Article de M. Serge Lepeltier, secrétaire général du RPR, dans "Les Echos" du 27 mars 2002, sur la prise en compte de l'environnement en tant que facteur de production par les entreprises, intitulé :"L'environnement au coeur de l'entreprise".

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Entreprises et environnement ont un avenir lié. L'environnement ne sera pas défendu sans un concours actif des entreprises. Par ailleurs, la réalité s'impose aux entreprises. Elles ont compris que l'environnement peut être une chance de se donner un avantage stratégique essentiel face à la concurrence. Pourtant, les critiques vont bon train lorsque l'entreprise tente de faire la preuve de sa préoccupation d'un développement durable. Les Verts s'enferment dans l'admonestation : la pollution, l'effet de serre, c'est la faute à... Les sceptiques ne veulent y voir que du marketing, une judicieuse politique de communication.
Le changement est en vérité beaucoup plus profond. Il faut l'accompagner, l'approfondir et le rendre systématique. Pour cela, il y a une place pour un partenariat moderne et imaginatif entre les entreprises et les pouvoirs publics. Cette prise de conscience du politique que l'entreprise n'est pas bonne qu'à payer, à passer d'autorité aux 35 heures, est désormais indispensable.
Le moment est particulièrement favorable pour ce nouveau partenariat. La voie est celle de responsabilités croisées entre l'Etat et l'entrepreneur dans au moins quatre domaines : la diminution des rejets polluants dans l'atmosphère et dans l'eau, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la conservation des ressources en eau et en matières premières et le traitement des déchets.
Mais les entreprises n'ont pas besoin que l'on dicte en permanence leur action. Les négociations internationales, les directives européennes, les lois et règlements, l'évolution des opinions publiques, les choix des consommateurs sont autant de signaux qui ces dernières années ont conduit à profondément modifier l'acte de production, le comportement de l'entreprise, sa stratégie même.
Les initiatives sont désormais nombreuses : engagements spontanés à maîtriser et à diminuer les émissions de gaz à effet de serre ; mise en place de marchés de permis négociables au sein de l'entreprise ou dans des groupes d'entreprises ; mobilisation des entreprises au sein d'EPE (Entreprises pour l'environnement).
On peut faire le procès du strass, de la poudre aux yeux. Je n'en crois rien. Il suffit de parler aux cadres de ces entreprises, qui sont citoyens, qui ont des enfants, pour savoir que tout bouge. Les techniciens, les ingénieurs se révèlent souvent les défenseurs les plus efficaces des entreprises vertes.
Pour autant, il ne s'agit pas de considérer l'acteur économique comme a priori vertueux, l'entreprise comme un éternel bon élève. Il faut inciter toutes les entreprises à bien évaluer les risques dont elles peuvent être responsables. Tout doit être mis en oeuvre pour ne jamais commettre l'irréversible : le risque majeur doit être évalué, la vulnérabilité mesurée, les risques lourds réduits. Nous aurons beau mettre en place les conditions, parfois sévères, d'une politique de vigilance, une police de l'environnement, la pénalisation des sanctions, une coopération judiciaire internationale, l'engagement de mesures sur la base du principe pollueur-payeur, il faudra aller dans le sens de la contractualisation et de l'incitation.
Les outils de promotion de cette politique sont nombreux. Ils ont pour objectif de placer l'obligation d'agir, l'obligation de résultat le plus en amont possible. Les grandes pollutions peuvent être irréversibles. Il ne s'agit pas seulement de les interdire, il faut faire en sorte qu'elles n'aient pas lieu.
C'est pourquoi une politique de développement durable appelle la responsabilité citoyenne, sociale et environnementale de l'entreprise. L'engagement doit être écrit, bâti sur le fondement d'une traçabilité technique qui ne laisse aucune place à l'oubli, au relâchement des contraintes. La remise en question doit être permanente.
Cet appel à la responsabilité, à la maturité des entreprises n'efface pas le besoin de revisiter, de rénover notre cadre juridique. Le discours de Jacques Chirac le 3 mai dernier a placé très haut l'obligation du respect de l'environnement, au niveau de la Constitution. Cette charte, il faudra la rédiger et la proposer aux Français. Cette charte, il faudra en préciser les contours et inscrire en parallèle la liste des réformes à mener et qui modifieront l'espace juridique dans lequel évolue l'entreprise.
Cela suppose un débat, des arbitrages, la participation des entreprises à la décision. La fiscalité environnementale doit aussi être comprise comme incitation, module construit pour orienter la recherche, l'investissement de l'entreprise, et non sanction. La constitution d'un comité d'évaluation des pollutions et des atteintes à l'environnement, indépendant, regroupant scientifiques, représentants des ONG, pouvoirs publics, que j'appelle de mes voeux, doit permettre par ses avis d'inciter, d'alerter, de proposer aux entreprises d'autres modes de production. Comment produire aujourd'hui sans se soucier de l'impact sur la biosphère des rejets qu'occasionne le cycle de vie du produit ?
Il y a place pour des stratégies de production durable, pour la recherche d'une véritable éco-efficacité pour l'entreprise. Elle s'écrit à l'envers de l'abandon des contraintes environnementales. Pour cela, l'entrepreneur doit intégrer tous les déterminants de son système industriel, évaluer les conditions d'emploi et de réemploi des flux et des stocks de matière première et d'énergie et favoriser l'émergence de technologies qui permettent le passage vers cette production durable. Les exemples à suivre existent au Canada (Halifax), en Autriche (Graz), aux Pays-Bas (Rotterdam). Gaz de France a lancé avec Grande Synthe la première étude d'écologie industrielle. L'industrie sidérurgique a fait la démonstration de la conjugaison des bénéfices écologiques et économiques en cherchant systématiquement des synergies (comme Usinor à Dunkerque avec le réseau de chauffage urbain).
L'environnement est en effet une valeur pour l'entreprise, un élément de sa compétitivité. Les entreprises françaises sont aujourd'hui largement engagées dans la certification environnementale (ISO 14001). L'éco-activité représente un marché considérable en pleine mutation. L'actionnaire lui-même pousse au respect d'une éthique environnementale. Comme le soulignait le président de la République, Jacques Chirac, le 4 décembre dernier au Salon Pollutec, à Villepinte, " les processus industriels les plus respectueux de l'environnement (...) sont aussi les plus rentables à terme ". Il ajoutait : " Par respect pour leurs clients, par respect pour leurs voisins, dans l'intérêt de leurs actionnaires, les entreprises doivent inscrire dans leur stratégie la protection de la santé et des équilibres naturels. "
Il n'y a pas de meilleure politique qu'une pédagogie bien construite et bien comprise. Les entreprises ont un intérêt de premier rang, comme disent les économistes, à intégrer l'environnement parmi les principaux facteurs de production. Pour les y engager, pour y amener celles qui ont pris dans ce domaine quelque retard, mieux vaut recourir à une batterie d'arguments et de mesures incitatives et écarter les anathèmes. L'environnement fait totalement partie de l'avenir de l'entreprise. Il est un des moteurs de notre croissance future. Il est une nouvelle façon de regarder le progrès technologique, il est même l'élément prépondérant de nos progrès actuels et à venir.
(source http://www.rpr.asso.fr, le 29 mars 2002)