Texte intégral
Cher Président, Chers amis,
Cher Henri, je voudrais moi aussi saluer la présence à ce Congrès de l'AGPB, de Xavier Beulin pour la FOP et de Christophe Terrain pour l'AGPM : il est tout à fait normal et légitime que les grandes cultures se retrouvent représentées ici étant donné les nombreux points communs qui les réunissent dans la défense syndicale et professionnelle.
Je pense qu'il est aussi nécessaire que les grandes cultures soient en relation avec l'ensemble des Associations Spécialisées de la FNSEA, car nous sommes confrontés aux même questions et la situation des uns est liée à celle des autres.
A l'occasion du 75 ème anniversaire de l'AGPB je voudrais saluer le travail effectué tout au long de ces années par l'AGPB, pour la filière céréalière, que vous avez accompagnée dans son ensemble à travers l'ONIC.
Mais je voudrais aussi saluer le rôle joué par l'AGPB en faveur de l'agriculture française en général.
Enfin, je souhaite souligner le rôle de l'AGPB dans la construction du syndicalisme et de la FNSEA.
La FNSEA est ainsi devenue l'organisation que nous connaissons aujourd'hui, qui réussit à croiser la représentation territoriale au travers de 94 départements et celle des productions avec ses 38 associations spécialisées. Ce mode de représentation nous est envié à l'extérieur et les dirigeants du MEDEF m'ont confié qu'ils s'en sont inspirés pour réorganiser leur propre structure.
Alors, maintenir ces équilibres n'est pas toujours simple, mais c'est absolument primordial pour assurer la stabilité et la pérennité de notre organisation.
L'AGPB a toujours fait le choix de l'organisation des marchés et s'est engagée dans la mise en place et le développement de l'OCM. Elle a toujours fait le pari de l'Europe et de la Pac. Bien sûr, en agriculture nous sommes souvent très critiques à l'égard de l'Europe, qu'il s'agisse de la baisse des prix, des quotas laitiers, du budget et j'en passe. Mais nous n'avons pas le droit de jeter la Pac aux orties. Elle a été le vecteur d'un développement extraordinaire pour l'agriculture française. Depuis quarante ans elle n'a pas cessé d'évoluer, de faire face aux mutations, même si cela n'a pas toujours été facile.
Je voudrais aussi souligner le rôle clé joué par l'AGPB et le secteur céréalier dans la modernisation de notre agriculture, dans l'économie agricole et le développement, avec UNIGRAINS et l'ITCF. L'action d'UNIGRAINS n'est pas assez connue et mise en valeur sur le terrain tant elle est intériorisée dans l'économie et le développement agricole. Mais je peux en témoigner, moi qui appartiens à un département où les productions animales, notamment, sont bien présentes, le coup de pouce qui est donné est vraiment essentiel et participe à la valeur ajoutée et à l'investissement.
Aussi, puisque nous évoquions ce matin la solidarité dans le monde agricole, et que le Président Henri de Benoist évoquait le rôle d'un de ses prédécesseurs, le Président Deleau, je voudrais dire qu'il ne faut pas regretter l'effort de solidarité consenti hier. Même si elle évolue dans ses formes, la solidarité, pour l'agriculture, pour la France, restera toujours indispensable, devant les défis que nous devons relever.
Quels sont ces défis aujourd'hui, et quelle agriculture faut-il promouvoir pour y répondre ?
Une agriculture qui fait face à la demande des consommateurs et de la société.
L'époque pendant laquelle on pouvait produire sans se soucier du reste est révolue. Les mécanismes européens et l'intervention ont favorisé le développement des céréales, de la viande bovine, du lait, voire du vin et d'autres productions. Nous sommes maintenant face à des marchés de plus en plus ouverts.
1- Alors face à la libéralisation des marchés, il nous faut une agriculture compétitive.
Mais la compétitivité ne doit pas signifier à tout coup le prix le plus bas. Aujourd'hui, aucun pays ne peut dire qu'il est au prix mondial sur toutes les productions. En viande bovine, c'est l'Argentine qui s'en rapproche, pour les céréales, les Etats-Unis, pour le lait, la Nouvelle Zélande. Alors attention à cette référence au prix mondial. Surtout que nous ne sommes pas tous dans les même conditions, en raison des distorsions monétaires, sociales, environnementales et sanitaires. Même si je ne suis pas favorable à une baisse systématique des prix, avec les baisses de revenus qu'elle provoque, il faut le reconnaître, la baisse du prix des céréales nous a permis dans une certaine mesure de reconquérir des parts du marché intérieur.
