Texte intégral
OLIVIER MAZEROLLE
Bonsoir Monsieur BAYROU.
FRANÇOIS BAYROU
Bonsoir.
OLIVIER MAZEROLLE
Depuis samedi, depuis la rencontre de Toulouse, vous avez retrouvé le sourire, l'atmosphère a changé dans votre camp. Fallait-il ce défi lancé aux partisans de Jacques CHIRAC pour donner un coup d'envoi à votre campagne ?
FRANÇOIS BAYROU
Pourquoi ce geste a-t-il eu un tel écho ? Parce qu'on en a beaucoup entendu parler J'ai reçu pour ma part des centaines de messages et sur l'un de ces messages, il y avait une phrase très simple et qui au fond dit assez bien, je crois, les raisons de cet écho. C'était une femme chef d'entreprise qui m'écrivait : elle disait bravo, bravo, ce n'est jamais d'idées que nous manquons, c'est de courage. Et au fond, réintroduire dans la campagne électorale un geste très simple : faire face, les yeux dans les yeux, aller dire à ceux qui sont vos partenaires et devraient être vos amis même si ce n'est pas toujours le cas, leur dire qu'ils font fausse route ou qu'on a un autre chemin pour l'emporter, je crois que ça a changé l'ambiance.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors pour l'instant en tout cas, les chiffres, eux, n'ont pas changé, vous êtes toujours à 3 % dans les sondages. Alors si cet épisode de Toulouse ne changeait rien, vous iriez quand même jusqu'au bout ?
FRANÇOIS BAYROU
J'irai jusqu'au bout pour porter le message qui est le nôtre et pour indiquer qu'il faut changer la politique en France, que la manière de faire de la politique, et on va en voir de nombreux exemples ce soir, cette manière-là doit être changée, que c'est une volonté et une nécessité, que si nous ne sommes pas capables de le faire, si nous n'avons pas la force et la volonté de l'imposer, à ce moment-là, on sera très sévère avec nous, et on échouera.
GERARD LECLERC
Alors parmi vos difficultés, vous évoquez souvent des opérations de déstabilisation, des manuvres, j'imagine, venant de l'Elysée, est-ce que ce n'est pas cette thèse du complot est-ce que ce n'est pas un peu l'argument du mauvais perdant ?
FRANÇOIS BAYROU
Ecoutez, écartons cela, ça n'a aucune importance.
GERARD LECLERC
Il y a quand même eu un événement hier, c'est 109 parlementaires Démocratie libérale et UDF qui se sont ralliés directement à Jacques CHIRAC, qu'est-ce que vous allez faire, vous allez prendre des sanctions ?
FRANÇOIS BAYROU
Qu'est-ce que ce geste veut dire ? Comment les Français l'interprètent-ils ? Les Français savent qu'un engagement, c'est quelque chose de très important. Un parti politique, ça ne se choisit pas au hasard ; des idées, une étiquette, des élections, des responsabilités, des congrès, des militants et on froisse tout ça, on le jette à la poubelle pour aller signer chez le voisin ! Vous savez, je viens d'un pays, un village des Pyrénées, dans lequel lorsqu'on prenait un engagement, on n'allait pas avec des avocats signer des contrats compliqués, on faisait un geste très simple : on tendait la main et votre partenaire tapait dans la main et on disait " tope-là ". Et ça suffisait. Et ces hommes-là se seraient fait couper en morceaux plutôt que de reculer sur cet engagement-là. C'était les hommes d'honneur. On disait : parole d'homme vaut mieux qu'écrit de notaire. Eh bien moi c'est comme ça que j'aime la politique
GERARD LECLERC
Mais ceux qui sont autour de vous, n'ont pas les mêmes conceptions donc.
FRANÇOIS BAYROU
Ils n'ont pas les mêmes conceptions et ils se trompent. Et dans cette élection, les Français ne choisiront pas seulement comme on dit, des projets, des idées ; comme disait cette jeune femme, des projets et des idées, on en a toujours. Ils choisiront des hommes de parole et des femmes de parole mais c'est plus facile à trouver.
OLIVIER MAZEROLLE
Et si vous croisez Philippe DOUSTE-BLAZY ces jours-ci, vous lui dites ?
FRANÇOIS BAYROU
Je lui dis qu'il se trompe, qu'il fait un mauvais calcul je ne vais pas avoir d'affrontement.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors dans le fond, à Toulouse, vous avez dit : la force de la droite, c'est sa diversité, on ne pense pas tous la même chose. Mais vos électeurs, les électeurs de la droite, très majoritairement, souhaitent, eux, la création d'une grande formation politique à droite. Alors n'êtes-vous pas en décalage par rapport à ces électeurs ?
