Texte intégral
A. Hausser - Votre slogan, c'est "touche pas à ma retraite". J'ai entendu L. Jospin dire qu'il serait possible d'accorder la possibilité de partir en retraite aux travailleurs qui ont effectué 40 annuités, qui n'ont pas encore 40 ans ; J. Chirac qui dit il faut accorder la liberté aux salariés, les laisser partir quand ils le souhaitent, même s'ils veulent rester au-delà de 60 ans... Et vous, vous dites attention ?
- "Je dis attention pour différentes raisons. La première raison c'est qu'il est bien gentil de dire aux gens, "attendez, ce n'est pas sûr que vous allez avoir votre retraite, les retraites sont en danger"... Vous conditionnez les gens de cette façon, ils ne veulent plus partir de leur boulot, c'est normal, c'est humain, je serai le premier à faire ce genre de chose. Deuxièmement, je considère qu'il y a 2,5 millions de chômeurs encore à l'heure actuelle, qu'il y a 4 millions de personnes qui désirent avoir un emploi permanent. Alors, à partir du moment où on m'a expliqué que la loi sur les 35 heures devait avoir pour effet de créer des emplois, à partir du moment où on m'a expliqué que l'annualisation du temps de travail - 1.600 heures par an -, on l'a réduit justement pour créer des emplois, c'est la même chose sur l'activité tout le long de la vie : moins on travaillera et plus on créera d'emplois et on rendra des emplois disponibles."
Et vous avez cru ce qu'on vous a dit ?
- "Ah oui, j'ai parfois la candeur de le croire... Et après, j'accélère le mouvement... Et c'est la raison pour laquelle j'ai interpellé à la fois M. Chirac et à la fois M. Jospin - et j'interpelle tous les candidats, mais plus particulièrement Chirac et Jospin -, parce qu'ils se sont rendus à Barcelone et qu'à Barcelone, ils ont accepté des conclusions dans lesquelles il est dit qu'on va reporter de cinq ans l'âge moyen de départ d'activité des Français. Nous sommes à l'heure actuelle à 58,5 ans et ils ont accepté que, d'ici 2010, on passe à 63,5 ans. Et cela veut dire qu'ils mettent en l'air la retraite à 60 ans ! Qu'on le veuille ou non, c'est contradictoire : on ne peut pas affirmer "nous sommes pour la retraite à 60 ans" et, en même temps, accepter qu'on va travailler cinq ans plus tard, c'est tout à fait clair..."
Ce n'est pas un engagement ferme...
- "Ah si, c'est la conclusion"
C'est comme l'équilibre budgétaire, on essaie de l'atteindre...
- "Mais oui, on nous le fait payer, pardonnez-moi ! Votre question est fort intéressante : de plus en plus maintenant - ça s'appelle la coordination européenne -, les pays s'engagent. Et si on ne l'applique pas, ils sont maintenant taxés."
Mais après, on trouve des arrangements, regardez justement pour les déficits...
- "On trouve peut-être des arrangements, mais ce qui veut dire que la politique après ne pourra pas remettre en cause les engagements qu'ils ont pris. En 2004, ils vont ouvrir EDF au privé ; en 2006, ils vont privatiser complètement la Poste... Regardez le tunnel sous le Mont-Blanc : on ne l'ouvre pas - on pourrait penser que la France, c'est comme un propriétaire terrien, il ouvre sa porte ou il l'a ferme : non ! Au nom de la libre circulation des biens et des personnes, on dit "vous n'ouvrez pas le tunnel sous le Mont-Blanc et vous allez être taxé et vous allez payer, parce qu'effectivement vous êtes en infraction avec les législations européennes". C'est la même chose : la coordination européenne dit qu'il faut maintenant cinq ans en plus d'activité, nous serons obligés d'y passer. Ce qui veut dire que le gouvernement qui va suivre va être en pression permanente avec les organisations syndicales, toutes j'espère, mais au moins la mienne, qui dira que non, nous voulons le respect de la retraite à 60 ans. Mais permettez moi de finir ma pensée. Si je tiens à la retraite à 60 ans, elle n'est pas "retraite-couperet en France" ; il y a des gens qui ont dépassé 60 ans et qui continuent à travailler. La différence, c'est qu'une fois qu'on a dépassé 60 ans, on acquiert plus de droits, on paie à la solidarité, les cotisations, c'est pour les autres. Eh bien, ce n'est pas mal ! Ceci étant, ce qui est clair, quand on part avant 60 ans, c'est bien souvent parce que les patrons licencient, c'est bien souvent parce que les patrons font des plans sociaux et, comme les plus âgés sont ceux généralement coûtent plus cher, parce qu'ils ont de l'ancienneté etc., ils licencient ces gens-là."
Mais après, on trouve des arrangements...
