Texte intégral
R. Elkrief : Vous êtes ministre délégué à la Santé. La manifestation du corps médical, hier, est un événement. C'était une manifestation politique pour vous ?
- "Une manifestation si proche des élections présidentielles et législatives est forcément une manifestation politique. Mais c'est une manifestation qui, au-delà du choix de la date, vient de plus loin. Elle reflète plus qu'un malaise. J'ai entendu A. Duhamel - et je partage son analyse : l'analyse est juste - : nous avons beaucoup changé notre système de soins. Nous nous sommes tournés beaucoup plus vers le malade - et c'est normal dans un système de soins, car les soins sont pour le malade -, mais nous nous sommes tournés vers l'amélioration de la condition des malades depuis dix ans et peut-être pas assez sur la profession elle-même."
Une profession qui se plaint, aujourd'hui, et qui dit : "On est fatigués, on n'est pas assez rémunérés, on travaille trop. On n'est pas assez reconnus..."
- "Nous sommes dans un pays où on travaille quand même moins, où la direction est plutôt de travailler moins. Les médecins généralistes se plaignent. Ne confondons pas toutes les catégories qui défilaient hier. Car, il y en avait beaucoup et toutes ont été plus ou moins revalorisées. Toutes ont été revalorisées."
Mais elles étaient toutes dans la rue !
- "Oui, mais comme je l'ai entendu avec beaucoup de bonheur tout à l'heure, c'est un très bon système et donc, ne le brisons pas. C'est un très bon système et donc, ne le gâchons pas. Je comprends - et nous comprenons, le Gouvernement a compris - plus que le malaise et les revendications, vraiment les troubles profonds d'une certaine catégorie, en particulier les médecins généralistes, et les autres aussi."
Allez-vous réouvrir les négociations ? Parce que c'est ce que demandent les syndicats ?
- "Les négociations ont déjà eu lieu dans notre système, qui n'est pas le second, mais le meilleur du monde, le premier. Ces négociations ayant déjà eu lieu, on ne va pas les réouvrir. Mais je comprends qu'un calendrier doit être proposé. Nous sommes prêts à revoir les médecins. Je suis prêt à revoir - et je les vois souvent d'ailleurs - les représentants des médecins, la coordination et tous ceux qui veulent me voir. On ne peut pas tout avoir. On ne peut pas mettre un litre et demi dans un litre. Il faut penser à ne pas faire exploser ce système qui a permis aux Français, avec un choix libéral, d'être remboursés de la meilleure façon. Alors, qu'est-ce que demandent les médecins généralistes ? A mon avis, plus de considération. Ils étaient les derniers de la classe - considérés comme les derniers de la classe - et ils travaillent de plus en plus. Ce n'est pas supportable. Il fallait changer en amont. Nous avons changé. La gauche a changé. Nous avons fait un internat qualifiant. Avant, on sélectionnait les médecins généralistes par l'échec : c'étaient, en effet, les derniers, les plus mauvais. Ce n'était pas vrai, mais on les considérait ainsi. Maintenant, il y aura trois ans d'internat. Et à la limite, dans quelques temps, la consultation d'un généraliste devra et sera l'équivalent d'une consultation de spécialistes. Les spécialistes auront d'autres avantages."
Elle coûtera aussi cher alors ?
- "Elle coûtera aussi cher et elle sera remboursée, puisque les études ont changé. On ne pouvait pas faire cela avant. Moi, cela fait dix ans que je dis que "C= CS", consultation de généraliste égale consultation de spécialiste."
Vous avez aussi dit qu'il fallait augmenter le nombre d'étudiants et donc le nombre des médecins à terme ?
- "Si vous dites tout à ma place, c'est excellent !"
Parce que je travaille mes dossiers ! Mais, en même temps, j'ai vu qu'il n'y avait pas de date...
- "Et si je vous interrogeais à mon tour : qu'est-ce que vous pensez devoir faire pour les médecins ?"
Je voudrais savoir si vous avez une date précise, car cette proposition n'est pas assortie d'un calendrier ?