FRANÇOIS BAYROU
Parce que c'est une réponse toute simple : avant d'avoir réfléchi, posé le problème et eu des débats. Mais les électeurs qui sont ceux de la droite et du centre, ils savent très bien que nous ne sommes pas les mêmes ; et vous allez voir dans une minute, quand on va aborder les débats les uns après les autres, nous ne sommes pas les mêmes et heureusement parce que imaginez que 50 % des Français se rallieraient sans nuance autour de la même bannière, du même candidat et de la même étiquette, mais c'est ne rien connaître à la France. Le général de GAULLE a dit mille fois que la France, elle était aussi diverse que ses fromages et heureusement
GERARD LECLERC
Et en Allemagne, en Angleterre, il y a un grand parti conservateur.
FRANÇOIS BAYROU
En Angleterre, il y a trois mouvements : un grand mouvement du centre, un mouvement de droite et un mouvement de gauche ; et ça fonctionne comme ça et d'autant plus que c'est un scrutin à un tour. Mais n'entrons pas dans les débats : scrutin à deux tours, ça signifie forcément qu'on a une pluralité au premier tour et heureusement parce que cette pluralité, cette liberté du premier tour, c'est le droit des Français à changer, autrement c'est toujours les mêmes qu'on retrouve.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors quelles différences ? Vous êtes pour un ministère de la Sécurité, on a entendu Jacques CHIRAC dire
FRANÇOIS BAYROU
Je l'ai dit ici le premier.
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, mais enfin on a entendu Jacques CHIRAC dire : je suis pour un ministère de la Sécurité
FRANÇOIS BAYROU
Vous voulez qu'on s'arrête à la sécurité ?
OLIVIER MAZEROLLE
Attendez, on va en reparler dans un instant. Pour lutter contre le chômage, vous voulez pour les entreprises quelques emplois libres de toutes charges sociales ; il veut une baisse massive des charges sociales. Vous voulez la négociation avant l'adoption de toute loi, lui aussi. Alors où sont les différences ?
FRANÇOIS BAYROU
Prenez les sujets un par un. Ma différence principale avec Jacques CHIRAC, je le dis sans polémique, ma différence principale, c'est que je crois que les convictions sont plus importantes que le pouvoir et je pense que lui, pense que le pouvoir vient avant les convictions. Et ça fait une différence assez importante. Mais on a le droit d'avoir des différences dans le même ensemble. En tout cas j'assume les miennes et je sais qu'il y a des millions de Français qui attendent que les hommes politiques assument leurs différences. Alors prenons sujet par sujet.
GERARD LECLERC
Sur les dossiers économiques et sociaux, Jacques CHIRAC a annoncé hier un vaste programme d'allégement des charges sociales et des impôts : réduire d'un tiers l'impôt sur le revenu en cinq ans, j'imagine que vous applaudissez des deux mains.
FRANÇOIS BAYROU
Je n'applaudis ni d'une, ni de deux mains si j'ose dire, je suis navré. Parce que je me dis : ça repart pour un tour. A chaque élection dont j'ai mémoire, on a fait comme ça des promesses mirobolantes aux Français. Vous vous rendez compte : baisser les impôts d'un tiers, baisser les charges sociales de manière très importante Pendant ce temps, naturellement, les services publics, la police, la justice, tout ça est consommateur de dépenses Je vous le dis : ça ne se fera pas. Les yeux dans les yeux, les promesses mirobolantes qui expliquent qu'on peut tout promettre à tout le monde sans faire de priorité et sans hiérarchie, ça ne se tiendra pas. Et pour moi, il est plus important d'être responsable et confiant, enfin de créer la confiance quand on s'adresse aux Français en disant : ce que je dis, je peux le faire ; c'est dans l'ordre du possible et du raisonnable ; que de promettre tout à tout le monde et de se trouver ensuite confronté aux désillusions épouvantables.
GERARD LECLERC
Alors je prends un autre dossier, la sécurité, là aussi
FRANÇOIS BAYROU
Attendez Pourquoi vous ne me demandez pas ce que je ferai, moi ?
GERARD LECLERC
Je vous le demande.
FRANÇOIS BAYROU
Voilà, ne laissons pas sortir du sujet
GERARD LECLERC
Vous aviez dit que vous allégeriez les charges sociales
FRANÇOIS BAYROU
Je ferais deux choses. Je concentrerais les moyens de la nation sur la baisse des charges sociales pour que les salariés qui travaillent beaucoup et qui gagnent peu, en bas de l'échelle, aient les fruits de la croissance. Qu'ils soient enfin eux aussi associés à la progression de richesses de l'Etat nation. Et je dirai une deuxième chose : quand nous aurons la croissance, au-dessus de 2 % de croissance, tout ce qui est au-dessus de 2 %, je le rends aux Français. Ainsi les Français verraient que nous avons à la fois une hiérarchie et une priorité et qu'en même temps, ils ont un espoir de se voir rendre les fruits de la croissance. Mais ce n'est pas des promesses à tout le monde sur tout sujet et sans hiérarchie.