- "Quand je trouve des arrangements, c'est justement parce que j'ai la référence de la retraite à 60 ans : si je défends la retraite à 60 ans, ce n'est pas pour que ce soit un couperet, c'est pour que, lorsqu'on licencie et qu'il y a des plans sociaux, que je puisse dire : "celui là il a 56 ans, celui là il a 57 ans, celui là il a 58 ans, il s'en va, on va le mettre aux Assedic, mais on va faire comme s'il travaillait jusqu'à 60 ans pour ses droits à la retraite". Et ça, pour le négocier, j'ai besoin de la référence de la retraite à 60 ans et j'ai besoin qu'on dise que la retraite à 60 ans soit pleine et entière. Voilà pourquoi j'ai interpellé les candidats."
Quand J. Chirac dit qu'on garde la retraite à 60 ans comme référence, vous ne croyez pas qu'il est sincère ?
- "Oh,, mais si je crois qu'il est sincère... Vous savez, dans les discours, ce n'est pas la seule contradiction ! Je vais vous en relever une autre - de tous d'ailleurs - : on joue beaucoup sur les espérances des 700.000 à 800.000 fonctionnaires qui partiraient d'ici 10 ans ; à partir du moment où on donne la retraite aux fonctionnaires plus tard, à partir du moment où justement les fonctionnaires devraient travailler cinq ans en plus, expliquez moi comment ils vont partir ? Or, tout le monde, en ce moment, dit qu'ils vont baisser les impôts parce qu'il va y avoir des fonctionnaires qui vont partir à la retraite. Ce n'est pas vrai"
Ce n'est pas uniquement pour ça, là, vous schématisez un peu quand même...
- "Je schématise, mais je ne peux pas ici, dans un studio de télévision faire une analyse technique, ad fine etc. Mais ce sont les mouvements : à partir du moment où vous maintenez les gens au travail, je ne vois pas comment vous pouvez dire que vous allez baisser les impôts, quand on parle notamment de la fonction publique. Et tout le monde sait que sur les dix ans, tout le monde disait 700.000 à 800.000 fonctionnaires vont partir, on ne va peut-être pas renouveler et en embaucher 700 ou 800.000 peut-être la moitié, que sais-je moi etc. Eh bien, c'est une orientation qui ne verra pas le jour pour la bonne et simple raison, si on défend la thèse de faire rester les gens encore cinq ans en plus."
Si je vous comprends bien, les élections ne servent à rien puisque tout se décide à Bruxelles ?
- "Ecoutez, effectivement, là, c'est vous qui peut-être forcez le trait !"
Je schématise !
- "75 % des textes qui sont débattus à l'Assemblée nationale sont des textes d'origine bruxelloise. Et ça veut dire que je finis par me poser la question : est-ce que les Français sont aussi stupides que ça ? On dit qu'ils ne vont pas voter, on dit qu'il va y avoir abstention etc. Est-ce qu'ils ne sentent pas qu'en définitive, notre président de la République et notre Premier ministre servent, ce sont des hommes de pouvoir, mais pas de pouvoir final ? Il est clair que le pouvoir est maintenant d'une certaine façon au niveau européen. Je pense qu'à termes, il y aura une question qui se posera, on devra en débattre, il faudra qu'on fixe très exactement... Je suis incapable de dire quel est le député qui est le plus proche de moi au niveau européen, je suis incapable de le dire, c'est tout à fait réglé. Par contre, je connais un petit peu le gouvernement français et donc quand je vote..."
Et votre député accessoirement...
- "Et donc quand je vote c'est clair, je dis simplement, c'est réglé, je fais confiance à ceux-là, parce qu'ils vont gérer mes impôts. A partir du moment où, notamment sur le plan fiscal, il va y avoir une normalisation européenne, je me dis qu'alors, c'est donc là que se tient le pouvoir ; donc, c'est là qu'il faudrait peut-être que je puisse me prononcer beaucoup plus. Et je crois que beaucoup de Français sont dans ma situation."
Très brièvement, dans cette campagne, on n'entend pas assez les voix des salariés ?
