Texte intégral
Le projet de Jacques Chirac met l'accent sur l'allégement des prélèvements obligatoires en s'inquiétant de la perte d'attractivité de la France. Le projet de Lionel Jospin met en avant la conquête de droits sociaux nouveaux en soulignant que la France va mieux qu'il y a cinq ans. Votre vision n'est-elle pas un peu trop rose ?
FH : Depuis cinq ans, la croissance a été plus forte en France que chez la plupart de nos voisins, notamment l'Allemagne. En outre le chômage a été substantiellement réduit, même s'il reste encore trop élevé. À partir de là, il faut, pour les cinq années qui viennent, valoriser nos atouts et réduire nos handicaps pour retrouver le plein emploi. Nos atouts, ce sont essentiellement le niveau de formation des actifs et notre démographie. Durant la prochaine décennie, cinq millions de personnes occupant des emplois qualifiés vont partir en retraite. Le défi à relever est celui de l'adéquation des actifs aux postes ainsi libérés. D'où notre proposition de l'Education tout au long de la vie avec la création d'un droit garanti collectivement pour chaque salarié lui permettant d'accéder aux nouvelles technologies et aux qualifications de demain. 24 milliards d'Euro de la formation professionnelle ne bénéficient qu'à 5 % des salariés. C'est un formidable manque à gagner financier et humain. De même, notre proposition de faire revenir dans l'emploi des personnes de plus de 50 ans qui en ont été parfois abusivement écartées s'inscrit dans le souci de valoriser le capital humain et d'augmenter le taux d'activité. Ce qui aura des conséquences positives sur le financement des retraites.
Quels handicaps diagnostiquez-vous ?
FH : Ils portent moins, comme le suggère la droite, sur les différences de fiscalité pour ce qui concerne l'impôt sur les sociétés que sur l'encouragement insuffisant à l'initiative et à la création. D'où la nécessité d'adapter nos outils réglementaires et fiscaux, de soutenir davantage l'effort de recherche et d'innovation et de réorganiser tous les niveaux d'administration publique.
En matière fiscale, quelles sont les mesures qui répondent à ce souci ?
FH : Il y a des dispositions ciblées comme le nouveau crédit d'impôt pour la recherche ou le chèque emploi-salarié qui permet de simplifier les formalités des très petites entreprises qui créent leurs premiers emplois. Par ailleurs, l'allégement de l'impôt sur le revenu sera poursuivi en 2003. Et la retenue à la source que nous souhaitons mettre en place au cours du quinquennat sera l'occasion de parachever la réforme. Elle permettre d'unifier les bases de l'impôt sur le revenu en réduisant un certain nombre d'abattements et en même temps de re-calibrer le barème pour élargir les tranches. Quant aux questions d'attractivité, elles appelleront, dans la concertation avec les partenaires sociaux, un certain nombre d'adaptations. On ne peut accepter aujourd'hui de remettre en cause la progressivité de l'impôt ou la redistribution en matière patrimoniale au prétexte qu'il faudrait suivre les "exemples" irlandais ou luxembourgeois. En revanche on peut envisager de regarder comment lever un certain nombre de contraintes notamment en matière de charges sociales pour les cadres de haut niveau.
Vous prévoyez de réduire de moitié la taxe d'habitation au cours des cinq prochaines années. Quelle est la logique de cette réforme ?
FH : La baisse de moitié de la taxe d'habitation est d'abord conçue comme un facteur d'amélioration du pouvoir d'achat de tous les ménages puisqu'elle est payée par l'ensemble des résidents. Mais elle permettra aussi d'ouvrir le vaste chantier du financement des collectivités locales, à la fois pour rénover les modes de prélèvement et améliorer la redistribution en faveur des collectivités les moins favorisées. Faudra-t-il pour remplacer la partie de la taxe d'habitation qui sera supprimée leur affecter un impôt d'Etat ou prévoir une dotation compensatrice comme nous l'avons fait pour la taxe professionnelle ? La concertation le dira. L'important est que, dans le cadre d'une péréquation renforcée, les collectivités locales conservent leur autonomie et la maîtrise de leurs prélèvements.
