Déclaration de Mme Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière et candidate à l'élection présidentielle de 2002, sur les divers thèmes abordés dans sa campagne électorale et sur les propositions contenues dans son programme électoral, Paris le 17 mars 2002

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Circonstance : Meeting à Paris le 17 mars 2002

Texte intégral


Travailleuses, Travailleurs, camarades et amis,
Tout d'abord, merci d'être venus si nombreux et merci de votre accueil.
Comme vous le savez, je rentre d'une tournée de meetings dans toute la France et partout j'ai rencontré un accueil exprimant un soutien de plus en plus grand aux idées que je défends. Rien que la participation, dans des villes de province, en est un signe. Plus de 1000 personnes à Caen, près de 1000 à Strasbourg, près de 900 à Reims, près de 700 à Nancy, même dans des villes moyennes comme Montluçon, Saint-Lô ou Annecy où il y a eu respectivement 410, 480 et 470 participants. Cela va dans le sens des sondages. Alors, on ne peut qu'espérer, sans cependant se faire trop d'illusions, que ces sondages seront confirmés le jour du vote.
Nous voici à cinq semaines du premier tour de l'élection présidentielle. La campagne officielle ne sera ouverte que dans un peu moins de trois semaines. Mais, comme on peut le voir, personne ne pourra faire la différence entre ce qui se passe depuis des semaines et la campagne officielle.
Que nous disent-ils, ceux que l'on appelle les "grands candidats", ceux dont on sait qu'ils seront seuls face à face au second tour ? Car ces élections sont sinon factices du moins organisées par la Constitution de telle façon que si on ne peut pas prédire le vainqueur, on peut prédire presque à coup sûr que le choix se fera entre Chirac, le candidat de la droite, qu'on a connu au pouvoir depuis sept ans, et Jospin, le candidat de la gauche "plurielle", qu'on a connu depuis 5 ans. D'ailleurs le seul mérite de ce dernier, c'est qu'on l'a connu moins longtemps. Que nous disent-ils sur les grandes questions qui concernent la population laborieuse ? Eh bien, ils ne savent pas quoi dire dans leur campagne, tellement ce qu'ils ont à dire se ressemble.
Pour ne citer que l'exemple des retraites, ce qu'ils nous en disent revient très exactement à la même chose : diminuer les retraites ! La seule différence, c'est que Chirac le dit brutalement et que Jospin l'avoue hypocritement.
D'ailleurs, le slogan de campagne de Jospin que l'on a vu apparaître sur les murs c'est : "Présider autrement". On ne peut pas dire que cela l'engage beaucoup. Autrement ! Mais comment ? Et que fera-t-il ? Ce n'est pas sur les murs qu'on peut le lire, c'est dans les phrases à double sens de ses discours.
Quant à Chirac, lui, évidemment, il ne peut pas dire qu'il va "présider autrement", car ce serait se réveiller un peu tard.
Si peu de choses les séparent et ils ont si peu de promesses à faire qui ne les engagent pas et sans que la promesse apparaisse mensongère, qu'ils en sont réduits à faire les poubelles de la presse pour trouver de quoi se critiquer.
Chirac et ses amis reprochent à Jospin d'être un menteur, sous prétexte qu'il n'aurait pas dit la vérité sur son passé soi-disant trotskyste. Et leur principal argument est que Jospin serait un partisan du socialisme pur et dur, du tout Etat, voire de la collectivisation alors que son gouvernement a plus privatisé d'entreprises nationales que les deux gouvernements de droite qui l'ont précédé, Balladur et Juppé réunis.
De son côté, Jospin dit que Chirac se fait vieux, qu'il est incapable de travailler et qu'il n'arrivera pas à tenir les rennes de l'Etat pendant cinq ans. Quant à critiquer les idées de Chirac, Jospin ne le peut pas, ce serait se critiquer lui-même. En effet, pour plaire aux électeurs de droite, il se sent obligé d'affirmer, ce qui est sans doute la seule vérité de sa campagne, que son programme n'est pas un programme socialiste. Depuis cinq ans, les travailleurs en sont convaincus.