- "Oui, j'ai une date précise. J'ai dit "au plus vite", parce qu'il faut former près de 6.000 médecins. Nous aurons progressivement des médecins - ce qui n'a jamais été augmenté de cette façon - pour que les généralistes puissent être remplacés, qu'il n'y ait pas de désert médical et qu'on puisse trouver des remplaçants. Et nous allons faciliter cette installation en donnant beaucoup d'argent. Et peut-être va-t-on trouver des avantages, comme pour les zones d'éducation nationale, de façon permanente ? Proposer des avantages permanents ? Tout ça, nous le faisons. J'ai parlé d'une augmentation progressive vers 6.000 médecins. Cela doit être pris en charge. Il faut des locaux pour les enseignements, des professeurs mais nous augmenterons bien sûr le nombre. Et il n'y a jamais eu autant de médecins - et d'ailleurs du membre de corps de santé - dans notre pays. Jamais. Alors, c'est à l'horizon 2015 et 2020 qu'il y aurait, en effet, un déficit démographique, mais nous y pallions. Nous avons fait une formation médicale continue, nous avons revaloriser. Et il y a eu des négociations. Elle ne sont pas suffisantes et les généralistes demandent en particulier - ce qui est très facile à faire comprendre - 20 euros par consultation. Sans doute, y viendront nous, mais on ne peut pas faire tout d'un seul coup. Ils ont les yeux plus gros que le ventre. Je le comprends."
Vous êtes fâchés avec ceux qui, déjà, appliquent cette consultation à 20 euros ?
- "Oui, ce n'est pas bien parce que c'est une façon de commencer ce que nous n'avons jamais voulu faire : le libre accès et l'égalité devant les soins, c'est l'égalité des remboursements. Alors, si on commence à donner un euro et demi de plus - ce qui n'a l'air de rien -, on commence comme ça et après on fait des médecines à deux vitesses, comme dans les autres pays. Nous n'en voulons pas. Je comprends pourquoi ils le font. Je les mets en garde : il ne faut pas le faire. Et puis, peut-être pourrons-nous offrir des calendriers, en nous renvoyant, qui les satisferont un jour."
A six semaines des élections, depuis le début, on a un programme de la part de J. Chirac. Il a fait son mea culpa, il a annoncé la fin des sanctions collectives...
- "Moi, j'ai ri et je lui ai envoyé un paquet énorme de ce que nous avons fait pour qu'il le sache, parce que c'est un homme qui n'était pas assez éclairé à ce propos. Il voulait se faire pardonner. Il s'est peut-être fait pardonner sur des promesses qu'il ne peut pas tenir. C'est très joli. C'est l'argent des Français. Donc, si on m'en donne plus, moi je peux les payer plus. Mais en attendant, on ne m'en donne pas plus - car c'est l'argent des Français et pas l'argent de l'Etat, dans une enveloppe fermée et votée par le Parlement. Je ne peux pas faire exploser l'enveloppe et M. Chirac non plus."
Quand J. Chirac, et même Bernadette Chirac, vendredi, disaient dans un hôpital : on ne doit pas économiser sur la santé. C'est un point sur lequel on ne doit pas économiser. Vous, vous dites quoi ?
- "Si je n'avais pas tant de respect pour la première dame de France, cela me ferait éclater de rire. Bien sûr qu'il ne faut pas économiser ! Alors, qu'est-ce qu'elle conseille ? D'augmenter les cotisations ? On va donc augmenter les cotisations, parce que sinon, où trouvera-t-on l'argent ? Ce ne sont donc plus des cotisations, mais un impôt. C'est très joli de faire des promesses démagogiques. Mais moi, je dis aussi que la santé n'a pas de prix, mais elle a un coût ! Ce n'est pas sérieux. Notre meilleur système ne doit pas être brisé. Ne le brisons pas."
L. Jospin rentrait de la Réunion. Il a affirmé que le Président était "usé, vieilli"... Est-ce qu'il ne risque pas de le faire passer pour un martyr ?
- "Cela va être difficile quand même ! D'autres faits et une ambiance différente sont installés autour de lui. Je n'ai pas à commenter cela franchement."
Vous reconnaissez L. Jospin dans ces déclarations ?
- "Pas très bien..."
Vous le désapprouvez ?