GERARD LECLERC
Alors je prends un autre dossier, la sécurité. Là aussi on a quand même le sentiment que vos propositions sont à peu près les mêmes que celles de Jacques CHIRAC : un grand ministère
FRANÇOIS BAYROU
D'abord parce que je les avais faites ici Mais je vais vous en citer deux
GERARD LECLERC
Oui, alors il y en a effectivement quelques-unes qui sont différentes, notamment les unités de police spécialisées pour les quartiers ou la mise sous tutelle des allocations familiales et là, surprise, on a l'impression que vous allez plus loin, pour aller plus loin, que c'est presque de la surenchère.
FRANÇOIS BAYROU
Quelle surenchère ? ! Ces propositions, je les ai faites sur ce plateau et Olivier MAZEROLLE s'en souvient
OLIVIER MAZEROLLE
En novembre dernier, oui
FRANÇOIS BAYROU
En novembre. Donc il n'y a pas de surenchère, si j'ose dire, j'avais parlé le premier. Mais ça n'a aucune importance, il n'y a pas de droits d'auteur en politique. J'ai deux différences. La première en effet, vous l'avez indiqué, c'est sur les zones de non droit. On ne peut pas s'accommoder sans prendre des engagements devant la nation, on ne peut pas s'accommoder d'avoir combien 250, 300, peut-être davantage quartiers dans lesquels aucune autorité de l'Etat ne peut entrer. Et je dis donc : en 18 mois, nous avons le devoir de changer la vie des hommes et des femmes qui vivent là. Et vous avez indiqué un des moyens : une unité de police spécialisée, il y en a d'autres, vidéo-surveillance, etc. Mais un engagement : 18 mois pour qu'il n'y ait plus de zones de non-droit et là, pour une fois, je dis : ça coûtera ce que ça coûtera. Et deuxièmement, il y a un problème énorme et qui handicape considérablement les choses en France, c'est lorsque les citoyens se sentent sans réponse en face de l'insécurité, ils n'ont aucun interlocuteur. Moi, je veux qu'il y ait quelqu'un qu'ils puissent saisir et à qui ils puissent demander des comptes et c'est pourquoi je propose que le maire, dans les grandes unités urbaines, ou le président de l'agglomération, ait autorité sur la police de proximité. Voilà deux différences très importantes. Et alors naturellement, c'est la décentralisation appliquée à la sécurité.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors une autre de vos propositions, c'est la lutte contre l'illettrisme. On a envie de vous dire : mais dans le fond, vous avez été ministre de l'Education nationale pendant quatre ans il n'y a pas si longtemps quel constat !
FRANÇOIS BAYROU
C'est qu'ayant tiré les leçons des difficultés que j'ai rencontrées sur ce point et qui est à mon avis le point crucial et celui sur lequel pas plus que d'autres je n'ai obtenu les résultats probants que je voulais, je dis : prenons le taureau par les cornes et disons une fois pour toutes ceci : le collège n'est pas fait pour apprendre à lire aux enfants. Ayons donc le courage de dire : ne pourront entrer en sixième que les élèves qui sauront lire, écrire et compter avant d'entrer en sixième.
OLIVIER MAZEROLLE
Et sinon on en fait quoi ?
FRANÇOIS BAYROU
Sinon on concentre si on les repère avant et on concentre sur eux tous les moyens de l'éducation pour leur donner dans des classes spéciales avant d'entrer en sixième, les fondamentaux sans lesquels ils ne pourront pas suivre. Et là encore, au lieu de la facilité, au lieu de subir, c'est le courage qu'on impose.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors autre grand sujet pour vous, c'est l'Europe
FRANÇOIS BAYROU
Sujet majeur.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors vous proposez une Constitution européenne, vous proposez que le président européen soit élu au suffrage universel. On a envie de vous dire : mais qu'est-ce que devient la France là-dedans ? C'est une région ?
