Déclaration de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, sur les enjeux de la campagne électorale pour le premier tour de l'élection présidentielle, le bilan du gouvernement Jospin et les dangers d'une réelection de Jacques Chirac.

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Circonstance : Meeting au Havre le 18 avril 2002.

Texte intégral

Cher(e)s Amis,
C'est un grand plaisir que d'être en Seine-Maritime. Je suis venu avec le sentiment de faire uvre utile dans la campagne que nous avons engagée et d'être avec des amis, au premier rang desquels Christophe qui nous accueille comme Premier secrétaire de la Fédération, Alain Le Vern -Président de la Région depuis 1998 et ce ne fut pas chose facile que d'accéder à cette présidence de région. On n'en parle d'ailleurs moins aujourd'hui. Mais, pourtant ! Il y a eu, en 1998, un bon nombre de régions que nous avions gagnées et que la droite nous a ôtées, enlevées, volées même par des accords contre-nature avec l'Extrême droite. Ce fut d'ailleurs un risque ici en Haute-Normandie. Mais, quand je vois quatre ans après les Présidents de ces régions ainsi " élus " (JP Soisson ou Blanc) être dans le comité de soutien de Jacques Chirac, je me dis qu'il y avait là véritablement une stratégie qui, hélas, a fini par porter. Alors, merci Alain d'avoir conjuré cette menace.
Je retrouve également Laurent qui, comme militant, participe pleinement à cette campagne, comme ministre poursuit sa tâche, et qui -depuis maintenant presque deux ans- nous a permis d'atteindre les résultats économiques que l'on sait et de réussir l'Euro et cela n'allait pas de soi. Les craintes les plus vives ont été émises, y compris dans nos rangs, mais aujourd'hui l'Euro circule, l'Euro est là, la France a été au rendez-vous et nous devons tous collectivement t'en remercier.
Nous sommes rassemblés pour un objectif simple : faire élire Lionel Jospin à la Présidence de la République. Mais cette campagne est, à bien des égards, inédite :
Dans sa configuration politique d'abord. 16 candidats -finalement Charles De Gaulle n'avait pas tout à fait tort en parlant de trop plein. 16 candidats à égalité de droits. Une pseudo-évidence qui s'est installée qui voudrait que forcément deux d'entre eux, Jacques Chirac et Lionel Jospin, seraient mécaniquement au second tour, laissant penser que -en défintive- nul besoin de voter pour eux au deuxième tour. Je dois dire ici que, pour être au second tour, il faut, certes être candidat au premier tour, mais surtout être qualifié pour figurer au second. Donc, c'est dès le premier tour qu'il nous faut voter pour celui que l'on veut voir au second tour.
Nous avons également une configuration avec un nombre impressionnant -c'est ce que nous donne les enquêtes d'opinion- d'indécis Curieux paradoxe ! Jamais l'offre n'a été aussi abondante (16 candidats) et il n'y en aurait qui en voudrait peut-être d'autres, ou attendrait pour se prononcer, ou s'interrogerait pour savoir lequel ou laquelle choisir. Et puis cette polarisation pour le second tour.
Il n'est pas simple de rendre lisible, clair l'enjeu de cette élection de premier tour, d'autant plus difficile qu'il pèse sur cette élection un contexte particulièrement lourd, oppressant. Je veux parler de la guerre, car il s'agit de cela au Proche-Orient, avec son cortège de victimes ; des attentats aveugles d'un côté et de l'autre la répression brutale ; l'enchaînement, la spirale, la mécanique infernale que l'on connaît et qui aboutit à ce que des victimes s'ajoutent à des victimes sans voir le conflit se terminer.
C'est vrai qu'Ariel Sharon porte une lourde responsabilité dans la situation ainsi créée. D'abord parce que, dans l'opposition, c'est lui qui a provoqué une forme d'escalade lui permettant de revenir - plus vite qu'il n'était sans doute prévu- aux responsabilités et, une fois Chef de gouvernement, d'en finir avec la résistance Palestinienne quel qu'en fut le coût pour les populations israélienne et palestinienne. Mais il est vrai aussi que Georges Bush porte, lui aussi, par son silence ou son inaction une lourde responsabilité. Et c'est grave pour ceux qui vivent la guerre d'un côté et la terreur de l'autre. C'est aussi grave pour le monde, car nous sommes concernés par ce qui se produit. À la fois sur le plan économique et sur le plan de l'émotion ressentie dans notre pays par la population française. Et que l'antisémitisme ait pu ainsi resurgir, blessé les consciences est une forme d'agression pour l'ensemble de notre peuple. Nous devons donc rappeler les principes de la République, et en premier lieu la laïcité. La laïcité qui exige que l'on reconnaisse d'abord les citoyens à égalité de droits et de devoirs et que l'on ignore les communautés qui n'ont pas de place dans notre République au-delà de la communauté nationale qui nous rassemble tous.
