Déclaration de M. Robert Hue, président du PCF et candidat à l'élection présidentielle, sur l'importance du vote PCF au premier tour de l'élection et sur ses engagements visant notamment à faire concrètement reculer les inégalités et la précarité.

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Circonstance : Meeting à Dijon le 14 mars 2002.

Texte intégral

Chères amies,
chères camarades
Merci de votre accueil ! Merci en particulier aux communistes de Côte d'Or, et des départements de la région Bourgogne à qui nous devons l'organisation de cette rencontre chaleureuse et fraternelle. Moins de 40 jours nous séparent du premier tour de l'élection présidentielle. C'est de ce premier tour que je veux vous parler ce soir.
D'abord pour dire ceci : je comprends la déception, le peu d'intérêt que manifeste une majorité de Françaises et de Français à l'égard de l'élection présidentielle. Et j'en vois bien, tout comme vous, les raisons : jamais campagne électorale n'avait été si pauvre de contenu, de débat sur le fond des problèmes posés au pays et aux citoyens. Je ne veux pas épiloguer sur ce point, mais tout de même : il y en a, comme on dit, " ras le bol " de ces échanges de phrases assassines et de ces propos matraqués par les moyens d'information sur l'âge du capitaine ou sur l'état de son moral. Il y en a assez des interminables commentaires sur les " affaires " que les uns et les autres s'envoient à la figure.
Et surtout, surtout, tout ce " cinéma " est insupportable parce qu'il n'a qu'un objectif : priver les citoyens d'un des seuls pouvoirs qui leur reste : celui d'utiliser leur vote du premier tour pour dire haut et fort ce qu'ils veulent, ce qu'ils ne veulent plus et ce qu'ils ne veulent pas.
Oui, je le dis avec gravité : les deux candidats réputés présidentiables se rendent coupables d'une véritable tentative de détournement de suffrage universel. Je pèse mes mots : leur volonté de " bipolariser " à outrance la campagne électorale fait courir un risque extrêmement grave à la démocratie.
Oui, je prends mes responsabilités et je l'affirme nettement : Lionel Jospin et Jacques Chirac veulent, délibérément, méthodiquement, escamoter le premier tour de l'élection présidentielle.
Ils savent ce qui peut en résulter, en particulier une abstention record le 21 avril prochain. Et non seulement ils s'accommodent de cette perspective, mais ils la souhaitent.
Moi, je refuse ce scénario ; je me bats contre cette " américanisation " de notre vie politique, qui ne peut déboucher que sur la mise à l'écart d'un nombre considérable d'électrices et d'électeurs.
C'est à cela que j'entends, avec mes camarades communistes, consacrer toute mon énergie avec le sentiment que, par-delà leurs préférences habituelles, des centaines de milliers de citoyennes et de citoyens peuvent se rassembler sur le vote communiste pour dire ce qu'ils ont sur le cur.
Alors, mettons " cartes sur table " !
Et d'abord : que va-t-il se passer pour vous après les échéances électorales du printemps 2002 ?
Si la droite l'emporte, ce sera catastrophique pour notre pays, et pour vous !
Jacques Chirac arpente la France en tout sens et, comme à l'accoutumé, il accumule les promesses, tout particulièrement dans quelques-uns uns des domaines les plus sensibles aux Françaises et aux Français. La sécurité par exemple, ou encore la santé. Et comme en 1995, il tente de nous refaire le coup de la " fracture sociale ". Ce qu'il n'a pas entrepris ces dernières années ; ce qu'il a promis pour le trahir aussitôt il nous jure, la main sur le cur, qu'il va s'y consacrer désormais tout entier.
Soyons clairs : Jacques Chirac vous ment.
L'aplomb de cet homme est stupéfiant. Je l'entendais ce matin même sur une radio périphérique : à l'en croire, il n'y a pas plus farouche adversaire que lui de la privatisation d'EDF !
Décidément, je maintiens mon propos : Jacques Chirac vous ment !
Car en vérité, le candidat de la droite règle " à la tronçonneuse " la question des dépenses publiques en privant de ressources l'Etat et la sécurité sociale. Les promesses qu'il fait sont donc - comme en 1995 - du " baratin ".
