Texte intégral
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,
Dans l'élection présidentielle à venir le seul intérêt, pour le monde du travail est d'exprimer son écoeurement et sa colère face à la politique de ceux qui nous gouvernent. Son seul intérêt est de se prononcer sur la politique qu'il nous faudra imposer pour que ceux qui ne sont pour rien dans le fonctionnement dément de l'économie n'en soient pas éternellement les victimes.
C'est vraiment le seul intérêt car le résultat final, à savoir qui, de Jospin ou de Chirac, sera le prochain président de la République, n'a aucune importance, sauf pour leurs clans politiques.
Cela fait cinq ans que ces deux hommes se partagent la direction des affaires de l'Etat. Et, au-delà de leurs personnes, cela fait vingt ans que leurs équipes, l'une sous étiquette de gauche, l'autre sous étiquette de droite, exercent le pouvoir politique, tantôt en se relayant, tantôt ensemble.
Sur ces vingt dernières années, c'est la gauche qui aura détenu le plus longtemps l'intégralité du pouvoir politique, plus de neuf ans. A la fois la présidence de la République et la direction du gouvernement. La droite, elle, a monopolisé ces deux postes pendant deux ans et un mois.
Et, pendant presque la moitié de ces vingt ans, ils auront gouverné ensemble : deux gouvernements de droite, ceux de Chirac et Balladur, sous la présidence de ce prétendu homme de gauche Mitterrand, et aujourd'hui, un gouvernement dit de gauche, celui de Jospin, sous la présidence, cette fois, de l'homme de droite Chirac.
C'est dire que la centaine de politiciens professionnels qui gouvernent ce pays, ministres, secrétaires d'Etat ou chefs de cabinets ministériels, se connaissent bien et collaborent ensemble. Les mesures que les uns commencent à appliquer, les autres les continuent, quand ils ne les élaborent pas en commun. Et la politique qu'ils mènent, ensemble ou séparément, est identique. D'ailleurs, en se remémorant ces vingt dernières années, il est bien difficile de se rappeler qui a porté les coups les plus durs contre la classe ouvrière.
Tous, autant qu'ils sont, ils gouvernent au profit de la classe des possédants, au profit de ces grands groupes industriels et financiers qui concentrent entre leurs mains toute l'économie. Ils gouvernent tous au profit de cette grande bourgeoisie dont la puissance économique est telle qu'elle a les moyens de diriger toute la société et d'influencer, quand ce n'est pas acheter, les hommes politiques.
Les représentants de la gauche gouvernementale me reprochent de ne pas faire la différence entre la gauche et la droite. Si, bien sûr, que je fais une différence entre l'électorat de droite et celui de gauche. Car les partis de gauche trouvent l'essentiel de leur électorat dans le monde du travail.
Mais, en revanche, je ne fais aucune différence politique, oui, aucune entre les hommes qui exercent le pouvoir. Toute l'expérience du passé et du présent le montre, leurs étiquettes ne leur servent qu'à abuser leurs électorats respectifs pour se faire élire. Une fois au pouvoir, ils mènent la même politique en faveur du grand patronat.
C'est une comédie qu'ils nous jouent à chaque élection pour donner à la population l'illusion que c'est elle qui décide. En réalité, les dés sont pipés et le choix donné aux électeurs est seulement de choisir entre des équipes de politiciens, mais pas entre des politiques différentes.
Ce qui compte vraiment, ce ne sont pas les étiquettes, mais la réalité sociale. La réalité, c'est que la société est divisée profondément entre cette minorité qui dispose de la fortune, des entreprises, des banques et qui exerce un pouvoir dictatorial sur l'économie et une majorité qui ne dispose de rien d'autre pour vivre que de sa capacité de travailler. Tout oppose ces deux classes sociales. Ce qui est un drame pour les travailleurs : les bas salaires, le chômage, est un avantage pour les patrons et les actionnaires. Les bas salaires augmentent leurs bénéfices et le chômage leur permet d'imposer des salaires encore plus bas.
C'est cette réalité sociale qu'on cherche à dissimuler en parlant des "intérêts de la France" ou des "intérêts des Français". C'est cette inégalité profonde qu'on veut cacher en parlant de "citoyennes et citoyens", tous égaux devant la loi, qui tous disposent d'un bulletin de vote et, donc, de la possibilité de changer le gouvernement (exceptés les travailleurs immigrés, ce qui est une injustice). Oui, le véritable antagonisme, c'est celui qui oppose les classes sociales.
