Interview de M. Alain Madelin, président de Démocratie libérale et candidat à l'élection présidentielle, à La Chaîne info le 22 mars 2002, sur les sondages sur les intentions de vote, la sécurité, la justice, les retraites et les fonds de pension.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser Tenez-vous votre comptabilité à jour pour ce qui concerne vos signatures, avez-vous reçu l'état des lieux de...
- "Oui, oui, elles arrivent à bon rythme au Conseil constitutionnel."
Vous avez déjà les 500 ?
- "Non, pas encore. Mais c'est normal, parce qu'il y a des tas de gens qui n'ont pas encore définitivement envoyé leur parrainage. Donc, on les rappelle au téléphone et ça vient."
Pas de souci ?
- "Non, non, je n'ai pas d'inquiétude, rassurez-vous."
Bon, donc pas de pression ?
- "Non. C'est vrai que ce n'est pas si facile que ça, parce qu'il y a des tas de gens qui aimeraient qu'il y ait un seul candidat à droite, c'est clair. Mais je serai à l'arrivée."
Deux sondages, ce matin, qui retiennent l'attention. Le premier, du Parisien, fait par le CSA : 57 % des Français trouvent qu'il n'y a pas de différence entre les programmes de J. Chirac et L. Jospin. Deuxième, Libération, encore plus fort : 75 % des personnes interrogées disent qu'il n'y a pas de différence. Qu'est-ce que ça vous inspire ?
- "Non, je pense qu'il y a des différences, bien sûr. Mais ce n'est pas la peine de les exagérer artificiellement. J. Chirac et L. Jospin, pour des raisons similaires d'ailleurs, ont placé l'un et l'autre leur campagne au centre. Ce qui fait que, de mon point de vue, les propositions souvent sont trop timides, trop tièdes, très en retard par rapport à ce qu'il faudrait faire. Alors, ce n'est pas la peine de faire semblant non plus de s'affronter sur des tas de sujets. Sur la sécurité, les points de vue des uns et des autres se sont considérablement rapprochés..."
Y compris le vôtre...
- "Ecoutez, ce sont plutôt les autres qui se sont rapprochés de mon point de vue, puisque ça fait longtemps que, pour ma part, je dis : attention, on ne peut pas parler de sécurité si on ne donne pas d'abord des moyens très forts à la justice. Parce que..."
C'est vrai !
- "... parce que si la justice n'a pas les moyens de faire assurer le respect de la loi, ça ne sert à rien. Donc, il faut des centres pour les mineurs délinquants ; donc, il faut des moyens à la justice ; donc, il faut que les tribunaux puissent fonctionner, que les plaintes puissent être suivies etc. Donc, les programmes sont au fond assez similaires, sauf que, ni Chirac, ni à plus forte raison, L. Jospin, ne disent une chose extrêmement importante : il faut de nouvelles prisons, non seulement pour humaniser les prisons qui existent aujourd'hui, mais pour augmenter le nombre de place dans les prisons. Pourquoi ? Parce qu'à l'heure actuelle, vous avez souvent la moitié des peines ou le tiers des peines de prison qui sont prononcées, qui ne sont pas exécutées. Si vous ne changez rien à cela, ça ne sert à rien de parler d'impunité zéro, c'est du "bla-bla-bla", ça signifiera que demain, vous aurez toujours la moitié ou le tiers des peines de prison qui ne seront pas exécutées et il n'y aura pas d'impunité. Donc, voilà un exemple de différences, je crois. Et sur d'autres sujets, je souhaite aller beaucoup plus loin que ne vont et l'un et l'autre, même si, naturellement, mes propos sont beaucoup plus proches de ceux de J. Chirac que de ceux de L. Jospin. Parce que j'ai été très surpris du projet de L. Jospin, qui est un projet qui ne me paraît pas du niveau d'un candidat à l'élection présidentielle. Je prends juste un exemple : il y a une grande réforme de l'Etat à faire ; cette réforme de l'Etat passe par la régionalisation. Il n'y a pas une ligne, ou plus exactement si, il y a une ligne dans le programme de Jospin seulement sur la régionalisation. Alors que c'est la grande réforme, on a besoin pour décoincer, débloquer la France, d'une grande réforme régionale. C'est la raison pour laquelle, je propose une grande ambition, en faveur de vrais gouvernements régionaux, une grande réforme institutionnelle et constitutionnelle."
Selon vous l'élection va jouer sur la crédibilité, comme on semble le dire maintenant ?
- "Il y a deux tours à une élection : il y a le deuxième tour, on dit ce que l'on ne veut pas. Et puis au premier tour, on dit ce que l'on veut. Et tout se passe comme si on voulait faire l'économie du premier tour. Eh bien, je veux offrir au premier tour les choix forts des réformes fortes, qui sont non seulement nécessaires pour la France, mais qui sont mises en oeuvre partout autour de nous. Prenons un exemple avec l'école : on ne peut pas continuer comme ça ! Souvenez-vous de ce que disait Allègre, il y a quelque temps. Donc, il y a besoin de réformes fortes ; l'autonomie des établissements scolaires, la liberté de choix des parents de l'école de leurs enfants. Voilà un exemple de différences que je souhaite faire entendre au premier tour. Et c'est l'utilité du premier tour."