Le projet prévoit une montée en puissance de la prime à l'emploi qui serait étendue aux salariés travaillant à temps partiel. Ne risquez-vous pas d'inciter les entreprises à maintenir des bas salaires ?
FH : Les négociations salariales sont dans la plupart des cas totalement déconnectées des dispositions fiscales en vigueur. Ce qui a d'ailleurs permis une augmentation du pouvoir d'achat des salariés - payés jusqu'à 1,4 fois le SMIC- sans affecter la nature des discussions salariales au sein des entreprises. Ce mécanisme peut donc évoluer dans le sens d'un élargissement du nombre des bénéficiaires (aux deux extrémités).
Vous écartez, pour l'avenir, toute nouvelle baisse des charges ?
FH : Les exonérations successives des charges et notamment celles prévues dans le cadre des 35 heures ont largement favorisé le travail dit non qualifié. Aller plus loin signifierait mettre gravement en cause le financement de la couverture sociale, notamment des retraites, au moment où les besoins sont en forte croissance. Je me méfie tout particulièrement des dispositifs d'allégements ciblés du type de celui que propose Jacques Chirac pour les jeunes : dès lors que l'on favorise un segment du marché du travail au détriment des autres, on change l'ordre dans la file d'attente, mais on ne change rien à la nature du chômage. On crée des aubaines pas des emplois.
Comment allez-vous favoriser le retour à l'emploi des plus de 50 ans ?
FH : En faisant évoluer les mécanismes existants. Les contrats emploi-solidarité (CES) et les contrats emplois-consolidés (CEC) qui s'appliquent aux entreprises du secteur public et associatif doivent être revus pour devenir de véritables contrats sur cinq ans, financés sur la base du Smic avec une part liée à la formation et à l'insertion. Dans le secteur privé, il existe des formules, comme le Contrat initiative emploi (CIE), qui doivent être reconsidérées pour encourager la requalification des plus de 50 ans.
Vous prévoyez la création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes. Certains dénoncent déjà la naissance d'un RMI-jeune .
FH : Rien dans notre projet n'évoque un RMI jeune. Nous ne voulons pas installer les jeunes dans l'assistance. Nous voulons, au contraire, leur tendre la main, les aider à se former, à s'insérer, à se qualifier pour occuper les emplois de demain. Le dispositif est basé sur l'idée d'un contrat, ce qui suppose un effort des deux parties. De la société pour favoriser l'autonomie du jeune. De l'intéressé pour s'insérer dans un parcours conduisant à l'emploi.
Mais un jeune en apprentissage ou en contrat de qualification reçoit déjà une allocation.
FH : La nouvelle allocation s'adressera à ceux qui ne sont pour l'instant dans aucune structure de formation ou à ceux qui ne peuvent pas vivre décemment en faisant des études ou en suivant un stage. Nous réunirons une conférence sur les jeunes pour évaluer l'ampleur du dispositif, fixer les priorités et prévoir les étapes nécessaires.
Tous ces nouveaux droits ont un coût. Pourrez-vous l'assumer, et en même temps respecter le pacte de stabilité ?
FH : Je ne vois pas pourquoi ce que nous avons été capables de faire pendant cinq ans, à savoir respecter les critères de convergence, faire l'euro, tout en menant les 35 heures, les emplois jeunes ou la couverture maladie universelle (CMU), nous ne saurions pas l'accomplir au cours des cinq prochaines années pour assurer la formation tout au long de la vie, créer le contrat de retour à l'emploi et l'allocation d'autonomie. Nous procéderons au redéploiement d'aides existantes -1 % logement, fonds de la formation professionnelle, aides sociales et fiscales, etc.- et nous ferons tenir les dépenses supplémentaires dans une enveloppe globale qui nous permettra de respecter nos engagements européens. Il n'est pas possible de se comporter comme Jacques Chirac qui accepte un calendrier un jour à Barcelone comme chef de l'Etat et le remet en cause le lendemain comme candidat. Cette schizophrénie politique n'est plus supportable.