Pour ma part, si je ne m'adresse qu'aux "travailleuses et travailleurs", c'est qu'on ne peut pas être à la fois dans le camp des travailleurs et dans celui de leurs exploiteurs. Par travailleuses et travailleurs, j'entends tous ceux qui produisent, qui font marcher la société : ouvriers, employés, chauffeurs routiers, techniciens, ingénieurs, cheminots. J'entends aussi tous ceux dont le travail est utile pour le présent et pour l'avenir de la société : personnel soignant, enseignants, chercheurs. Mais j'entends aussi tous ceux que l'économie capitaliste écarte de la production et transforme en chômeurs ; comme j'entends la jeunesse ouvrière à qui on ne donne même pas sa chance de trouver un travail satisfaisant ou encore les anciens qui doivent vivre, et souvent mal, de la retraite qu'on leur accorde après une existence passée au travail. Tous ceux-là constituent une seule et même classe ouvrière, quelles que soient leur situation juridique, leur origine, leur nationalité ou la couleur de leur peau.
Eh bien, sans cette vaste classe, la société ne pourrait pas fonctionner un instant, alors qu'elle pourrait se passer des patrons, des actionnaires, des financiers, des spéculateurs, des boursicoteurs ! La société pourrait se passer d'une Madame Bettencourt, première fortune de ce pays, qui gagne en une minute, sans rien faire, ce que gagnent les ouvriers de ses usines en travaillant durant un mois entier. L'économie pourrait se passer de ses semblables, presque aussi riches que la précédente, dont la principale activité consiste à se mener la guerre, à se disputer les entreprises juteuses en laissant sur leurs champs de bataille des entreprises qui ferment et des travailleurs licenciés.
Et je dirais même, la société se porterait infiniment mieux sans cette couche de privilégiés qui non seulement vit en parasite sur le travail des autres mais, plus grave encore, oriente les capacités économiques de la société en fonction de leurs seuls intérêts, quitte à ce que la société en crève !
Dans la cohabitation, à force de gouverner ensemble, la gauche comme la droite ont de plus en plus de mal à faire croire qu'elles sont différentes. Du coup, un nombre croissant d'électeurs se rendent compte que les étiquettes différentes recouvrent la même marchandise, et ils se détournent des élections.
Alors oui, pour l'électorat populaire, il y a de quoi se détourner de leurs simagrées, de leurs petites phrases, de leurs bagarres de clans destinées à cacher qu'il n'y a aucune différence dans la politique qu'ils appliqueront une fois au pouvoir.
Mais se contenter de s'abstenir, c'est s'abstenir aussi de critiquer leur politique, c'est encore leur laisser les mains libres pour mener la politique des possédants.
Si le nom qui sortira des urnes au lendemain du second tour n'a aucune espèce d'importance du point de vue des intérêts des travailleurs, le premier tour permet d'exprimer un choix politique.
Oh, ce n'est pas en raison de la multiplicité des candidatures en elle-même ! Car bien malin celui qui fait la différence entre un Madelin et un Bayrou par exemple, ou entre eux et Chirac, au profit de qui ils feront d'ailleurs voter de toute façon au second tour.
Ce n'est pas non plus en raison de la différence de discours entre les partis de la gauche plurielle pendant la campagne. On aura pu vérifier pendant les cinq ans qui se seront écoulés que, s'il arrive aux écologistes, aux partisans de Chevènement et surtout au Parti communiste de dire des choses différentes les uns des autres et de se distinguer -en paroles- du Parti socialiste, ils se sont tous retrouvés derrière le PS pour cautionner sa politique.
Le Parti communiste, en particulier, est en train de radicaliser son langage, depuis que nous sommes entrés dans la campagne électorale. Dans les mesures que Robert Hue propose, il y en a qui vont dans le sens des intérêts des travailleurs. Lorsqu'il défend "le droit à la retraite à 60 ans, au terme de 37,5 annuités de cotisation" ou lorsqu'il revendique "un relèvement conséquent du salaire minimum", je suis, bien sûr, d'accord avec ces mesures.
Mais Robert Hue exigera-t-il de Jospin qu'il s'engage à appliquer ces mesures pour appeler à voter pour lui au deuxième tour ? L'exigera-t-il pour entrer dans un futur gouvernement de gauche, si tant est qu'il y en aura un et que son parti y sera invité ?
Non, bien sûr que non ! En fait, Robert Hue se charge au premier tour de faire aux travailleurs et aux classes populaires les promesses que Jospin se garde de faire pour ne pas perdre les voix des électeurs du centre, voire de droite, qui se porteront sur son nom. Robert Hue vise à recueillir le maximum de voix venant du camp des travailleurs pour les offrir sans condition au second tour à Jospin qui, lui, n'aura rien promis à ces travailleurs.