- "Je ne désapprouve rien du tout. Je n'ai rien entendu. Vous me dites ça et je pense que ce n'est pas son style. Je l'ai entendu très différent, je l'ai entendu au contraire très proposant, débattant et en n'attaquant jamais la personne, en attaquant les idées. C'est ça le débat politique et je pense qu'il s'y tiendra."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 mars 2002)
- "Une manifestation si proche des élections présidentielles et législatives est forcément une manifestation politique. Mais c'est une manifestation qui, au-delà du choix de la date, vient de plus loin. Elle reflète plus qu'un malaise. J'ai entendu A. Duhamel - et je partage son analyse : l'analyse est juste - : nous avons beaucoup changé notre système de soins. Nous nous sommes tournés beaucoup plus vers le malade - et c'est normal dans un système de soins, car les soins sont pour le malade -, mais nous nous sommes tournés vers l'amélioration de la condition des malades depuis dix ans et peut-être pas assez sur la profession elle-même."
Une profession qui se plaint, aujourd'hui, et qui dit : "On est fatigués, on n'est pas assez rémunérés, on travaille trop. On n'est pas assez reconnus..."
- "Nous sommes dans un pays où on travaille quand même moins, où la direction est plutôt de travailler moins. Les médecins généralistes se plaignent. Ne confondons pas toutes les catégories qui défilaient hier. Car, il y en avait beaucoup et toutes ont été plus ou moins revalorisées. Toutes ont été revalorisées."
Mais elles étaient toutes dans la rue !
- "Oui, mais comme je l'ai entendu avec beaucoup de bonheur tout à l'heure, c'est un très bon système et donc, ne le brisons pas. C'est un très bon système et donc, ne le gâchons pas. Je comprends - et nous comprenons, le Gouvernement a compris - plus que le malaise et les revendications, vraiment les troubles profonds d'une certaine catégorie, en particulier les médecins généralistes, et les autres aussi."
Allez-vous réouvrir les négociations ? Parce que c'est ce que demandent les syndicats ?
- "Les négociations ont déjà eu lieu dans notre système, qui n'est pas le second, mais le meilleur du monde, le premier. Ces négociations ayant déjà eu lieu, on ne va pas les réouvrir. Mais je comprends qu'un calendrier doit être proposé. Nous sommes prêts à revoir les médecins. Je suis prêt à revoir - et je les vois souvent d'ailleurs - les représentants des médecins, la coordination et tous ceux qui veulent me voir. On ne peut pas tout avoir. On ne peut pas mettre un litre et demi dans un litre. Il faut penser à ne pas faire exploser ce système qui a permis aux Français, avec un choix libéral, d'être remboursés de la meilleure façon. Alors, qu'est-ce que demandent les médecins généralistes ? A mon avis, plus de considération. Ils étaient les derniers de la classe - considérés comme les derniers de la classe - et ils travaillent de plus en plus. Ce n'est pas supportable. Il fallait changer en amont. Nous avons changé. La gauche a changé. Nous avons fait un internat qualifiant. Avant, on sélectionnait les médecins généralistes par l'échec : c'étaient, en effet, les derniers, les plus mauvais. Ce n'était pas vrai, mais on les considérait ainsi. Maintenant, il y aura trois ans d'internat. Et à la limite, dans quelques temps, la consultation d'un généraliste devra et sera l'équivalent d'une consultation de spécialistes. Les spécialistes auront d'autres avantages."
Elle coûtera aussi cher alors ?
- "Elle coûtera aussi cher et elle sera remboursée, puisque les études ont changé. On ne pouvait pas faire cela avant. Moi, cela fait dix ans que je dis que "C= CS", consultation de généraliste égale consultation de spécialiste."
Vous avez aussi dit qu'il fallait augmenter le nombre d'étudiants et donc le nombre des médecins à terme ?
- "Si vous dites tout à ma place, c'est excellent !"
Parce que je travaille mes dossiers ! Mais, en même temps, j'ai vu qu'il n'y avait pas de date...
- "Et si je vous interrogeais à mon tour : qu'est-ce que vous pensez devoir faire pour les médecins ?"
Je voudrais savoir si vous avez une date précise, car cette proposition n'est pas assortie d'un calendrier ?