Bien sûr, il s'en trouvera toujours dans des instants aussi graves, parmi même les candidats et pas les moindres, pour utiliser l'émotion - ce fut même le cas au Havre -, pour exploiter la peur, pour récupérer les tensions. Gardons-nous de ce type d'attitude. Et pour autant, dans cette campagne, parce que nous avons à parler à notre peuple, il ne faut être ni discret, ni silencieux. Il faut nous élever à la hauteur des enjeux : quel avenir pour la France ? Quelle place pour l'Europe ? Quel monde organiser ?
Voilà les grands sujets de la confrontation publique qui nous attend. Le premier tour de l'élection est le premier tour d'une élection présidentielle et non pas d'une élection préférentielle. Il ne s'agit pas de donner un avis, de livrer une impression ou de donner une sensibilité comme de marquer une contestation. Il s'agit collectivement de choisir le prochain Chef de l'Etat qui, en France dans la Vème République, a des prérogatives importantes -sauf s'il les concède à un moment dans une dissolution ratée. D'ailleurs, même dans ce cas de figure, il ne s'agit pas de penser que, comme Président de la République, il n'y aurait rien à faire ou alors ce serait grave pour le sortant lui-même. De la même manière, nous devons dire qu'une élection présidentielle sert là aussi à choisir collectivement notre avenir commun. Si bien que les deux questions en débat pour les prochains jours dès le premier tour, est de savoir quel président voulons-nous pour notre pays et quelle société voulons-nous construire ensemble pour les cinq années qui viennent.
Quel Président ?
Nous avons notre candidat et nous lui voyons les compétences et les qualités requises pour prétendre à cette fonction. Quels sont les critères ? Être honnête, c'est le minimum - le nôtre au moins remplit cette condition. Intègre, également. Sérieux, sans doute. Respectueux de sa parole, c'est bien le moins. Capable de diriger le pays, il l'a montré avec un bilan, avec des engagements tenus. Capable maintenant de livrer un projet, certainement. C'est vrai que Lionel Jospin a réussi là où ses prédécesseurs avaient échoué, notamment dans ce qui était pour nous le défi majeur : la lutte contre le chômage.
Nous ne le répéterons jamais assez, mais pourtant c'est vrai : nous avons créé plus de deux millions d'emplois depuis cinq ans, nous avons réduit le chômage de près d'un million, nous avons gardé la croissance partout où elle s'affaiblissait ou s'écroulait. Belle réalisation que celle de Lionel Jospin ! Et il a été capable, là aussi, de tenir ses engagements là où Jacques Chirac les oubliait dès le début du chemin. Et il a été capable de montrer un sens de l'Etat mais aussi un sens de la délibération collective : il a animé sa majorité et délibéré collectivement son gouvernement. Bref, il est capable de présenter un contrat aux Français. Et, à l'évidence -même si on peut contester tel ou tel élément de ce contrat, même si on peut souhaiter qu'il aille plus loin à bien des égards- ce qui est sûr, c'est que ce qu'il y a dans le contrat de Lionel Jospin il le fera s'il est demain Président de la République.
C'est vrai que nous ne sommes pas seuls dans cette élection. Il y a d'autres candidats, et notamment un qui est le sortant. Il n'est apparemment pas doté du même tempérament que Lionel. Il appartient, si l'on peut dire, à une autre culture. Nous le connaissons bien.
Mais, en 1995, il a été enfin élu à la présidence de la république, mais sur une mystification, une illusion, un malentendu. Il avait utilisé la fracture sociale, non pas parce qu'il l'avait rencontré, mais parce qu'il voulait écarter Edouard Balladur qui se plaçait sur son chemin. Donc, ce fut la fracture sociale - cela aurait pu être autre chose -, thème qu'il avait trouvé pour faire au moins la différence par rapport à son concurrent de droite. Des promesses furent faites, des engagements furent pris, des objectifs furent fixés.
