Déclaration de M. François Patriat, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la place et le rôle de la filière fruitière, légumière et horticole dans l'agriculture, Paris le 20 mars 2002.

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Circonstance : Congès conjoint de la Fédération française de la coopération fruitière, légumière et horticole et de la fédération nationale des coopératives de conservatoire 2002 à Paris le 20 mars 2002

Texte intégral


Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux d'intervenir à votre congrès quelques semaines après ma nomination comme Ministre de l'Agriculture et de la Pêche. J'ai tenu à être présent aujourd'hui pour marquer l'attachement du gouvernement au dynamisme de votre filière. Les atouts de votre secteur sont en effet nombreux, qu'il s'agisse de la qualité des productions et des hommes, de la place de vos métiers dans l'occupation de l'espace rural, de l'importance des emplois créés, de votre sensibilité au respect l'environnement. Ces caractéristiques correspondent à l'image que je me fais d'une agriculture moderne et efficace, ancrée dans son terroir et respectueuse des équilibres naturels.

Je voulais également rendre hommage à la force de l'engagement collectif, si présent dans vos coopératives et si efficace pour le développement des filières et le dynamisme des territoires.
Vous m'avez interpellé, Monsieur le Président, sur différents sujets. Je vais vous donner ma position telle qu'elle découle de mon expérience de ministre de l'agriculture et de la pêche, de celle de parlementaire très impliqué dans les questions agricoles et rurales et enfin de mes responsabilités au secrétariat d'Etat au commerce et aux PME.
Vous m'avez parlé de l'organisation économique. Je vous le redis, elle est essentielle pour que les producteurs soient plus forts face à l'aval de la filière. Les producteurs doivent ainsi être incités à la rejoindre. C'est pour cela que le gouvernement s'est battu avec autant de détermination pour rendre l'OCM plus simple et plus attractive.

Des résultats ont été enregistrés. Il faut aller plus loin et mon objectif en la matière est clair : disposer de règles communautaires et nationales précises, simples, facilement contrôlables et qui favorisent l'émergence de stratégies collectives qui soient autre chose que l'addition de projets individuels, tiennent compte de chaque mode de production et donnent une meilleure sécurité juridique aux organisations reconnues. C'est dans cet esprit que la France a récemment fait des propositions qui ont été bien reçues par la Commission, ce qui laisse espérer une révision des textes pour la fin de l'année. Un décret formalisera alors les modalités d'application françaises du nouveau dispositif.

Au-delà, le renforcement de l'organisation économique passe par la consolidation des moyens qui y sont consacrés. C'est le cas pour les programmes opérationnels comme pour les aides européennes à la transformation qui bénéficient de budgets renforcés. C'est vrai aussi pour les concours publics nationaux, qui resteront réservés aux producteurs adhérents des organisations de producteurs et que nous cherchons à optimiser, comme cela vient d'être fait en mobilisant des crédits communautaires pour accélérer la modernisation des serres maraîchères et horticoles.
Ce renforcement passe également par l'existence de structures d'animation de l'organisation économique dynamiques et reconnues comme les comités de bassin, épaulés par les sections nationales. La pérennité de ces organismes dépend étroitement de la qualité du service qu'ils apportent aux organisations de producteurs, notamment en termes de développement de stratégies collectives. Cela doit les obliger à constamment se remettre en question afin de progresser.

Vous avez également évoqué la gestion des crises auxquels votre secteur est plus confronté que d'autre en raison de sa sensibilité aux aléas climatiques et à ceux de la conjoncture. L'Etat ne peut intervenir que dans un cadre conforme aux règles européennes. C'est pourquoi il nous faut plaider notamment auprès de la Commission européenne pour la prise en compte par l'OCM de dispositifs de régulation du marché tels que des mécanismes d'assurance récolte.

Vous avez également évoqué la loi sur les nouvelles régulations économiques où le législateur a retenu votre suggestion de pouvoir réguler les annonces de prix dans les catalogues promotionnels. Vous le savez, cette disposition est contestée, au plan communautaire et par certains pays tiers comme les Etats Unis. Je sais la DGCCRF très sensibilisée sur la nécessité de consolider un dispositif voulu par le Parlement. Ceci ne sera toutefois possible que si cette mesure est mise en uvre conformément à nos engagements vis à vis de l'Union européenne ou de l'OMC.

Par ailleurs, la commission d'évaluation des pratiques commerciales, qui aura un droit de regard sur toutes les pratiques de la grande distribution, sera mise en place avant la fin de ce mois.