2- Une agriculture de qualité.
On en a parlé dans d'autres secteurs et je salue aussi votre réflexion en la matière, à la suite des travaux de ce matin. Je n'y reviendrais pas.
Mais je voudrais qu'on arrête enfin d'opposer une agriculture compétitive à une agriculture de qualité. Nous avons le devoir de démontrer qu'il est possible de conjuguer qualité et modernité. Je ne parle pas de productivisme effréné, mais de conjuguer les gains de productivité et la qualité.
3- une agriculture qui crée de la valeur ajoutée.
Créer de la valeur dans l'exploitation et en dehors de l'exploitation: c'est l'orientation de notre congrès d'Epinal en 1995. Je voudrais rappeler que la valeur ajoutée ne se réduit pas à vendre des produits sur le bord de la route. Cela consiste à créer tous les éléments de valorisation des produits. Et cette démarche n'est pas exclusive, elle n'empêche pas de continuer à vendre des produits de base. Il faut faire les deux.
Il faut aussi pouvoir capter la majeure partie de cette valeur ajoutée.
Enfin et cela est de plus en plus important,
4- une agriculture qui prenne en compte l'évolution de la demande des consommateurs et de la société.
Que cela nous plaise ou non, il faut tenir compte de cette donnée. Même si les "écolos" ou certaines associations de consommateurs nous agacent parfois, nous ne pouvons pas les ignorer, nous devons les écouter, dialoguer, si nous voulons qu'ils nous comprennent.
La crise de la dioxine le démontre bien. Et nous sommes tous concernés, nous pouvons tous un jour être confrontés à une question de sécurité alimentaire. Or dans cette crise, l'application maximale du principe de précaution, alliée à une campagne outrancière dans les média, a fait perdre le sens de la proportion entre les réactions et les problèmes initiaux. Des élevages ont été mis sous séquestre, mais finalement rien n'a été trouvé. Les mesures de séquestre ont été levées et il faudra bien indemniser les producteurs concernés.
Alors nous avons appelé à un véritable débat de société, car nous en avons assez que se soient les agriculteurs qui "trinquent" à chaque problème de sécurité alimentaire. Il s'agit des farines animales, qui ne sont que la transformation de déchets consommables, mais aussi des boues.
Les fraudeurs doivent être sanctionnés : c'est le rôle des pouvoirs publics.
Les agriculteurs sont prêts à jouer leur rôle d'épurateur en matière de boues urbaines. Mais nous avons aussi le devoir de protéger les agriculteurs et les consommateurs !
J'avais dit à Mme Voynet qu'il fallait un débat national sur ces boues. Elle m'a répondu que ce sujet ne posait pas problème. Eh bien, tant qu'il ne sera pas interdit à toutes les filières et à la grande distribution de refuser nos produits sous prétexte que nous épandons ces boues, tant que leur innocuité ne sera pas démontrée, nous suspendrons l'épandage !
Sur l'environnement nous devons faire savoir ce que nous avons fait. Nous voulons privilégier la responsabilité et la prévention. La TGAP ne va pas dans ce sens. Nous sommes prêts à améliorer les pratiques, en particulier sur les phytosanitaires, et à ce que soient pénalisés les excédents d'azote. Mais une taxe uniforme, appliquée à tous, c'est inacceptable !
Le ministre de l'agriculture dit qu'il s'y oppose. Mais nous ferons les comptes quand la décision sera prise !
Quelques mots sur la multifonctionnalité. La multifonctionnalité est une réalité, dans toutes les régions, pas seulement en montagne. Faites le compte du nombre des jeunes agriculteurs qui s'installent en céréales avec une activité complémentaire à l'extérieur ! La multifonctionnalité est une réalité et une nécessité économique qu'il faut faire reconnaître.
Venons-en à la réforme de la PAC et à son application nationale.
