Texte intégral
J'ai vu le ministre indien, le ministre pakistanais. Je leur ai dit que nous encouragions vivement la reprise du dialogue entre l'Inde et le Pakistan, tel que cela avait démarré il y a quelques mois quand le Premier ministre indien s'était rendu à Lahore. Il y avait eu là un moment prometteur et encourageant.
Depuis il y a eu les escalades que l'on sait. Nous les encourageons de part et d'autre à limiter leur niveau d'armement, à signer différents instruments de désarmement ou de limitation nucléaire, ou sur les essais etc. Nous disons la même chose aux deux et nous le faisons en maintenant le dialogue. L'approche française n'est pas de brandir des menaces ou de procéder par sanctions. Ce sont des grands pays engagés dans une sorte de recherche d'équilibre régional très compliqué. La question de la Chine est derrière cela. Il n'y a pas que Inde et le Pakistan, il y a tout un triangle.
J'ai reçu à Paris plusieurs fois ces deux ministres, et j'envisage de leur rendre visite un peu plus tard, mais il faut qu'il y ait un contexte permettant de faire des choses positives.
Q - N'a-t-on l'impression quand même que ce sont les Indiens qui font un peu monter les enchères ?
R - Ce n'est pas le cas dans l'affaire de Kargil. On peut discuter historiquement sur l'affaire du Cachemire.
Q - Sur l'armement nucléaire ?
R - Le problème de l'Inde par rapport au nucléaire, ce n'est pas le Pakistan. Le Pakistan, c'est une conséquence annexe. Le problème de l'Inde, c'est que l'Inde n'admet pas de ne pas avoir le même statut que la Chine. Le Pakistan est secondaire dans leur raisonnement. Cela ne compte même pas dans leur raisonnement stratégique. Militairement, diplomatiquement et au Conseil de sécurité, ils veulent le même statut. Ce pays est engagé dans cette politique.
Il y a un phénomène compliqué et jusqu'ici la réaction internationale n'a pas tellement pesé. Cela a un peu limité la fuite en avant, limité l'escalade, et ils se déterminent vraiment sur des critères intérieurs, ou des critères stratégiques régionaux.
Depuis le début nous avons estimé qu'il fallait avoir un vrai contact, un vrai dialogue, en plus de notre influence afin de canaliser, dans le bon sens, cette espèce de pulsion nationale indienne ou pakistanaise.
Q - Quel bilan faites-vous de votre entretien avec Arafat, avez-vous transmis un message précis du gouvernement français?
R - J'ai vu le président Arafat ici à New York alors même qu'il va se rendre à Paris. Il y sera reçu par le président et par le Premier ministre.
En ce qui concerne l'application des accords conclus dans le passé et qui n'étaient jamais appliqués sous différents prétextes par M. Netanyahou, il y a une vraie différence, et le président Arafat est satisfait qu'il y ait eu la réunion de Charm El Cheik avec ce mémorandum et cet engagement renouvelé. Il est la fois positif et attentif. Il m'a dit : "Nous attendons la mise en oeuvre". Il m'a parlé de sa rencontre avec M. Barak à son domicile. Celui-ci lui a dit : "Je suis le successeur et le continuateur de Rabbin." Le président Arafat lui a dit : "Je le souhaite" et il dit donc "J'attends la mise en oeuvre."
Je lui ai fait part de notre analyse qui est que M. Barak montre qu'il est un négociateur exigent, dur, qu'il défendra par tous les moyens les intérêts de son pays mais qui a l'air d'être un homme qui tient les engagements qu'il prend. Là aussi il m'a dit : "C'est exactement ce que nous souhaitons". Ca c'est pour la mise en oeuvre accords de Wye qui n'étaient pas appliqués et qui sont devenus le mémorandum de Charm El-Cheik.
Pour l'avenir, c'est ce qu'on appelle "la négociation sur le statut final", dont les sujets sont tous extraordinairement complexes : le statut de Jérusalem, les frontières, les réfugiés, l'eau, le sort des colonies, beaucoup d'autres sujets. Les uns et les autres savent que cela s'annonce complexe, comme tous les observateurs et tous les pays amis - les pays du Proche Orient qui souhaitent la paix comme la France, intensément - tous savent que c'est un sujet très compliqué. Le président Arafat se prépare à cette négociation comme le fait M. Barak. On ne peut rien dire à l'avance. En tout cas on ne peut pas accréditer l'idée que la négociation qui reste à mener est une négociation facile, et qu'il n'y a plus qu'à en boucler quelques aspects.
