces entreprises, ils soient mieux protégés et mieux garantis dans leur vie. Exemple : un droit à la formation qui leur permettra de se retrouver en selle plus vite que prévu, et sans doute une mutualisation pour que les entreprises du même bassin d'emplois s'entendent et disent que s'il arrive un accident à l'une d'entre elle, qu'elles reprendront les salariés concernés par les licenciements dans une autre des entreprises du réseau, de la chaîne. Vous êtes dans un bassin d'emplois où les entreprises disent qu'au fond, elles veulent garantir l'emploi dans leur secteur et que s'il arrive un accident à l'une d'entre elles, les autres sont là pour répartir le risque."
P. Le Marc : Il faudra les convaincre.
- "Oui mais c'est ce nouveau statut du travailleur et du salarié qui est nécessaire, à mon avis. Cela ne peut passer que par une solidarité plus grande, à l'égard des salariés et à l'intérieur des entreprises. "
P. Le Marc : Sur la participation à la décision - au moins au contrôle des décisions ?
- "On a besoin de donner en France ou de trouver en France un nouvel équilibre avec les partenaires sociaux. Ce qui est complètement anormal dans ce pays, c'est qu'il faille toujours commencer par une grève pour obtenir une discussion. Cela n'existe dans aucun autre des pays qui nous entourent. Regardez les médecins : ils ont dû faire six ou sept semaines de grève, pour - écoutez bien - obtenir un rendez-vous avec son éminence le ministre de la Santé. Mais un pays normal, c'est un pays dans lequel lorsque la base a des problèmes, elle devrait pouvoir s'adresser au gouvernement et le dialogue, si j'ose dire, devrait être de droit. Je propose ce que j'appelle "le droit de saisir", un nouveau droit qui entrerait dans la loi et qui dirait : " Lorsque vous êtes une profession et que 50% de vos membres demandent la tenue d'une discussion ou d'une négociation, cette négociation est de droit ". Parce que la base doit se voir reconnaître des droits qu'elle n'a pas. Si ce droit de saisir avait existé, les médecins se seraient assis autour de la table avec la Cnam et le Gouvernement depuis le premier jour et les Français n'auraient pas à subir la grève des soins dont, franchement, on ne peut pas dire qu'elle soit à l'image d'un pays moderne. "
S. Paoli : Et sur l'accès des salariés au capital de l'entreprise, la question de l'épargne salariale ? Certains posent même la question de savoir si ce n'est pas un bon outil de régulation de l'économie mondiale ?
- "Je suis sûr que ça en est et c'est d'autant plus choquant qu'en France ça existe mais pas pour tous les Français. Ça existe pour les fonctionnaires, sur vos antennes, on entend régulièrement de la publicité pour la "Préfon". La Préfon, c'est un fonds d'épargne salarial ouvert aux fonctionnaires. Je ne demande pas autre chose que l'ouverture à tous les salariés du privé des droits qui sont reconnus aux fonctionnaires par la Préfon. "
P. Le Marc : Et comment réglez-vous le problème récurrent de la pratique du droit de grève dans la fonction publique ? Est-ce que vous avez une solution ? Tout le monde court après cette solution, est-ce que vous en avez une ?
- "Oui, j'en ai une qui est inspirée de ce qui se passe dans d'autres pays européens ; c'est ce que l'on appelle "la clause de paix sociale", qui est celle-ci : lorsque vous avez négocié un accord, cet accord est négocié pour une certaine durée, trois ans, quatre ans, cinq ans et pendant ces trois ans, quatre ans et cinq ans, on s'engage à ne pas faire de grève sur les conclusions de l'accord. Autrement dit, on reconnaît qu'il y a une période pendant laquelle on discute, et les discussions peuvent être lourdes et acharnées, mais, après cela, on a une longue période de paix, de manière à ce que les Français puissent compter sur un service garanti, puissent être assurés qu'ils trouveront des écoles ouvertes et des trains qui fonctionnent. "
S. Paoli : Sur le service minimum vous allez plus loin que ça ou pas ? Est-ce qu'il faut un service minimum ?
- "Je préfère l'appeler "service garanti" parce qu'on a un service minimum. Aujourd'hui, on ne peut pas dire que ça fonctionne très bien. Je préfère qu'il y ait un service garanti et qu'on négocie avec les intéressés. "
J.-L. Hees : Il y a un grand thème récurrent de cette campagne - j'ai d'ailleurs déjà entendu cela il y a quelques années, mais ça reviendra et peut-être encore dans cinq ans...- qui est la sécurité ou plutôt l'insécurité. Vous dites que tout le monde dit toujours la même chose sur ce chapitre, à savoir qu'il faut réprimer, prévenir, on ne sait pas à quel terme, si ce sera dans cinq ans, dans dix ans... Enfin bref, tout ça est bien compliqué ! Que ferait le Président Bayrou pour convaincre les Français qu'il y a un peu plus de sécurité dans nos rues et dans nos villes ?