Vous renvoyez beaucoup de sujets sociaux à la tenue de conférences dont l'issue n'est pas garantie.
FH : On ne peut nous reprocher d'être passé par la loi pour mettre en place les 35 heures ou les emplois jeunes par exemple et aujourd'hui nous contester la volonté de soumettre à discussion des sujets qui feront ensuite l'objet d'accords collectifs ou de lois. Il faut choisir le sens de la critique. La grande conférence économique et sociale que nous prévoyons pour l'automne rassemblera, comme dans de nombreux pays européens, les organisations syndicales, le patronat dans toute sa diversité et l'Etat pour fixer les priorités, identifier les champs de responsabilité, définir les partenariats possibles. Pour que cette conférence réussisse, il faut que le Medef se comporte comme un acteur social et non comme un parti politique d'opposition, comme il a tenté de le faire ces derniers mois.
N'est-il pas temps pour Lionel Jospin de rencontrer Ernest Antoine Seillière comme celui-ci le lui a demandé
FH : Il eut mieux valu rechercher le dialogue quand il pouvait déboucher sur des résultats concrets. Bien des occasions ont été perdues par a priori idéologiques - comme sur les 35 heures - ou des intimidations inutiles - comme le retrait du patronat des caisses de sécurité sociale. Il reste que le MEDEF a parfaitement le droit d'intervenir, comme d'autres groupes sociaux, dans le débat électoral. Mais il n'en est pas une composante, au moins officiellement.
Sur quels sujets portera la conférence économique et sociale ?
FH : Le financement des retraites bien sûr mais aussi les minima salariaux comme le demandent les organisations syndicales ; la formation tout au long de la vie qui est un enjeu majeur pour les entreprises comme pour les salariés et qui peut faire l'objet d'une bonne négociation suivie éventuellement d'une loi ; les droits des salariés dans l'entreprise et notamment leur mode de représentation au sein des conseils de surveillance et d'administration. La liste pourra être allongée en fonction des souhaits des partenaires sociaux. Un calendrier sera arrêté. Ne préjugeons ni de la forme, ni des délais, ni des résultats.
Mais parmi tous ces thèmes, quelle est la priorité ?
FH : C'est clairement le financement des retraites. Des décisions doivent être prises et des négociations doivent s'engager vite dans le secteur privé pour les retraites complémentaires comme dans le secteur public. Pour le reste, nous avons cinq ans pour agir et nous préférons rythmer notre temps plutôt que d'ouvrir tous les chantiers à la fois, qu'il s'agisse du logement, de l'autonomie des jeunes, du retour à l'emploi pour les plus de 50 ans, de l'amélioration de notre système productif.
Sur les retraites, que voulez-vous faire précisément ?
FH : Consolider les régimes par répartition. Pour cela, nous pouvons agir de trois façons. D'abord discuter de l'allongement de la durée de cotisation. Mais cet allongement se heurte à des situations acquises. Surtout il ne prend pas en compte la pénibilité de certaines tâches. C'est pourquoi il est nécessaire d'avoir des approches diversifiées. On peut aussi agir sur le montant de la cotisation des salariés et des employeurs qu'ils soient privés ou publics : il ne serait pas anormal que cette cotisation augmente puisque les retraites sont servies plus longtemps en raison de l'allongement de la durée de vie. Enfin, il ne faut pas exclure des ressources exceptionnelles pour abonder un certain nombre de régimes ou le fonds de garantie des retraites.
Vous pensez à des recettes de privatisations ?
FH : Non car les ouvertures de capital ne doivent être fondées que sur le développement des entreprises concernées et la recherche d'alliances. En aucune façon sur l'obtention de moyens de financement des régimes de retraite. En revanche on peut affecter au fonds de réserve certaines ressources para-fiscales existantes comme le RDS ou la future éco-taxe.
Vous proposez aussi de développer les fonds d'épargne salariaux. En quoi votre projet se distingue-t-il des fonds de pension de Jacques Chirac ?