FRANÇOIS BAYROU
Pas du tout. La France est un des Etats majeurs de l'Europe. Mais vous voyez bien : nous avons, tiens, j'espère que j'en ai dans ma poche, nous avons une monnaie, l'euro, que nous avons depuis quelques semaines. D'abord on nous avait prédit que ça marcherait très mal, ça a marché très bien comme on vient de le voir. Cette monnaie-là, en face d'elle, il faut mettre un gouvernement, il faut mettre une autorité politique capable d'assurer que la politique économique ou la fiscalité ou l'harmonisation sociale feront de l'Europe un ensemble cohérent et non pas qu'on aura des bouts qui se détacheront pour avoir des crises comme on en a vu en Argentine. S'il faut un gouvernement pour l'Europe, il faut que ce gouvernement ait une légitimité, qu'il soit élu, qu'il y ait un président qui soit élu à partir du vote des Européens. A partir de ce moment-là, l'Europe n'a plus le même visage. Elle est, par rapport aux Etats-Unis, comme l'autre pilier du grand ensemble Atlantique. Elle est en face des Etats-Unis, une voix qui peut s'exprimer pour parler de la misère du monde, pour parler du sida en Afrique, pour bâtir une défense. Notre défense actuellement on vient de le voir la défense française à partir des événements du 11 septembre, on a pu constater hélas l'état réel dans lequel elle se trouvait
OLIVIER MAZEROLLE
Mais on doit s'en remettre à la majorité dans votre plan, la fiscalité française on va aller voir les Anglais, les Allemands pour savoir ce qu'on doit faire ?
FRANÇOIS BAYROU
Ecoutez, pour l'instant en tout cas, il n'y a pas de majorité sur ce point. Il est légitime et normal qu'on aille vers une harmonisation de la fiscalité. Tous les pays en ont besoin. Sans cela, Olivier MAZEROLLE, que se passe-t-il ? Il se passe une chose très simple que nous sommes en train de constater : les cerveaux français s'en vont. Ils s'en vont pourquoi ? Ils s'en vont parce qu'ils paient moins d'impôt ailleurs
OLIVIER MAZEROLLE
Il n'y a pas de service public
FRANÇOIS BAYROU
Mais je ne plaide pas pour cela. S'il n'y a pas une harmonisation, nous n'aurons naturellement aucune arme pour peser sur les conditions de notre vie. Voilà pourquoi je plaide pour une Europe gouvernée à partir d'une démocratie européenne du suffrage universel.
GERARD LECLERC
Moi j'en reviens au président français : sur la fonction présidentielle, vous dites que vous voulez un président qui gouverne et qui soit responsable pénalement. C'est une critique directe du président actuel ?
FRANÇOIS BAYROU
Non, c'est une conviction.
GERARD LECLERC
Qui gouverne Ca veut dire pas de cohabitation par exemple ?
FRANÇOIS BAYROU
Il faut qu'il gouverne parce que je ne veux plus entendre l'homme qui est élu au suffrage universel par les Français dire : ça n'est pas moi, c'est l'autre.
GERARD LECLERC
Donc pas de cohabitation. Il faudra refuser la cohabitation.
FRANÇOIS BAYROU
D'abord j'espère qu'avec le quinquennat, la cohabitation sera beaucoup moins fréquente, et ensuite, s'il y a une majorité qui est différente de lui, le président devra prendre ses responsabilités, désigner un Premier ministre qui puisse s'entendre avec la majorité nouvelle et gouverner avec elle. Autrement dit, la coopération et pas la cohabitation. Et donc je plaide pour qu'on assume clairement le vrai sens de la Ve République : lorsqu'un homme est élu au suffrage universel ou une femme, il devient le patron, c'est lui qui doit assumer les grands choix et pas quelqu'un d'autre. Et deuxièmement, vous me dites : quelle est ma conception de la fonction présidentielle ? Je suis pour un président qui ait à l'idée de réconcilier les Français entre eux et de les rassembler et pas d'organiser perpétuellement la confrontation bloc contre bloc parce qu'avec cette confrontation, on est impuissant à résoudre les grands problèmes du pays.
GERARD LECLERC
Alors dans son livre qui sort aujourd'hui, Lionel JOSPIN, le livre " Le temps de répondre ", reproche à Jacques CHIRAC de se contenter, écrit-il, d'additionner les promesses, d'empiler les discours contradictoires. On a presque envie de dire c'est presque du BAYROU dans le texte.
FRANÇOIS BAYROU
Oui, mais moi j'ai d'autres reproches à faire à monsieur JOSPIN, c'est que depuis cinq ans, la France a reculé et depuis cinq ans, la France est moins juste. Et quand je vois, je parlais précisément de ceux-là, qui travaillent beaucoup et qui gagnent si peu, quand je vois le nombre de pauvres en France, quand je vois le nombre de ceux qui n'ont même pas un toit à mettre sur leur tête, je me dis qu'un gouvernement de gauche ne devrait pas être très fier de ce qu'il a fait. Alors moi je ne fais pas le procès systématique de l'autre camp, mais en même temps je tiens à mener de la même manière et avec la même vigueur la contestation du gouvernement de gauche et la proposition de changement que je mène pour la droite.
OLIVIER MAZEROLLE
Merci Monsieur BAYROU, nous avons passé un quart d'heure avec vous.
FRANÇOIS BAYROU
Merci à vous.