Chacun promet d'améliorer, voire de résoudre tout ce qui ne va pas dans le pays, mais sans dire comment.
On dirait deux lutteurs de foire qui s'injurient avant de commencer un combat truqué.
Alors, que peut donc attendre le monde du travail de ces gens-là ? La réponse est simple : ce sera la continuation de ce qui s'est passé depuis des années et en tout cas depuis cinq ans.
La droite, on l'a vue au pouvoir, moins que la gauche depuis vingt ans, mais suffisamment de temps quand même pour se rendre compte à quel point elle est à plat ventre devant le grand patronat.
Ce dernier n'a même pas donné le moindre pourboire aux hommes politiques qui le défendent si bien. Ceux-ci se servent dans les caisses publiques et c'est finalement eux qui, par l'intermédiaire des fonds publics, offrent encore de l'argent au patronat.
Nul ne sait ce que l'Etat a pu verser à un trust comme Bouygues, pour ne citer que lui. Mais on peut affirmer que son trust ne serait pas devenu ce qu'il est, que ses actionnaires n'auraient pas accumulé les fortunes qu'ils ont accumulées sans un soutien colossal et permanent de l'Etat, quel que soit le Président ou le chef du gouvernement.
Et, par l'intermédiaire de ses sous-traitants et de ses sous-sous-traitants, combien de blessés, d'estropiés, cette société du bâtiment a-t-elle sur la conscience ? Combien de morts même ?
C'est pourquoi il est indispensable, je le dis et je le répète, que les travailleurs, les consommateurs, la société tout entière, puissent tout connaître des comptabilités de ces grandes entreprises, puissent savoir combien ils font de bénéfices réels et ce que l'argent correspondant devient, où il s'investit, à qui il va ? Quels sont les hommes d'Etat achetés ou les simples pots-de-vin, combien d'emplois fictifs sont offerts par de telles sociétés pour compenser des services, présents ou passés ? Car c'est une pratique si courante, parmi les élus et les hauts fonctionnaires, qu'on lui a même donné un nom, dans le jargon de la haute administration, c'est "le pantouflage". Cela désigne le fait qu'un homme politique qui perd un emploi de ministre ou qui n'est pas réélu à la mairie d'une grande ville ou à la Chambre des députés, peut tout à fait se retrouver haut cadre de direction dans une très grande entreprise du pays. Et il ne s'agit pas toujours d'entreprise d'Etat, maison de retraite évidente pour tous les estropiés du suffrage universel.
Pendant ce temps-là, on ose dire que, si l'on augmente le SMIC, cela va mettre l'économie en danger. On nous dit qu'on ne peut pas garantir une retraite à qui aura cotisé quarante années de sa vie. On nous dit qu'on ne peut assurer le droit au travail de tous ceux qui en cherchent.
Ce sont des mensonges grossiers !
De l'argent, il y en a : il n'y a qu'à voir comment les grandes fortunes augmentent d'année en année. Il n'y a qu'à voir avec quelle vitesse s'édifient de nouvelles fortunes. Mais c'est justement pour enrichir encore plus une poignée de très riches et pour satisfaire l'avidité d'une classe privilégiée plus vaste qu'on diminue brutalement la part de la classe laborieuse.
On bloque les salaires, on généralise la précarité, le temps partiel imposé où la paie est nettement en dessous du SMIC. Le résultat, c'est que 6 millions de femmes et d'hommes de ce pays sont des pauvres, qu'ils soient chômeurs ou qu'ils travaillent. Et 9 millions doivent vivre avec moins de 640 euros, moins de 4.200 F par mois.
Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas laisser la paupérisation s'aggraver !
On exploite des travailleurs parfois à mort. On l'a vu à l'usine AZF de Toulouse. Mais des travailleurs meurent tous les jours ou sont handicapés à vie dans bien d'autres entreprises de la métallurgie, du bâtiment ou ailleurs.