Le débat entre la droite et la gauche n'est pas entre fonds de pension d'un côté et épargne salariale de l'autre, il est entre fonds de pension et régime par répartition. Plus on donnera d'avantages fiscaux, comme le propose le candidat du RPR, à des contributions individuelles dans le cadre de fonds de pension gérés par des compagnies d'assurances, moins il sera possible d'agir sur les paramètres des retraites par répartition. Peu à peu, les fonds de pension siphonneront l'argent des retraites, notamment les retraites complémentaires.
Vous n'avez pas cité la réforme de l'Etat dans les chantiers prioritaires. Est ce par crainte de prendre de front votre électorat ?
FH : Qu'appelle-t-on réforme de l'Etat ? S'il s'agit, sous un mot moins cru, de dire qu'il faut réduire les effectifs de la fonction publique, je pense que cette idée au demeurant contestable, faute d'être étayée, est dangereuse car elle suscitera une hostilité de principe chez les agents publics et inquiétera les usagers et les élus locaux. Pour réformer l'Etat, il faut partir des besoins et viser une meilleure utilisation des effectifs : si l'on veut davantage de policiers, de gendarmes, d'enseignants, d'éducateurs, d'assistantes sociales, il faudra dégager des moyens dans d'autres administrations. Nous pourrons notamment le faire grâce aux départs des fonctionnaires en retraite (sur un rythme de 62 000 par an à partir de 2004). Mais la réforme de l'Etat ne peut pas se limiter à une réflexion sur la gestion prévisionnelle des effectifs. Elle doit s'inscrire dans une nouvelle étape de décentralisation. Qu'il s'agisse de la formation, des universités ou même de la sécurité, il faut donner de nouvelles responsabilités aux régions ou aux structures intercommunales. L'Etat doit déconcentrer les décisions au niveau approprié, assurer une mobilité professionnelle de ses agents et être en avant-garde dans l'usage des nouvelles technologies pour en assurer la diffusion auprès des Français. Il ne s'agit donc pas de faire des économies à court terme mais d'investir à long terme.
(source http://www.parti-socialiste.fr, le 9 avril 2002)
FH : Depuis cinq ans, la croissance a été plus forte en France que chez la plupart de nos voisins, notamment l'Allemagne. En outre le chômage a été substantiellement réduit, même s'il reste encore trop élevé. À partir de là, il faut, pour les cinq années qui viennent, valoriser nos atouts et réduire nos handicaps pour retrouver le plein emploi. Nos atouts, ce sont essentiellement le niveau de formation des actifs et notre démographie. Durant la prochaine décennie, cinq millions de personnes occupant des emplois qualifiés vont partir en retraite. Le défi à relever est celui de l'adéquation des actifs aux postes ainsi libérés. D'où notre proposition de l'Education tout au long de la vie avec la création d'un droit garanti collectivement pour chaque salarié lui permettant d'accéder aux nouvelles technologies et aux qualifications de demain. 24 milliards d'Euro de la formation professionnelle ne bénéficient qu'à 5 % des salariés. C'est un formidable manque à gagner financier et humain. De même, notre proposition de faire revenir dans l'emploi des personnes de plus de 50 ans qui en ont été parfois abusivement écartées s'inscrit dans le souci de valoriser le capital humain et d'augmenter le taux d'activité. Ce qui aura des conséquences positives sur le financement des retraites.
Quels handicaps diagnostiquez-vous ?
FH : Ils portent moins, comme le suggère la droite, sur les différences de fiscalité pour ce qui concerne l'impôt sur les sociétés que sur l'encouragement insuffisant à l'initiative et à la création. D'où la nécessité d'adapter nos outils réglementaires et fiscaux, de soutenir davantage l'effort de recherche et d'innovation et de réorganiser tous les niveaux d'administration publique.
En matière fiscale, quelles sont les mesures qui répondent à ce souci ?