FIN-
(source http://www.bayrou.net, le 4 mars 2002)
Bonsoir Monsieur BAYROU.
FRANÇOIS BAYROU
Bonsoir.
OLIVIER MAZEROLLE
Depuis samedi, depuis la rencontre de Toulouse, vous avez retrouvé le sourire, l'atmosphère a changé dans votre camp. Fallait-il ce défi lancé aux partisans de Jacques CHIRAC pour donner un coup d'envoi à votre campagne ?
FRANÇOIS BAYROU
Pourquoi ce geste a-t-il eu un tel écho ? Parce qu'on en a beaucoup entendu parler J'ai reçu pour ma part des centaines de messages et sur l'un de ces messages, il y avait une phrase très simple et qui au fond dit assez bien, je crois, les raisons de cet écho. C'était une femme chef d'entreprise qui m'écrivait : elle disait bravo, bravo, ce n'est jamais d'idées que nous manquons, c'est de courage. Et au fond, réintroduire dans la campagne électorale un geste très simple : faire face, les yeux dans les yeux, aller dire à ceux qui sont vos partenaires et devraient être vos amis même si ce n'est pas toujours le cas, leur dire qu'ils font fausse route ou qu'on a un autre chemin pour l'emporter, je crois que ça a changé l'ambiance.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors pour l'instant en tout cas, les chiffres, eux, n'ont pas changé, vous êtes toujours à 3 % dans les sondages. Alors si cet épisode de Toulouse ne changeait rien, vous iriez quand même jusqu'au bout ?
FRANÇOIS BAYROU
J'irai jusqu'au bout pour porter le message qui est le nôtre et pour indiquer qu'il faut changer la politique en France, que la manière de faire de la politique, et on va en voir de nombreux exemples ce soir, cette manière-là doit être changée, que c'est une volonté et une nécessité, que si nous ne sommes pas capables de le faire, si nous n'avons pas la force et la volonté de l'imposer, à ce moment-là, on sera très sévère avec nous, et on échouera.
GERARD LECLERC
Alors parmi vos difficultés, vous évoquez souvent des opérations de déstabilisation, des manuvres, j'imagine, venant de l'Elysée, est-ce que ce n'est pas cette thèse du complot est-ce que ce n'est pas un peu l'argument du mauvais perdant ?
FRANÇOIS BAYROU
Ecoutez, écartons cela, ça n'a aucune importance.
GERARD LECLERC
Il y a quand même eu un événement hier, c'est 109 parlementaires Démocratie libérale et UDF qui se sont ralliés directement à Jacques CHIRAC, qu'est-ce que vous allez faire, vous allez prendre des sanctions ?
FRANÇOIS BAYROU
Qu'est-ce que ce geste veut dire ? Comment les Français l'interprètent-ils ? Les Français savent qu'un engagement, c'est quelque chose de très important. Un parti politique, ça ne se choisit pas au hasard ; des idées, une étiquette, des élections, des responsabilités, des congrès, des militants et on froisse tout ça, on le jette à la poubelle pour aller signer chez le voisin ! Vous savez, je viens d'un pays, un village des Pyrénées, dans lequel lorsqu'on prenait un engagement, on n'allait pas avec des avocats signer des contrats compliqués, on faisait un geste très simple : on tendait la main et votre partenaire tapait dans la main et on disait " tope-là ". Et ça suffisait. Et ces hommes-là se seraient fait couper en morceaux plutôt que de reculer sur cet engagement-là. C'était les hommes d'honneur. On disait : parole d'homme vaut mieux qu'écrit de notaire. Eh bien moi c'est comme ça que j'aime la politique
GERARD LECLERC
Mais ceux qui sont autour de vous, n'ont pas les mêmes conceptions donc.
FRANÇOIS BAYROU
Ils n'ont pas les mêmes conceptions et ils se trompent. Et dans cette élection, les Français ne choisiront pas seulement comme on dit, des projets, des idées ; comme disait cette jeune femme, des projets et des idées, on en a toujours. Ils choisiront des hommes de parole et des femmes de parole mais c'est plus facile à trouver.
OLIVIER MAZEROLLE
Et si vous croisez Philippe DOUSTE-BLAZY ces jours-ci, vous lui dites ?
FRANÇOIS BAYROU
Je lui dis qu'il se trompe, qu'il fait un mauvais calcul je ne vais pas avoir d'affrontement.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors dans le fond, à Toulouse, vous avez dit : la force de la droite, c'est sa diversité, on ne pense pas tous la même chose. Mais vos électeurs, les électeurs de la droite, très majoritairement, souhaitent, eux, la création d'une grande formation politique à droite. Alors n'êtes-vous pas en décalage par rapport à ces électeurs ?