Je crois que les difficultés qui ont été rencontrées dans le passé ne sont rien à côté des difficultés qui attendent les négociateurs dans cette phase nouvelle. Mais la grande différence c'est que, s'il y a une volonté d'aboutir, parce que les uns et les autres pensent que c'est leur intérêt de trouver un solution, on peut espérer que les obstacles seront surmontés. Ce n'est pas du tout la même chose que quand on a affaire à des dirigeants politiques qui cherchent en fait simplement des prétextes pour arrêter les négociations, pour qu'elles tournent court. Là il y a une volonté et de part et d'autre. Et les Européens, la France en particulier seront là, constamment, pour encourager ce mouvement, aider cette volonté, être utiles si on peut l'être, comme le disent le président et le Premier ministre, comme je le répète constamment aux uns et aux autres, pour aboutir enfin, un jour, à un Proche-Orient en paix.
Q - Vous allez évoquer le problème de l'Iraq : est-ce que l'on est toujours dans l'impasse ?
R - Les discussions continuent. Ce problème va être évoqué lors d'un déjeuner autour du Secrétaire général des Nations unies avec les ministres des Affaires étrangères des cinq pays membres permanents. Il y a une discussion au sein du Conseil depuis des mois sur la façon de traiter l'affaire iraquienne. La France a proposé un système de contrôle de tout éventuel réarmement de l'Iraq en armes prohibées, et de contrôle de ses revenus financiers qui, à notre avis, seraient suffisamment efficaces pour qu'on puisse se passer de l'embargo. Et que l'on puisse donc lever les sanctions sur les empêchements, les interdits, aussi bien sur les importations que sur les exportations. Cet embargo a des conséquences sociales et humaines cruelles, dévastatrices pour la société iraquienne. Ces mesures ne gênent pas les dirigeants iraquiens et donc, elles ont quelque chose d'absurde, en réalité.
Ce qui est vraiment important et ce qui est notre objectif à tous, c'est la sécurité régionale. Tous les pays voisins de l'Iraq nous disent "Pensez-y, c'est important pour nous", et ils ont raison. Nous intégrons cette donnée. Mais nous pensons que le dispositif que nous avons proposé permettrait de surmonter cette apparente contradiction.
Nous discutons sur ces bases au sein du Conseil. Nous discutons avec les Britanniques notamment, qui recherchent activement une formule permettant d'obtenir un consensus. Nous discutons aussi avec les Américains Les choses ne sont pas mûres au point d'aboutir à un texte commun cette semaine à New York. Les discussions continuent. Elles ont lieu depuis des semaines et des semaines, elles peuvent très bien continuer un certain temps. Ce qui serait positif, c'est que nous arrivions tous les cinq à dire que nous allons travailler à une nouvelle résolution.
Mais nous allons en parler dans quelques minutes et je ne peux pas vous assurer que nous atteindrons ce résultat. Mais ce serait un signal. Si les cinq disent : "Nous allons préparer une nouvelle résolution" cela veut dire que nous avons tous la volonté de sortir des arguties sans fin sur les modalités d'application des résolutions adoptées en 1991. Cela constituerait un signal relativement encourageant, même si le fond du sujet reste difficile.
Q -(inaudible)
R - C'est un sentiment qui prévalait il y a encore quelques semaines, peu de temps après l'arrivée au pouvoir de M. Barak. Je n'ai pas le sentiment aujourd'hui qu'ils aient cette préoccupation, tout simplement parce qu'ils ont vu en pratique que les choses ont bougé plus vite dans le volet israélo-palestinien que dans le volet israélo-syrien. Dans le volet palestinien, il y a eu donc cette réunion de Charm El-Cheik avec la confirmation des engagements de Wye et un calendrier. Les choses ont donc bougé. Ils se préparent à la phase suivante, les négociations difficiles sur le statut final. Sur le volet israélo-syrien ou israélo-libanais, un certain nombre d'approches ont lieu de part et d'autre pour déterminer les conditions dans lesquelles les négociations pourraient reprendre. Ce n'est pas encore le cas, cela va venir.
On va y arriver à un moment ou à un autre, mais s'il y a un volet qui avance plus vite que l'autre, pour le moment c'est le volet israélo-palestinien. Donc cette inquiétude n'est pas d'actualité. J'ai d'ailleurs la conviction que M. Barak cherchera à progresser sur les deux fronts, compte tenu de son analyse globale géopolitique sur les intérêts stratégiques d'Israël. Je pense qu'ensuite chaque négociation avancera en fonction des difficultés particulières de chaque dossier. Il n'y a donc pas de choix entre une négociation et l'autre en réalité. Tous les protagonistes savent bien que tout doit progresser.
