Texte intégral
Mesdames et messieurs,
Permettez-moi, avant même de clore nos travaux, de remercier les organisateurs de ce colloque, et plus particulièrement le Président du CNPR, monsieur Ravoux, ainsi que Martine Lehideux, Présidente du Groupe FN au Conseil Régional, qui nous a fait l'honneur de nous accueillir dans les locaux de cette belle Assemblée.
J'aimerais également féliciter et remercier les deux orateurs précédents, messieurs Dumais et Bild, dont les excellentes prestations ont été très appréciées par une assistance dont la compétence sur la question des retraite n'a d'égale que la passion.
I- Chacun d'entre vous, mesdames et messieurs, mesure sans doute la gravité de la situation.
La retraite de nos compatriotes, notre retraite, fruit d'une vie de labeurs et de sacrifices, risque de n'être bientôt plus qu'une aumône, prélude à l'annonce de la liquidation générale du système de répartition.
Dans celui-ci en effet, les cotisations des actifs sont immédiatement utilisées pour le paiement des retraites des générations plus anciennes.
Ce système, fondé sur la solidarité des générations, a été mis en place en 1945.
Il correspond d'ailleurs tout - à - fait aux caractéristiques de cette époque de prospérité, puisque la préservation de son équilibre financier suppose d'abord une forte croissance démographique, c'est-à-dire le maintien d'une pyramide des âges large à la base et étroite au sommet.
Les classes les plus jeunes, démographiquement les plus importantes, assurent ainsi d'abondantes ressources au système, tandis que les dépenses sont réduites par le faible nombre de personnes âgées, c'est-à-dire d'ayant droits.
Le mécanisme de la répartition suppose aussi une forte croissance économique, puisque les recettes dépendent de la masse salariale, c'est-à-dire de l'emploi, tandis que les dépenses sont moins importantes lorsqu'il n'est pas nécessaire de financer de coûteux régimes de préretraite pour faire face au chômage frappant certains secteurs.
Le ralentissement de la croissance démographique et de la croissance économique joint à l'allongement de l'espérance de vie est donc au coeur des dysfonctionnements actuels de nos régimes.
Le rapport cotisants / retraités, encore appelé rapport démographique, se dégrade en raison de l'arrivée à la retraite des générations du Baby Boom.
En 1980, 4 personnes cotisaient pour un retraité qui en profitait 10 ans. En 2000, 2 personnes cotisent pour un retraité, qui en profitera 20 ans. Enfin, en 2040, 1 personne cotisera pour un retraité, qui en profitera 25 ans.
Mesdames et messieurs, 4 actifs pour un retraité, c'était supportable. 3 actifs pour un retraité, c'est difficile. Mais un actif pour payer les droits d'un retraité, ce n'est pas possible.
Le rapport démographique conduit mathématiquement à un doublement des cotisations ou à une division par deux des retraites.
Les gouvernements ont beau répéter que les comptes du régime général sont en équilibre en 2000 ou 2001, il est certain que si le système n'est pas réformé en profondeur et à court terme, il implosera.
Pour l'ensemble du régime général, les dépenses de retraites se situent autour de 830 milliards en 2001. A partir de 2030-2040, elles atteindront 2.500 milliards par an.
Le risque de faillite est donc bien réel, et on attendait des gouvernements successifs qu'ils prennent les mesures courageuses qu'impose la situation.
Ils n'ont cessé d'augmenter le montant des cotisations, déjà 10% plus élevées que la moyenne des pays industrialisés, sans que cela ne change rien à la diminution des prestations : certaines retraites atteignent péniblement 1800,00 FF par mois, je pense notamment aux prestations versées aux paysans.
Ils ont fixé une règle légale rigide appelée " droit à la retraite à 60 ans ", alors que la durée de vie s'allonge, comme d'ailleurs la durée d'activité, dans tous les grands pays industrialisés comparables à la France.
Récemment, le Commissaire au Plan, monsieur Charpin, a proposé de prolonger la durée de cotisation de 40 à 42,5 ans. Mais si on entre dans la vie active à 25 ans, pour cotiser 42,5 ans, il faut partir en retraite à 67,5 ans. La retraite étant fixée à 60 ans, on perd 7,5 ans. On fera ainsi baisser la pension de 20 à 25%, et le cotisant ne s'en apercevra que le jour de son départ en retraite !