Il y a quelque temps, Robert Hue a commencé à se poser en champion de la lutte contre la mondialisation.
Le capitalisme étend son emprise sur le monde entier, c'est vrai, et ses méfaits sont planétaires. Mais, dites-moi, qu'est-ce que ça peut faire aux patrons qui licencient et qui foulent aux pieds la vie des travailleurs que l'on désigne comme ennemis des organismes internationaux lointains et symboliques, en cultivant dans cette démarche des relents d'un nationalisme stupide ?
Ceux qui manifestent contre la mondialisation le font, pour nombre d'entre eux, parce qu'ils sont révoltés par les dégâts, les gâchis et les horreurs du capitalisme mondial et de l'impérialisme. Ils essaient de faire quelque chose pour s'y opposer. Mais les hommes politiques qui essaient de capitaliser à leur propre profit ce mouvement n'ont pas du tout les mêmes objectifs. Ils veulent seulement gérer les affaires de la bourgeoisie française qui, elle, est largement mondialiste. Et c'est parce qu'ils ont vu que la protestation contre la mondialisation entraînait pas mal de jeunes qu'ils ont considéré qu'ils pouvaient afficher un pseudo-radicalisme sans risque pour glaner quelques voix.
Chevènement, qui fait feu de tout bois, plusieurs fois ex-ministre, mêlé à tant de mauvais coups contre les travailleurs, les chômeurs et les sans-papiers peut se payer le luxe de plastronner sur le terrain de l'anti-mondialisation. Les écologistes, pourtant les plus étrangers aux problèmes de la classe ouvrière, voire Jospin lui-même, se livrent eux aussi à de la démagogie dans ce domaine. Cela ne coûte rien et cela ne fera aucun mal au patronat.
L'adversaire principal, l'ennemi du monde du travail n'est pas tant ces nombreux organismes internationaux du grand capital, mais le grand capital lui-même et les capitalistes en chair et en os qui le possèdent et qui décident ! L'ennemi des travailleurs, c'est le patronat, à commencer par leur propre patron ! Les multinationales qui exploitent et pillent le monde ne sont pas seulement américaines, elles sont aussi françaises. En réalité, leurs capitaux n'ont pas plus de nationalité que leur argent n'a d'odeur.
Voilà pourquoi il faut s'en prendre aux patrons que nous avons sous la main. Il faut s'en prendre aux patrons, aux actionnaires de Michelin, de Danone, de TotalFinaElf. Il faut s'en prendre aux patrons "bien de chez nous", quelle que soit leur nationalité, mais qui ont ici leurs coffres-forts, leurs sièges, le gros de leurs productions. Il faut s'en prendre à ceux qui sont à notre portée sans qu'on ait besoin d'aller à des milliers de kilomètres, à l'autre bout du monde, pour leur demander des comptes.
Alors, je comprends et soutiens ceux qui, en manifestant contre la mondialisation, expriment une révolte que je partage. Je ne peux en revanche que dénoncer l'hypocrisie des dirigeants politiques qui ne font qu'agiter un leurre devant les travailleurs et qui trompent ceux qui ressentent sincèrement cette révolte.
Ce n'est pas la mondialisation que les travailleurs doivent combattre, c'est la bourgeoisie et le système économique capitaliste. L'économie est mondiale depuis longtemps, et la faire revenir en arrière est une utopie.
Je ne pense pas que l'introduction de l'euro, cette monnaie commune à 12 pays de l'Europe, change quoi que ce soit au sort des travailleurs. On ne supprime pas l'inégalité des revenus en remplaçant une monnaie par une autre. Mais ce que les médias appellent "le relatif succès de l'euro" montre au moins une chose : c'est que la population ne partage pas les imbécillités nationalistes d'un certain nombre de politiciens, de Pasqua à Chevènement, en passant par De Villiers, sans même parler de Le Pen.
Et si les capitalistes d'un certain nombre de pays n'ont fait l'euro que parce que cela facilite leurs affaires, ce que je souhaite, c'est qu'en pouvant comparer leurs salaires, les travailleurs de tous les pays d'Europe se rendent compte des différences mais également que leurs salaires stagnent partout alors que s'accroissent partout les richesses des exploiteurs. Et tout ce qui unit les travailleurs d'un pays à l'autre est positif, pour que demain ils se retrouvent côte à côte dans les luttes. D'abord pour imposer une harmonisation par le haut, des salaires, des lois et des protections sociales. Ensuite, je l'espère, pour des changements sociaux qui permettront qu'enfin tout le continent soit unifié d'un bout à l'autre, sans frontières et sans barbelés.
