Déclaration de M. Robert Hue, président du PCF et candidat à l'élection présidentielle, sur la politique agricole commune et sur sa proposition de retirer les produits agricoles et alimentaires des négociations de l'OMC.

Prononcé le 1er mars 2002

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Circonstance : Visite de la délégation du PCF au 39ème salon de l'agriculture à Paris le 1er mars 2002.

Texte intégral

Comme je le fais chaque année j'ai voulu une nouvelle fois, en venant visiter ce salon de l'agriculture, rendre hommage au travail des agriculteurs, des salariés agricoles, des chercheurs et des salariés des industries agro-alimentaires.
Ce salon est la vitrine des évolutions de l'agriculture française, de ses savoir-faire et de ses progrès technologiques les plus récents. Il est aussi un magnifique lieu de rencontres au carrefour de la diversité française. Il est également un espace où vit une nouvelle complémentarité entre ville et campagne.
Et c'est aussi, bien sûr, le lieu où doit être abordé le rôle décisif de l'agriculture française et la situation extrêmement difficile des petits et moyens agriculteurs de toutes les productions, de la viticulture à l'élevage.
S'il en est ainsi, c'est que les orientations de la politique agricole européenne aboutissent à abaisser sans cesse la rémunération du travail agricole par la diminution des prix à la production alors que, dans le même mouvement, les aides destinées à compenser ces baisses de prix sont également réduites.
Je rappelle que le Président de la République et le Premier ministre ont accepté, ensemble, ce mécanisme lors des accords dits "de Berlin", en mars 1999. Cette logique, insérée dans le capitalisme mondialisé, ne peut aboutir qu'à l'élimination des petits agriculteurs de tous les continents, parce qu'elle soumet toutes les agricultures du monde à une concurrence insoutenable.
En effet, on ne peut pas produire en zone de montagne, en France, de la même façon que dans les immenses plaines des Etats-Unis ou d'Argentine : les conditions de production, les climats, la qualité des sols, les savoirs et les techniques sont différents.
Dès lors cette stratégie des grandes transnationales de "l'agro business" est destructrice d'emplois. Elle pousse à l'élimination de l'agriculture dans des régions entières et contribue à la dévitalisation des territoires. Elle hypothèque lourdement la qualité alimentaire et les équilibres écologiques.
La pression permanente à la baisse des prix à la production conduit à produire toujours plus, avec toutes les conséquences négatives de cette politique sur les hommes et sur la nature.
A l'automne, à Doha, les principales puissances politiques et économiques ont empêché, sous la pression des dirigeants nord américains, que s'ouvre un nouveau cycle de négociations de l'organisation mondiale du commerce. Les aides à l'agriculture européenne sont contestées, alors que les USA ont considérablement augmenté les leurs, y compris par une politique agressive sur les marchés mondiaux, contre l'union européenne. Ils ont fait allégeance aux grandes multinationales de la finance. Elles veulent piloter à leur guise la production agricole mondiale, à partir de prix qu'elles décideraient, pour l'orienter vers l'uniformisation des produits alimentaires, au service exclusif de la recherche de profits.
Mais une prise de conscience planétaire grandit, selon laquelle il faut contrecarrer cette logique de la rentabilité à tout prix.
Je considère que la France devrait prendre l'initiative, avec ses partenaires européens, de retirer les produits agricoles et alimentaires des négociations internationales de l'OMC, car ils ne peuvent être considérés comme des marchandises. En effet, l'agriculture ne peut se limiter à la production de matières premières. Il y va aussi d'alimentation, d'environnement, de la qualité de l'eau, de l'emploi, les territoires.
En ce sens, il est urgent de réorienter la Pac par l'établissement de prix minimum à la production. Une revalorisation de la situation des actifs et des retraités contribue en effet à l'impulsion d'une croissance durable, créatrice d'emplois. Notre projet d'une nouvelle politique avance cinq exigences :
un prix minima pour une certaine quantité de production ;
la compensation de la baisse des prix et des inégalités de production par des aides publiques modulées et plafonnées ;
le retour à un mécanisme jumelant la préférence communautaire et des actions de coopération avec les pays du sud qui, eux aussi, doivent pouvoir se doter d'un mécanisme de préférence continental ;
l'engagement d'une large concertation et la réalisation d'études d'impact avant l'élargissement de l'Union européenne, ainsi que la conclusion de nouveaux accords, notamment avec le Mercosur et l'Alena (USA, Mexique, Canada),dans le cadre d'un co-développement durable agricole, dans la coopération et non dans la concurrence ;
le maintien et le développement des services publics pour une ruralité vivante.
J'estime, enfin, que la France doit porter l'ambition d'un nouveau développement agricole, attentif à la préservation du patrimoine de l'Humanité, de la qualité alimentaire, créateur d'emplois et respectueux de l'utilité du travail des petits et moyens agriculteurs dans la société.

(source http://www.roberthue2002.net, le 27 mars 2002)