Il a dans le collimateur les services et secteurs publics qu'il entend livrer à l'appétit des marchands et des financiers. La sécurité sociale doit faire place aux assurances privées et les retraites par répartition aux fonds de pension. Telle est sa " philosophie ".
La France de Chirac c'est celle du laisser-faire. C'est celle des puissants. C'est celle du Medef. Ce n'est pas la nôtre. Ce n'est pas la mienne.
La mienne, la vôtre, c'est la France du monde du travail !
La France de Chirac, c'est une France où les plus riches vont recevoir encore davantage et où la seule perspective offerte à un salarié de gagner un peu plus, c'est de faire des heures supplémentaires et de renoncer aux 35 heures !
Notre pays compte plus de ménages très riches qu'on ne croit qui, en plus de patrimoines faramineux, se partagent 500 à 600 milliards d'euros de revenus financiers.
De quoi s'agit-il ? Pas d'épargne populaire, bien sûr mais d'actions, d'obligations et de rentes diverses dont notre spécialiste - et il a raison - souligne qu'à 80%, elles échappent à l'impôt sur le revenu. Ou plus précisément que la loi, telle qu'elle est aujourd'hui, permet cela.
Eh bien, ces ménages très riches, ce sont eux auxquels Jacques Chirac promet une baisse de 33% d'un impôt sur le revenu dont le montant ne représente déjà qu'une infime partie de ce qu'ils gagnent. C'est une ristourne de 17 000 euros qui leur est promise. Elle ne sera que de 11 euros pour la première tranche et nulle pour près de la moitié de nos concitoyens qui ne sont pas assujettis à l'impôt sur le revenu.
Ce cadeau aux plus fortunés sera prélevé sur l'école, la santé, la sécurité, les transports ou le logement !
Mais ce n'est pas tout, car il n'y a pas que ces riches ménages. Il y a aussi ce que l'on appelle les actifs financiers des entreprises, ces stocks d'actions et d'obligations. Ecoutez bien : ces actifs financiers se montent à 4574 milliards d'euros - 30 000 milliards de francs !
Jacques Chirac n'en parle pas. Ou plutôt il promet à leurs détenteurs une baisse de l'impôt sur les sociétés et des cotisations sociales patronales. On dit que l'argent va à l'argent. Avec Chirac, c'est sûr, c'est vrai !
Vous l'avez compris, de la droite - et de l'extrême-droite - je n'en veux pas. Vous non plus, et vous avez bien raison !
Et j'ajoute : moi, je ne confonds pas la droite et la gauche. Je ne les renvoie pas " dos à dos ". Je ne serais ni crédible, ni sincère si je le faisais. La gauche a un bilan, et je ne le boude pas.
D'ailleurs, ce bilan doit beaucoup au travail acharné des parlementaires et ministres communistes. Ces derniers ont par ailleurs montré l'étendue de leurs compétences et leur sens des responsabilités. Alors, oui : les 35 heures ; la couverture médicale universelle ; les emplois-jeunes - qu'il faut à présent transformer en emplois stables et correctement rémunérés - les avancées de la parité homme-femme en politique ; la loi qui porte mon nom sur le contrôle des fonds publics accordés aux entreprises : tout cela a été rendu possible justement parce qu'il y avait cette présence communiste constructive dans la majorité et au gouvernement.
Sinon, la France aurait connu le même sort que l'Italie, l'Allemagne, la Grande-Bretagne. Dans ces pays le social-libéralisme a ouvert la porte à la droite la plus réactionnaire - c'est Berlusconi en Italie - ou, quand il demeure au pouvoir, à de terribles régressions sociales et démocratiques, dont la politique de Tony Blair est une cruelle illustration.
De cette politique-là, je ne veux pas pour la France ni pour vous, ni pour les salariés, les jeunes, le monde de la création. Et c'est pourquoi je suis très préoccupé, vraiment très préoccupé par ce que Lionel Jospin a déjà fait savoir de ses intentions. Il présentera l'intégralité de son projet lundi prochain : nous jugerons sur pièces.
Mais en attendant, il y a ceux que l'on présente volontiers comme la " garde rapprochée " de Lionel Jospin, et dont il faut bien dire qu'ils sont " les plus à droite au sein de la gauche ". Laurent Fabius, Dominique Strauss-Kahn par exemple.