Pour ma part, je n'ambitionne de participer à aucun gouvernement de la bourgeoisie, ni même à aucune coalition pour en soutenir un. Et si je me présente, c'est pour dénoncer l'ignominie, l'injustice de cette société qui écrase tous ceux qui, par leur travail, la font vivre. Je me présente pour dénoncer la politique menée depuis ces vingt ans où tous les gouvernements successifs ont consciemment, creusé l'écart entre la petite couche de riches et la majorité de la population.
Depuis vingt ans, la politique de chaque gouvernement a été de favoriser le profit des grandes entreprises, c'est-à-dire la fortune de leurs actionnaires. Avec cynisme, ils ont tous présenté cette politique comme allant dans le sens de l'intérêt de toute la société.
Ils ont sacrifié le pouvoir d'achat des travailleurs en bloquant les salaires et en généralisant les emplois précaires mal payés.
Ils ont sacrifié l'emploi en facilitant les plans de licenciements des grandes entreprises.
Ils ont sacrifié la protection sociale en diminuant les remboursements de la Sécurité sociale. Et, si on annonce périodiquement le déficit de cette Sécurité sociale, c'est la conséquence des aides aux patrons et des dégrèvements de cotisations d'assurance maladie en leur faveur qui ont accru ses dépenses et réduit ses recettes.
Ils ont sacrifié les services publics, les hôpitaux, les écoles, la poste, les transports en commun car c'est sur eux qu'on fait des économies pour donner plus aux entreprises.
Aujourd'hui déjà, il y a une médecine à deux vitesses. Si on poursuit la politique en cours, malgré la CMU, une fraction croissante de la population ne pourra que très mal se soigner.
Dans les hôpitaux, on fait des économies sur tout. Pas assez d'infirmières, d'aide-soignants, d'agents hospitaliers, de brancardiers. On hospitalise des malades loin de chez eux, faute de place dans des établissements plus proches d'autant qu'on supprime des hôpitaux et des maternités de proximité, comme ici dans la région. On oblige le personnel soignant à des horaires de travail dément, ce qui compromet la qualité des soins car, quand on va à l'hôpital, il vaut mieux ne pas être pris en charge par quelqu'un qui a derrière lui 24 heures de garde. On justifie ces économies faites au détriment des malades aussi bien que du personnel en invoquant le manque de crédits pour les hôpitaux publics. Mais, en même temps, on subventionne les cliniques privées pour les aider à être bénéficiaires.
Et l'Education nationale n'a pas les moyens en personnel ni en locaux pour prendre en main réellement l'éducation des enfants issus des classes populaires. On fait mine de s'étonner que les enfants issus de l'immigration ne soient pas intégrés ! Mais, comment pourraient-ils l'être quand, non seulement ils sont condamnés à grandir dans des ghettos de pauvres, mais que l'Education nationale ne donne pas les moyens suffisants en personnel enseignant, pour pouvoir les prendre par petits groupes et leur apprendre à lire, à écrire correctement, à acquérir ce minimum de connaissances que leurs familles ne sont pas en situation de leur donner et dont le manque les handicape dès l'enfance et de façon irrémédiable ?
Ils ont sacrifié la retraite des vieux travailleurs et, de fait, il faut travailler plus longtemps pour avoir droit à une retraite pleine et entière.
Ils ont sacrifié la jeunesse ouvrière dont la vie active, si l'on peut dire, commence par le chômage ou par des stages bidons et, au meilleur des cas, par des emplois précaires où on demande beaucoup et on paie peu.
Mais ceux qui nous gouvernent ne parlent jamais de sacrifices pour les revenus des bourgeois.
Alors, pour de nombreuses familles ouvrières, l'année 2002 commence, comme s'est terminée l'année 2001 : dans l'angoisse des plans de licenciement annoncés qui vous transforment en chômeurs après dix, vingt ou trente ans de travail dans la même entreprise.
De Danone à Moulinex-Brandt, en passant par Air Liberté, Delphi, Valéo, Bosch, Philips, Bata, Dim, Alcatel et bien d'autres encore, la liste est longue des grandes entreprises qui licencient et qui ferment des usines entières. Et voilà que le patron d'Airbus, qui se vantait il y a peu des bons résultats de son entreprise malgré les difficultés de l'industrie aéronautique, vient d'annoncer que son groupe va supprimer 6.000 emplois. Même si cela se fait sans licenciements secs.