Vous avez cité la qualité comme un objectif majeur de votre filière. La démarche d'agriculture raisonnée voulue par le gouvernement, se conçoit précisément comme une tentative de rationalisation des différentes initiatives menées en ordre dispersé et vise à la mise en place d'une qualification reconnue des exploitations. Afin de ne pas perdre de temps dans la concrétisation de cette approche innovante, nous avons scindé en 2 décrets le dispositif validé par le CSO le 8 janvier dernier : un premier texte régit toute la partie technique proprement dite de la démarche, le second se concentrant sur le seul aspect de l'étiquetage. En effet, les dispositions en matière d'étiquetage doivent être validées par la Commission européenne, ce qui allonge la procédure d'un ou deux mois supplémentaires. En conséquence, les deux textes seront soumis à l'avis du Conseil national de la consommation le 28 mars. Puis la procédure de publication du premier décret sera immédiatement engagée. Enfin, celle concernant le second décret sera lancée dés lors que la Commission européenne aura fait connaître sa position.
Quant aux CTE collectifs, ils constituent l'une de mes priorités car cela permet d'utiliser ce nouvel outil de la manière la plus efficace. Vos coopératives sont au croisement des logiques de filière et de territoire sont particulièrement placées pour être porteur de projets et bénéficier à ce titre des crédits d'animation gérés par les préfets de département. Je constate que des exemples intéressants existent sur le terrain, notamment dans la Manche et je vous invite à les développer.

S'agissant des questions d'emploi, la mise en uvre de la loi sur les 35 heures va entraîner des modifications importantes dans l'organisation du travail dans vos structures. Des solutions pragmatiques pourront être proposées dans le droit fil des pistes ouvertes lors du séminaire tenu le 21 décembre 2001 pour répondre aux difficultés susceptibles de se poser dans un esprit de dialogue et de recherche de compromis. Toutefois, pour résoudre le problème de recrutement qui se pose dans vos filières, il faut rechercher ensemble comment rendre le travail plus attractif. Un accord a été signé avec le ministère de l'emploi et de la solidarité et l'ANPE le 16 janvier 2002.
Il vise à optimiser la diffusion et le rapprochement des offres et demandes d'emploi saisonnier. Naturellement, les services du ministère sont à votre disposition pour avancer ensemble sur ces questions.
Vous parlez de distorsions entre Etats membres. Elles existent mais je pense qu'elles ont tendance à se résorber lentement, trop lentement certes, mais progressivement. S'il est aussi difficile de trouver des salariés temporaires espagnols cela tient à l'existence d'une monnaie unique et à la convergence des salaires minimum.

Vous avez raison, il faut aller plus loin afin de tendre vers une meilleure équité des conditions de concurrence entre producteurs des Etats membres. Cela suppose que l'effort de réduction des coûts de production s'effectue dans le respect le plus strict des règles sociales de chaque Etat membre. Les organisations de producteurs qui n'auraient pas respecté le droit social de leur pays d'établissement doivent pouvoir être exclues des aides communautaires. L'éco-conditionnalité existe pour encourager la prise en compte de l'environnement. La France a proposé au Commissaire FISCHLER l'introduction de la socio-conditionnalité pour inciter à la mise en uvre d'une véritable Europe sociale dans ce secteur. La réponse du Commissaire laisse espérer des avancées sur ce point essentiel pour la France.
Plus généralement, la priorité du gouvernement a été de mettre en place une véritable Europe sociale. Pour résoudre les problèmes auxquels vous êtes confrontés, il faut plus d'Europe et non pas moins d'Europe. C'est ma conviction profonde. Je souhaiterais que les acteurs économiques tels que vous le disent de façon plus claire et plus forte.

Enfin, Monsieur le Président, pour en terminer avec les dossiers nationaux, vous avez cité différents sujets.
La réflexion sur les modalités de pérennisation des concours publics aux centres techniques bénéficiant jusqu'en 2003 de taxes parafiscales est engagée. Nous conduirons cet exercice en partenariat avec vos représentants. Il faut toutefois s'attendre à des solutions adaptées au statut et à l'histoire des organismes concernés, un remplacement généralisé de ces taxes par des taxes fiscales étant exclu.

S'agissant des conseils spécialisés de l'ONIFLHOR, la consultation des fédérations professionnelles est désormais engagée, les nominations pourront donc intervenir rapidement.
En ce qui concerne les OGM, je partage largement votre position de prudence. C'est ainsi que ce gouvernement a adopté un moratoire sur les d'OGM, tout en souhaitant poursuivre la recherche afin de ne pas être dépendants de l'étranger. Pour ce qui concerne les fruits et légumes, je voudrais confirmer aujourd'hui officiellement qu'aucun OGM n'est autorisé à la commercialisation dans vos filières, conformément au souhait des consommateurs et à l'image de naturalité de vos produits.
Concernant l'appui aux entreprises, du secteur du frais comme du secteur de la transformation, nous avons récemment notifié à la Commission européenne deux projets concernant d'une part la consolidation et le renforcement du fonds de structuration des fruits et légumes (FSFL) et son extension à la transformation, et d'autre part la mise en place, par l'ONIFLHOR, de mesures d'assistance technique et d'aide à l'investissement relatives à des opérations de fusion ou de regroupements d'entreprises. Ces dispositifs entreront en vigueur dés lors que la Commission les aura validés. Concernant la transformation, ces mesures s'ajouteront aux orientations déjà arrêtées dans le cadre du plan arboricole relatives aux investissements intégrant une problématique de filière.
Vous avez également souligné l'importance de la promotion : le paysage réglementaire et budgétaire s'est un peu compliqué avec la modification des règles communautaires. Ce nouveau contexte nécessite une réflexion stratégique collective sur les outils existants - budget Oniflhor, programmes opérationnels, crédits communautaires - afin d'identifier nos priorités et d'optimiser les ressources nationales et communautaires. Tel est l'objet de l'étude de cadrage lancée sous l'égide de l'ONIFLHOR.
Enfin, s'agissant du secteur des plantes en pot, j'ai demandé à mes services d'appuyer auprès de ceux du ministère de l'équipement votre demande de dérogation à l'interdiction du transport pour les prochains "ponts" du mois de mai. Il convient toutefois de ne pas sous-estimer le risque de précédents en satisfaisant à cette demande.