FRANÇOIS BAYROU
Parce que c'est une réponse toute simple : avant d'avoir réfléchi, posé le problème et eu des débats. Mais les électeurs qui sont ceux de la droite et du centre, ils savent très bien que nous ne sommes pas les mêmes ; et vous allez voir dans une minute, quand on va aborder les débats les uns après les autres, nous ne sommes pas les mêmes et heureusement parce que imaginez que 50 % des Français se rallieraient sans nuance autour de la même bannière, du même candidat et de la même étiquette, mais c'est ne rien connaître à la France. Le général de GAULLE a dit mille fois que la France, elle était aussi diverse que ses fromages et heureusement
GERARD LECLERC
Et en Allemagne, en Angleterre, il y a un grand parti conservateur.
FRANÇOIS BAYROU
En Angleterre, il y a trois mouvements : un grand mouvement du centre, un mouvement de droite et un mouvement de gauche ; et ça fonctionne comme ça et d'autant plus que c'est un scrutin à un tour. Mais n'entrons pas dans les débats : scrutin à deux tours, ça signifie forcément qu'on a une pluralité au premier tour et heureusement parce que cette pluralité, cette liberté du premier tour, c'est le droit des Français à changer, autrement c'est toujours les mêmes qu'on retrouve.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors quelles différences ? Vous êtes pour un ministère de la Sécurité, on a entendu Jacques CHIRAC dire
FRANÇOIS BAYROU
Je l'ai dit ici le premier.
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, mais enfin on a entendu Jacques CHIRAC dire : je suis pour un ministère de la Sécurité
FRANÇOIS BAYROU
Vous voulez qu'on s'arrête à la sécurité ?
OLIVIER MAZEROLLE
Attendez, on va en reparler dans un instant. Pour lutter contre le chômage, vous voulez pour les entreprises quelques emplois libres de toutes charges sociales ; il veut une baisse massive des charges sociales. Vous voulez la négociation avant l'adoption de toute loi, lui aussi. Alors où sont les différences ?
FRANÇOIS BAYROU
Prenez les sujets un par un. Ma différence principale avec Jacques CHIRAC, je le dis sans polémique, ma différence principale, c'est que je crois que les convictions sont plus importantes que le pouvoir et je pense que lui, pense que le pouvoir vient avant les convictions. Et ça fait une différence assez importante. Mais on a le droit d'avoir des différences dans le même ensemble. En tout cas j'assume les miennes et je sais qu'il y a des millions de Français qui attendent que les hommes politiques assument leurs différences. Alors prenons sujet par sujet.
GERARD LECLERC
Sur les dossiers économiques et sociaux, Jacques CHIRAC a annoncé hier un vaste programme d'allégement des charges sociales et des impôts : réduire d'un tiers l'impôt sur le revenu en cinq ans, j'imagine que vous applaudissez des deux mains.
FRANÇOIS BAYROU
Je n'applaudis ni d'une, ni de deux mains si j'ose dire, je suis navré. Parce que je me dis : ça repart pour un tour. A chaque élection dont j'ai mémoire, on a fait comme ça des promesses mirobolantes aux Français. Vous vous rendez compte : baisser les impôts d'un tiers, baisser les charges sociales de manière très importante Pendant ce temps, naturellement, les services publics, la police, la justice, tout ça est consommateur de dépenses Je vous le dis : ça ne se fera pas. Les yeux dans les yeux, les promesses mirobolantes qui expliquent qu'on peut tout promettre à tout le monde sans faire de priorité et sans hiérarchie, ça ne se tiendra pas. Et pour moi, il est plus important d'être responsable et confiant, enfin de créer la confiance quand on s'adresse aux Français en disant : ce que je dis, je peux le faire ; c'est dans l'ordre du possible et du raisonnable ; que de promettre tout à tout le monde et de se trouver ensuite confronté aux désillusions épouvantables.
GERARD LECLERC
Alors je prends un autre dossier, la sécurité, là aussi
FRANÇOIS BAYROU
Attendez Pourquoi vous ne me demandez pas ce que je ferai, moi ?
GERARD LECLERC
Je vous le demande.
FRANÇOIS BAYROU
Voilà, ne laissons pas sortir du sujet
GERARD LECLERC
Vous aviez dit que vous allégeriez les charges sociales
FRANÇOIS BAYROU
Je ferais deux choses. Je concentrerais les moyens de la nation sur la baisse des charges sociales pour que les salariés qui travaillent beaucoup et qui gagnent peu, en bas de l'échelle, aient les fruits de la croissance. Qu'ils soient enfin eux aussi associés à la progression de richesses de l'Etat nation. Et je dirai une deuxième chose : quand nous aurons la croissance, au-dessus de 2 % de croissance, tout ce qui est au-dessus de 2 %, je le rends aux Français. Ainsi les Français verraient que nous avons à la fois une hiérarchie et une priorité et qu'en même temps, ils ont un espoir de se voir rendre les fruits de la croissance. Mais ce n'est pas des promesses à tout le monde sur tout sujet et sans hiérarchie.