Et, de toute façon, Airbus mettra à la porte des intérimaires. Car ce ne sont pas seulement les petits margoulins du capital qui abusent de l'intérim, ce sont les entreprises puissantes, comme celles de l'automobile, qui peuvent ainsi réduire l'emploi sans faire de vagues alors même qu'elles se vantent de leur situation florissante. Le statut d'intérimaire est fait pour permettre aux patrons de jouer sur les effectifs. Et, le plus souvent, ce sont des travailleurs qui sont intérimaires parce qu'ils n'ont pas d'autre choix.
Ici, dans votre ville, c'est le changement de statut de l'Arsenal qui préoccupe beaucoup de travailleurs. Je pense qu'au-delà de l'aspect juridique de la question, ce qui inquiète les travailleurs, c'est qu'ils y voient une porte ouverte à la liquidation d'un certain nombre de protections dont ils bénéficient en tant qu'employés d'une Administration d'Etat, qu'ils craignent pour leur salaire et surtout pour l'emploi. Il est en effet manifeste que le changement de statut est un premier pas vers une privatisation progressive.
Eh bien, dans le contexte actuel, les craintes des travailleurs sont tout à fait fondées et je suis pleinement solidaire des luttes qu'ils mènent pour se défendre !
D'autant que, dans nombre d'arsenaux, on supprime des emplois. Même si, jusque maintenant, ces suppressions d'emplois ne se sont pas traduites par des licenciements secs, elles ont des conséquences sur l'emploi chez les sous-traitants.
Et, de toute façon, en ne remplaçant pas les anciens qui partent en retraite, on condamne un nombre croissant de jeunes au chômage.
Ce n'est pas la production actuelle de l'Arsenal que je défends, ce sont ses travailleurs. Pour ma part, je lutte pour une société sans guerres et sans armes et, par conséquent, sans navires de guerre. Et je ne suis certainement pas de ceux qui, pour sauvegarder des emplois, souhaitent que l'on fabrique un deuxième "Charles-de-Gaulle". Les emplois peuvent être sauvegardés sans fabriquer des engins aussi coûteux qu'inutiles. La compétence des travailleurs de l'Arsenal peut aussi bien servir à fabriquer autre chose que du matériel militaire. Des navires civils aux plates-formes pétrolières, sans parler d'une multitude de machines ou de produits industriels utiles manquent en France et, à infiniment plus forte raison, dans les pays sous-développés. Il y aurait du travail pour toutes les compétences de l'Arsenal, pour ses ouvriers comme pour ses ingénieurs, et au moins, leur travail serait utile pour la société.
Mais, en attendant que la classe ouvrière ait la force d'imposer une autre politique, ce n'est pas aux travailleurs de payer pour les choix de l'Etat en matière d'armement. Il n'y a pas de raison de supprimer un seul emploi, de diminuer un seul salaire, ni à l'Arsenal, ni chez les sous-traitants !
Le gouvernement et ses ministres ont eu le culot, pendant quelques mois, de se flatter bruyamment de la diminution du chômage et de la mettre à leur actif. C'était un mensonge car une bonne partie de cette diminution était due à des manipulations statistiques et à la généralisation de la précarité. Et on voit bien que ce n'était pas durable et que le nombre de chômeurs est, même d'après les chiffres officiels, en croissance depuis sept mois d'affilée. Et comment pourrait-il en être autrement lorsque les annonces des plans de licenciement des grandes entreprises se multiplient sans que le gouvernement lève le petit doigt pour s'y opposer ?
Mais, de toute façon, quel cynisme que de présenter comme une amélioration une situation où il y a tout de même plus de deux millions de chômeurs ! Je rappelle qu'en 1974, il y en avait 700.000 et que cela était considéré à l'époque comme une catastrophe ! De 1974 à aujourd'hui, il s'est écoulé 28 ans ! Mais les seuls revenus qui ont augmenté sont ceux du capital. Pour les travailleurs, depuis trente ans, on a avancé... à reculons. Toute une génération de travailleurs a traversé la vie active avec la menace du chômage au-dessus de la tête.
Le chômage, c'est une catastrophe pour ceux qui en sont victimes, pour leurs familles et pour leurs enfants. Mais c'est aussi sur le chômage que s'appuie le patronat pour aggraver les conditions d'exploitation de ceux qui restent au travail ; pour rendre partout le rythme de travail inhumain, que ce soit sur les chaînes de production ou aux caisses de supermarché. Cette menace de perdre son emploi permet aux patrons de faire un chantage pour imposer des horaires flexibles et, du coup, pour tirer toujours plus de profit de chaque travailleur.