- "Je m'engagerais devant le pays à ce qu'au bout de 18 mois, on ait reconquis les zones de non-droit. "
J.-L. Hees : Mais comment ?
- "200, 250, 300 peut-être 500 quartiers dans lesquels aucun représentants des services publics - police, ambulanciers, pompiers et même médecins du SAMU - ne peuvent entrer sans courir le risque de guet-apens. Eh bien, cela est intolérable dans un pays comme le nôtre, et il faut que ce soit les plus modérés qui assument la plus grande fermeté. Donc, je dirais "18 mois pour reconquérir les zones de non-droit". "
J.-L. Hees : Mais comment on fait ça ?
- "S'il faut constituer une police spécialisée dans l'urbain, on le fait ; s'il faut installer des dispositifs de vidéosurveillance dans ces quartiers pour que l'on voit ce qui s'y passe et que l'on puisse empêcher des dérives, on le fait. S'il faut mettre en place des commissariats à l'intérieur de ces quartiers et qui soient ouverts la nuit, on le fait. C'est le seul sujet sur lequel, je dirais : "Qu'importe ce que ça coûte." On ne peut pas laisser grandir le sentiment d'insécurité qui existe aujourd'hui en France. Deuxièmement, pour les plus jeunes qui, malheureusement, de plus en plus jeunes et de plus en plus violents organisent cette insécurité, il faut deux choses : il faut réécrire l'ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs pour qu'elle permette une efficacité plus grande et une réponse immédiate à ce qui ne va pas et deuxièmement, il faut construire 10.000 places d'éducation surveillée, éventuellement en milieu clos. Je veux dire des foyers ou des internats avec des éducateurs solides qui soient capables de résister à ce genre de violence pour rendre à ces jeunes - qui sont quelquefois très jeunes, quelquefois entre 10 et 13 ans -, les repères qu'ils n'ont plus. C'est à la société d'assumer cela. Aujourd'hui, ces places n'existent pas, les magistrats sont sans armes ; il est très important de leur rendre et de leur rendre vite. "
J.-L. Hees : Vous entendez des candidats qui disent le contraire de ce que vous dites, à part peut-être C. Pasqua qui nous reparle de la peine de mort ? Mais c'est aussi cela la difficulté aussi de cette campagne, c'est que tout le monde dit la même chose sur un thème l'insécurité...
- "Sur ce sujet, non. Par exemple, réécrire l'ordonnance de 1945, je crois être à peu près le seul à le dire. "
S. Paoli : Et dans la cour du lycée ? Parce que la question de l'enseignement et de l'Education, l'ancien ministre de l'Education que vous êtes, comment résout-il cette problématique qui est très complexe aussi ? Parce que la violence, elle est dans les collèges, elle est dans les lycées.
- "Le problème, c'est qu'on ne peut pas exclure un élève du collège, parce qu'on est obligé de le rescolariser dans le collège voisin et qu'on est donc sans arme"