Et puis il y a ces pressions exercées par cette gauche européenne dite " moderniste " et qui, je viens de le rappeler, gouverne carrément à droite, à l'instar de Tony Blair en Grande-Bretagne.
Il y a, encore, cette volonté manifeste du candidat socialiste de séduire l'électorat centriste. Seulement, cette " chasse au centre " a forcément des conséquences négatives. Lionel Jospin avait toujours estimé que, sur la question des retraites, il était " urgent d'attendre ". Tactique électorale oblige, il commence à dévoiler ses intentions. Et c'est carrément mauvais. Il envisage un possible allongement de la durée des cotisations, et il explique que le " fonds d'épargne salariale " qu'il propose aura vocation à être investi sur les marchés financiers. Autrement dit, les retraites futures ainsi constituées seront soumises aux aléas boursiers, avec le risque d'être dévorées par la spéculation financière, comme cela vient d'être le cas aux Etats-Unis avec l'entreprise ENRON.
Tout cela suscite de très nombreuses et très sérieuses inquiétudes.
Je comprends et je partage ces inquiétudes.
Mais j'ajoute aussitôt qu'il ne faut pas céder au découragement. J'affirme que cette évolution annoncée de la gauche française vers une politique à la Blair, se différenciant peu de celle de la droite, cette évolution-là n'est pas fatale. Je la refuse. Comme moi, vous n'en voulez pas.
Alors, je vous le dis : je ne me résignerai pas à une dérive de la gauche française qui l'amènerait à être " comme la droite ". J'en vois le danger. J'en vois la menace. Je vois faire ceux qui s'emploient à hâter cette dérive.
Mais, j'en suis sûr, on peut empêcher cela.
Et le vote du 21 avril peut y contribuer de façon décisive.
D'abord parce que la gauche ce n'est pas seulement, ce n'est même pas principalement des partis, des hommes politiques. C'est d'abord, c'est surtout, des millions de femmes, d'hommes, de jeunes qui veulent que la gauche soit bien la gauche.
Et puis dans la gauche, il y a le Parti communiste. Dans des conditions difficiles, nous avons pris nos responsabilités depuis 1997 pour, dans la majorité de gauche, nous opposer à toute tentation de " droitisation ", en proposant, en agissant pour d'autres solutions. Nous n'avons pas toujours été entendus, mais heureusement que nous avons travaillé en ce sens !
Eh bien le moyen, pour les Françaises et les Français qui ne veulent pas de la droite et qui veulent que la gauche soit bien à gauche et y reste, c'est de le dire avec force par le vote communiste. Et il faudra bien les entendre !
C'est le sens de ma candidature, des engagements concrets que je prends, et dont tout le monde, ensuite, devra tenir compte s'ils sont portés par un vote significatif.
La gauche bien à gauche, ce n'est pas pour moi un slogan de plus. C'est un contenu précis : il s'agit d'une gauche qui, au lendemain des échéances, travaillera avec vous pour que ça ne continue pas simplement comme avant ; bien sûr, pour que ça ne s'aggrave pas, mais au contraire pour que des réformes significatives, audacieuses, s'en prenant réellement à la toute puissance des marchés financiers, soient réellement engagées, et réussissent.
Et je veux vous dire quelque chose qui compte beaucoup pour moi. Je sais bien à quel point des hommes et des femmes de gauche peuvent être inquiets voire pour certains, découragés, désabusés.
Je veux vous dire que vous pouvez compter sur moi, sur les communistes. Nous ne nous résignerons pas. Nous ne ferons pas la politique du pire qui vous laisserait seuls face à de cruelles déceptions. Nous ne nous replierons pas sur la critique sans proposition, sur la révolte sans lendemain. Nous ferons tout -et à la place qui est la mienne je ferai tout- pour que la gauche soit bien la gauche, le demeure, et réponde à vos attentes. Pour qu'elle y réponde au lendemain même des prochaines échéances électorales.
Ceux d'entre vous qui s'intéressent au Parti communiste le savent : j'ai consacré toute mon énergie, à sa direction, pour éviter qu'il connaisse le sort d'autres partis communistes -par exemple en Italie- cessant d'être communistes pour devenir de simples appendices de partis socialistes s'orientant de plus en plus à droite. J'ai agi, avec mes camarades, pour que le Parti communiste français se modernise pour être bien communiste, bien à gauche, et bien utile à la gauche pour servir notre peuple.