- "Oui, j'ai une date précise. J'ai dit "au plus vite", parce qu'il faut former près de 6.000 médecins. Nous aurons progressivement des médecins - ce qui n'a jamais été augmenté de cette façon - pour que les généralistes puissent être remplacés, qu'il n'y ait pas de désert médical et qu'on puisse trouver des remplaçants. Et nous allons faciliter cette installation en donnant beaucoup d'argent. Et peut-être va-t-on trouver des avantages, comme pour les zones d'éducation nationale, de façon permanente ? Proposer des avantages permanents ? Tout ça, nous le faisons. J'ai parlé d'une augmentation progressive vers 6.000 médecins. Cela doit être pris en charge. Il faut des locaux pour les enseignements, des professeurs mais nous augmenterons bien sûr le nombre. Et il n'y a jamais eu autant de médecins - et d'ailleurs du membre de corps de santé - dans notre pays. Jamais. Alors, c'est à l'horizon 2015 et 2020 qu'il y aurait, en effet, un déficit démographique, mais nous y pallions. Nous avons fait une formation médicale continue, nous avons revaloriser. Et il y a eu des négociations. Elle ne sont pas suffisantes et les généralistes demandent en particulier - ce qui est très facile à faire comprendre - 20 euros par consultation. Sans doute, y viendront nous, mais on ne peut pas faire tout d'un seul coup. Ils ont les yeux plus gros que le ventre. Je le comprends."
Vous êtes fâchés avec ceux qui, déjà, appliquent cette consultation à 20 euros ?
- "Oui, ce n'est pas bien parce que c'est une façon de commencer ce que nous n'avons jamais voulu faire : le libre accès et l'égalité devant les soins, c'est l'égalité des remboursements. Alors, si on commence à donner un euro et demi de plus - ce qui n'a l'air de rien -, on commence comme ça et après on fait des médecines à deux vitesses, comme dans les autres pays. Nous n'en voulons pas. Je comprends pourquoi ils le font. Je les mets en garde : il ne faut pas le faire. Et puis, peut-être pourrons-nous offrir des calendriers, en nous renvoyant, qui les satisferont un jour."
A six semaines des élections, depuis le début, on a un programme de la part de J. Chirac. Il a fait son mea culpa, il a annoncé la fin des sanctions collectives...
- "Moi, j'ai ri et je lui ai envoyé un paquet énorme de ce que nous avons fait pour qu'il le sache, parce que c'est un homme qui n'était pas assez éclairé à ce propos. Il voulait se faire pardonner. Il s'est peut-être fait pardonner sur des promesses qu'il ne peut pas tenir. C'est très joli. C'est l'argent des Français. Donc, si on m'en donne plus, moi je peux les payer plus. Mais en attendant, on ne m'en donne pas plus - car c'est l'argent des Français et pas l'argent de l'Etat, dans une enveloppe fermée et votée par le Parlement. Je ne peux pas faire exploser l'enveloppe et M. Chirac non plus."
Quand J. Chirac, et même Bernadette Chirac, vendredi, disaient dans un hôpital : on ne doit pas économiser sur la santé. C'est un point sur lequel on ne doit pas économiser. Vous, vous dites quoi ?
- "Si je n'avais pas tant de respect pour la première dame de France, cela me ferait éclater de rire. Bien sûr qu'il ne faut pas économiser ! Alors, qu'est-ce qu'elle conseille ? D'augmenter les cotisations ? On va donc augmenter les cotisations, parce que sinon, où trouvera-t-on l'argent ? Ce ne sont donc plus des cotisations, mais un impôt. C'est très joli de faire des promesses démagogiques. Mais moi, je dis aussi que la santé n'a pas de prix, mais elle a un coût ! Ce n'est pas sérieux. Notre meilleur système ne doit pas être brisé. Ne le brisons pas."
L. Jospin rentrait de la Réunion. Il a affirmé que le Président était "usé, vieilli"... Est-ce qu'il ne risque pas de le faire passer pour un martyr ?
- "Cela va être difficile quand même ! D'autres faits et une ambiance différente sont installés autour de lui. Je n'ai pas à commenter cela franchement."
Vous reconnaissez L. Jospin dans ces déclarations ?
- "Pas très bien..."
Vous le désapprouvez ?
- "Je ne désapprouve rien du tout. Je n'ai rien entendu. Vous me dites ça et je pense que ce n'est pas son style. Je l'ai entendu très différent, je l'ai entendu au contraire très proposant, débattant et en n'attaquant jamais la personne, en attaquant les idées. C'est ça le débat politique et je pense qu'il s'y tiendra."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 mars 2002)