Quelques éléments pour clarifier la position prise par la FNSEA dans les négociations de l'Agenda 2000. Elle consistait à s'opposer à la baisse "systématique" des prix. C'était le résultat d'un arbitrage interne, qui a tenu compte du fait que pour certains, la baisse était envisageable sur les céréales alors que d'autres, majoritaires, s'opposaient aux baisses sur les autres productions. Nous avons aussi défendu les organisations communes de marché.
En définitive, comparé aux déclarations du ministre de l'agriculture au dernier Congrès de la FNSEA, Berlin est une grande victoire. Mais ce compromis final n'en est pas satisfaisant pour autant.
On ne donnait pas cher de nos chances d'infléchir les choses à Berlin. Mais nous nous sommes battus et nous avons avancé, grâce également à l'appui du Président de la République. Sans cela le résultat aurait été pire encore.
Le gouvernement et le ministre de l'Agriculture ont maintenant la responsabilité d'appliquer cette réforme. La première priorité est de mettre tout en uvre pour combler les lacunes. C'est pourquoi nous avons demandé une Conférence Agricole. Ce n'est pas comme on nous en a accusé, pour demander à tout prix de l'argent, mais pour prendre en compte l'ensemble des évolutions, et les adaptations fiscales, sociales etc..qui sont envisageables. Notamment pour combler les lacunes sur les oléo-protéagineux, ce qui est absolument prioritaire.
Le ministre a alors créé des groupes de travail. Nous avons insisté pour que la simplification administrative soit un des thèmes examinés, car les contraintes bureaucratiques sont trop lourdes.
Les volets fiscaux et sociaux agricoles seront aussi examinés dans ce cadre.
La politique française, à la suite de la loi d'orientation, doit aussi être cohérente avec les orientations européennes. Qu'il s'agisse de fiscalité, de statut des entreprises et des personnes, de transmission, de développement des exploitations, d'assurance récolte.
Mais surtout il faut aller plus loin que la loi d'orientation agricole sur le pouvoir économique des producteurs. Evitons que dans quelques années, les agriculteurs ne deviennent adhérants de syndicats de salariés, une fois transformés en sous-traitants sous le coup d'une intégration rampante.
Relançons la démarche interprofessionnelle.
Travaillons aussi avec l'ensemble de la société, sur les questions sanitaires, les OGM, l'environnement.
Il ne faut pas se faire peur avec la modulation et nous devons en discuter. La FNSEA a précisé lors de différents Congrès qu'elle ne pourrait l'envisager que si elle restait à la marge et dans un cadre européen, sans introduire de distorsions de concurrence entre les différents pays. L'Europe n'a pu mettre en place aucun plafonnement européen, contrairement aux Etats-Unis, plus pragmatiques, qui l'ont appliqué chez eux. Nous héritons d'une modulation nationale. Elle devra tenir compte des positions des différents Etats en Europe et rester à la marge.
Je mets aussi en garde contre la tentation de se focaliser uniquement sur la modulation, indépendamment des autres questions en suspens.
Mais attention aux fausses victoires ! Si la modulation était abandonnée par le gouvernement, mais que nous nous retrouvions avec une TGAP a 2,5 milliards par exemple, qui reviendrait au budget de l'Etat, nous ne serions pas gagnants !
Alors oui, il faut adopter des positions fermes et j'ai bien entendu les mises en garde que vous avez exprimé, mais il faut aussi savoir comment on fait évoluer les choses et le Président de la FNSEA doit préserver les équilibres internes. La FNSEA a abordé ce sujet dans le cadre de son dernier Congrès et il sera tenu compte de l'avis de tous; pour l'instant nous n'en sommes qu'au début de la discussion avec le gouvernement et le ministre assurera le financement des CTE en 2000 sans modulation. Donc ce débat devra être poursuivi en gardant à l'esprit qu'il ne faut pas détruire la capacité économique de nos exploitations, je l'ai dit au début et je suis d'accord avec vous là dessus.
Notre travail est aussi de communiquer avec l'opinion publique et d'avoir des messages sur les OGM, l'environnement, la santé. C'est pourquoi dans le cadre de la loi d'orientation agricole j'ai insisté personnellement sur la nécessité sur la création d'un fonds de communication et de valorisation de l'agriculture.