A cela, le patronat et les pouvoirs publics répondent qu'il n'y a pas de risque zéro. Et pourquoi n'y-a-t-il pas de risque zéro ? On ne nous le dit pas.
En fait, il n'y a que pour les actionnaires que le risque de perdre la vie au travail est zéro.
On ferme des hôpitaux, des maternités de proximité, quoi qu'il en coûte à la population concernée.
On restreint les budgets des hôpitaux, on condamne des infirmières et le personnel hospitalier, les médecins, à des horaires déments au détriment des malades, en tout cas des moins riches.
Oui, la Santé est à deux vitesses suivant qu'on est de la classe riche ou des classes populaires. Mais l'Education nationale est aussi à deux vitesses. Car c'est dans les quartiers populaires que les moyens de l'Education nationale en personnel, en locaux sont les plus insuffisants. Faute d'embauches suffisantes, des enseignants débordés doivent faire face à des classes surchargées. Et lorsque le nombre d'élèves se trouve diminué, juste assez pour rendre les conditions d'enseignement convenables, on choisit de fermer la classe.
Pendant qu'on bavarde sur l'égalité entre les hommes et les femmes, on rend la tâche des femmes travailleuses plus difficile car les crèches et les écoles maternelles sont en nombre insuffisant.
Mais on peut en dire autant de tous les services publics.
Le développement des services publics, assurant une égalité de prestations quels que soient ses revenus ou la région où l'on habite pourraient et devraient permettre à l'Etat de compenser, au moins dans une petite mesure, les inégalités entre les riches et les classes populaires. Mais le gouvernement français comme tous les gouvernements d'Europe, qu'ils soient de gauche ou de droite, mènent une politique systématique de liquidation des services publics ; une politique d'ouverture d'une part croissante des services publics aux intérêts privés. Et même là où l'Etat ne va pas jusqu'à privatiser, il refuse de donner les moyens financiers nécessaires aux hôpitaux, aux dispensaires, à l'Education nationale, aux transports publics, à La Poste... Ce qui amène les services publics eux-mêmes à pousser à la rentabilité, à réduire leur personnel, même si cela dégrade la qualité du service rendu.
C'est ce qui se passe pour les services postaux, où on abandonne progressivement au privé ce qui rapporte du profit et on laisse à l'abandon ce qui sert à tous, en supprimant des bureaux de postes de proximité, sans s'occuper de celles et ceux qui ont du mal à se déplacer.
Pour ce qui est du service public de l'électricité, Chirac et Jospin ont marché au sommet de Barcelone la main dans la main, du même pas et en débitant les mêmes fariboles. Ils mentent tous les deux quand ils nous disent qu'ils ne vont ouvrir EDF que partiellement à la concurrence ou quand ils affirment qu'ils ne l'ouvriront pas aux capitaux privés. Aujourd'hui, ils prétendent n'ouvrir qu'une petite brèche en ouvrant EDF à la concurrence pour les seules entreprises et pas pour les particuliers. Mais, dans un an ou deux, les élections passées, les entreprises privées introduites dans le secteur, fourniront à des entreprises sous-traitantes qui, elles, fourniront aux particuliers. C'est en tant que service public, grâce aux investissements de l'Etat et sans tenir compte de la rentabilité que EDF a développé ses réseaux. Maintenant que c'est fait, c'est tout bénéfice pour les capitaux privés de s'introduire dans le secteur. Chirac comme Jospin sont en train de leur aplanir le chemin.
C'est de cette façon qu'ils ont procédé à France Telecom. C'est de cette façon qu'ils procèdent pour les chemins de fer.
A Air France le gouvernement de gauche n'a parlé que "d'ouverture du capital". Mais les travailleurs de ces deux entreprises savent ce qu'ouverture du capital veut dire : c'est la privatisation avec l'hypocrisie en plus.