Mais qu'est-ce que cette économie où l'on pousse à l'inactivité forcée des femmes et des hommes dont le travail pourrait être utile à la société pendant qu'on en fait crever d'autres au travail ?
Eh bien, il n'est pas normal, il n'est pas acceptable que plus de 2.200.000 travailleurs de ce pays soient condamnés au chômage.
Il n'est pas normal, il n'est pas acceptable que 4 millions d'autres, qui travaillent régulièrement ou occasionnellement, gagnent dans l'année moins que le Smic.
Il n'est pas normal, il n'est pas acceptable qu'en comptant les familles, plus de 6 millions de personnes soient obligées de vivre en-dessous du seuil de pauvreté.
Il n'est pas normal, il n'est pas acceptable que plus d'un million de personnes soient obligées de subsister avec l'aumône du RMI, soit 2.608 F pour une personne et 3.912 F pour un couple. Et, même si le RMI a été légèrement augmenté et sa valeur désormais exprimée en euros, eh bien 398 ne permettent que de survivre ! Sans parler des jeunes qui n'y ont pas droit avant 25 ans.
Il n'est pas normal, il n'est pas acceptable qu'une partie de la population ait besoin des Restaurants du coeur pour se nourrir. Et leur nombre s'accroît d'année en année.
Eh oui, même dans un pays parmi les plus développés, ce système économique reproduit et aggrave les inégalités. Mais il aggrave aussi l'inégalité entre un petit nombre de pays industriels développés et la majorité sous-développée des pays de la planète.
Les images que rapporte la télévision permettent d'entrevoir la grande misère des pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine.
La misère a toujours existé dans ces pays, diront les défenseurs de l'ordre établi. A ceci près que, depuis des décennies, l'Humanité a les moyens de mettre fin à cette misère partout sur la planète. La capacité productive des seuls pays industrialisés est largement suffisante pour assurer à tous la nourriture, un logement convenable, des soins, l'éducation. Mais cette capacité productive est gaspillée. On détruit de la nourriture dans des pays riches pour maintenir les prix pendant que dans d'autres on meurt de faim. On ne fabrique pas et on ne commercialise pas des médicaments indispensables, que l'on sait pourtant fabriquer, parce que ceux qui en ont besoin n'ont pas assez d'argent pour assurer des profits aux trusts pharmaceutiques.
En contrepartie du pillage des richesses naturelles des pays sous-développés, on offre des armes à leurs dictateurs pour continuer à maintenir leurs peuples sous le joug et dans la pauvreté.
Et, quand les achats d'armes et les dépenses de luxe de la couche privilégiée d'un pays pauvre endettent ce pays auprès des banquiers d'Occident, c'est encore au peuple qu'on présente la facture.
Le pillage éhonté de la planète par quelques centaines de grands groupes industriels, commerciaux ou financiers l'a transformée en une poudrière.
Et, pour tenter d'étouffer les explosions, les grandes puissances mobilisent une partie croissante de l'intelligence humaine à inventer des moyens de destruction de plus en plus meurtriers et y consacrent des sommes colossales, comme jamais vu dans l'histoire de l'Humanité.
Eh bien, cela ne peut pas continuer ainsi ! Cela ne peut pas constituer notre avenir, l'avenir de nos enfants, de nos petits-enfants, de l'Humanité !
Voilà pourquoi je suis communiste et fière de l'être. Voilà pourquoi nous agissons pour une transformation radicale de l'organisation économique et sociale à l'échelle du monde. Le sens de cette transformation radicale est au fond simple : il s'agit de mettre fin à la dictature des grands groupes capitalistes sur la planète, en expropriant la grande bourgeoisie et en transformant les usines, les banques, les transports, les grands circuits de distribution capitalistes, en propriétés collectives sous le contrôle conscient et démocratique de toute la population.
Cet objectif est abandonné aujourd'hui par les grands partis qui se disent socialiste et communiste, dénominations qui à leur origine indiquaient leur volonté de transformation sociale. Mais cet objectif reste de plus en plus nécessaire. Il en va de la survie de l'Humanité.
Et je pense que, malgré les reniements, les trahisons de ces partis, dont l'origine s'enracine dans le mouvement ouvrier, la classe ouvrière internationale a la capacité d'oeuvrer pour son émancipation et pour l'émancipation de la société. Et c'est là-dessus que nous fondons nos espoirs !
Dans l'immédiat, l'objectif politique prioritaire est d'arrêter la dégradation des conditions d'existence du monde du travail, en contestant à la classe capitaliste son droit d'user et d'abuser de sa situation dominante dans l'économie.