La distance s'est creusée progressivement entre les consommateurs et les agriculteurs. Il faut dire aux premiers, en particulier à nos enfants, que le poulet, le lapin qu'ils ont dans leur assiette, a dû passer de la vie à la mort. Si nous n'arrivons pas à expliquer le cycle de la vie aux consommateurs, nous ne serons plus des agriculteurs demain, mais nous deviendrons peut-être des industriels. C'est tout cela que je veux développer à travers un fonds de communication, en plus de la publicité qu'on peut faire sur les produits : ce fonds doit être un levier pour expliquer l'agriculture.
Dernier point que je voudrais développer : les négociations de l'Organisation Mondiale du Commerce à Seattle.
Il faut être pragmatiques et pas naïfs. La preuve : une dépêche A.F.P. tombée hier, précise encore que les organisations agricoles américaines ont demandé au gouvernement Clinton 6 à 8 milliards de dollars supplémentaires pour faire face aux difficultés agricoles, à la chute des prix et à la faiblesse des exportations. Alors si nous abordons ces négociations avec d'un côté ceux qui répètent : "faites ce que je dis, pas ce que je fais" et de l'autre ceux qui disent : "nous devons réduire les soutiens pour rentrer dans les contraintes internationales", nous serons perdants.
Alors nous devons donc aller dans ces négociations, baïonnette au fusil et avec le drapeau. Nous avons décidé d'y aller et nous serons bien présents. Les Américains vont mettre le paquet sur la communication. Nous aussi, nous allons nous organiser.
Cela commence par faire pression sur nos négociateurs français et européens : ils n'y échapperont pas. Si l'Europe, dès le départ des négociations, veut trouver des arrangements avec les Américains et les autres, nous sommes battus d'avance. Pour revenir sur les farines animales, avant de mettre Blair House en route, s'il est décidé en Europe de suspendre les farines animales, nous n'avons pas à demander l'accord des Américains : il s'agit d'une question de consommation intérieure. Pour obtenir cette mesure, il faut en affirmer la volonté : passons aux actes, mettons-la en uvre, nous attendrons ensuite qu'on nous tire dessus!
L'attitude de l'Union Européenne face aux Etats-Unis est scandaleuse. On a découvert que 12% des 8000 tonnes de viande bovine déclarée sans hormones, importées des Etats-Unis, comportaient des hormones, interdits même aux Etats-Unis. Que dit la Commission ? Messieurs les Américains, attention ! Vous allez avoir un embargo le 15 juin ! Quand pour notre part, nous avons un problème sur la volaille, pour seulement 282 tonnes exportées vers les Etats-Unis, sur un total de consommation américaine de 13 Millions de tonnes, la réaction est immédiate : embargo, campagne sur CNN, réactions unitaires du Congrès
Alors n'ayons pas peur de monter au créneau, sur les hormones, la banane, les OGM etc
Nous avons donc décidé d'être présents à Seattle, non pas chaque OPA de son côté, mais de manière coordonnée pour faire avancer les choses. Et nous avons demandé dans un cadre européen que nous rejoignent tous ceux qui sont intéressés par notre démarche. Nous rencontrons les Allemands dans cette optique et j'espère qu'ils seront avec nous.
Pour finir, quelques mots sur la FNSEA. Pour vous dire, comme Henri de Benoist l'a déclaré tout à l'heure, que la FNSEA est très complexe. C'est vrai. Mais cette complexité reflète celle de l'agriculture. Imaginons où nous en serions si nous devions demain défendre nos intérêts production par production, département par département, les uns après les autres ?
Pour l'éviter, cela suppose qu'il y ait débat entre nous et j'essaie en tant que Président de la FNSEA de faciliter ce débat au maximum. J'ai appris en sept ans de Présidence et même depuis plus longtemps, qu'il fallait d'abord écouter. Puis, il faut adopter une position commune, dans la ligne définie par nos Congrès. Je vous demande simplement de nous permettre de continuer à débattre, dans le respect des personnes et des idées, pour essayer de trouver une position commune. Enfin, une fois cette position commune adoptée, il faut, non pas simplement la défendre, mais l'appliquer. N'oublions pas que nous négocions avec d'autres interlocuteurs, qui ont beau jeu d'exploiter nos divisions. Je lance donc un appel à l'unité. Mais unité ne veut pas dire uniformité : nous devons reconnaître nos différences. Car il faut d'abord reconnaître que l'on est différent, pour éprouver le besoin d'être unis.
Je vous remercie.