Oui, Chers-es amis-es et camarades, c'est à cela que je veux être utile.
C'est à cela que doit servir ma candidature.
Et le vote communiste sera porteur, sans aucune ambiguïté, de l'exigence d'une autre politique à gauche, dès le printemps prochain. Une politique conduite par la gauche, mais une gauche vraiment ancrée à gauche !
A ce propos, je veux revenir en quelques mots sur le début de mon propos et ce risque, très sérieux et très préoccupant pour l'avenir, de voir une très forte proportion des électrices et des électeurs s'abstenir le 21 avril.
S'abstenir ou, pour certains, choisir un vote " refuge " afin de manifester leur légitime désapprobation de la campagne telle qu'elle se mène.
Vous l'avez compris c'est, notamment, du vote Arlette Laguiller que je veux parler. Pour faire deux remarques.
D'abord je comprends, et je partage les indignations d'Arlette Laguiller devant les injustices et la misère qui minent véritablement la société française. Et probablement sommes-nous très nombreux - des centaines de milliers - à nous indigner pareillement.
Mais, seconde remarque, au-delà de l'indignation, que faut-il faire ? Moi, j'ai choisi d'être présent dans la vie politique et dans les mouvements sociaux en toutes circonstances, pour arracher tout ce qui peut être utile - si peu que ce soit - à l'amélioration de la vie des Françaises et des Français.
Ce n'est pas facile. On prend des coups, j'en sais quelque chose, mais je ne renoncerai jamais.
Autrement dit, je suis présent dans cette campagne électorale, et le 22 avril au matin je ne quitterai pas la scène : je continuerai de me battre, vous pouvez en être certains.
Je ne lui fais pas de procès d'intention, mais Arlette Laguiller ne fera pas comme moi. Elle le dit d'ailleurs très clairement : droite et gauche c'est la même chose et il n'y a rien, absolument rien, selon elle, à attendre des résultats du scrutin. Alors ? Il faudrait manifester sa colère en votant pour elle et puis, ensuite, courber le dos, renoncer et finalement subir ?
Et puis, même en termes de protestations, quand voyons-nous Arlette Laguiller dans la rue ? Uniquement dans les occasions où je prends l'initiative, comme à Calais et à Paris ces derniers mois, d'organiser des manifestations.
Encore une fois ce n'est pas la candidate Arlette Laguiller qui me préoccupe : c'est l'impasse politique et sociale qu'elle propose. Et cela m'inquiète pour une raison majeure : c'est que ce n'est pas bon, pas utile, pas efficace pour celles et ceux qui souffrent et qui attendent que les choses changent en leur faveur.
Et c'est à cela que, personnellement, je veux être utile en mettant le meilleur de moi-même dans la campagne électorale et, au-delà, dans le combat politique permanent, sur tous les terrains où se jouent la vie quotidienne et l'avenir des Françaises et des Français.
C'est à cela que le vote en faveur de ma candidature peut contribuer.
C'est possible. J'en ai la conviction.
Les propositions, le projet que je porte, les engagements que je prends devant les Françaises et les Français et que j'ai rendus publics vendredi dernier vont contribuer à le montrer.
Oui, c'est possible et à portée de vote. Jugez-en.
Retenir un plan d'urgence de lutte contre les inégalités et la précarité, faire de l'audace sociale le moteur du développement de toute la société, c'est possible, c'est efficace, c'est moderne. C'est à portée de vote.
Faire en sorte que les salariés et leurs organisations syndicales disposent d'un droit de regard et d'intervention dans la gestion des entreprises, oui, c'est possible, c'est efficace, c'est moderne. C'est à portée de vote.
Accorder à tous les actifs résidant en France, quel que soit leur âge, un droit à la mobilité choisie permettant de passer tout au long de la vie d'un emploi stable à un autre emploi stable ou à une période de formation, avec une garantie de ressources et de droits, c'est possible, c'est efficace, c'est moderne. C'est à portée de vote.
Offrir à chaque jeune qui le souhaite le droit à un contrat d'autonomie. C'est possible, c'est efficace ; c'est moderne, c'est à portée de vote.