Et puis, la société comme l'Etat sont défaillants sur une question aussi essentielle pour les travailleurs que celle du logement. Près de 100.000 personnes, y compris des enfants, sont privées de logement. Et, avec la fin de l'interdiction des expulsions, combien d'autres sans logis en puissance ? Il y a dans ce pays 3 millions de taudis et d'appartements insalubres !
Et beaucoup de travailleurs ont des salaires trop bas pour payer un loyer dit normal pour un appartement convenable. Les logements dits sociaux constituent une cruelle nécessité. Mais on n'en construit pas en nombre suffisant et on laisse à l'abandon ceux qui ont été construits dans le passé et il est difficile de se loger avec des bas salaires et le loyer grève lourdement le pouvoir d'achat.
Et surtout, les travailleurs subissent une vague encore jamais vue de licenciements collectifs, appelés abusivement "plans sociaux". Des usines entières ont fermé. Les actionnaires qui ont encaissé des profits pendant des années, voire des dizaines d'années, se retirent fortune faite ou s'en vont faire fructifier leur fortune dans d'autres entreprises. Mais il ne reste aux travailleurs qui les ont enrichis que leurs yeux pour pleurer, sans la perspective de pouvoir retrouver du travail. Et cela va continuer.
Quand tout allait très bien pour les entreprises, les patrons licenciaient pour que cela aille mieux encore et que leurs actions montent à la Bourse.
Aujourd'hui, ils nous annoncent le contraire : la Bourse diminue, des grandes sociétés voient le prix de l'ensemble de leurs actions -ce qu'ils appellent leur capitalisation boursière- s'effondrer.
Et, à qui le futur élu, qu'il soit de droite ou se dise de gauche, va-t-il contribuer à faire payer la gabegie de l'économie capitaliste ?
Vous le savez comme moi, c'est au monde du travail qu'ils essaieront de la faire payer. Eh bien, il ne faut pas les laisser faire. Le monde du travail a la force de leur imposer que ce soient les patrons, les actionnaires qui paient, sur leur fortune personnelle s'il le faut et pas le monde du travail !
Les uns comme les autres rivalisent pour dénoncer l'insécurité. Oh oui, l'insécurité, la petite délinquance et la violence gratuite existent et elles concernent surtout les quartiers populaires. Et on ne peut ressentir qu'un sentiment d'horreur devant ce qui s'est passé à Evreux.
Mais de la sécurité, ces gens-là, qui vivent dans les quartiers chics, ne font qu'en parler ! Ils ne font que brandir des sanctions qu'ils savent inefficaces. Mais ils ne veulent pas toucher au terrain nourricier de la violence dans les quartiers populaires : au chômage, à la pauvreté, à la misère matérielle qui, bien souvent, entraîne la misère morale.
Et puis, quel exemple donnent-ils donc aux jeunes de banlieue, ces gens qui dirigent l'Etat ou les grandes entreprises ? L'exemple de l'affairisme, des escroqueries, de la corruption, du vol dans les caisses publiques, du copinage pour toucher de l'argent sur l'immobilier ou sur le trafic d'armes. Mais c'est toute l'organisation sociale qui valorise l'enrichissement rapide et l'argent facile. Les petits délinquants de quartier qui méprisent le travail et les travailleurs, leurs propres parents souvent, appliquent à leur échelle les critères de réussite de cette société où l'on s'enrichit d'autant plus vite que l'on sait dépouiller les autres.
Alors oui, je ne peux que répéter qu'ils nous mentent même lorsqu'ils prétendent combattre l'insécurité car, s'ils le voulaient vraiment, ils devraient commencer par la première des insécurités qui menace le monde du travail : le chômage et la misère !
Voilà cette société contre laquelle le monde du travail doit se défendre.
Se défendre, c'est d'abord ne pas se laisser attaquer les uns après les autres.
Se défendre, c'est s'unir, et pour cela il faut d'abord se compter. C'est un des intérêts de cette élection présidentielle. Elle ne changera rien à notre sort, mais elle peut changer -et c'est très important- ce que nous ferons demain.