Et, en quelques mois, avec Alain Juppé, ce fut :
Deux points de TVA ajoutés au taux normal ;
Création du RDS (0,5 point de pouvoir d'achat amputé sur tous les revenus, y compris sur ceux des chômeurs et des prestations familiales ; ce fut la première fois que l'on instaurait un prélèvement de cette nature) ;
Le forfait hospitalier fut augmenté ;
Le gel des salaires de la fonction publique fut décrété ;
Une baisse du pouvoir d'achat fut constatée dans les deux ans du gouvernement Juppé.
Profitant sans doute de cette tendance à l'amnésie qui, quelques fois nous gagne, Jacques Chirac reproduit aujourd'hui la même méthode. Ce n'est plus de fracture sociale dont il s'agit - c'est maintenant usé, c'est de fracture nationale - entendez-la la montée de l'insécurité. Non pas pour apporter des réponses -c'est souhaité et c'est souhaitable car nous savons bien que c'est l'une des préoccupations majeures des Français et à juste titre, mais pour utiliser cyniquement ce thème et en faire, finalement, un profit électoral. Non pas pour confronter ses positions aux nôtres, non pas pour enrichir le débat ou ajouter un certain nombre de réflexions à ce qui est un travail mené depuis maintenant cinq ans avec obstination par le gouvernement de Lionel Jospin ! NON ! Il s'agit là de faire le terreau de ce que pourrait être une aventure électorale.
Alors, il a nous dit-on des propositions nouvelles. Et, à la télévision il y a peu, après la tragédie de Nanterre, il annonçait ce qu'allait être son plan pour la sécurité. Et il a fait cette déclaration : " Dès mon élection, l'insécurité d'un seul coup chutera " Belle ambition ! " Et je vais vous dire quelle serait la mesure qui permettrait d'un seul coup de battre l'insécurité : je réunirai le Haut Conseil de la Sécurité Intérieure auprès de moi ". Les délinquants qui peut-être ce soir-là regardaient la télévision ont pu ainsi être rassurés ; ce Haut Conseil de la Sécurité Intérieure existe et il n'a pas besoin d'être placé à cette échelle-là.
Mais cette roublardise, ce cynisme, a eu un effet et il est malencontreux : en définitive, loin de profiter à Jacques Chirac, cette surenchère sur l'insécurité a redonné, hélas, les moyens de redevenir une menace aujourd'hui pour notre pays.
Alors, dans cette période, c'est vrai que nous devons être attentifs. Attentifs aux engagements que nous prenons, mais attentifs aussi à ce comportement invraisemblable de la part de notre adversaire principal qui, en période de campagne, est dans la distribution sans aucune limite de promesses. Tout est possible. À la fois moins d'impôts et plus de dépenses ; moins de cotisations sociales pour les employeurs mais plus de protection sociale pour les salariés ; plus de service public, mais moins de fonctionnaires ; plus de protection et de sécurité, mais moins d'Etat ; et un peu moins de TVA promise aux restaurateurs, aux charcutiers, aux artisans mais simplement le temps de la campagne. Dans les régions qu'il traverse, c'est un TGV qui est promis ; pour chaque groupe demandeur de l'intervention de l'Etat, il a une réponse : c'est la loi-programme. Qu'est-ce qu'une loi-programme ? Généralement, c'est généralement une loi sur cinq ans qui n'est pas appliquée. Pour lui, c'est donc une aubaine. Alors, c'est une loi-programme pour la police ; c'est une loi-programme pour la Justice ; loi-programme pour l'Armée -quoique pour l'Armée, il est allé plus loin qu'il n'était attendu y compris du côté des militaires, puisqu'il leur a promis un deuxième porte-avions nucléaire ; il est vrai que c'était la question posée avec insistance sur les marchés (du Havre ou d'ailleurs). Les gens vous prennent par la manche et vous disent : " Alors, ce deuxième porte-avions nucléaire, vous allez le faire ? " Jacques Chirac, lui, dit oui. Nous, nous préférons consacrer les dépenses publiques à venir pour l'éducation et la formation plutôt que pour un deuxième porte-avions nucléaire.
Il y a quelques jours, il a reçu des personnes issues des DOM-TOM et qui venaient aux nouvelles en termes de promesses. C'était le rassemblement des Antillais de droite, qui n'avaient pas pu le voir aux Antilles et qui venaient le voir sur place. Là, Jacques Chirac est allé encore plus loin que pour les autres catégories -sans doute parce que c'était les DOM. Il leur a promis une loi-programme sur 15 ans ! J'ai même eu peur pendant un moment, j'ai cru qu'il annonçait qu'il pouvait être candidat encore deux autres fois !