Inventer une nouvelle politique du crédit, utiliser les mille milliards d'euros de crédit bancaire distribués aujourd'hui sans contrôle aux entreprises à développer les activités, l'emploi, la formation, grâce à des taux d'intérêt sélectifs bonifiés par des aides publiques, c'est possible. C'est autrement efficace que la baisse des cotisations sociales patronales qui plombe la protection sociale et tire les salaires vers le bas.
Réformer profondément les fiscalités nationales et locales des particuliers, des entreprises, la fiscalité indirecte et le financement de la protection sociale, c'est possible, c'est efficace, c'est moderne. C'est à portée de vote, le 21 avril prochain.
Ces six innovations structurelles majeures sont au niveau de ce que la gauche doit imaginer et mettre en uvre pour faire disparaître le chômage et la précarité. Pour dégager l'avenir de notre jeunesse. Pour donner aux entreprises une efficacité nouvelle grâce à l'apport et aux pouvoirs accordés à leurs salariés.
Elles stimuleraient la croissance et dégageraient les moyens financiers pour développer, transformer, rendre plus efficaces les services publics de l'enseignement, de santé, de transports, de police, de justice Bref, les moyens matériels et humains pour répondre aux attentes les plus pressantes de nos concitoyens. Les moyens pour faire vraiment reculer les inégalités. Les moyens de mettre hors-la-loi toutes les discriminations, celles liées à la situation sociale, à l'origine, au sexe, au handicap, aux conceptions personnelles de vie.
Les moyens pour que, dans les cinq années à venir, nous vivions mieux ensemble dans notre pays, et pour que la France agisse, en Europe et dans le monde, afin que ce mieux puisse être progressivement partagé partout sur la planète.
Je ne vais pas ici développer les 25 engagements majeurs que je prends et qui expriment de façon concrète et précise ce que je propose de changer en France, en Europe et dans le monde.
Permettez-moi cependant de m'arrêter sur deux d'entre eux à mes yeux essentiels.
Tout le monde s'accorde à dire que notre pays est miné par les inégalités et la précarité.
Leur maintien et même leur aggravation est sans doute un des reproches les plus forts fait au gouvernement de Lionel Jospin.
La raison en est simple et double.
D'une part, il y a les quatre millions de personnes qui tentent de " survivre " aux alentours du seuil de pauvreté. Pour elles, chaque jour est une course d'obstacles où la peur de ne pas y arriver, la peur de ne pouvoir élever ses enfants, conserver un toit prend le pas sur toute autre considération.
Il y a aussi ces millions de concitoyens qui ne peuvent tout simplement envisager d'être heureux tant qu'ils en rencontreront d'autres dans la pauvreté. Qui sentent bien que la précarité des uns tire tous les autres vers plus d'incertitudes et d'insécurités.
Mais, d'autre part -et c'est la seconde raison de l'importance exceptionnelle de cette question- c'est sur ce terrain qu'on entend le plus souvent posée la question : " Où est la gauche ? " Cette question figure sur la série de très belles affiches imaginées en forme de soutien à ma candidature par Frédéric Beigbeder.
Eh bien, jusqu'à présent, à écouter Jacques Chirac comme Lionel Jospin, je n'ai pas encore entendu le moindre début d'une mesure concrète visant à faire reculer les inégalités et la précarité.
Pour ma part, je fais de ce combat mon premier engagement, celui qui donne leur sens le plus humain à tous les autres.
Il comporte sept mesures précises et réalistes :
Premièrement, une augmentation mensuelle de 300 euros du SMIC, des petites retraites et des minima sociaux, avec une première hausse de 10% dès le 1er juillet.
Deuxièmement, une égalité salariale et professionnelle entre les hommes et les femmes, à atteindre dans les cinq ans à venir grâce à une loi contraignante et à des mesures fiscales incitatives.
Troisièmement, une allocation d'autonomie de 700 euros mensuels proposées aux jeunes de 18 à 25 ans le souhaitant. Pas de démagogie, cela va coûter beaucoup d'argent et ne pourra se faire que progressivement, notamment en transférant les crédits aujourd'hui utilisés à accompagner la précarité. C'est pourquoi je propose de commencer par les 20% de jeunes qui en ont le plus besoin.
Quatrièmement, un droit à la retraite avant 60 ans pour les salariés qui ont 160 trimestres de cotisation.