GERARD LECLERC
Alors je prends un autre dossier, la sécurité. Là aussi on a quand même le sentiment que vos propositions sont à peu près les mêmes que celles de Jacques CHIRAC : un grand ministère
FRANÇOIS BAYROU
D'abord parce que je les avais faites ici Mais je vais vous en citer deux
GERARD LECLERC
Oui, alors il y en a effectivement quelques-unes qui sont différentes, notamment les unités de police spécialisées pour les quartiers ou la mise sous tutelle des allocations familiales et là, surprise, on a l'impression que vous allez plus loin, pour aller plus loin, que c'est presque de la surenchère.
FRANÇOIS BAYROU
Quelle surenchère ? ! Ces propositions, je les ai faites sur ce plateau et Olivier MAZEROLLE s'en souvient
OLIVIER MAZEROLLE
En novembre dernier, oui
FRANÇOIS BAYROU
En novembre. Donc il n'y a pas de surenchère, si j'ose dire, j'avais parlé le premier. Mais ça n'a aucune importance, il n'y a pas de droits d'auteur en politique. J'ai deux différences. La première en effet, vous l'avez indiqué, c'est sur les zones de non droit. On ne peut pas s'accommoder sans prendre des engagements devant la nation, on ne peut pas s'accommoder d'avoir combien 250, 300, peut-être davantage quartiers dans lesquels aucune autorité de l'Etat ne peut entrer. Et je dis donc : en 18 mois, nous avons le devoir de changer la vie des hommes et des femmes qui vivent là. Et vous avez indiqué un des moyens : une unité de police spécialisée, il y en a d'autres, vidéo-surveillance, etc. Mais un engagement : 18 mois pour qu'il n'y ait plus de zones de non-droit et là, pour une fois, je dis : ça coûtera ce que ça coûtera. Et deuxièmement, il y a un problème énorme et qui handicape considérablement les choses en France, c'est lorsque les citoyens se sentent sans réponse en face de l'insécurité, ils n'ont aucun interlocuteur. Moi, je veux qu'il y ait quelqu'un qu'ils puissent saisir et à qui ils puissent demander des comptes et c'est pourquoi je propose que le maire, dans les grandes unités urbaines, ou le président de l'agglomération, ait autorité sur la police de proximité. Voilà deux différences très importantes. Et alors naturellement, c'est la décentralisation appliquée à la sécurité.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors une autre de vos propositions, c'est la lutte contre l'illettrisme. On a envie de vous dire : mais dans le fond, vous avez été ministre de l'Education nationale pendant quatre ans il n'y a pas si longtemps quel constat !
FRANÇOIS BAYROU
C'est qu'ayant tiré les leçons des difficultés que j'ai rencontrées sur ce point et qui est à mon avis le point crucial et celui sur lequel pas plus que d'autres je n'ai obtenu les résultats probants que je voulais, je dis : prenons le taureau par les cornes et disons une fois pour toutes ceci : le collège n'est pas fait pour apprendre à lire aux enfants. Ayons donc le courage de dire : ne pourront entrer en sixième que les élèves qui sauront lire, écrire et compter avant d'entrer en sixième.
OLIVIER MAZEROLLE
Et sinon on en fait quoi ?
FRANÇOIS BAYROU
Sinon on concentre si on les repère avant et on concentre sur eux tous les moyens de l'éducation pour leur donner dans des classes spéciales avant d'entrer en sixième, les fondamentaux sans lesquels ils ne pourront pas suivre. Et là encore, au lieu de la facilité, au lieu de subir, c'est le courage qu'on impose.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors autre grand sujet pour vous, c'est l'Europe
FRANÇOIS BAYROU
Sujet majeur.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors vous proposez une Constitution européenne, vous proposez que le président européen soit élu au suffrage universel. On a envie de vous dire : mais qu'est-ce que devient la France là-dedans ? C'est une région ?