Justement, parlons-en de ce droit ! On pourrait croire que le "droit d'entreprendre", qui est inscrit dans la Constitution, c'est le droit de créer une entreprise, de se mettre à son compte, d'avoir des idées et de les mettre en application. Eh bien non ! Selon le Conseil constitutionnel, le droit d'entreprendre, c'est le contraire, c'est le droit de fermer une entreprise, de la délocaliser, de licencier, selon le bon vouloir de l'employeur sans qu'il ait de comptes à rendre.
Ce Conseil constitutionnel se montre bien moins soucieux de faire respecter un autre article de la Constitution, parlant, lui, du "droit de chacun d'obtenir un emploi".
Les politiciens de la gauche plurielle se sont déclarés choqués par cette décision. Y compris Jospin. Pas au point, pour ce Premier ministre socialiste, de revenir à la charge en proposant de nouveau une loi qui entrave le droit des patrons. C'est dans sa logique. Car il n'a jamais rien fait pour s'opposer aux licenciements massifs, de Renault-Vilvorde à Lu-Danone, en passant par Michelin, Alstom ou Moulinex, disant que ce n'était pas le rôle du gouvernement. Mais alors, à quoi il sert ?
Quant à Robert Hue, il se pose en principale adversaire du Medef puisque le Conseil constitutionnel censurait un article que le PCF avait réussi à imposer à Jospin. Nul doute qu'il mènera campagne là-dessus. Pourtant, la décision du Conseil constitutionnel et l'attitude de Jospin montrent, au contraire, à quel point l'argument d'efficacité, avec lequel le PC justifie sa participation gouvernementale, est fallacieux. Même les rares fois où le PC parvient à obtenir une concession du gouvernement, cette concession est annulée par le Conseil constitutionnel. Et Jospin, de lever les bras en signe d'impuissance ! Pourtant, la concession au PC n'était pas bien grande : cet article de la loi de modernisation sociale, s'il permettait un recours juridique, n'aurait pas empêché les licenciements collectifs ou les fermetures d'usines.
Le baron Seillière, frétillant d'aise après la décision du Conseil constitutionnel, expliquait que, désormais, le Medef allait s'ingérer dans la campagne électorale. Comme si c'était une nouveauté ! Mais, de tout temps, le patronat non seulement s'ingère dans la politique, mais c'est lui qui dicte sa politique au gouvernement, ce qu'il doit faire, quelle que soit sa couleur.
Eh bien, il faudrait que les travailleurs soient de plus en plus nombreux à s'ingérer, eux aussi, dans la politique, pour défendre leurs propres intérêts de classe !
Décidément, les grands bourgeois n'aiment pas qu'on mette le nez dans leurs affaires ! Ils n'ont pas envie de voir, par exemple, qu'un juge d'instruction un peu têtu leur demande des comptes et menace de révéler des faits que les conseils d'administration du patronat n'aiment pas voir mettre en lumière. Pas plus que ne l'aiment les politiciens complices et un peu ripoux. Le juge Halphen vient de s'y casser les dents.
On constate, à travers cette affaire, qu'il existe des barrages puissants pour protéger les intérêts des possédants. Déjà, les députés sont élus à travers le filtre d'une loi qui donne une représentation déformée de l'opinion puisque la proportionnelle n'existe pas et puisqu'elle oblige à choisir, au deuxième tour, entre le pire et ce qui apparaît pour certains comme le moins pire. Et, en plus, il leur faut des contre-feux comme ce Conseil constitutionnel qui n'est pas élu, donc encore moins contrôlable que des députés, qui ne le sont déjà pas beaucoup !
Alors, dans cette situation marquée par un chômage catastrophique, je le dis : Si les patrons ne sont pas capables de faire fonctionner leurs entreprises sans licenciement, c'est-à-dire sans aggraver le chômage, eh bien, qu'ils s'en aillent ! Voilà pourquoi je dis qu'il faut interdire les licenciements ! Et si les patrons licencient quand même, les sanctionner par la réquisition de leurs usines. On nous dit que ces entreprises ne sont plus rentables. Ce n'est vrai que du point de vue des actionnaires qui exigent des profits de l'ordre de 15 %. Mais le problème de rentabilité ne se pose pas dans les mêmes termes, que l'on soit capitaliste ou travailleur ou ménagère. Quand une entreprise produit des biens de consommation utiles, qu'importe qu'elle ne dégage pas de profits ! Si elle vendait sa production à prix coûtant, après amortissement, sans avoir à enrichir des parasites, elle pourrait maintenir un salaire à ses salariés tout en rendant service à la collectivité.