Cinquièmement, l'ouverture de négociations salariales dans les fonctions publiques et les secteurs nationalisés en vue d'un plan de rattrapage et de reconnaissance des qualifications, étalé sur deux ans.
Sixièmement, un plan de construction de logements sociaux et une accélération forte du rééquilibrage des modes de transports en faveur du ferroviaire, avec une priorité au ferroutage.
Septièmement, le droit de vote accordé aux résidents étrangers, la régularisation des sans-papiers, l'abandon de la double peine et le respect du droit d'asile.
Je veux aussi vous en dire un peu plus sur une question que les autres candidats laissent dans l'ombre et qui, pourtant, est décisive.
Je veux parler du financement des engagements que je prends.
Je m'engage à réformer la fiscalité directe et indirecte avec un taux de TVA ramené à 18,5% et des baisses sélectives sur plusieurs produits et services, un allègement de l'impôt sur le revenu pour les foyers modestes ou moyens, compensé par une hausse du prélèvement sur les grandes fortunes et sur les revenus financiers du capital. Avec, aussi, une modulation de l'impôt sur les sociétés, qui favorise les entreprises misant sur l'emploi, la formation et les salaires, et qui pénalise celles qui préfèrent la finance. Cette modulation serait un levier dont l'Etat disposerait pour inciter à l'ouverture de négociations salariales dans le secteur privé.
Toujours pour une vraie réforme de la fiscalité, je propose d'intégrer les actifs financiers des entreprises - soit 4300 milliards d'euros - dans le calcul de la taxe professionnelle. Cela avantagera les PME, les PMI et le petit commerce. Je suis pour une taxe d'habitation qui soit plus juste et moins lourde pour les foyers modestes ou à revenus moyens.
Je propose aussi de doubler le rendement de l'impôt sur les grandes fortunes et de renforcer considérablement les moyens de lutte contre la fraude fiscale.
Voilà pour la fiscalité. Il n'y a pas photo avec ce que propose Jacques Chirac. J'espère que mes propositions seront autant reprises dans les médias que l'ont été celles du candidat de la droite. Si le critère retenu est celui de l'innovation, alors, j'en suis sûr, j'ai toutes mes chances ! Innovation forte, puisque je suis le seul candidat à proposer la justice fiscale pour les personnes, mais aussi pour les entreprises. Je me refuse, en effet, à mettre sur un même pied les grands groupes qui spéculent et les PMI, PME, petits commerces et artisans qui ont besoin que l'Etat les aide à se développer.
Ces propositions ne font pas le tour de tous mes engagements, mais je crois qu'elles donnent à voir et à comprendre ce que pourrait, ce que devrait être la politique menée dès la fin juin prochain dans notre pays.
Oui, chères amies, chères camarades : voilà pourquoi je me bats dans cette campagne.
Voilà l'enjeu fondamental du premier tour.
Ce que je veux, de toutes mes forces, c'est que quel que soit le président élu, il ne puisse ignorer ces réalités qui vous préoccupent, qui vous inquiètent, et auxquelles vous voulez que l'on s'attaque vraiment.
Et si la droite est battue - comme je le souhaite - il faut que la gauche soit obligée de les prendre en compte et de faire des choix politiques neufs, et véritablement à gauche.
Le vote pour ma candidature aura cette signification. Il pourra avoir cette force, au service d'une autre politique à gauche.
A vrai dire : il est le seul vote à avoir cette utilité.
Oui, le premier tour veut dire quelque chose, au-delà du bal dérisoire des ambitions personnelles.
De tout mon cur - vous l'avez senti - de toute ma force de conviction - et je voudrais la faire partager le plus largement possible - j'ai exposé devant vous les lignes de force de mes propositions. Nous pouvons y réfléchir, et en discuter ensemble.
Si le vote communiste pèse suffisamment lourd le 21 avril - c'est-à-dire, j'y insiste, au premier tour, qui est capital pour la suite - alors vous pourrez faire entendre votre voix, vos attentes, vos exigences.
Quant à moi, je vais mettre le meilleur de moi-même dans ce combat. Je suis disponible et déterminé. Et je le sens, vous l'êtes aussi !
Eh bien menons ensemble ce combat !


(Source http://www.roberthue2002.net, le 20 mars 2002)