FH : Il y a des dispositions ciblées comme le nouveau crédit d'impôt pour la recherche ou le chèque emploi-salarié qui permet de simplifier les formalités des très petites entreprises qui créent leurs premiers emplois. Par ailleurs, l'allégement de l'impôt sur le revenu sera poursuivi en 2003. Et la retenue à la source que nous souhaitons mettre en place au cours du quinquennat sera l'occasion de parachever la réforme. Elle permettre d'unifier les bases de l'impôt sur le revenu en réduisant un certain nombre d'abattements et en même temps de re-calibrer le barème pour élargir les tranches. Quant aux questions d'attractivité, elles appelleront, dans la concertation avec les partenaires sociaux, un certain nombre d'adaptations. On ne peut accepter aujourd'hui de remettre en cause la progressivité de l'impôt ou la redistribution en matière patrimoniale au prétexte qu'il faudrait suivre les "exemples" irlandais ou luxembourgeois. En revanche on peut envisager de regarder comment lever un certain nombre de contraintes notamment en matière de charges sociales pour les cadres de haut niveau.
Vous prévoyez de réduire de moitié la taxe d'habitation au cours des cinq prochaines années. Quelle est la logique de cette réforme ?
FH : La baisse de moitié de la taxe d'habitation est d'abord conçue comme un facteur d'amélioration du pouvoir d'achat de tous les ménages puisqu'elle est payée par l'ensemble des résidents. Mais elle permettra aussi d'ouvrir le vaste chantier du financement des collectivités locales, à la fois pour rénover les modes de prélèvement et améliorer la redistribution en faveur des collectivités les moins favorisées. Faudra-t-il pour remplacer la partie de la taxe d'habitation qui sera supprimée leur affecter un impôt d'Etat ou prévoir une dotation compensatrice comme nous l'avons fait pour la taxe professionnelle ? La concertation le dira. L'important est que, dans le cadre d'une péréquation renforcée, les collectivités locales conservent leur autonomie et la maîtrise de leurs prélèvements.
Le projet prévoit une montée en puissance de la prime à l'emploi qui serait étendue aux salariés travaillant à temps partiel. Ne risquez-vous pas d'inciter les entreprises à maintenir des bas salaires ?
FH : Les négociations salariales sont dans la plupart des cas totalement déconnectées des dispositions fiscales en vigueur. Ce qui a d'ailleurs permis une augmentation du pouvoir d'achat des salariés - payés jusqu'à 1,4 fois le SMIC- sans affecter la nature des discussions salariales au sein des entreprises. Ce mécanisme peut donc évoluer dans le sens d'un élargissement du nombre des bénéficiaires (aux deux extrémités).
Vous écartez, pour l'avenir, toute nouvelle baisse des charges ?
FH : Les exonérations successives des charges et notamment celles prévues dans le cadre des 35 heures ont largement favorisé le travail dit non qualifié. Aller plus loin signifierait mettre gravement en cause le financement de la couverture sociale, notamment des retraites, au moment où les besoins sont en forte croissance. Je me méfie tout particulièrement des dispositifs d'allégements ciblés du type de celui que propose Jacques Chirac pour les jeunes : dès lors que l'on favorise un segment du marché du travail au détriment des autres, on change l'ordre dans la file d'attente, mais on ne change rien à la nature du chômage. On crée des aubaines pas des emplois.
Comment allez-vous favoriser le retour à l'emploi des plus de 50 ans ?
FH : En faisant évoluer les mécanismes existants. Les contrats emploi-solidarité (CES) et les contrats emplois-consolidés (CEC) qui s'appliquent aux entreprises du secteur public et associatif doivent être revus pour devenir de véritables contrats sur cinq ans, financés sur la base du Smic avec une part liée à la formation et à l'insertion. Dans le secteur privé, il existe des formules, comme le Contrat initiative emploi (CIE), qui doivent être reconsidérées pour encourager la requalification des plus de 50 ans.
Vous prévoyez la création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes. Certains dénoncent déjà la naissance d'un RMI-jeune .
