Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Ici, à Saint-Pol-sur-Mer, vous connaissez le Pôle républicain. Vous en êtes en quelque sorte les précurseurs. Le Pôle républicain est un rassemblement de toutes les femmes et de tous les hommes de ce pays qui pensent que, dans la situation actuelle de la France, au-dessus de la droite et de la gauche, il y a la République. Elle doit nous réunir pour défendre et affirmer ses principes, car l'urgence est là, le péril menace. Le succès rencontré par la candidature de Jean-Pierre Chevènement, qui apparaît à beaucoup comme la surprise de la campagne, s'explique parce qu'un nombre grandissant de Français prennent conscience de la véritable nature des difficultés qu'ils rencontrent.
En face, Jacques Chirac et Lionel Jospin proposent toujours les mêmes remèdes, ceux qui cachent momentanément les symptômes, sans s'attaquer aux racines du mal. Pour l'économie, toujours plus de privatisations, c'est-à-dire toujours plus de soumission aux aléas du marché, toujours plus de marges données à la spéculation. L'emploi n'est considéré que comme une variable d'ajustement conjoncturel. Le chômage reçoit un traitement social, quand il faudrait un traitement économique. La politique étrangère consiste à une réintégration dans l'OTAN, où la France désarmée pèse peu. Quelques rôles de police dans les Balkans. Des moulinets verbaux de Jacques Chirac sur l'Afghanistan, qui ont meurtri à juste titre nos militaires. Ce constat humiliant d'impuissance est pour beaucoup dans la grogne des casernes.
A la mi-décembre 2001, au sommet européen de Laeken, Jacques Chirac et Lionel Jospin se sont mis d'accord pour une constitution européenne, qui vient de se mettre en place sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing. Je crois qu'il faut bien se rendre compte de ce que signifie une constitution européenne. Si elle voyait le jour, la France ne serait plus indépendante. Elle serait une sorte de Louisiane de l'Europe. La constitution de la République ne serait plus le sommet de la hiérarchie de nos normes juridiques. Dans cet ensemble, le peuple français pèserait au mieux proportionnellement son poids démographique. Nous serions noyés dans une machine infernale.
La France serait effacée en tant que Nation, en tant que République. Du même coup, les Français ne seraient plus des citoyens. Car, est citoyen celui qui participe à la République. Sans République, il n'y a plus de citoyenneté, il n'y a plus que des sujets. Alors, on parlera de citoyenneté européenne. Mais, pour qu'il y ait citoyenneté européenne, il faudrait une République européenne. Or, il n'y pas de République européenne. Je précise tout de suite que le problème n'est pas la reine d'Angleterre ou le roi des Belges. Le problème est qu'il n'y a pas d'espace européen de débat public. D'abord, il y a l'obstacle de la langue. Regardez le Canada. Regardez la Belgique ou encore l'Espagne. Ce n'est pas une mince affaire. Surtout, il n'y a pas une conscience européenne grâce à laquelle une majorité politique et des minorités politiques ne se constitueraient que sur des critères politiques, à l'exclusion de considérations ethniques, géographiques, religieuses ou autres. Sans citoyenneté, il n'existe que l'empire aux apparences imposantes et à la réalité fragile. Et, quand un empire se déchire, tout est à redouter.
Les deux sortants et leurs amis se répandent abondamment pour nous vanter les Etats-Unis d'Europe comme s'il était raisonnable de comparer notre continent recru d'histoire, dans la diversité de ses langues, de ses religions, de ses modes de vie, avec treize colonies à peine sorties de la même matrice s'exprimant dans la même langue et dominées par le protestantisme. Je ne veux pour preuve de cette déraison que la charte des droits fondamentaux, adoptée au sommet de Nice en décembre 2001, et dont on nous promet qu'elle sera le préambule de la future constitution européenne.
Ce texte ignore quelques uns des principes fondamentaux de la République. Il privilégie le contrat au détriment de la loi. Le contrat résulte d'un rapport de forces entre deux parties, par exemple l'employeur et l'employé. Il est rare que les forces en présence soient équivalentes. Le contrat profite au plus fort au détriment du plus faible. Ainsi, la partie sociale de la charte des droits fondamentaux, qui a pratiquement été écrite sous la dictée du représentant de Tony Blair, permettra au juge de démanteler notre droit du travail. La loi, elle, est égale pour tous. Elle s'impose à l'employé comme à l'employeur. Elle permet, au moins partiellement, de rééquilibrer le rapport de forces.