Il a été jusqu'à promettre des billets d'avion gratuits pour les Antillais qui vivent en métropole et souhaitent retourner aux Antilles ! Il avait d'ailleurs promis les mêmes billets d'avion aux Antillais des départements d'Outre-Mer pour venir en métropole. Mais, tout de même, que Jacques Chirac puisse promettre des billets gratuits ! Cela je ne l'avais pas imaginé !
Il faut en finir avec ces comportements politiques, avec cette façon de faire ou de défaire la politique, avec cette image même de la politique, ainsi travestie et détournée de son objet même qui est de s'engager pour l'avenir. Et il faut exiger dans ce débat politique une dignité, une clarté, et c'est le sens de la démarche que nous voulons fixer avec Lionel Jospin.
Quelle société voulons-nous ? Une société de progrès et d'apaisement ?
Oui, il est important que la Gauche, enfin la Gauche qui agit, qui transforme, qui réforme, la Gauche qui a toujours fait avancer notre pays puisse de nouveau se voir confier la responsabilité de son destin. Lionel Jospin est, après Léon Blum, François Mitterrand, le continuateur de cette gauche-là qui, à chaque fois, malgré les épreuves ou les obstacles, a su faire progresser notre pays, conquérir de nouveaux droits, avancer vers de nouveaux espaces de liberté. Aujourd'hui encore, c'est ce défi-là qu'il faut relever. Les problèmes sont différents : société de communication, société du savoir, société du partage toujours, et puis l'Europe, le monde qu'il faut organiser différemment. Nous avons toujours, nous les socialistes mais aussi au-delà des socialistes (les femmes, les hommes qui nous ont rejoint), cette haute idée du progrès social, cette idée qu'il est toujours possible d'améliorer la condition humaine, cette idée forte que sans nier la réalité de l'économie ou sans altérer même les sources de production des richesses, il faut répartir, organiser et accomplir ce beau destin de l'accomplissement personnel et de la promotion sociale. C'est cela qui nous anime depuis toujours.
Mais, en même temps, nous voyons bien à travers la violence, les conflits, la montée du corporatisme, de l'individualisme, cette perte des repères, cette déstructuration familiale, combien il faut apaiser notre société, la mettre en harmonie, vivre ensemble, assumer la réconciliation entre catégories pour porter plus haut l'intérêt général. Nous sommes toujours à l'heure des choix entre une société qui doit s'épanouir tout en affrontant des défis d'une autre ampleur. Mais, nous avons toujours cette alternative. Le faisons-nous avec les moyens de l'organisation humaine, avec la démocratie, avec la volonté ou laissons-nous libre court aux marchés, et la dureté de la vie l'emporter sur la nécessité de l'apaisement collectif ?
Les menaces sont encore plus fortes, on le voit dans nos quartiers, dans nos villes ; on voit les risques qui sont devant nous. Sera-t-il possible, au-delà de la répression nécessaire et de la sanction indispensable, de prévenir les maux qui touchent nos sociétés ou au contraire, allons-nous vers un affrontement, une dureté dans le conflit, une âpreté dans les relations humaines ?
En face de nous, comme toujours, nous avons la droite qui voudra faire régresser notre pays. Non pas parce que ce serait, en définitive, son objectif, mais parce que ses solutions sont toujours de cette nature.
Au moment où :
Nous avançons de nouvelles perspectives en matière de plein emploi à travers de nouveaux instruments -que ce soit les contrats de retour à l'emploi pour les plus de 50 ans, le droit reconnu pour chacun à la formation sur toute la vie, cette manière d'accéder à tout moment de son parcours professionnel à de nouveaux savoirs, de nouvelles technologies, à de nouvelles connaissances ;
Nous sommes capables de définir, comme nous l'avons fait en 1997 avec les 35 heures et les emplois-jeunes, de nouveaux horizons pour atteindre le plein emploi ;
Nous avons encore ce souci de lutter contre la précarité du travail et des conditions dans lesquelles il s'exerce -parce que c'est là aussi une exigence sociale ;
Nous sommes dans l'organisation d'une société plus autonome pour chacun de ses membres, mais plus exigeante quant à ses devoirs -c'est pourquoi nous proposons la solidarité entre les générations pour les retraites mais également le contrat d'autonomie pour les jeunes ;
Nous montrons notre capacité à réformer les institutions en donnant plus de droits aux élus mais aussi plus de capacité aux citoyens pour intervenir - c'est pourquoi nous pensons que les droits qui peuvent être reconnus aux étrangers installés dans notre pays depuis longtemps de pouvoir voter aux élections locales sont une perspective naturelle.