Evidemment, ce n'est pas de l'élection elle-même dont on pourra attendre quelque chose. Non seulement il n'y a évidemment aucune chance pour que je sois élue mais, même si je l'étais, je ne pourrais rien changer sans votre soutien conscient et déterminé.
Voyez-vous, l'élection n'est pas faite que déjà, à droite à gauche, dans le patronat et dans la presse aux ordres, ils enragent de voir les sondages me concernant augmenter régulièrement depuis plusieurs semaines. Ce n'est pas que je me fasse des illusions sur ces sondages. Le seul véritable résultat, le seul qui aura de la valeur, sera connu le soir du scrutin.
Mais en attendant, cela suffit pour les inquiéter et cela me réjouit.
Depuis quelques jours, il y a quelques grandes pages dans la presse pour parler de Lutte Ouvrière et de moi-même, avec des articles assez souvent ridicules.
Par exemple, certains parmi eux consacrent des pages à raconter des faits aussi importants et politiques, que Lutte Ouvrière teste le dévouement des jeunes recrues en les transformant en placières dans un meeting, ou bien en demandant à un camarade de repasser au petit fer à vapeur les banderoles et les drapeaux.
Ce genre de choses ne nous gêne pas, au contraire, de la part d'un grand journal qui se dit "d'information" et sérieux. Il parle pour son public. Il préfère les meetings des candidats où tout a été fait par des entreprises appointées et où les catégories sociales qui viennent à ces meetings se considéreraient comme déchues de ranger des chaises ou de repasser des banderoles fripées. Et s'il consacre les colonnes d'un journal coûteux à de pareils propos, c'est son problème et celui de ses lecteurs.
La palme dans ce genre, bien que ce ne soit pas vraiment la palme mais c'est la plus récente, revient à un quotidien du matin qui, à sa Une, montrait ma photo entre celle de Le Pen et celle de Pasqua - suivez mon regard -, sous le titre "privés d'élection ?", en ajoutant que Le Pen, Laguiller, Pasqua avaient "de moins en moins de chances d'être présents dans la compétition présidentielle". Et cela en précisant que cette information viendrait d'un "dirigeant socialiste". Qui ? Lequel ? Son nom ? Mystère ! L'opacité qu'on attribue à Lutte Ouvrière est finalement, comme on voit, surtout propre à certains journaux, voire à certains partis.
Le comique, c'est que, effet du hasard, au moment même où ce journal était dans les kiosques, notre camarade Chantal Cauquil déposait, à 11h30 du matin, un peu plus de 500 formulaires de parrainages au Conseil Constitutionnel !
Le lendemain, le même quotidien ne s'excusait même pas, auprès de ses lecteurs, de les avoir trompés en publiant une information erronée. Non ! Un entrefilet en page intérieure affirmait que c'est "le secret qui prévaut à Lutte Ouvrière" qui alimente les rumeurs. Une ânerie à la Une devient la faute de Lutte Ouvrière !
Mais qui empêchait ce journal de se renseigner auprès de Lutte Ouvrière ? Il sait nous téléphoner et l'a fait bien des fois ! Et, de ces rumeurs, quelle en est l'origine ? Et qui les répand largement, si ce n'est ce type de presse ?
Il faut aussi avoir vu, à la télévision, au cours d'une émission à laquelle je participais, le visage déformé par la haine à mon égard d'un patron de presse, au cours d'une émission où il y avait aussi Pasqua. Et chacun a pu remarquer que le même patron de presse était beaucoup plus déférent vis-à-vis de Pasqua. C'est évidemment un comble, pour cet ancien militant maoïste, pro-chinois, des années 68, un de ceux qui avaient le petit livre rouge à la main, qui adulait le dictateur Mao Tsé Toung alors que tout le monde se détachait de Staline. Ce patron de presse, c'est sans doute un de ceux qui craignent ne jamais en avoir fini avec leur passé.
Cependant, cette hostilité, cette haine, ces calomnies, ces médisances et parfois ces diffamations me réjouissent, car elles sont dues aux scores que les sondages me prêtent, et qu'ils ne peuvent supporter.