FH : Rien dans notre projet n'évoque un RMI jeune. Nous ne voulons pas installer les jeunes dans l'assistance. Nous voulons, au contraire, leur tendre la main, les aider à se former, à s'insérer, à se qualifier pour occuper les emplois de demain. Le dispositif est basé sur l'idée d'un contrat, ce qui suppose un effort des deux parties. De la société pour favoriser l'autonomie du jeune. De l'intéressé pour s'insérer dans un parcours conduisant à l'emploi.
Mais un jeune en apprentissage ou en contrat de qualification reçoit déjà une allocation.
FH : La nouvelle allocation s'adressera à ceux qui ne sont pour l'instant dans aucune structure de formation ou à ceux qui ne peuvent pas vivre décemment en faisant des études ou en suivant un stage. Nous réunirons une conférence sur les jeunes pour évaluer l'ampleur du dispositif, fixer les priorités et prévoir les étapes nécessaires.
Tous ces nouveaux droits ont un coût. Pourrez-vous l'assumer, et en même temps respecter le pacte de stabilité ?
FH : Je ne vois pas pourquoi ce que nous avons été capables de faire pendant cinq ans, à savoir respecter les critères de convergence, faire l'euro, tout en menant les 35 heures, les emplois jeunes ou la couverture maladie universelle (CMU), nous ne saurions pas l'accomplir au cours des cinq prochaines années pour assurer la formation tout au long de la vie, créer le contrat de retour à l'emploi et l'allocation d'autonomie. Nous procéderons au redéploiement d'aides existantes -1 % logement, fonds de la formation professionnelle, aides sociales et fiscales, etc.- et nous ferons tenir les dépenses supplémentaires dans une enveloppe globale qui nous permettra de respecter nos engagements européens. Il n'est pas possible de se comporter comme Jacques Chirac qui accepte un calendrier un jour à Barcelone comme chef de l'Etat et le remet en cause le lendemain comme candidat. Cette schizophrénie politique n'est plus supportable.
Vous renvoyez beaucoup de sujets sociaux à la tenue de conférences dont l'issue n'est pas garantie.
FH : On ne peut nous reprocher d'être passé par la loi pour mettre en place les 35 heures ou les emplois jeunes par exemple et aujourd'hui nous contester la volonté de soumettre à discussion des sujets qui feront ensuite l'objet d'accords collectifs ou de lois. Il faut choisir le sens de la critique. La grande conférence économique et sociale que nous prévoyons pour l'automne rassemblera, comme dans de nombreux pays européens, les organisations syndicales, le patronat dans toute sa diversité et l'Etat pour fixer les priorités, identifier les champs de responsabilité, définir les partenariats possibles. Pour que cette conférence réussisse, il faut que le Medef se comporte comme un acteur social et non comme un parti politique d'opposition, comme il a tenté de le faire ces derniers mois.
N'est-il pas temps pour Lionel Jospin de rencontrer Ernest Antoine Seillière comme celui-ci le lui a demandé
FH : Il eut mieux valu rechercher le dialogue quand il pouvait déboucher sur des résultats concrets. Bien des occasions ont été perdues par a priori idéologiques - comme sur les 35 heures - ou des intimidations inutiles - comme le retrait du patronat des caisses de sécurité sociale. Il reste que le MEDEF a parfaitement le droit d'intervenir, comme d'autres groupes sociaux, dans le débat électoral. Mais il n'en est pas une composante, au moins officiellement.
Sur quels sujets portera la conférence économique et sociale ?
FH : Le financement des retraites bien sûr mais aussi les minima salariaux comme le demandent les organisations syndicales ; la formation tout au long de la vie qui est un enjeu majeur pour les entreprises comme pour les salariés et qui peut faire l'objet d'une bonne négociation suivie éventuellement d'une loi ; les droits des salariés dans l'entreprise et notamment leur mode de représentation au sein des conseils de surveillance et d'administration. La liste pourra être allongée en fonction des souhaits des partenaires sociaux. Un calendrier sera arrêté. Ne préjugeons ni de la forme, ni des délais, ni des résultats.