La charte ne cite jamais le mot de laïcité. Elle lui substitue le terme de tolérance. La différence est de nature. Avec la laïcité, un espace commun de débat public est défini pour tous par le débat lui-même ; le reste appartient à la sphère de la vie privée, où chacun est libre tant qu'il ne menace pas la liberté de l'autre. Avec la tolérance, il y a le permis, il y a l'interdit, en fonction de la loi pour une part, mais aussi en fonction d'autres critères qui relèvent tant de l'appréciation du juge que d'instances à qui on attribue, parfois dans le grand flou une autorité morale. La laïcité tend à l'objectivité par une séparation claire des domaines. La tolérance reste dans le subjectif.
Bien sûr, il faut une réforme des institutions européennes. Au commencement, nous étions six pays. Nous sommes désormais quinze pays. Nous serons bientôt trente pays. Il faut donc une refonte, sinon une refondation. De plus en quarante cinq ans, depuis le traité de Rome, les textes et les jurisprudences se sont accumulés. Ils sont devenus illisibles. Il faut remettre de l'ordre. Mais, point n'est besoin d'accentuer les défauts de la construction européenne en dotant l'Union Européenne d'un carcan supplémentaire qui portera le nom de constitution. Il faut, comme le propose Jean-Pierre Chevènement, un traité, qui reste inférieur à la constitution de la République. Ce traité devra aussi régler les rapports entre les textes européens et les lois de la République, afin de mettre un terme aux débordements et aux empiètements des juges européens.
La constitution européenne est donc l'un des enjeux principaux de cette élection présidentielle. Il s'agit rien de moins que de l'indépendance de la France. Il s'agit de savoir si nous continuons une construction européenne sans les peuples, contre les peuples, ou si nous nous engageons vers une Europe des Nations, une Europe des patries. Contrairement au discours dominant, seule la seconde solution est réaliste à terme. On ne brusque pas l'histoire. On ne violente pas les peuples. Sinon, un jour, certaines réalités resurgissent avec force, souvent avec violence, parfois dans le drame. De Berlin à Sarajevo en passant par Moscou, nous avons que l'histoire ne s'arrête pas, que rien n'est irréversible en histoire.
D'un côté donc, nous avons les deux sortants dans leur complicité pour une constitution européenne ; de l'autre, nous avons avec Jean-Pierre Chevènement, un candidat fiable et crédible qui souhaite une Europe organisée dans le respect des nations qui la composent.
Je ne parlerai pas des candidats qui, déjà, ont annoncé qu'ils se désisteraient pour l'un ou l'autre des deux sortants. Je veux simplement dire un mot des deux trous noirs de cette élection : Arlette Laguiller et Jean-Marie Le Pen. Il y a en France deux planchers incompressibles d'extrême gauche et d'extrême droite, qui représentent respectivement 2 à 3% de l'électorat. Pour le reste, il s'agit de citoyens qui veulent exprimer leur colère. Mais, ils perdent leur vote. Ni Arlette Laguiller, ni Jean-Marie Le Pen ne peuvent êtres présents au second tour. D'ailleurs, si d'aventure l'un y accédait, il serait écrasé. Il y a mieux à faire qu'un geste désespéré de révolte. Aujourd'hui, il y a une réelle possibilité de sortir de la politique qui nous est infligée depuis tant d'années. Ne laissons pas échapper cette chance historique.
Profitons aussi de cette campagne pour fortifier le Pôle républicain. Le personnel politique Chiraco-jospinien est fatigué.
Il a tout promis, il a tout trahi. Il faut le remplacer. En juin prochain, le Pôle républicain présentera un candidat dans chaque circonscription de France métropolitaine et d'Outre-Mer. Il est encore trop tôt pour désigner les personnes. Les évolutions se poursuivent. Mais, déjà, avec Jean-Pierre Chevènement, le Pôle républicain est un phénomène nouveau qui compte dans la vie politique française. Cela est possible parce que, quoiqu'en disent les élites résignées, les Français aiment la France et la République.
(Source http://georges-sarre.net, le 20 mars 2002)