Je le répète, je ne veux pas me faire d'illusions sur ce que seront ou ne seront pas les résultats du scrutin du 21 avril. Mais, en attendant, oui, cela me réjouit de voir tous ces gens-là paniquer ainsi pour de simples sondages.
Mais entendez-moi bien, ce n'est pas de moi qu'ils ont peur. Ce n'est pas non plus de Lutte Ouvrière. Ce dont ils ont peur, c'est du changement de l'opinion du monde du travail que signifierait au soir de l'élection les scores que les sondages m'attribuent.
En effet, ce n'est ni de ma personne, ni de mon organisation, encore bien petite, qu'ils ont peur !
C'est de vous ! Surtout de vous !
Oui, c'est de vous tous, ceux qui sont ici et ceux qui ne sont pas ici. 8 ou 9 % du corps électoral, cela représente un nombre important de travailleuses et de travailleurs. De ces travailleurs dont ils craignent tous les colères si un jour, que j'espère prochain, ils se mettent en branle.
C'est pourquoi il faut que les voix qui se portent sur le programme que je propose soient les plus nombreuses possible.
Le programme que je défends est simple. Ce n'est pas une vue de l'esprit. Nos revendications, pour importantes qu'elles soient, sont possibles à imposer.
Il faut rendre publiques les comptabilités de toutes les grandes entreprises, nationales et privées. Il faut rendre publics les comptes en banque de leurs dirigeants et de leurs principaux actionnaires, voire de leur famille. Et pour cela abolir le secret commercial et le secret bancaire.
Il faut interdire les licenciements collectifs, en particulier de la part des entreprises qui osent afficher des profits, et cela sous peine de réquisition par la collectivité. Ceux qui sont nécessaires pour faire tourner une entreprise, ce sont les travailleurs et pas les actionnaires. Car les actionnaires apportent peut-être au départ un peu de capital, et pas toujours, mais ce sont les travailleurs qui produisent ensuite les capitaux, pendant des années. C'est-à-dire décuplent, voire centuplent ce qui a été mis au départ.
Il faut imposer de produire pour le bien de tous, c'est-à-dire de produire ce qui est nécessaire à la population, et pas seulement pour faire du profit quel qu'en soit le coût social. Et s'il faut résister à la concurrence, qu'on baisse les prix en diminuant la part des bénéfices. Il faut produire tout ce qu'il faut mais rien que ce qu'il faut, sans qu'on soit obligé de mettre le sol en jachère, de détruire de la nourriture. Sans qu'on soit obligé d'envoyer des voitures neuves à la casse alors qu'on manque d'autobus, de cars, de tramways ou de métros.
Il faut augmenter les impôts des grandes sociétés et des contribuables les plus riches. Il faut que l'Etat, au lieu de leur faire des cadeaux, se serve de l'argent ainsi récupéré pour créer des biens collectifs, qui puissent servir à la collectivité, c'est-à-dire élever le niveau de vie des moins riches, de ceux qui forment la population laborieuse, celle qui produit les profits de la bourgeoisie.
Rien que pour rattraper le pouvoir d'achat perdu depuis plus de vingt ans, il faut une augmentation importante des salaires, mais aussi, des pensions de retraite et des minima sociaux.
Il faut que l'Etat ait les moyens de subventionner tout ce qui concerne la Santé publique, au lieu d'en laisser la charge à la Sécurité sociale. Il faut des moyens financiers pour construire des logements sociaux et pour imposer aux municipalités les plus riches qu'elles en construisent dans les plus brefs défais et pas simplement en payant une amende dérisoire lorsqu'elles ne les ont pas construits.
Il faut que tout le monde puisse se loger décemment, en bénéficiant du confort et de l'hygiène digne du 21ème siècle.
Il faut des transports collectifs, il faut décloisonner les banlieues, il faut en faire des endroits de vie et pour cela, avant tout, créer des emplois qui soient des emplois rétribués d'une façon décente, c'est-à-dire qui permettent de profiter de tout ce que la société peut offrir aujourd'hui.