(Source http://www.fnsea.fr, le 12 février 2001)
Cher Henri, je voudrais moi aussi saluer la présence à ce Congrès de l'AGPB, de Xavier Beulin pour la FOP et de Christophe Terrain pour l'AGPM : il est tout à fait normal et légitime que les grandes cultures se retrouvent représentées ici étant donné les nombreux points communs qui les réunissent dans la défense syndicale et professionnelle.
Je pense qu'il est aussi nécessaire que les grandes cultures soient en relation avec l'ensemble des Associations Spécialisées de la FNSEA, car nous sommes confrontés aux même questions et la situation des uns est liée à celle des autres.
A l'occasion du 75 ème anniversaire de l'AGPB je voudrais saluer le travail effectué tout au long de ces années par l'AGPB, pour la filière céréalière, que vous avez accompagnée dans son ensemble à travers l'ONIC.
Mais je voudrais aussi saluer le rôle joué par l'AGPB en faveur de l'agriculture française en général.
Enfin, je souhaite souligner le rôle de l'AGPB dans la construction du syndicalisme et de la FNSEA.
La FNSEA est ainsi devenue l'organisation que nous connaissons aujourd'hui, qui réussit à croiser la représentation territoriale au travers de 94 départements et celle des productions avec ses 38 associations spécialisées. Ce mode de représentation nous est envié à l'extérieur et les dirigeants du MEDEF m'ont confié qu'ils s'en sont inspirés pour réorganiser leur propre structure.
Alors, maintenir ces équilibres n'est pas toujours simple, mais c'est absolument primordial pour assurer la stabilité et la pérennité de notre organisation.
L'AGPB a toujours fait le choix de l'organisation des marchés et s'est engagée dans la mise en place et le développement de l'OCM. Elle a toujours fait le pari de l'Europe et de la Pac. Bien sûr, en agriculture nous sommes souvent très critiques à l'égard de l'Europe, qu'il s'agisse de la baisse des prix, des quotas laitiers, du budget et j'en passe. Mais nous n'avons pas le droit de jeter la Pac aux orties. Elle a été le vecteur d'un développement extraordinaire pour l'agriculture française. Depuis quarante ans elle n'a pas cessé d'évoluer, de faire face aux mutations, même si cela n'a pas toujours été facile.
Je voudrais aussi souligner le rôle clé joué par l'AGPB et le secteur céréalier dans la modernisation de notre agriculture, dans l'économie agricole et le développement, avec UNIGRAINS et l'ITCF. L'action d'UNIGRAINS n'est pas assez connue et mise en valeur sur le terrain tant elle est intériorisée dans l'économie et le développement agricole. Mais je peux en témoigner, moi qui appartiens à un département où les productions animales, notamment, sont bien présentes, le coup de pouce qui est donné est vraiment essentiel et participe à la valeur ajoutée et à l'investissement.
Aussi, puisque nous évoquions ce matin la solidarité dans le monde agricole, et que le Président Henri de Benoist évoquait le rôle d'un de ses prédécesseurs, le Président Deleau, je voudrais dire qu'il ne faut pas regretter l'effort de solidarité consenti hier. Même si elle évolue dans ses formes, la solidarité, pour l'agriculture, pour la France, restera toujours indispensable, devant les défis que nous devons relever.
Quels sont ces défis aujourd'hui, et quelle agriculture faut-il promouvoir pour y répondre ?
Une agriculture qui fait face à la demande des consommateurs et de la société.
L'époque pendant laquelle on pouvait produire sans se soucier du reste est révolue. Les mécanismes européens et l'intervention ont favorisé le développement des céréales, de la viande bovine, du lait, voire du vin et d'autres productions. Nous sommes maintenant face à des marchés de plus en plus ouverts.
1- Alors face à la libéralisation des marchés, il nous faut une agriculture compétitive.
Mais la compétitivité ne doit pas signifier à tout coup le prix le plus bas. Aujourd'hui, aucun pays ne peut dire qu'il est au prix mondial sur toutes les productions. En viande bovine, c'est l'Argentine qui s'en rapproche, pour les céréales, les Etats-Unis, pour le lait, la Nouvelle Zélande. Alors attention à cette référence au prix mondial. Surtout que nous ne sommes pas tous dans les même conditions, en raison des distorsions monétaires, sociales, environnementales et sanitaires. Même si je ne suis pas favorable à une baisse systématique des prix, avec les baisses de revenus qu'elle provoque, il faut le reconnaître, la baisse du prix des céréales nous a permis dans une certaine mesure de reconquérir des parts du marché intérieur.