- "J'ai eu peur. Pendant une bonne partie, ça a été sur la sécurité, c'était les problèmes etc., etc. Et puis maintenant, il semble quand même que, contraint et forcé par les événements et puis aussi parce que les organisations syndicales poussent - tout le monde a à peu près pris la formule d'interpeller dans des formes diverses etc. -, on les contraint un petit peu à préciser les choses. Mais effectivement vous avez entendu parler, vous, de la lutte contre le chômage, mise à part une affirmation ici de celui-ci qui a parlé de réduire le chômage de 900.000 unités... ? Mais on laisse entendre par exemple qu'il va y avoir 5 à 6% de chômeurs en permanence et ça, pendant 10 ou 15 ans : c'est inacceptable ! Moi, je pense que le problème de la sécurité commence d'abord par la réduction du chômage. Moins il y aura de chômeurs, peut-être, je crois, qu'on retrouverait le calme plus rapidement."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 10 avril 2002)
- "Je dis attention pour différentes raisons. La première raison c'est qu'il est bien gentil de dire aux gens, "attendez, ce n'est pas sûr que vous allez avoir votre retraite, les retraites sont en danger"... Vous conditionnez les gens de cette façon, ils ne veulent plus partir de leur boulot, c'est normal, c'est humain, je serai le premier à faire ce genre de chose. Deuxièmement, je considère qu'il y a 2,5 millions de chômeurs encore à l'heure actuelle, qu'il y a 4 millions de personnes qui désirent avoir un emploi permanent. Alors, à partir du moment où on m'a expliqué que la loi sur les 35 heures devait avoir pour effet de créer des emplois, à partir du moment où on m'a expliqué que l'annualisation du temps de travail - 1.600 heures par an -, on l'a réduit justement pour créer des emplois, c'est la même chose sur l'activité tout le long de la vie : moins on travaillera et plus on créera d'emplois et on rendra des emplois disponibles."
Et vous avez cru ce qu'on vous a dit ?
- "Ah oui, j'ai parfois la candeur de le croire... Et après, j'accélère le mouvement... Et c'est la raison pour laquelle j'ai interpellé à la fois M. Chirac et à la fois M. Jospin - et j'interpelle tous les candidats, mais plus particulièrement Chirac et Jospin -, parce qu'ils se sont rendus à Barcelone et qu'à Barcelone, ils ont accepté des conclusions dans lesquelles il est dit qu'on va reporter de cinq ans l'âge moyen de départ d'activité des Français. Nous sommes à l'heure actuelle à 58,5 ans et ils ont accepté que, d'ici 2010, on passe à 63,5 ans. Et cela veut dire qu'ils mettent en l'air la retraite à 60 ans ! Qu'on le veuille ou non, c'est contradictoire : on ne peut pas affirmer "nous sommes pour la retraite à 60 ans" et, en même temps, accepter qu'on va travailler cinq ans plus tard, c'est tout à fait clair..."
Ce n'est pas un engagement ferme...
- "Ah si, c'est la conclusion"
C'est comme l'équilibre budgétaire, on essaie de l'atteindre...
- "Mais oui, on nous le fait payer, pardonnez-moi ! Votre question est fort intéressante : de plus en plus maintenant - ça s'appelle la coordination européenne -, les pays s'engagent. Et si on ne l'applique pas, ils sont maintenant taxés."
Mais après, on trouve des arrangements, regardez justement pour les déficits...
- "On trouve peut-être des arrangements, mais ce qui veut dire que la politique après ne pourra pas remettre en cause les engagements qu'ils ont pris. En 2004, ils vont ouvrir EDF au privé ; en 2006, ils vont privatiser complètement la Poste... Regardez le tunnel sous le Mont-Blanc : on ne l'ouvre pas - on pourrait penser que la France, c'est comme un propriétaire terrien, il ouvre sa porte ou il l'a ferme : non ! Au nom de la libre circulation des biens et des personnes, on dit "vous n'ouvrez pas le tunnel sous le Mont-Blanc et vous allez être taxé et vous allez payer, parce qu'effectivement vous êtes en infraction avec les législations européennes". C'est la même chose : la coordination européenne dit qu'il faut maintenant cinq ans en plus d'activité, nous serons obligés d'y passer. Ce qui veut dire que le gouvernement qui va suivre va être en pression permanente avec les organisations syndicales, toutes j'espère, mais au moins la mienne, qui dira que non, nous voulons le respect de la retraite à 60 ans. Mais permettez moi de finir ma pensée. Si je tiens à la retraite à 60 ans, elle n'est pas "retraite-couperet en France" ; il y a des gens qui ont dépassé 60 ans et qui continuent à travailler. La différence, c'est qu'une fois qu'on a dépassé 60 ans, on acquiert plus de droits, on paie à la solidarité, les cotisations, c'est pour les autres. Eh bien, ce n'est pas mal ! Ceci étant, ce qui est clair, quand on part avant 60 ans, c'est bien souvent parce que les patrons licencient, c'est bien souvent parce que les patrons font des plans sociaux et, comme les plus âgés sont ceux généralement coûtent plus cher, parce qu'ils ont de l'ancienneté etc., ils licencient ces gens-là."
Mais après, on trouve des arrangements...