On nous a parlé de la "fracture sociale", puis on nous a parlé de "fracture informatique". Mais ce n'est pas un ordinateur qu'il faut fournir aux 20 % de jeunes qui ne savent pas écrire correctement, voire pas lire non plus. Il faut d'abord leur permettre l'accès à la culture. Et pour cela, il faut des classes avec moins d'élèves, c'est-à-dire plus de locaux et plus d'enseignants.
Il ne faut plus permettre qu'un élu ne tienne pas les promesses qu'il a faites en étant candidat. Il faut imposer la révocabilité des élus par ceux qui les ont élus.
Faut-il changer la société pour cela ? Faut-il attendre une révolution ? Non ! Les travailleurs peuvent l'imposer. La bourgeoisie est si riche actuellement, si puissante que, menacée sérieusement, elle préférera partager que tout perdre.
Pour le moment, on dit que la lutte de classe est dépassée. Oui, c'est vrai, les travailleurs se défendent peu et les luttes sont limitées et parcellaires. Les victimes d'un plan de licenciement se battent le dos au mur, et alors elles sont isolées. La classe patronale, en revanche, ne cesse de se battre contre le monde du travail et cela avec l'aide de ses hommes politiques. Constamment, elle essaie de réduire la part des salariés pour augmenter ses profits.
La lutte de classe la plus violente, c'est la classe patronale qui la mène, de son côté, contre les travailleurs, et elle est la seule à la mener vraiment. Et la lutte est féroce.
La classe ouvrière est de plus en plus appauvrie et rien n'arrêtera ni le patronat, ni les larbins politiques qui le servent. Il faut que ce soient les travailleurs eux-mêmes qui le fassent.
C'est pourquoi, je vous dis "commençons par nous exprimer. Le bulletin de vote ne peut faire que cela, mais au moins il peut le faire. Il peut inquiéter les possédants et réconforter, encourager les travailleurs". Voyez comme le simple fait que les sondages me créditent d'un nombre de voix non négligeable fait enrager ceux qui nous gouvernent et des journalistes à leur service.
Pourtant, les élections ne représentent que de façon déformée l'opinion du monde du travail. Car, je rappelle qu'une fraction importante du monde du travail, et de surcroît une des plus exploitées, une des plus mal payées, les travailleurs immigrés, est privée du droit de vote. Cela diminue le poids électoral de toute la classe laborieuse. Voilà pourquoi imposer le droit de vote pour les travailleurs immigrés dans toutes les élections n'est pas seulement une mesure de justice élémentaire, mais c'est aussi l'intérêt de l'ensemble du monde du travail !
Ensuite, il faut, il est absolument indispensable de recréer un parti politique qui défende réellement les intérêts politiques et sociaux du monde du travail.
Cela fait des années que je le dis, et je le répète cette fois encore.
Il y a des imbéciles qui mentent, comme souvent, en disant que j'avais abandonné cette idée par crainte d'avoir un afflux d'adhérents. Mais il n'y a que les imbéciles qui croient que c'est parce qu'on appelle à la construction d'un tel parti, qu'il peut se créer du jour au lendemain.
Mais si nous n'avons pas pu créer un tel parti, nous sommes toujours partisans de le créer. Et soyez sans crainte, si demain des dizaines de milliers de travailleurs, d'intellectuels, de jeunes et de moins jeunes, de militants du PCF ou d'autres du Parti Socialiste viennent à nous, nous serons heureux de les accueillir, et à bras ouverts.
On prévoit que je pourrais dépasser le score de Robert Hue, le candidat du Parti Communiste. Si c'est parce que ce dernier s'effondre, le dépasser ne signifiera pas grand chose. Si c'est le dépasser vraiment, je crois qu'il sera absolument nécessaire, qu'il sera temps, de recréer un Parti Communiste, un nouveau et véritable Parti communiste.
Oui, je crois qu'il faut reconstruire un nouveau parti communiste, qui défende vraiment les travailleurs et je sais et je crois que c'est possible.