2- Une agriculture de qualité.
On en a parlé dans d'autres secteurs et je salue aussi votre réflexion en la matière, à la suite des travaux de ce matin. Je n'y reviendrais pas.
Mais je voudrais qu'on arrête enfin d'opposer une agriculture compétitive à une agriculture de qualité. Nous avons le devoir de démontrer qu'il est possible de conjuguer qualité et modernité. Je ne parle pas de productivisme effréné, mais de conjuguer les gains de productivité et la qualité.
3- une agriculture qui crée de la valeur ajoutée.
Créer de la valeur dans l'exploitation et en dehors de l'exploitation: c'est l'orientation de notre congrès d'Epinal en 1995. Je voudrais rappeler que la valeur ajoutée ne se réduit pas à vendre des produits sur le bord de la route. Cela consiste à créer tous les éléments de valorisation des produits. Et cette démarche n'est pas exclusive, elle n'empêche pas de continuer à vendre des produits de base. Il faut faire les deux.
Il faut aussi pouvoir capter la majeure partie de cette valeur ajoutée.
Enfin et cela est de plus en plus important,
4- une agriculture qui prenne en compte l'évolution de la demande des consommateurs et de la société.
Que cela nous plaise ou non, il faut tenir compte de cette donnée. Même si les "écolos" ou certaines associations de consommateurs nous agacent parfois, nous ne pouvons pas les ignorer, nous devons les écouter, dialoguer, si nous voulons qu'ils nous comprennent.
La crise de la dioxine le démontre bien. Et nous sommes tous concernés, nous pouvons tous un jour être confrontés à une question de sécurité alimentaire. Or dans cette crise, l'application maximale du principe de précaution, alliée à une campagne outrancière dans les média, a fait perdre le sens de la proportion entre les réactions et les problèmes initiaux. Des élevages ont été mis sous séquestre, mais finalement rien n'a été trouvé. Les mesures de séquestre ont été levées et il faudra bien indemniser les producteurs concernés.
Alors nous avons appelé à un véritable débat de société, car nous en avons assez que se soient les agriculteurs qui "trinquent" à chaque problème de sécurité alimentaire. Il s'agit des farines animales, qui ne sont que la transformation de déchets consommables, mais aussi des boues.
Les fraudeurs doivent être sanctionnés : c'est le rôle des pouvoirs publics.
Les agriculteurs sont prêts à jouer leur rôle d'épurateur en matière de boues urbaines. Mais nous avons aussi le devoir de protéger les agriculteurs et les consommateurs !
J'avais dit à Mme Voynet qu'il fallait un débat national sur ces boues. Elle m'a répondu que ce sujet ne posait pas problème. Eh bien, tant qu'il ne sera pas interdit à toutes les filières et à la grande distribution de refuser nos produits sous prétexte que nous épandons ces boues, tant que leur innocuité ne sera pas démontrée, nous suspendrons l'épandage !
Sur l'environnement nous devons faire savoir ce que nous avons fait. Nous voulons privilégier la responsabilité et la prévention. La TGAP ne va pas dans ce sens. Nous sommes prêts à améliorer les pratiques, en particulier sur les phytosanitaires, et à ce que soient pénalisés les excédents d'azote. Mais une taxe uniforme, appliquée à tous, c'est inacceptable !
Le ministre de l'agriculture dit qu'il s'y oppose. Mais nous ferons les comptes quand la décision sera prise !
Quelques mots sur la multifonctionnalité. La multifonctionnalité est une réalité, dans toutes les régions, pas seulement en montagne. Faites le compte du nombre des jeunes agriculteurs qui s'installent en céréales avec une activité complémentaire à l'extérieur ! La multifonctionnalité est une réalité et une nécessité économique qu'il faut faire reconnaître.
Venons-en à la réforme de la PAC et à son application nationale.
Quelques éléments pour clarifier la position prise par la FNSEA dans les négociations de l'Agenda 2000. Elle consistait à s'opposer à la baisse "systématique" des prix. C'était le résultat d'un arbitrage interne, qui a tenu compte du fait que pour certains, la baisse était envisageable sur les céréales alors que d'autres, majoritaires, s'opposaient aux baisses sur les autres productions. Nous avons aussi défendu les organisations communes de marché.