En ce qui concerne les aspects communautaires, vous avez souligné la question des contrôles auxquels différentes structures contribuent. En ce domaine, quelques avancées ont été réalisées. Ainsi, une meilleure coordination des contrôles a été mise en place pour éviter la succession des contrôles conduits dans un calendrier incompatible avec l'activité des organisations de producteurs. De même, les évolutions réglementaires intervenues en 2001 ont établi - avec rétroactivité s'agissant des programmes antérieurs - que si un programme opérationnel est mis en uvre conformément aux conditions de son approbation initiale, la validité des actions retenues ne sera pas mise en cause, fussent-elles déclarées inéligibles par la suite. Ceci constitue un facteur de sécurité juridique pour vos organisations. Par ailleurs, je me réjouis qu'une réflexion technique se soit engagée sur la question de la TVA.

S'agissant des fruits à coque, secteur soutenu fortement depuis 10 ans au plan communautaire, j'ai obtenu hier à Bruxelles que la spécificité de ce secteur soit à nouveau reconnue.

En ce qui concerne l'Outre-mer, vous avez évoqué l'avenir de l'OCM bananes. Sur ce point, vous le savez, dans un contexte de négociation communautaire de plus en plus difficile, la France n'a de cesse de défendre ses intérêts. Notre vigilance concerne d'ailleurs tant le volet interne que le volet externe de l'OCM. S'agissant de l'ananas, nous avons engagé les contacts nécessaires avec la Commission pour que la procédure d'approbation du programme spécifique présenté par la France au titre du règlement POSEIDOM soit menée à son terme le plus rapidement possible. Enfin, je suis prêt à expertiser, en liaison avec le Secrétariat d'Etat à l'Outre-mer, la faisabilité technique, juridique et budgétaire d'une application aux DOM des dispositions de l'article 15.6 du règlement 2200/96 concernant la prise en charge d'une partie des contributions au fonds opérationnel dans le cas de régions au degré d'organisation économique particulièrement faible.
S'agissant des règles de compatibilité entre l'OCM fruits et légumes et le Programme de développement rural (PDR), je vous rappelle, Monsieur le Président, que la France est à l'origine des aménagements réglementaires qui permettent un accès de votre filière à ces deux outils. Des règles de seuil existent pour garantir l'absence de double financement et nous venons de solliciter de la Commission leur adaptation à compter de l'exercice 2003.

Ceci ne doit pas empêcher les organisations de producteurs de tirer le meilleur parti des fonds dégagés au titre des programmes opérationnels: en effet, rien ne serait plus fâcheux qu'une sous-utilisation de notre enveloppe quand nos concurrents optimisent leurs concours.

Vous avez également évoqué quelques adaptations des règlements d'application concernant les régimes d'aide communautaire à la transformation : je suis prêt à appuyer vos demandes auprès de Bruxelles à condition que nos argumentaires soient bien calés.
Pour ce qui concerne les négociations commerciales je partage votre préoccupation concernant l'équité des échanges. C'est là un aspect sur lequel nous sommes particulièrement vigilants, et qui nous a amenés, notamment, à défendre notre conception de l'agriculture fondée sur la reconnaissance de sa multifonctionnalité. Sur la question de l'élargissement, nous devons concevoir notre approche de manière structurée, sans concession sur des aspects aussi importants que la préservation de l'acquit communautaire, notamment en matière sanitaire, la lutte contre le dumping ou la réciprocité des accès au marché.

Tels sont, Monsieur le Président les aspects que je voulais développer devant vous. J'ai conscience de la place et du rôle de la coopération fruitière, légumière et horticole dans la structuration de votre filière, les principes de solidarité, de mutualité mais aussi d'efficacité et de compétitivité économique me paraissant plus que jamais conditionner le devenir de votre secteur. Je vous remercie.

(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 21 mars 2002)