Aujourd'hui, tout le monde parle des retraites, en disant qu'il faut réformer, modifier le système de paiement, même s'il faut garder le système par répartition. Vous y ajoutez quelque chose ?
- "Oui, là, il y a un problème de crédibilité, parce que la réforme des retraites et des fonds de pension, il aurait fallu la faire, quand je le proposais dans les années 1980. Parce que là, aujourd'hui, on n'aurait pas de problèmes de retraites. Alors, aujourd'hui, tout le monde s'aperçoit..."
Cela n'a pas été fait...
- "Oui... Tout le monde dit à peu près la même chose. Simplement, les gens hésitent à dire franchement les choses."
L'épargne salariale, les fonds de pension c'est la même chose ?
- "Oui..."
Oui ?
- "Chirac parle de "fonds de pension", bien, très bien. L. Jospin parle "d'épargne-retraite", c'est-à-dire un fonds de pension qui n'ose pas dire son nom. Mais derrière tout ça, je crains que l'on nous propose de construire de véritables usines à gaz. Moi, je propose de vrais fonds de pension, comme on le fait dans tous les pays autour de nous, qu'ils soient de gauche, de droite, parce que c'est une proposition de bon sens pour préparer l'avenir des retraites. Des fonds de pension avec un système fiscal d'exonération fiscale simple, à la disposition de tout le monde, comme c'est déjà le cas pour les fonctionnaires ou comme c'est déjà le cas pour les professions indépendantes."
Quand L. Jospin dit, comme hier soir, à Marseille que "J. Chirac veut privatiser le modèle social français", ce sont des mots ?
- "Ecoutez, j'ai vu, et L. Jospin et J. Chirac, la main dans la main, à Barcelone, pour défendre le monopole de l'électricité et interdire l'ouverture à la concurrence. Alors, L. Jospin pousse peut-être le bouchon un peu loin..."
Vous parlez aussi de privatiser le parc HLM ?
- "Ah oui."
Cela semble une bonne idée, mais il y a beaucoup de gens qui n'ont pas les moyens de se payer leur logement.
- "Attendez. D'abord, premièrement, ce que je voudrais, c'est que les Français puissent devenir très largement propriétaires de leur logement. Et davantage de maisons individuelles, plutôt que des tours d'ailleurs. Et mon objectif est que deux Français sur trois..."
Mais alors, quand vous dites ça, ça réduit la mobilité des gens aussi !
- "Mais non, pas du tout... Deux Français sur trois propriétaires de leur logement. Avec un système de prêt, sur une longue durée, sur 30 ans, sur 40 ans, à bas taux d'intérêt, avec un système de prêt hypothécaire, qui justement favorise la mobilité, comme c'est le cas aux Pays-Bas, en Allemagne. Il faut prendre des exemples autour de nous. Donc, ça, c'est possible. Et puis je voudrais surtout que, dans ces grandes cités, un peu inhumaines, les gens puissent devenir propriétaires de leur logement. Et si on leur avait prêté de l'argent à eux, plutôt que le prêter aux Offices HLM, depuis longtemps, eh bien ils seraient déjà propriétaires de leur logement. Alors, ce que je propose, c'est de transformer au fond, les loyers qui sont payés aujourd'hui, par un mécanisme simple [inaudible], pour qu'en quelques années de dernières mensualités, qu'ils deviennent propriétaires de leur logement. Cela change tout. Parce que, lorsqu'on est propriétaire de son logement, cela change les comportements. Et c'est un des exemples de mesures fortes dont nous avons besoin pour faire en sorte que ces cités, ces quartiers, qui aujourd'hui font "France à part", puissent revenir dans notre France."
N. Mamère a dit : "Si je fais moins de 5 %, je retourne dans le journalisme". Quel est votre objectif à vous ? A partir de quel moment vous considéreriez que vous auriez échoué et que feriez-vous dans ce
cas-là ?
- "Je n'en sais rien, je n'en suis pas là. Pour l'instant, j'en suis à essayer de faire le meilleur premier tour possible. Je regarde les études d'opinion, je voyais qu'il y avait 4 % de Français qui étaient sûrs de voter pour moi. Et il y en avait 16 % qui disaient : "Je pourrais peut-être voter pour A. Madelin". Et il y en avait, je crois, 45 ou 46 % qui disaient : "Je ne voterai pas pour A. Madelin, mais il y a beaucoup de choses qu'il dit et qui me sont sympathiques". Voyez, j'ai de la réserve pour le premier tour."
Il faut la transformer !
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 mars 2002)