Mais parmi tous ces thèmes, quelle est la priorité ?
FH : C'est clairement le financement des retraites. Des décisions doivent être prises et des négociations doivent s'engager vite dans le secteur privé pour les retraites complémentaires comme dans le secteur public. Pour le reste, nous avons cinq ans pour agir et nous préférons rythmer notre temps plutôt que d'ouvrir tous les chantiers à la fois, qu'il s'agisse du logement, de l'autonomie des jeunes, du retour à l'emploi pour les plus de 50 ans, de l'amélioration de notre système productif.
Sur les retraites, que voulez-vous faire précisément ?
FH : Consolider les régimes par répartition. Pour cela, nous pouvons agir de trois façons. D'abord discuter de l'allongement de la durée de cotisation. Mais cet allongement se heurte à des situations acquises. Surtout il ne prend pas en compte la pénibilité de certaines tâches. C'est pourquoi il est nécessaire d'avoir des approches diversifiées. On peut aussi agir sur le montant de la cotisation des salariés et des employeurs qu'ils soient privés ou publics : il ne serait pas anormal que cette cotisation augmente puisque les retraites sont servies plus longtemps en raison de l'allongement de la durée de vie. Enfin, il ne faut pas exclure des ressources exceptionnelles pour abonder un certain nombre de régimes ou le fonds de garantie des retraites.
Vous pensez à des recettes de privatisations ?
FH : Non car les ouvertures de capital ne doivent être fondées que sur le développement des entreprises concernées et la recherche d'alliances. En aucune façon sur l'obtention de moyens de financement des régimes de retraite. En revanche on peut affecter au fonds de réserve certaines ressources para-fiscales existantes comme le RDS ou la future éco-taxe.
Vous proposez aussi de développer les fonds d'épargne salariaux. En quoi votre projet se distingue-t-il des fonds de pension de Jacques Chirac ?
Le débat entre la droite et la gauche n'est pas entre fonds de pension d'un côté et épargne salariale de l'autre, il est entre fonds de pension et régime par répartition. Plus on donnera d'avantages fiscaux, comme le propose le candidat du RPR, à des contributions individuelles dans le cadre de fonds de pension gérés par des compagnies d'assurances, moins il sera possible d'agir sur les paramètres des retraites par répartition. Peu à peu, les fonds de pension siphonneront l'argent des retraites, notamment les retraites complémentaires.
Vous n'avez pas cité la réforme de l'Etat dans les chantiers prioritaires. Est ce par crainte de prendre de front votre électorat ?
FH : Qu'appelle-t-on réforme de l'Etat ? S'il s'agit, sous un mot moins cru, de dire qu'il faut réduire les effectifs de la fonction publique, je pense que cette idée au demeurant contestable, faute d'être étayée, est dangereuse car elle suscitera une hostilité de principe chez les agents publics et inquiétera les usagers et les élus locaux. Pour réformer l'Etat, il faut partir des besoins et viser une meilleure utilisation des effectifs : si l'on veut davantage de policiers, de gendarmes, d'enseignants, d'éducateurs, d'assistantes sociales, il faudra dégager des moyens dans d'autres administrations. Nous pourrons notamment le faire grâce aux départs des fonctionnaires en retraite (sur un rythme de 62 000 par an à partir de 2004). Mais la réforme de l'Etat ne peut pas se limiter à une réflexion sur la gestion prévisionnelle des effectifs. Elle doit s'inscrire dans une nouvelle étape de décentralisation. Qu'il s'agisse de la formation, des universités ou même de la sécurité, il faut donner de nouvelles responsabilités aux régions ou aux structures intercommunales. L'Etat doit déconcentrer les décisions au niveau approprié, assurer une mobilité professionnelle de ses agents et être en avant-garde dans l'usage des nouvelles technologies pour en assurer la diffusion auprès des Français. Il ne s'agit donc pas de faire des économies à court terme mais d'investir à long terme.
(source http://www.parti-socialiste.fr, le 9 avril 2002)