Et que cela peut se faire à la place du Parti Communiste, qui a abandonné le camp des travailleurs en échange de fauteuils de ministres.
Le rôle d'un Parti communiste n'est certainement pas de participer à ce conseil d'administration de la bourgeoisie qu'est le gouvernement. Son rôle n'est certainement pas de participer à la gestion du système capitaliste qui a fait faillite et qui fait faillite tous les jours.
Oui, l'organisation capitaliste de l'économie est en faillite depuis des décennies. Elle est incapable de faire face aux problèmes essentiels de l'ensemble de l'Humanité, de nourrir chacun de ses membres, de les vêtir, de leur assurer des soins convenables, de permettre à tous d'accéder à l'éducation et à la culture. Pourtant, grâce aux progrès des techniques et des sciences, l'Humanité a aujourd'hui des possibilités extraordinaires, largement suffisantes non seulement pour satisfaire les besoins élémentaires des hommes, non seulement pour permettre à la société de gérer rationnellement les ressources de la planète pour ne pas laisser une poubelle aux générations futures, mais aussi pour ouvrir des perspectives nouvelles.
Oui, tout cela est aujourd'hui possible. Le seul frein qui ligote l'Humanité, qui l'enchaîne au passé, c'est l'organisation capitaliste de l'économie et de la société. Une économie qui secrète sans cesse des inégalités entre classes sociales comme entre pays ; une économie où seuls comptent le profit, la concurrence, la rivalité entre grands groupes industriels et commerciaux ; une économie qui gaspille les forces productives de la société, qui maintient de multiples formes d'oppression, en y ajoutant sans cesse de nouvelles, et qui conduit à des guerres.
Regardez l'image qu'offre aujourd'hui le monde, de l'Afghanistan au Moyen-Orient, de l'immense misère de l'Afrique à la misère, immense aussi mais d'un autre genre, des quartiers pauvres des grandes villes d'Amérique ou d'Europe !
Eh bien oui, cette organisation sociale, il faut la changer. Et la seule force sociale qui peut reprendre politiquement en charge cette perspective, c'est la classe ouvrière, c'est le monde du travail. Mais, pour cela, le monde du travail a besoin d'un parti qui défende cette perspective et qui regroupe tous ceux qui veulent renouer avec une vieille tradition du mouvement ouvrier mais qui est la seule porteuse d'avenir pour la société humaine dans son ensemble.
Cette perspective, on a voulu l'enterrer bien des fois dans le passé et en dernier lors de l'effondrement du système bureaucratique en Union soviétique. Bien des écrivaillons ou des plumitifs à gage s'y sont employés.
Mais ce qui me réconforte, c'est que dans les salles de mes meetings, il y a toujours un grand nombre de jeunes, jeunes ouvriers mais aussi, des lycéens, des étudiants qui n'ont pas de comptes à régler avec le passé et qui regardent vers l'avenir.
Eh bien oui, la tâche de transformer cette société sera leur tâche car ils sont l'avenir de la société et le communisme est l'avenir du monde !
Alors oui, l'augmentation des intentions de vote en ma faveur dans les sondages montre que quelque chose change dans l'opinion du monde du travail. Cela montre que de plus en plus de travailleurs ont pris conscience que les hommes politiques de gauche ou de droite, nous trompent, qu'il n'y a rien à attendre d'eux et qu'il va donc falloir ne compter que sur nous-mêmes.
Je dis que je suis la seule à être toujours dans le camp des travailleurs, et cela depuis longtemps.
Et je suis sûre qu'à un moment ou à un autre, la moisson se lèvera et que des milliers et des milliers de travailleurs, jeunes et moins jeunes, se diront qu'il faut réellement s'unir, s'organiser pour créer un tel parti et pour se défendre soi-même, tout en défendant l'ensemble de ceux appartenant au monde du travail qui ne peuvent pas se défendre eux-mêmes.
Oui, j'ai confiance en l'avenir et en vous tous !
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 18 mars 2002)