Interview de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, dans "La dépêche de Tahiti" du 16 mai 2002, sur la volonté de la Polynésie de renforcer son autonomie, le projet de défiscalisation des investissements et la lutte contre l'insécurité.

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Média : La Dépêche de Tahiti

Texte intégral

I - Le Président de la République vient de vous nommer dans un ministère à part entière que vous connaissez bien. Ce qui sous-entend également que vous connaissez bien les élus. Vous savez donc combien le Président Flosse est attaché à l'évolution statutaire du territoire. Pensez-vous que les TOM doivent être traités de la même manière que le reste de la République dans ce domaine ?
La notion de TOM n'a plus beaucoup de sens aujourd'hui. Le traitement différent auquel vous faites allusion doit concerner l'ensemble des collectivités d'outre-mer qui, compte tenu de leur éloignement géographique, de leurs problèmes très spécifiques, de l'environnement international particulier dans lequel elles évoluent, ne peuvent être traitées comme les collectivités de métropole. Chacune de ces collectivités d'outre-mer doit pouvoir exprimer sa liberté de choix d'un statut sur mesure dans le respect de l'unité et des principes de la République. Le choix de la Polynésie française, c'est le renforcement de son autonomie. Ce choix sera respecté.
II - Vous avez déclaré que vous appliqueriez les engagements du Président de la République envers la Polynésie française. Vous les connaissez bien, ces engagements, puisque vous étiez présente lors de la visite de la délégation polynésienne à Jacques Chirac en février dernier et qu'ils ont été repris lors de la campagne pour l'élection présidentielle. Ils sont nombreux. En dehors des questions statutaires et de la pérennisation du fonds de reconversion que vous avez mentionnées dans vos premières déclarations, quelles sont vos priorités ?
La loi-programme de 15 ans pour l'outre-mer dont j'ai commencé la préparation et qui est un engagement fort du Président de la République, mettra en place un nouveau système de défiscalisation qui devrait permettre de relancer l'investissement en Polynésie française. La lutte contre l'insécurité sera également prioritaire. Participant au conseil de sécurité intérieure qui se réunit sous l'autorité du Président de la République, je compte bien faire prendre en compte toutes les spécificités de l'outre-mer, pour que les mesures qui seront prises pour la métropole soient renforcées et, le cas échéant, adaptées.
III - Certains partis politiques réclament un référendum sur l'indépendance de la Polynésie malgré des scrutins locaux largement gagnés par le parti de Gaston Flosse qui, comme vous le savez, est favorable à une large autonomie mais pas à l'indépendance. Pour les partisans du référendum, il s'agit de clarifier une fois pour toutes ce que souhaite la population. Votre avis ?
La majorité des Polynésiens est attachée à la République et ne souhaite pas l'indépendance. la Polynésie n'est pas en crise. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait organiser un référendum d'autodétermination qui aurait pour effet de créer inutilement des tensions dans une population dont l'attachement à la France ne fait pas de doute.
IV - L'insécurité gangrène un peu partout la vie des citoyens. Les délinquants se retrouvent très vite dans la rue faute de place dans la prison de Nuutania qui devient une véritable offense à la République tant elle est vétuste. Rien n'est prévu pour les adolescents ayant commis des délits. Pensez-vous que l'Etat pourrait enfin envisager de construire un centre pour les jeunes et une prison décente et moderne pour les adultes ?
Ce que vous dénoncez n'est pas hélas propre à la Polynésie. Les mesures que vous évoquez font partie des actions prioritaires que mènera le gouvernement, conformément aux engagements pris en la matière par le Président de la République : en effet, dès ce deuxième conseil des ministres, a été créé, sous l'autorité du Premier ministre, un Conseil de sécurité intérieure auquel le ministre de l'Outre-mer participera de façon permanente.
V - Avez-vous des divergences de vues avec le Territoire sur tel ou tel dossier, et si oui lesquelles ?
Je suis surprise de cette question. La politique que je vais mettre en uvre est celle qu'a souhaitée le Président de la République et sur laquelle il s'est engagé au cours de sa campagne. Or je n'ai pas entendu jusqu'à présent les autorités du territoire critiquer cette politique. Je ne vois donc pas quelles divergences de vues il pourrait y avoir.
VI - Vous êtes déjà venue en Polynésie avec Dominique Perben lorsqu'il était ministre de l'Outre-mer. Viendrez-vous pour le comité de suivi de la loi d'orientation qui doit se tenir entre les mois de juin et août, puis avec le Président Chirac en octobre comme il l'a promis ?
Je suis venue plusieurs fois en Polynésie, avec Dominique Perben mais aussi avec Jean-Jacques de Peretti, et j'en garde un souvenir extraordinaire. Ces visites m'ont permis à chaque fois, de participer à l'évolution positive de certains dossiers répondant aux attentes des Polynésiens. Je garde, par ailleurs, en mémoire les excellentes relations que j'ai pu développer à ce moment-là avec les autorités du territoire et en particulier le Président Gaston Flosse. Je souhaite pouvoir revenir dans votre magnifique territoire très prochainement et ensuite accompagner le Président Chirac qui s'est effectivement engagé à vous rendre visite au début de son nouveau mandat.
VII - Avoir été conseiller, puis directeur de cabinet des ministres de l'Outre-mer et enfin ministre vous-même alors que vous n'êtes pas RPR constitue une belle reconnaissance de vos connaissances mais aussi sans doute de votre psychologie envers des élus aux personnalités différentes promptes souvent à se cabrer. Utiliserez-vous le dialogue, la diplomatie, l'autorité ou les trois à la fois ?
Peut-être les trois à la fois. Mais j'y ajouterai sûrement le respect de mes interlocuteurs, et une grande humilité car l'Outre-mer est complexe et il faut être en permanence à son écoute.
VIII - Si la droite ne gagne pas les législatives, vous devrez quitter la rue Oudinot. Retournerez-vous à l'Elysée ?
Comme l'ont souligné le Président de la République et le Premier ministre, ce gouvernement n'est pas un gouvernement de transition, c'est un gouvernement de mission qui est appelé à déployer son action dans la durée. Je n'ai donc en tête que le souci de prendre à bras-le-corps les difficultés qui se présentent pour servir l'Outre-mer avec conviction, détermination et aussi affection.

(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 30 mai 2002)