Q - Comment avez-vous trouvé le président Arafat ?
R - Je l'ai trouvé très vif, très au fait des moindres détails de la négociation en cours et très content d'aller à Paris.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 septembre 1999)
Depuis il y a eu les escalades que l'on sait. Nous les encourageons de part et d'autre à limiter leur niveau d'armement, à signer différents instruments de désarmement ou de limitation nucléaire, ou sur les essais etc. Nous disons la même chose aux deux et nous le faisons en maintenant le dialogue. L'approche française n'est pas de brandir des menaces ou de procéder par sanctions. Ce sont des grands pays engagés dans une sorte de recherche d'équilibre régional très compliqué. La question de la Chine est derrière cela. Il n'y a pas que Inde et le Pakistan, il y a tout un triangle.
J'ai reçu à Paris plusieurs fois ces deux ministres, et j'envisage de leur rendre visite un peu plus tard, mais il faut qu'il y ait un contexte permettant de faire des choses positives.
Q - N'a-t-on l'impression quand même que ce sont les Indiens qui font un peu monter les enchères ?
R - Ce n'est pas le cas dans l'affaire de Kargil. On peut discuter historiquement sur l'affaire du Cachemire.
Q - Sur l'armement nucléaire ?
R - Le problème de l'Inde par rapport au nucléaire, ce n'est pas le Pakistan. Le Pakistan, c'est une conséquence annexe. Le problème de l'Inde, c'est que l'Inde n'admet pas de ne pas avoir le même statut que la Chine. Le Pakistan est secondaire dans leur raisonnement. Cela ne compte même pas dans leur raisonnement stratégique. Militairement, diplomatiquement et au Conseil de sécurité, ils veulent le même statut. Ce pays est engagé dans cette politique.
Il y a un phénomène compliqué et jusqu'ici la réaction internationale n'a pas tellement pesé. Cela a un peu limité la fuite en avant, limité l'escalade, et ils se déterminent vraiment sur des critères intérieurs, ou des critères stratégiques régionaux.
Depuis le début nous avons estimé qu'il fallait avoir un vrai contact, un vrai dialogue, en plus de notre influence afin de canaliser, dans le bon sens, cette espèce de pulsion nationale indienne ou pakistanaise.
Q - Quel bilan faites-vous de votre entretien avec Arafat, avez-vous transmis un message précis du gouvernement français?
R - J'ai vu le président Arafat ici à New York alors même qu'il va se rendre à Paris. Il y sera reçu par le président et par le Premier ministre.
En ce qui concerne l'application des accords conclus dans le passé et qui n'étaient jamais appliqués sous différents prétextes par M. Netanyahou, il y a une vraie différence, et le président Arafat est satisfait qu'il y ait eu la réunion de Charm El Cheik avec ce mémorandum et cet engagement renouvelé. Il est la fois positif et attentif. Il m'a dit : "Nous attendons la mise en oeuvre". Il m'a parlé de sa rencontre avec M. Barak à son domicile. Celui-ci lui a dit : "Je suis le successeur et le continuateur de Rabbin." Le président Arafat lui a dit : "Je le souhaite" et il dit donc "J'attends la mise en oeuvre."
Je lui ai fait part de notre analyse qui est que M. Barak montre qu'il est un négociateur exigent, dur, qu'il défendra par tous les moyens les intérêts de son pays mais qui a l'air d'être un homme qui tient les engagements qu'il prend. Là aussi il m'a dit : "C'est exactement ce que nous souhaitons". Ca c'est pour la mise en oeuvre accords de Wye qui n'étaient pas appliqués et qui sont devenus le mémorandum de Charm El-Cheik.
Pour l'avenir, c'est ce qu'on appelle "la négociation sur le statut final", dont les sujets sont tous extraordinairement complexes : le statut de Jérusalem, les frontières, les réfugiés, l'eau, le sort des colonies, beaucoup d'autres sujets. Les uns et les autres savent que cela s'annonce complexe, comme tous les observateurs et tous les pays amis - les pays du Proche Orient qui souhaitent la paix comme la France, intensément - tous savent que c'est un sujet très compliqué. Le président Arafat se prépare à cette négociation comme le fait M. Barak. On ne peut rien dire à l'avance. En tout cas on ne peut pas accréditer l'idée que la négociation qui reste à mener est une négociation facile, et qu'il n'y a plus qu'à en boucler quelques aspects.