La droite n'est pas dans cet état d'esprit. D'abord parce qu'elle partage l'idée fausse qu'il y aurait nécessairement déclin, qu'il y aurait nécessairement recul chaque fois que la gauche est au pouvoir. La droite veut remettre en cause sans le dire le plus souvent toutes les avancées, tels les 35 heures, le droit fondamental à la retraite fondée sur la répartition ou encore cherche à menacer la protection des salariés en matière de licenciements ou de plans sociaux.
Elle est toujours animée par cet esprit de revanche dont elle ne se départit jamais. En ce moment d'ailleurs, et je ne sais pourquoi, ils se voient de nouveau appelés aux responsabilités. C'est Jacques Chirac qui va à Poitiers et qui fait monter sur l'estrade RAFFARIN qui se voit couronné " reine d'un soir ". Les rivaux prennent peur. Et Nicolas SARKOZY, n'écoutant que son tempérament inimitable, pensant qu'il est sans doute évincé par l'homme, va vers la femme. Et, nous dit-on, il serait rentré dans l'avion personnel de Bernadette Chirac après un meeting à Toulouse. Ce serait donc là son bonheur ! Et, il serait ainsi en train de composer son gouvernement : DOUSTE-BLAZY serait au Quai d'Orsay -la paix n'a cas bien se tenir ; RAFFARIN, l'éconduit, serait aux Affaires Sociales -sans doute par solidarité ; Philippe SEGUIN serait à l'Education Nationale.
Mais, au-delà de ce choix qui s'annonce, nous devons prendre conscience des risques de tensions, de blocages de la société française. Parce que, chaque fois, il y a cette mécanique infernale de la Droite qui, revenant aux responsabilités en 1986, puis en 1993, puis avec Jacques Chirac de 95 à 97, a toujours été capable de l'échec, toujours été capable de mettre des milliers -voire des millions de Français dans la rue, toujours été capable de heurter les consciences, toujours été capable d'affaiblir les libertés dans notre pays.
C'est encore cela l'enjeu de cette campagne. Elle n'est pas finalement sans intérêt.
Il y a toujours une idée présente dans les campagnes électorales, chaque fois colportée : ce serait la même chose entre les uns et les autres, qu'il y aurait confusion dans les programmes.
C'est une vieille rengaine et François Mitterrand en 1988 en faisait déjà l'observation. Il disait : " Cette campagne, nous dit-on, n'est pas intéressante ; nous dirions tous la même chose " et, il ajoutait " on peut, Gauche et Droite, utiliser les mêmes mots, dire les mêmes choses, mais ce qui est sûr, c'est Gauche et Droite, nous ne font jamais les mêmes choses lorsque nous sommes aux responsabilités ".
Si bien que les clivages sont toujours là. Les parlementaires les ont vécus tout au long de la législature qui vient de s'achever. La droite n'a jamais voté une seule loi présentée par le gouvernement. Toutes les réformes que nous avons engagées n'ont jamais eu le soutien de la droite. Et il n'y aurait pas de différence entre les uns et les autres ? De même, sur l'ensemble des grands sujets qui font débat dans notre République depuis que le suffrage universel a été introduit, il y a toujours eu des différences sur le rôle de l'Etat, sur la liberté individuelle, sur la redistribution des richesses.
Il y a même eu des différences importantes sur l'Europe ou sur le rapport au monde ou la solidarité. Et je ne peux accepter que l'on puisse réduire le débat politique à cette forme de confusion qui ne profite qu'aux mêmes. Il y en a un qui y a intérêt parce qu'elle pourrait le conduire à une logique de reconduction. Il me revient d'ailleurs qu'il y a un an, le Chef de la Gauche italienne était venu à Paris et il disait que ce qui se passait en Italie par rapport à Berlusconi était terrible. Il préparait les élections législatives et il se disait -en Italie- que l'honnêteté mise à part (et c'est déjà beaucoup pourtant) il n'y avait pas de différence entre les uns et les autres. Un an après, il y trois millions d'Italiens qui sont descendus dans les rues de Rome et l'on nous annonce pour demain ou après-demain, dans toute l'Italie, une grève générale pour protester contre les grandes remises en cause des droits des salariés en matière de protection contre les licenciements, pour protéger les retraites.
