Extraits de l'interview de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, à RTL le 22 juillet 1999, sur les réflexions et les sujets prioritaires retenus par le gouvernement dans le cadre de la future présidence de l'Union européenne par la France et sur la répartition des rôles entre les deux pôles de l'exécutif français, à Paris le 22 juillet 1999.

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Texte intégral

Q - L'an prochain, au deuxième semestre, la France va avoir à son tour la présidence de l'Union européenne et donc diriger les grandes réunions européennes. Dès aujourd'hui, à Matignon, il y a la réunion bimensuelle du gouvernement qui porte sur ce sujet. Vous allez commencer à préparer cette présidence. Vous vous y prenez très à l'avance ?
R - C'est normal. Présider l'Union européenne, surtout quand on est la France, est extraordinairement important. C'est le moment où l'on peut donner des impulsions. Contrairement à ce que pensent parfois nos concitoyens, les impulsions sont données par les politiques, c'est-à-dire par les gouvernements réunis dans ce qu'on appelle "le Conseil", soit le Conseil des ministres, soit le Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement - le Sommet. Quand la France préside l'Union européenne - cela a été le cas en 1984 et 1989 - c'est souvent l'occasion d'une puissante relance. Pour cette prochaine présidence, nous savons que nous avons déjà des sujets inscrits à l'ordre du jour qui sont extrêmement lourds.
Q - Quels sujets la France va-t-elle mettre en première ligne par exemple ?
R - La défense européenne, dont on voit après le Kosovo qu'elle est nécessaire ; la réforme des institutions européennes, dont le fonctionnement n'est pas parfait ; enfin la perspective de l'élargissement pour laquelle il faut être beaucoup plus clair. Je pense aussi à tous les sujets sociaux : quel Pacte européen pour l'emploi ? Quelle relance européenne ? Quels grands travaux ? Quels nouveaux investissements dans le domaine des technologies de l'innovation ? Ce sont des sujets fondamentaux auxquels j'ajouterai volontiers l'ensemble des sujets dits sociétaux : la santé publique, la protection des consommateurs, l'environnement, l'éducation et la recherche, les affaires intérieures et la justice. On a un menu extraordinaire.
La mécanique européenne - c'est la deuxième chose que je voulais dire - est tellement compliquée qu'effectivement, il faut réfléchir un an à l'avance. Je vais prendre un exemple : il faut, dès aujourd'hui, que chaque ministre sache, dans un an, quel jour il va aller devant le Parlement européen - parce qu'il faut lui rendre compte, d'autant qu'il est de plus en plus exigeant - et aussi quel jour il va réunir telle ou telle formation du Conseil des ministres. C'est une organisation à la fois millimétrée et formidablement complexe. Il est tout à fait bénéfique, à mon avis, de s'y prendre un an à l'avance : il faut que les ministres soient mobilisés et conscients de l'ampleur de la tâche qui les attend. Cela prend probablement 50 % de leur énergie.
Q - Est-ce qu'il y a aussi à préparer la répartition des rôles entre le président de la République et le Premier ministre ?
R - C'est quelque chose qui se fait assez naturellement, dans le respect des prérogatives de l'un et de l'autre. En cohabitation, le président dirige notre délégation dans les Sommets européens, mais le gouvernement prépare les décisions. Il est donc logique que chacun soit mobilisé. Le président l'est, tout comme le gouvernement.
Q - C'est une séquence tout ce qu'il y a de constructif ? La cohabitation va jouer à plein ?
R - Nécessairement. La France parlera d'une seule voix sur ces sujets qui sont absolument fondamentaux.
Q - Le Parlement de Strasbourg a élu sa présidente, Nicole Fontaine. C'est un parlement à majorité de droite. Les gouvernements en Europe sont en majorité de gauche. C'est la cohabitation qui vient de se répandre à l'échelle de l'Europe ?
R - Non, parce que cela ne marche pas comme cela. Il n'y a pas eu de majorité élue. Mais en même temps, il est vrai que le Parlement a des prérogatives étendues et qu'il est plutôt dominé par la droite. Il va donc falloir tenir compte de lui. Je pense beaucoup plus à un dialogue, pas toujours simple, qu'à une confrontation. La personnalité de Mme Fontaine va dans ce sens. Le dialogue, parfois ferme mais sans confrontation, parce qu'elle sait très bien comment fonctionnent le Parlement et les institutions européennes.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 juillet 1999)