En définitive, comparé aux déclarations du ministre de l'agriculture au dernier Congrès de la FNSEA, Berlin est une grande victoire. Mais ce compromis final n'en est pas satisfaisant pour autant.
On ne donnait pas cher de nos chances d'infléchir les choses à Berlin. Mais nous nous sommes battus et nous avons avancé, grâce également à l'appui du Président de la République. Sans cela le résultat aurait été pire encore.
Le gouvernement et le ministre de l'Agriculture ont maintenant la responsabilité d'appliquer cette réforme. La première priorité est de mettre tout en uvre pour combler les lacunes. C'est pourquoi nous avons demandé une Conférence Agricole. Ce n'est pas comme on nous en a accusé, pour demander à tout prix de l'argent, mais pour prendre en compte l'ensemble des évolutions, et les adaptations fiscales, sociales etc..qui sont envisageables. Notamment pour combler les lacunes sur les oléo-protéagineux, ce qui est absolument prioritaire.
Le ministre a alors créé des groupes de travail. Nous avons insisté pour que la simplification administrative soit un des thèmes examinés, car les contraintes bureaucratiques sont trop lourdes.
Les volets fiscaux et sociaux agricoles seront aussi examinés dans ce cadre.
La politique française, à la suite de la loi d'orientation, doit aussi être cohérente avec les orientations européennes. Qu'il s'agisse de fiscalité, de statut des entreprises et des personnes, de transmission, de développement des exploitations, d'assurance récolte.
Mais surtout il faut aller plus loin que la loi d'orientation agricole sur le pouvoir économique des producteurs. Evitons que dans quelques années, les agriculteurs ne deviennent adhérants de syndicats de salariés, une fois transformés en sous-traitants sous le coup d'une intégration rampante.
Relançons la démarche interprofessionnelle.
Travaillons aussi avec l'ensemble de la société, sur les questions sanitaires, les OGM, l'environnement.
Il ne faut pas se faire peur avec la modulation et nous devons en discuter. La FNSEA a précisé lors de différents Congrès qu'elle ne pourrait l'envisager que si elle restait à la marge et dans un cadre européen, sans introduire de distorsions de concurrence entre les différents pays. L'Europe n'a pu mettre en place aucun plafonnement européen, contrairement aux Etats-Unis, plus pragmatiques, qui l'ont appliqué chez eux. Nous héritons d'une modulation nationale. Elle devra tenir compte des positions des différents Etats en Europe et rester à la marge.
Je mets aussi en garde contre la tentation de se focaliser uniquement sur la modulation, indépendamment des autres questions en suspens.
Mais attention aux fausses victoires ! Si la modulation était abandonnée par le gouvernement, mais que nous nous retrouvions avec une TGAP a 2,5 milliards par exemple, qui reviendrait au budget de l'Etat, nous ne serions pas gagnants !
Alors oui, il faut adopter des positions fermes et j'ai bien entendu les mises en garde que vous avez exprimé, mais il faut aussi savoir comment on fait évoluer les choses et le Président de la FNSEA doit préserver les équilibres internes. La FNSEA a abordé ce sujet dans le cadre de son dernier Congrès et il sera tenu compte de l'avis de tous; pour l'instant nous n'en sommes qu'au début de la discussion avec le gouvernement et le ministre assurera le financement des CTE en 2000 sans modulation. Donc ce débat devra être poursuivi en gardant à l'esprit qu'il ne faut pas détruire la capacité économique de nos exploitations, je l'ai dit au début et je suis d'accord avec vous là dessus.
Notre travail est aussi de communiquer avec l'opinion publique et d'avoir des messages sur les OGM, l'environnement, la santé. C'est pourquoi dans le cadre de la loi d'orientation agricole j'ai insisté personnellement sur la nécessité sur la création d'un fonds de communication et de valorisation de l'agriculture.