Je ne souhaite pas que, dans mon pays, dans un an, nous soyons trois millions dans la rue pour défendre l'essentiel : la protection sociale ou les retraites.
De la même manière qu'on nous disait qu'il n'y avait pas de différence entre Bush et Gore aux Etats-Unis. Quelle fut la première décision de Bush une fois Président des Etats-Unis ? C'est le refus de signer le protocole de Kyoto qui prévoyait la lutte contre l'effet de serre et les émissions de CO2. Et je pense que s'il y avait Gore plutôt que Bush à la tête des Etats-Unis, peut-être que le conflit du Proche-Orient aurait été arrêté.
Pas de différence ! C'est ce que l'on nous disait aussi au moment des élections en Israël, parce que l'on prétendait qu'entre Barak et Sharon il n'y avait pas de distinction puisqu'ils sont tous les deux des généraux. Sauf que c'est Barak qui recherchait la paix quand c'est Sharon qui provoque le conflit. C'est aussi une différence qu'il faut avoir à l'esprit.
Ne veulent pas voir la différence ceux qui entretiennent cette confusion. Et je ne parle pas simplement du candidat RPR, mais aussi des extrêmes, et notamment de l'Extrême gauche. Mais quand l'Extrême gauche refuse de prendre sa responsabilité au second tour en faisant voter pour la gauche tout en lui adressant des critiques et préconise l'abstention ! Alors, il faut s'abstenir de voter pour l'Extrême gauche dès le premier tour.
Où en seraient les travailleuses et les travailleurs s'il n'y avait pas eu dans notre Histoire des socialistes, des femmes et des hommes de gauche pour prendre leurs responsabilités, pour prendre des risques devant le suffrage universel, pour prendre des décisions, pour faire voter des lois, pour affronter des obstacles qui s'appelaient " mur de l'argent " hier ou MEDEF aujourd'hui ! Et pour faire voter les congés payés, la retraite à 60 ans, les 35 heures Heureusement qu'il y a des femmes et des hommes de gauche qui agissent, qui réforment et qui transforment !

CONCLUSION
Alors, nous avons maintenant devant nous la bataille essentielle qui est celle de la mobilisation. Nous sommes devant une élection à deux tours et non deux élections. Il faut assurer dès le premier tour la mécanique du succès qui va permettre la dynamique du succès. Les risques, ils ont été évoqués par Laurent, ce sont la dispersion et l'abstention. Il faut donc faire campagne, parce que tout va se jouer en à peine cinq semaines pour cinq ans. Il y aura les deux tours de l'élection présidentielles et les deux tours des élections législatives. Et ç'en sera fait des choix qui seront pris par les Français. Il faut donc ne pas laisser un homme seul faire campagne, en l'occurrence Lionel Jospin, même si c'est le plus talentueux. Il ne faut pas simplement faire la campagne à la télévision -il y 16 candidats et les temps de parole sont répartis entre tous ces prétendants. Il ne faut pas faire la campagne du haut, c'est-à-dire de l'ensemble des formations politiques ou des responsables de campagne. NON ! La campagne doit se faire du côté des citoyens.
C'est donc à vous, à nous de nous mobiliser pour mettre Lionel Jospin en situation de l'emporter avec un résultat dès le premier tour qui permette le rassemblement, le rassemblement au-delà des socialistes, le rassemblement de la Gauche, le rassemblement de toutes les forces de progrès - d'où qu'elles viennent -, et le rassemblement des autres, des citoyens qui veulent en terminer avec une présidence qui, finalement, fait honte à la France et qui veulent ouvrir de nouveaux espaces, de nouveaux horizons, de nouvelles conquêtes et qui espèrent en un avenir meilleur.
C'est là le défi qu'il nous faut relever. Il faut solenniser cette élection présidentielle. Elle est importante. Elle suppose pour notre génération d'être capable de mener cette France de progrès, de faire en sorte que nous puissions continuer à construire l'Europe et, qu'avec la France, avec l'Europe, nous soyons capables de changer le monde tel qu'il est.
C'est bien cette mission qui nous attend. Et pour la remplir, pour l'accomplir, nous avons besoin de Lionel Jospin comme Président de la République
(source http://www.parti-socialiste.fr, le 2 mai 2002)