Alors, mesdames et messieurs, quand les pouvoirs publics en sont réduits à utiliser des méthodes de voyous, vraiment, on peut se dire qu'il y a le feu à la maison.
Surtout qu'on évoque désormais le recours à l'immigration pour financer nos retraites ! On veut faire venir des immigrés, alors que la France est incapable de fournir un travail à chacun de ses propres fils. Et puis il faudra m'expliquer comment un travailleur peu qualifié du tiers-monde va pouvoir payer la retraite d'un cadre supérieur. Sauf à envisager un véritable déferlement migratoire, le nombre compensant la faiblesse unitaire des cotisations, c'est impossible !
Hélas, il y a plus fort encore. Je vous disais que le niveau des prestations baisse déjà. Mais de surcroît, le pouvoir d'achat des retraites est amputé.
Il est d'abord grevé par l'ampleur des prélèvements fiscaux : depuis 1990, les prélèvements sociaux - CSG, CRDS, prélèvement sécu - ont augmenté de 8,7 %. En conséquence, le pouvoir d'achat des retraites complémentaires et des retraites des cadres a baissé, et ce d'autant plus que sur la période l'inflation a quand même augmenté de 12%.
Eh oui, on a beau nous dire qu'il n'y a plus d'inflation, les français voient bien la valse des étiquettes, surtout lorsque le passage à l'euro fournit une formidable opportunité de hausse des prix.
Mais revenons aux impôts, qui amputent le pouvoir d'achat des revenus : on oublie également que l'abattement fiscal est passé de 35.000 à 20.000 FF et que la taxation des revenus du patrimoine correspond à une double imposition.
Le pire, mesdames et messieurs, c'est que tous ces impôts supplémentaires ne remédient en rien aux déséquilibres de fond qui minent les régimes de répartition.
Si rien n'est fait pour inverser la tendance, la répartition va spolier plusieurs générations de Français, parce que les lois de l'arithmétique et de la démographie sont incontournables.
C'est la catastrophe, et pourtant tous les français ne sont pas égaux devant le désastre qui s'annonce, la situation de certain étant à bien des égards beaucoup plus favorable que celle des autres.
En effet, alors même que la répartition a été adoptée au nom de l'égalité, de la justice et de la solidarité, aucun de ces principes n'est plus aujourd'hui respecté.
Il existe 350 caisses et 538 régimes, mais on peut distinguer trois systèmes de retraites.
Il y a tout d'abord le régime de la répartition pure, soumise aux contraintes que j'ai indiquées, et qui en l'état est condamné à la faillite.
Il y a ensuite le régime des élus, qui fonctionne selon le principe de la capitalisation, grâce à des subventions auto - distribuées, et qui n'a aucun problème d'avenir.
Il y a enfin celui des fonctionnaires et assimilés, dont les pensions sont garanties par l'Etat.
C'est précisément entre les fonctionnaires et les salariés du secteur privé qu'apparaissent les ruptures d'égalité les plus choquantes.
Il faut bien le dire, les agents publics bénéficient de privilèges exorbitants du droit commun.
En effet tandis que dans le privé, il faut d'ores et déjà 40 annuités pour bénéficier d'une retraite à taux plein, c'est seulement en 2003 que la fonction publique sera assujettie à cette norme. Jusque là, depuis 4 ans, d'années en années, 37,5 puis 38 et 39 annuités suffisaient.
Le montant des cotisations atteint 10 % du salaire dans le privé, contre 8% seulement pour les traitements.
Le mode de calcul de la retraite repose sur les 25 dernières années dans le privé, et sur les 6 derniers mois dans le secteur public.
L'âge d'ouverture des droits est fixé à 60 ans par la loi, sauf pour les fonctionnaires, pour lesquels 15 ans de cotisations suffisent. L'âge moyen de départ à la retraite est de 61,2 ans pour les salariés du privé, de 58,5 ans pour les agents de l'Etat, et de 50 à 57 ans pour les assujettis aux régimes spéciaux.
Ah, les régimes spéciaux....
Ceux-là sont les grands, les vrais privilégiés de la retraite.