Je crois que les difficultés qui ont été rencontrées dans le passé ne sont rien à côté des difficultés qui attendent les négociateurs dans cette phase nouvelle. Mais la grande différence c'est que, s'il y a une volonté d'aboutir, parce que les uns et les autres pensent que c'est leur intérêt de trouver un solution, on peut espérer que les obstacles seront surmontés. Ce n'est pas du tout la même chose que quand on a affaire à des dirigeants politiques qui cherchent en fait simplement des prétextes pour arrêter les négociations, pour qu'elles tournent court. Là il y a une volonté et de part et d'autre. Et les Européens, la France en particulier seront là, constamment, pour encourager ce mouvement, aider cette volonté, être utiles si on peut l'être, comme le disent le président et le Premier ministre, comme je le répète constamment aux uns et aux autres, pour aboutir enfin, un jour, à un Proche-Orient en paix.
Q - Vous allez évoquer le problème de l'Iraq : est-ce que l'on est toujours dans l'impasse ?
R - Les discussions continuent. Ce problème va être évoqué lors d'un déjeuner autour du Secrétaire général des Nations unies avec les ministres des Affaires étrangères des cinq pays membres permanents. Il y a une discussion au sein du Conseil depuis des mois sur la façon de traiter l'affaire iraquienne. La France a proposé un système de contrôle de tout éventuel réarmement de l'Iraq en armes prohibées, et de contrôle de ses revenus financiers qui, à notre avis, seraient suffisamment efficaces pour qu'on puisse se passer de l'embargo. Et que l'on puisse donc lever les sanctions sur les empêchements, les interdits, aussi bien sur les importations que sur les exportations. Cet embargo a des conséquences sociales et humaines cruelles, dévastatrices pour la société iraquienne. Ces mesures ne gênent pas les dirigeants iraquiens et donc, elles ont quelque chose d'absurde, en réalité.
Ce qui est vraiment important et ce qui est notre objectif à tous, c'est la sécurité régionale. Tous les pays voisins de l'Iraq nous disent "Pensez-y, c'est important pour nous", et ils ont raison. Nous intégrons cette donnée. Mais nous pensons que le dispositif que nous avons proposé permettrait de surmonter cette apparente contradiction.
Nous discutons sur ces bases au sein du Conseil. Nous discutons avec les Britanniques notamment, qui recherchent activement une formule permettant d'obtenir un consensus. Nous discutons aussi avec les Américains Les choses ne sont pas mûres au point d'aboutir à un texte commun cette semaine à New York. Les discussions continuent. Elles ont lieu depuis des semaines et des semaines, elles peuvent très bien continuer un certain temps. Ce qui serait positif, c'est que nous arrivions tous les cinq à dire que nous allons travailler à une nouvelle résolution.
Mais nous allons en parler dans quelques minutes et je ne peux pas vous assurer que nous atteindrons ce résultat. Mais ce serait un signal. Si les cinq disent : "Nous allons préparer une nouvelle résolution" cela veut dire que nous avons tous la volonté de sortir des arguties sans fin sur les modalités d'application des résolutions adoptées en 1991. Cela constituerait un signal relativement encourageant, même si le fond du sujet reste difficile.
Q -(inaudible)
R - C'est un sentiment qui prévalait il y a encore quelques semaines, peu de temps après l'arrivée au pouvoir de M. Barak. Je n'ai pas le sentiment aujourd'hui qu'ils aient cette préoccupation, tout simplement parce qu'ils ont vu en pratique que les choses ont bougé plus vite dans le volet israélo-palestinien que dans le volet israélo-syrien. Dans le volet palestinien, il y a eu donc cette réunion de Charm El-Cheik avec la confirmation des engagements de Wye et un calendrier. Les choses ont donc bougé. Ils se préparent à la phase suivante, les négociations difficiles sur le statut final. Sur le volet israélo-syrien ou israélo-libanais, un certain nombre d'approches ont lieu de part et d'autre pour déterminer les conditions dans lesquelles les négociations pourraient reprendre. Ce n'est pas encore le cas, cela va venir.
On va y arriver à un moment ou à un autre, mais s'il y a un volet qui avance plus vite que l'autre, pour le moment c'est le volet israélo-palestinien. Donc cette inquiétude n'est pas d'actualité. J'ai d'ailleurs la conviction que M. Barak cherchera à progresser sur les deux fronts, compte tenu de son analyse globale géopolitique sur les intérêts stratégiques d'Israël. Je pense qu'ensuite chaque négociation avancera en fonction des difficultés particulières de chaque dossier. Il n'y a donc pas de choix entre une négociation et l'autre en réalité. Tous les protagonistes savent bien que tout doit progresser.
Q - Comment avez-vous trouvé le président Arafat ?
R - Je l'ai trouvé très vif, très au fait des moindres détails de la négociation en cours et très content d'aller à Paris.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 septembre 1999)