FRANÇOIS BAYROU
Pas du tout. La France est un des Etats majeurs de l'Europe. Mais vous voyez bien : nous avons, tiens, j'espère que j'en ai dans ma poche, nous avons une monnaie, l'euro, que nous avons depuis quelques semaines. D'abord on nous avait prédit que ça marcherait très mal, ça a marché très bien comme on vient de le voir. Cette monnaie-là, en face d'elle, il faut mettre un gouvernement, il faut mettre une autorité politique capable d'assurer que la politique économique ou la fiscalité ou l'harmonisation sociale feront de l'Europe un ensemble cohérent et non pas qu'on aura des bouts qui se détacheront pour avoir des crises comme on en a vu en Argentine. S'il faut un gouvernement pour l'Europe, il faut que ce gouvernement ait une légitimité, qu'il soit élu, qu'il y ait un président qui soit élu à partir du vote des Européens. A partir de ce moment-là, l'Europe n'a plus le même visage. Elle est, par rapport aux Etats-Unis, comme l'autre pilier du grand ensemble Atlantique. Elle est en face des Etats-Unis, une voix qui peut s'exprimer pour parler de la misère du monde, pour parler du sida en Afrique, pour bâtir une défense. Notre défense actuellement on vient de le voir la défense française à partir des événements du 11 septembre, on a pu constater hélas l'état réel dans lequel elle se trouvait
OLIVIER MAZEROLLE
Mais on doit s'en remettre à la majorité dans votre plan, la fiscalité française on va aller voir les Anglais, les Allemands pour savoir ce qu'on doit faire ?
FRANÇOIS BAYROU
Ecoutez, pour l'instant en tout cas, il n'y a pas de majorité sur ce point. Il est légitime et normal qu'on aille vers une harmonisation de la fiscalité. Tous les pays en ont besoin. Sans cela, Olivier MAZEROLLE, que se passe-t-il ? Il se passe une chose très simple que nous sommes en train de constater : les cerveaux français s'en vont. Ils s'en vont pourquoi ? Ils s'en vont parce qu'ils paient moins d'impôt ailleurs
OLIVIER MAZEROLLE
Il n'y a pas de service public
FRANÇOIS BAYROU
Mais je ne plaide pas pour cela. S'il n'y a pas une harmonisation, nous n'aurons naturellement aucune arme pour peser sur les conditions de notre vie. Voilà pourquoi je plaide pour une Europe gouvernée à partir d'une démocratie européenne du suffrage universel.
GERARD LECLERC
Moi j'en reviens au président français : sur la fonction présidentielle, vous dites que vous voulez un président qui gouverne et qui soit responsable pénalement. C'est une critique directe du président actuel ?
FRANÇOIS BAYROU
Non, c'est une conviction.
GERARD LECLERC
Qui gouverne Ca veut dire pas de cohabitation par exemple ?
FRANÇOIS BAYROU
Il faut qu'il gouverne parce que je ne veux plus entendre l'homme qui est élu au suffrage universel par les Français dire : ça n'est pas moi, c'est l'autre.
GERARD LECLERC
Donc pas de cohabitation. Il faudra refuser la cohabitation.
FRANÇOIS BAYROU
D'abord j'espère qu'avec le quinquennat, la cohabitation sera beaucoup moins fréquente, et ensuite, s'il y a une majorité qui est différente de lui, le président devra prendre ses responsabilités, désigner un Premier ministre qui puisse s'entendre avec la majorité nouvelle et gouverner avec elle. Autrement dit, la coopération et pas la cohabitation. Et donc je plaide pour qu'on assume clairement le vrai sens de la Ve République : lorsqu'un homme est élu au suffrage universel ou une femme, il devient le patron, c'est lui qui doit assumer les grands choix et pas quelqu'un d'autre. Et deuxièmement, vous me dites : quelle est ma conception de la fonction présidentielle ? Je suis pour un président qui ait à l'idée de réconcilier les Français entre eux et de les rassembler et pas d'organiser perpétuellement la confrontation bloc contre bloc parce qu'avec cette confrontation, on est impuissant à résoudre les grands problèmes du pays.
GERARD LECLERC
Alors dans son livre qui sort aujourd'hui, Lionel JOSPIN, le livre " Le temps de répondre ", reproche à Jacques CHIRAC de se contenter, écrit-il, d'additionner les promesses, d'empiler les discours contradictoires. On a presque envie de dire c'est presque du BAYROU dans le texte.
FRANÇOIS BAYROU
Oui, mais moi j'ai d'autres reproches à faire à monsieur JOSPIN, c'est que depuis cinq ans, la France a reculé et depuis cinq ans, la France est moins juste. Et quand je vois, je parlais précisément de ceux-là, qui travaillent beaucoup et qui gagnent si peu, quand je vois le nombre de pauvres en France, quand je vois le nombre de ceux qui n'ont même pas un toit à mettre sur leur tête, je me dis qu'un gouvernement de gauche ne devrait pas être très fier de ce qu'il a fait. Alors moi je ne fais pas le procès systématique de l'autre camp, mais en même temps je tiens à mener de la même manière et avec la même vigueur la contestation du gouvernement de gauche et la proposition de changement que je mène pour la droite.
OLIVIER MAZEROLLE
Merci Monsieur BAYROU, nous avons passé un quart d'heure avec vous.
FRANÇOIS BAYROU
Merci à vous.
FIN-
(source http://www.bayrou.net, le 4 mars 2002)