Les employés des hôpitaux publics, de la Banque de France, les agents des entreprises publiques et les élus supportent des cotisations inférieures à 8% du salaire, la pension atteignant 80 % du dernier salaire. Ils peuvent bénéficier de retraites anticipées sans minorations, cumuler retraite et emploi, cotiser à un fond de pension, avec déduction fiscale des cotisations je vous prie. Le pire, c'est que c'est l'impôt qui finance ces avantages, et non les cotisations de ces agents !
En bref, les salariés paient trois fois plus de cotisations pour toucher moitié moins.
Vous l'avouerez, en la matière, c'est une bien étrange conception de l'égalité qui été retenue
On nous dit que les fonctionnaires et assimilés gagnent moins que les salariés du privé pendant toute la vie active, et qu'il s'agit donc d'un juste retour des choses.
Je ne crois pas que l'on puisse défendre pareils principes, parce que notre système de retraites ne se réduit pas à un mécanisme original de prélèvement et de paiement. Il joue aussi un rôle sociologique et politique.
II- Les retraites sont en effet à la fois un sujet crucial du point de vue de la cohésion nationale comme de l'égalité républicaine.
En effet, la répartition suppose la solidarité entre les générations.
Je crois ce lien de financement entre les classes d'âge important, puisqu'il regroupe et unifie les générations en la Nation.
A ce titre, notre système crée et révèle l'existence de la communauté nationale.
Les retraites sont aussi au coeur de la fraternité française. Elles marquent la reconnaissance de la nation envers les travailleurs âgés - ce mot de travailleurs étant pris dans son sens fonctionnel et non dans le sens étriqué que les marxistes lui ont donné.
Pour autant, la répartition ne peut faire sentir ses effets bénéfiques que dans la mesure où les conditions de l'égalité devant la retraite sont rétablies.
L'équité exige une harmonisation progressive des différents régimes de base - durée et montant des cotisations, taux de remplacement....
Elle exige également de s'atteler au plus vite à la réforme des régimes spéciaux, par le biais d'un référendum si cela était nécessaire en raison des oppositions corporatistes ou syndicales.
Vous le voyez bien, mesdames et messieurs, il est indispensable de préserver les régimes de base, c'est-à-dire un plancher, un premier étage de prestations, garanti par le retour à l'équilibre financier du mécanisme de la répartition.
Par delà les mesures dérisoires de robinetterie technocratique proposées dans le consensus politicien, la sauvegarde du système implique cependant une politique globale : à la politique démographique de redressement de la natalité française nécessaire aux financements intergénérationnels, il faut adjoindre une politique de croissance économique haute et durable, en réalisant les réformes nécessaires à l'expansion.
Les pouvoirs publics n'ayant pas su prendre les bonnes décisions en temps opportun, il faudra prévoir une période de transition durant laquelle l'Etat pourra être amené à se substituer aux caisses défaillantes.
Par ailleurs, en sus des systèmes de retraites de base et complémentaires, des régimes optionnels de capitalisation sont bien sûr souhaitables - il faut étendre à tous les salariés les garanties du PREFON des fonctionnaires !
Les Fonds de pension ont été mis en place dans la plupart des grands pays industrialisés. Outre qu'ils assurent un second, voire un troisième étage de prestations, ils permettent d'augmenter l'épargne nationale, voire de relancer l'économie mutualiste.
Malheureusement, sur cette question comme sur beaucoup d'autres, la France, encore une fois, est en retard.
Pourtant, dès le XVIIIème siècle, la République avait pour devise la maxime " Liberté, Egalité, Fraternité ", qui aujourd'hui définit si bien les voies de la préservation de nos retraites.
Liberté, parce que chacun doit pouvoir travailler aussi longtemps qu'il le veut, et pouvoir choisir entre les caisses pour faire jouer la concurrence entre elles.
Egalité, parce qu'à travail égal, la cotisation et la prestation doivent être égales.
Fraternité, parce que chacun doit disposer du minimum vital, et parce que la nation existe au travers du lien entre les générations. En ce sens, une politique des retraites suppose nécessairement une politique des berceaux.
Je vous remercie.
(Source http://www.front-national.com, le 4 mars 2002)