La distance s'est creusée progressivement entre les consommateurs et les agriculteurs. Il faut dire aux premiers, en particulier à nos enfants, que le poulet, le lapin qu'ils ont dans leur assiette, a dû passer de la vie à la mort. Si nous n'arrivons pas à expliquer le cycle de la vie aux consommateurs, nous ne serons plus des agriculteurs demain, mais nous deviendrons peut-être des industriels. C'est tout cela que je veux développer à travers un fonds de communication, en plus de la publicité qu'on peut faire sur les produits : ce fonds doit être un levier pour expliquer l'agriculture.
Dernier point que je voudrais développer : les négociations de l'Organisation Mondiale du Commerce à Seattle.
Il faut être pragmatiques et pas naïfs. La preuve : une dépêche A.F.P. tombée hier, précise encore que les organisations agricoles américaines ont demandé au gouvernement Clinton 6 à 8 milliards de dollars supplémentaires pour faire face aux difficultés agricoles, à la chute des prix et à la faiblesse des exportations. Alors si nous abordons ces négociations avec d'un côté ceux qui répètent : "faites ce que je dis, pas ce que je fais" et de l'autre ceux qui disent : "nous devons réduire les soutiens pour rentrer dans les contraintes internationales", nous serons perdants.
Alors nous devons donc aller dans ces négociations, baïonnette au fusil et avec le drapeau. Nous avons décidé d'y aller et nous serons bien présents. Les Américains vont mettre le paquet sur la communication. Nous aussi, nous allons nous organiser.
Cela commence par faire pression sur nos négociateurs français et européens : ils n'y échapperont pas. Si l'Europe, dès le départ des négociations, veut trouver des arrangements avec les Américains et les autres, nous sommes battus d'avance. Pour revenir sur les farines animales, avant de mettre Blair House en route, s'il est décidé en Europe de suspendre les farines animales, nous n'avons pas à demander l'accord des Américains : il s'agit d'une question de consommation intérieure. Pour obtenir cette mesure, il faut en affirmer la volonté : passons aux actes, mettons-la en uvre, nous attendrons ensuite qu'on nous tire dessus!
L'attitude de l'Union Européenne face aux Etats-Unis est scandaleuse. On a découvert que 12% des 8000 tonnes de viande bovine déclarée sans hormones, importées des Etats-Unis, comportaient des hormones, interdits même aux Etats-Unis. Que dit la Commission ? Messieurs les Américains, attention ! Vous allez avoir un embargo le 15 juin ! Quand pour notre part, nous avons un problème sur la volaille, pour seulement 282 tonnes exportées vers les Etats-Unis, sur un total de consommation américaine de 13 Millions de tonnes, la réaction est immédiate : embargo, campagne sur CNN, réactions unitaires du Congrès
Alors n'ayons pas peur de monter au créneau, sur les hormones, la banane, les OGM etc
Nous avons donc décidé d'être présents à Seattle, non pas chaque OPA de son côté, mais de manière coordonnée pour faire avancer les choses. Et nous avons demandé dans un cadre européen que nous rejoignent tous ceux qui sont intéressés par notre démarche. Nous rencontrons les Allemands dans cette optique et j'espère qu'ils seront avec nous.
Pour finir, quelques mots sur la FNSEA. Pour vous dire, comme Henri de Benoist l'a déclaré tout à l'heure, que la FNSEA est très complexe. C'est vrai. Mais cette complexité reflète celle de l'agriculture. Imaginons où nous en serions si nous devions demain défendre nos intérêts production par production, département par département, les uns après les autres ?
Pour l'éviter, cela suppose qu'il y ait débat entre nous et j'essaie en tant que Président de la FNSEA de faciliter ce débat au maximum. J'ai appris en sept ans de Présidence et même depuis plus longtemps, qu'il fallait d'abord écouter. Puis, il faut adopter une position commune, dans la ligne définie par nos Congrès. Je vous demande simplement de nous permettre de continuer à débattre, dans le respect des personnes et des idées, pour essayer de trouver une position commune. Enfin, une fois cette position commune adoptée, il faut, non pas simplement la défendre, mais l'appliquer. N'oublions pas que nous négocions avec d'autres interlocuteurs, qui ont beau jeu d'exploiter nos divisions. Je lance donc un appel à l'unité. Mais unité ne veut pas dire uniformité : nous devons reconnaître nos différences. Car il faut d'abord reconnaître que l'on est différent, pour éprouver le besoin d'être unis.
Je vous remercie.
(Source http://www.fnsea.fr, le 12 février 2001)