Et quand bien même les entreprises qui ferment ne sont plus rentables, elles l'ont été dans le passé. Elles ont rapporté des fortunes à leurs propriétaires. Ces fortunes n'ont pas disparu, elles continuent à exister sous forme de capitaux investis dans d'autres entreprises ; elles continuent à exister sous forme de propriétés immobilières, de châteaux, de biens de luxe, de yachts ou d'avions privés.
Eh bien, pour assurer un emploi à tous, pourquoi ne prendrait-on pas sur les fortunes personnelles des propriétaires présents et passés des entreprises ?
Ce serait une atteinte intolérable à la propriété privée ? Mais les licenciements c'est une atteinte à l'existence matérielle des travailleurs et à leur dignité infiniment plus intolérable !
Les capitalistes savent utiliser les circuits financiers, voire les paradis fiscaux, pour dissimuler tout ce qu'ils possèdent. Eh bien, il faut contraindre les grandes entreprises à rendre publique toute leur comptabilité.
Il faut que la population puisse vérifier la part, dans ces profits privés, des subventions ou des cadeaux fiscaux, c'est-à-dire la part de l'argent public.
Il faut que la population puisse vérifier à quoi servent les bénéfices, quelle est la part de ce qui est réinvesti dans la production et ce qui est gaspillé dans la spéculation.
Il faut une transparence absolue sur les marchés publics, ceux de l'Etat, des régions, comme des municipalités.
Pour cela, il faudrait que les comptes en banque de tous les grands actionnaires des entreprises, de leurs patrons, de leurs PDG et de leurs hauts cadres, mais aussi de leurs prête-noms, comme les revenus et les fortunes de tous les dirigeants politiques soient publics, afin que tout un chacun puisse connaître la situation réelle.
Il faut une loi qui mette fin au secret bancaire, au secret commercial et au secret des affaires qui cache tant de magouilles et de trafics. Oh, je sais bien qu'une loi ne suffirait pas. Mais qu'une fraction seulement de la population ait la volonté de s'en servir, de s'en donner la compétence et puisse légalement se mêler des affaires des grandes entreprises ou des grandes banques, et tout le monde pourrait constater que les licenciements ne sont jamais justifiés.
Alors oui, je me présente à cette élection présidentielle pour défendre ces objectifs et quelques autres.
Pour dire qu'il faut arrêter toute subvention au grand patronat, tout avantage fiscal et tout dégrèvement de cotisations sociales.
Pour dire qu'il faut rétablir l'impôt sur les bénéfices des sociétés, au moins à son niveau de 50 %, comme il existait il y a vingt ans, au lieu de 33 % actuellement.
Pour dire qu'il faut l'augmentation des tranches supérieures de l'impôt sur le revenu. L'Etat aurait ainsi les moyens d'améliorer les services publics, au lieu de les vendre au secteur privé.
Ce n'est pas la révolution, mais tout simplement des mesures indispensables et possibles, pour que ce ne soit pas les travailleurs qui subissent, seuls, les conséquences d'un système économique qui les écrase.
Dans cette société, il n'y a que le rapport de force qui compte. Et le rapport de forces ne sera changé que par l'action collective des travailleurs, par les manifestations, par les grèves, qui convergent dans une volonté collective d'imposer le contrôle sur les entreprises, leurs comptes, leurs productions.
Cette élection ne changera pas le sort du monde du travail. C'est vrai ! Mais elle peut permettre de se compter. Et si nous sommes nombreux à nous compter sur mon nom, sur mon programme, cela peut montrer à nos ennemis que la classe ouvrière existe et se renforce en tant que force politique.
Oui, le nombre de suffrages qui se portera sur mon nom peut décider les indécis, redonner confiance à tous ceux qui se croient isolés, chacun dans son quartier, dans son usine, dans son entreprise, impuissants face à des patrons qui croient avoir tous les droits et, du coup, cette confiance peut nous rendre moralement, politiquement, plus forts pour engager les luttes collectives qu'il nous faudra, de toute façon, mener.
Car il n'y a pas d'autre choix que de mener la lutte de classe, face à un patronat qui, lui, n'a de cesse de faire la guerre au monde du travail.
Oui, si des millions de femmes et d'hommes choisissent d'affirmer avec leur bulletin de vote qu'ils partagent le constat que je fais et qu'ils disent aussi, ensemble qu'il est vital d'imposer les mesures que je propose, cela aidera au développement de ces luttes, à leur élargissement, à leur unification sur un programme correspondant aux intérêts généraux du monde du travail.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 21 janvier 2002)