- "Quand je trouve des arrangements, c'est justement parce que j'ai la référence de la retraite à 60 ans : si je défends la retraite à 60 ans, ce n'est pas pour que ce soit un couperet, c'est pour que, lorsqu'on licencie et qu'il y a des plans sociaux, que je puisse dire : "celui là il a 56 ans, celui là il a 57 ans, celui là il a 58 ans, il s'en va, on va le mettre aux Assedic, mais on va faire comme s'il travaillait jusqu'à 60 ans pour ses droits à la retraite". Et ça, pour le négocier, j'ai besoin de la référence de la retraite à 60 ans et j'ai besoin qu'on dise que la retraite à 60 ans soit pleine et entière. Voilà pourquoi j'ai interpellé les candidats."
Quand J. Chirac dit qu'on garde la retraite à 60 ans comme référence, vous ne croyez pas qu'il est sincère ?
- "Oh,, mais si je crois qu'il est sincère... Vous savez, dans les discours, ce n'est pas la seule contradiction ! Je vais vous en relever une autre - de tous d'ailleurs - : on joue beaucoup sur les espérances des 700.000 à 800.000 fonctionnaires qui partiraient d'ici 10 ans ; à partir du moment où on donne la retraite aux fonctionnaires plus tard, à partir du moment où justement les fonctionnaires devraient travailler cinq ans en plus, expliquez moi comment ils vont partir ? Or, tout le monde, en ce moment, dit qu'ils vont baisser les impôts parce qu'il va y avoir des fonctionnaires qui vont partir à la retraite. Ce n'est pas vrai"
Ce n'est pas uniquement pour ça, là, vous schématisez un peu quand même...
- "Je schématise, mais je ne peux pas ici, dans un studio de télévision faire une analyse technique, ad fine etc. Mais ce sont les mouvements : à partir du moment où vous maintenez les gens au travail, je ne vois pas comment vous pouvez dire que vous allez baisser les impôts, quand on parle notamment de la fonction publique. Et tout le monde sait que sur les dix ans, tout le monde disait 700.000 à 800.000 fonctionnaires vont partir, on ne va peut-être pas renouveler et en embaucher 700 ou 800.000 peut-être la moitié, que sais-je moi etc. Eh bien, c'est une orientation qui ne verra pas le jour pour la bonne et simple raison, si on défend la thèse de faire rester les gens encore cinq ans en plus."
Si je vous comprends bien, les élections ne servent à rien puisque tout se décide à Bruxelles ?
- "Ecoutez, effectivement, là, c'est vous qui peut-être forcez le trait !"
Je schématise !
- "75 % des textes qui sont débattus à l'Assemblée nationale sont des textes d'origine bruxelloise. Et ça veut dire que je finis par me poser la question : est-ce que les Français sont aussi stupides que ça ? On dit qu'ils ne vont pas voter, on dit qu'il va y avoir abstention etc. Est-ce qu'ils ne sentent pas qu'en définitive, notre président de la République et notre Premier ministre servent, ce sont des hommes de pouvoir, mais pas de pouvoir final ? Il est clair que le pouvoir est maintenant d'une certaine façon au niveau européen. Je pense qu'à termes, il y aura une question qui se posera, on devra en débattre, il faudra qu'on fixe très exactement... Je suis incapable de dire quel est le député qui est le plus proche de moi au niveau européen, je suis incapable de le dire, c'est tout à fait réglé. Par contre, je connais un petit peu le gouvernement français et donc quand je vote..."
Et votre député accessoirement...
- "Et donc quand je vote c'est clair, je dis simplement, c'est réglé, je fais confiance à ceux-là, parce qu'ils vont gérer mes impôts. A partir du moment où, notamment sur le plan fiscal, il va y avoir une normalisation européenne, je me dis qu'alors, c'est donc là que se tient le pouvoir ; donc, c'est là qu'il faudrait peut-être que je puisse me prononcer beaucoup plus. Et je crois que beaucoup de Français sont dans ma situation."
Très brièvement, dans cette campagne, on n'entend pas assez les voix des salariés ?
- "J'ai eu peur. Pendant une bonne partie, ça a été sur la sécurité, c'était les problèmes etc., etc. Et puis maintenant, il semble quand même que, contraint et forcé par les événements et puis aussi parce que les organisations syndicales poussent - tout le monde a à peu près pris la formule d'interpeller dans des formes diverses etc. -, on les contraint un petit peu à préciser les choses. Mais effectivement vous avez entendu parler, vous, de la lutte contre le chômage, mise à part une affirmation ici de celui-ci qui a parlé de réduire le chômage de 900.000 unités... ? Mais on laisse entendre par exemple qu'il va y avoir 5 à 6% de chômeurs en permanence et ça, pendant 10 ou 15 ans : c'est inacceptable ! Moi, je pense que le problème de la sécurité commence d'abord par la réduction du chômage. Moins il y aura de chômeurs, peut-être, je crois, qu'on retrouverait le calme plus rapidement."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 10 avril 2002)