S. Paoli : On déplace la question.
- "On déplace la question, on déshabille Pierre pour habiller Paul et vous voyez bien que ça ne marche pas. J'avais décidé - ça n'a pas été appliqué mais il faut le faire - de bâtir une institution différente qui s'appelle des "collèges hors les murs". C'est-à-dire qu'on met en France des collèges qui soient non seulement animés par des enseignants mais par des éducateurs capables de recevoir ces jeunes, ces élèves qui sont en dérive et de trouver le moyen d'une sanction immédiate. Lorsque, dans la cour d'un collège, un élève se comporte mal à l'égard d'un enseignant, qu'il lui fait des menaces ou qu'il lui crache dessus, il faut qu'immédiatement on puisse le mettre dans une autre institution. Autrement dit, qu'on rende l'autorité, la capacité de sanctions qui n'existe plus aujourd'hui. Mais cela n'ira pas, puisque l'on parle de l'école, sans s'attaquer à l'essentiel, car ce sont souvent les mêmes élèves qui assument violence et subissent illettrisme. Les élèves qui ne suivent pas l'école parce que tout simplement ils ne savent pas lire, il y en a peut-être entre 10 et 15 % dans les collèges français. Il faut simplement le dire et agir. Et c'est pourquoi je dis qu'à partir de maintenant, il faut que ne puissent plus entrer en 6ème que les élèves dont on est sûr qu'ils savent lire, écrire et compter. Et les élèves qui ne savent pas, il faut leur trouver une autre formation d'urgence, où on concentrera tous les moyens, y compris les meilleurs enseignants, pour leur réapprendre à lire, à écrire et à compter avant qu'ils n'entrent en 6ème. Autrement, c'est de la non-assistance à personne en danger que de laisser les enfants entrer dans le système, monter de classe en classe, sans que personne ne mette le doigt sur le fait que tout simplement cela ne leur sert à rien puisqu'ils ne suivent pas. Le courage consiste à dire qu'au collège n'entreront désormais que ceux qui savent lire, écrire et compter en 6ème. "
J.-L. Hees : Nos impôts seraient bien utilisés, c'est ça que vous voulez nous dire ?
- "Voilà. "
P. Le Marc : En ce qui concerne la réforme de l'Etat et la décentralisation, le discours le plus fort que l'on ait entendu dans cette campagne c'est celui de C. Blanc, un candidat marginal. Alors quel est votre projet ? Et quelle serait votre méthode d'action sur ces deux points fondamentaux pour l'évolution du pays ?
- "Il faut donner aux pouvoirs locaux compétences et moyens. Et que compétences et moyens aillent ensemble. Quels pouvoirs locaux ? Pour moi, il y a deux grands échelons : les communes fédérées en intercommunalité, et un nouvel ensemble qui rassemblerait les départements et les régions. "
P. Le Marc : Jusqu'où dans la répartition des compétences ?
- "Je finis la phrase. Départements et régions qui font souvent, qui conduisent souvent les mêmes politiques mais qui ne les conduisent pas ensemble, il faut qu'ils les conduisent ensemble. Parce qu'il n'y a pas de raison d'avoir deux systèmes parallèles pour l'économie, les réseaux routiers, le social et évidemment au collège, lycée, université, j'espère un jour. Alors vous dites quelles répartitions aux régions"
P. Le Marc : ...Quelles les responsabilités ?
- "Tout l'équipement et tout l'aménagement du territoire. Que, par exemple, les universités puissent être construites par des régions, que les grands réseaux routiers soient de la responsabilité de ce nouvel ensemble département-région. Que tout ce qui est de l'équipement de tous les jours, de l'équipement qui permet le développement d'une région, soit directement assumé par les régions. "
J.-L. Hees : On arrive au terme de ce petit déjeuner politique sur France Inter. Il y a deux mots magnifiques qui traînent dans cette campagne depuis quelques jours, c'est " désir " et " passion ". Vous vous situez où, vous qui souhaitez ardemment le suffrage des Français qui nous écoutent ?
- "Animé de passion et aussi animé de désir. Mais vous voyez bien que c'est une manière, en utilisant ces mots, d'éviter de parler de l'essentiel."
J.-L. Hees : C'est du marketing aussi ?
- "C'est du marketing, parce que tout le monde peut dire "désir" et "passion". Du communisme à l'extrême droite, de la Ligue communiste à l'extrême droite, tout le monde peut dire "désir" et "passion". Et c'est une manière d'habiller le vide de la pensée ou de la volonté que d'employer "désir" et "passion". Simplement, si on se présente à cette élection, c'est parce qu'il s'agit d'un pays que l'on aime. Si on se présente à cette élection, c'est parce qu'il s'agit d'un pays que l'on aime, c'est parce qu'il s'agit de Français à qui l'on veut tendre la main pour qu'ils se retrouvent avec une espérance. Ils disent "désir" et "passion", j'aimerais mieux dire "espérance". Un pays qui n'a plus d'espérance, j'ai l'impression que c'est cela que l'on rencontre aujourd'hui. Celui qui rendrait l'espérance à ce pays lui donnera l'essentiel qui lui manque. "
(Source Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le18 février 2002)