Interview de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, à Europe 1 le 28 février 2002, sur la baisse du chômage au mois de janvier, l'augmentation du chômage des jeunes et les propositions de Jacques Chirac sur l'assouplissement de la mise en oeuvre des 35 heures.

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Média : Europe 1

Texte intégral

C'est presqu'une divine surprise : moins 0,1 % !
- "D'abord, je voudrais dire que j'ai été très étonnée d'entendre ce matin sur Europe 1 au journal de 7 heures, puis au journal de 7h30 et même encore au journal de 8 heures l'annonce de faux chiffres de chômage."
C'était des informations qui nous étaient communiquées par Bloomberg, donc on les a données telles quelles, et ensuite on a rectifié.
- "C'est très dommageable parce que beaucoup de gens écoutent à 7 heures et à 7h30. A 8 heures, il y avait un peu plus de distance. Je voudrais dire que l'essentiel, c'est cette très bonne nouvelle que nous avons sur le chômage du mois de janvier puisque ce sont 3 200 personnes qui ont retrouvé un emploi, c'est-à-dire 3 200 familles qui ont retrouvé la sérénité. C'est vrai que nous renouons avec la baisse du chômage et je veux rappeler que nous avons eu, par conséquent, depuis quatre ans maintenant, depuis le mois de juin 1997, 928 500 personnes de moins au chômage. C'est un résultat sans précédent et je crois qu'il faut le souligner."
Cela tombe bien aussi pour le Gouvernement en pleine période électorale !
- "Oui, mais ce n'est pas nous qui fabriquons les chiffres du chômage. Je voudrais également dire que l'an dernier, nous avons eu une légère remontée et non pas une forte remontée, puisque la remontée de l'an dernier a été de 47 300 personnes exactement, à comparer avec les 928 500 de moins depuis 4 ans. Il faut donc bien rétablir les proportions et surtout, ce qui est très encourageant, c'est que nous avons une poursuite du recul du chômage de longue durée qui est due aux politiques tenaces et patientes que nous menons pour accompagner de façon personnalisée, au cas par cas, les chômeurs qui sont les plus éloignés de l'emploi. C'est comme cela que nous arriverons bien sûr à atteindre le plein-emploi qui est évidemment une course de fond."
Mais on note une augmentation du chômage des jeunes.
- "C'est vrai, une augmentation du chômage des jeunes, notamment ceux qui sont dans l'industrie. Il y a un contraste entre le chômage des femmes et des hommes. On voit bien que les personnes qui sont majoritairement employées dans des services, par exemple, ont moins de difficulté et c'est dans l'industrie que nous continuons à avoir des licenciements économiques, que l'on voit le plus de difficultés. Là, la loi de modernisation sociale que nous avons fait voter par le Parlement et qui va nous aider à mieux prévenir les licenciements économiques ou une augmentation, va jouer tout son rôle. Nous avons bien sûr l'effet du ralentissement économique, cet effet est incontestable, mais nous avons amorti, je pense, ces effets par des politiques vivaces que nous avons menées sur plusieurs plans. D'abord, j'ai mobilisé et je continue à mobiliser un fonds de service public de l'emploi pour qu'il n'y ait pas d'emploi-jeune inutilisé, pour qu'il n'y ait pas de contrat emploi solidarité inutilisé, pour que les stages de formation soient vraiment proposés à toutes ces personnes qui sont fragilisées. Ensuite, nous avons développé l'accompagnement personnalisé, nous avons la loi de modernisation sociale et bien sûr notre politique économique qui, en soutenant la consommation et le pouvoir d'achat - notamment des plus défavorisés -, amortit les chocs venant de l'extérieur. J'espère que cette bonne nouvelle se renouvellera dans les mois qui viennent."
On disait que l'euro allait créer des emplois ; c'est vrai que 30 000 personnes environ ont été formées, essentiellement des intérimaires. Mais la moitié seulement a conservé cet emploi.
- "Oui. Il y a probablement un double effet là. Parce que nous avons certainement en janvier déjà la disparition de ces emplois euro, et en même temps, c'est vrai que nous avons aussi une reprise de l'intérim, ce qui est assez encourageant parce que l'intérim est un indicateur avancé en matière d'emploi. Lorsque l'intérim s'améliore, cela veut dire que cela préfigure des améliorations futures. Nous constatons une amélioration de l'intérim depuis deux mois maintenant."
Que pensez-vous du projet économique et social de J. Chirac, qu'il a présenté hier en Touraine : la baisse des impôts ?
- "D'abord, il s'agit de promesses dont il reste à vérifier si elles seront respectées parce que nous avons l'habitude, avec M. Chirac, d'entendre beaucoup de choses et ensuite de ne pas voir beaucoup de choses se réaliser. Dans les promesses faites par M. Chirac, il y a des remises en cause de réformes importantes que nous avons faites. Ses propositions sur les 35 heures, c'est une remise en cause des 35 heures..."
...il demande l'assouplissement des 35 heures qui, selon lui, ne doivent pas être une entrave ni pour les salariés ni pour les entreprises.
- "Les assouplissements que nous pouvions faire sans remettre en cause les 35 heures, nous les avons faits. Par conséquent, ses propositions, à nos yeux, reviennent à une remise en cause des 35 heures, seulement il ne le dit pas comme cela parce que c'est très populaire. Ensuite, M. Chirac propose des baisses de charges mais sans contrepartie pour l'emploi donc, c'est à fonds perdus ; sur les retraites, de généraliser les fonds de pension. Il faut faire très attention parce..."
...les fonds de pension "à la française"...
- "...Oui, mais dans quelle proportion par rapport aux retraites par répartition ? Notre priorité à nous, c'est de consolider les retraites par répartition et de consolider le niveau des retraites, de faire une réforme de ces retraites par répartition qui permette justement de garantir à chacun un niveau de retraite suffisant. Il faut donc faire extrêmement attention à ses propositions."
Quand va-t-on connaître les propositions de L. Jospin sur l'économie et le social ?
- "Les propositions de L. Jospin sont déjà connues sur un certain nombre de grands points que je vous rappelle : la formation continue tout au long de la vie, les propositions de favoriser plus d'autonomie, d'aller vers le plein-emploi - et nous nous y employons, bien entendu -, de continuer à faire des réformes de société importantes. Il aura l'occasion de les préciser et surtout de dire comment nous les appliquerons, avec quel financement parce que je ne pense pas que l'on puisse dire aux Français ou simplement additionner des promesses sans s'interroger sur le fait de savoir si elles sont compatibles entre elles."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le28 février 2002)