Déclaration de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le cadre conventionnel de l'exercice des professionnels de la santé et les rapports avec les organismes d'assurance maladie, Paris le 10 janvier 2002.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Présentation de la proposition de loi portant rénovation des rapports conventionnels entre les professions de santé libérales et les organismes d'assurance maladie à Paris le 10 janvier 2002

Texte intégral

Monsieur le Président,
Madame et Messieurs les rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,

Monsieur le rapporteur, je vous remercie de cette présentation excellente et lumineuse du travail que nous avons accompli depuis un an.
Je vous remercie également d'avoir souhaité que nous reprenions, sur la base de votre proposition de loi, la discussion que nous avons eu sur cette question lors des débats sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.
Au moment où certains professionnels libéraux manifestent leurs revendications pour une meilleure reconnaissance de leur rôle, cette proposition de loi permet de reprendre les discussions pour définir le cadre d'ensemble de leur exercice, c'est-à-dire le cadre conventionnel.
Le dialogue doit être privilégié qu'il s'agisse du niveau des honoraires et des avancées nécessaires à l'amélioration des conditions d'exercice. Mais ce dialogue doit s'inscrire dans une nouvelle règle du jeu. C'est l'objet majeur de cette proposition de loi.
Comme vous l'avez indiqué cette proposition résulte du travail de concertation que le Gouvernement, en étroite relation avec la représentation nationale, a entrepris depuis un an avec les réunions que j'ai organisées rue de Grenelle avec les professionnels de santé, les partenaires sociaux, les caisses d'assurance maladie et également des représentants du Parlement.
Le malaise des professionnels de santé n'est pas nouveau. Notre système de santé a un formidable potentiel c'est ce qui a fait qu'il a été classé par l'organisation mondiale de la santé comme le premier au monde. En même temps, la pression sur les urgences, l'impact du vieillissement récent créent des tensions importantes. Les conditions d'exercice évoluent avec une médecine de plus en plus fondée sur la technique et des patients qui demandent toujours plus aux soignants. Il y a des interrogations fortes, des malaises qui s'expriment, nous en avons également longuement débattu à l'occasion de la discussion que nous venons d'avoir sur la responsabilité médicale.

Ces évolutions suscitent de fortes aspirations et nous devons y répondre par la concertation. C'est pour cela que j'ai ouvert dès mon arrivée différents chantiers qui ont maintenant bien avancé et dont nous poursuivons la mise en oeuvre :

  • à l'hôpital avec la revalorisation des carrières des professionnels par le protocole du 14 mars 2001 (c'est un effort de plus de 335 millions d'Euros (2,2 Mds F) par an sur trois ans) puis avec la mise en place des 35 heures et la création de 45.000 emplois ;
  • dans les cliniques privées avec les accords des 4 avril et 7 novembre 2001 pour revaloriser les rémunérations des personnels salariés que nous mettons en uvre en étroite relation avec l'Observatoire tripartie qui comprend les partenaires sociaux du secteur et qui s'accompagne d'un renforcement des contraintes en terme de transparence de l'information et de ciblage en fonction de la place de l'établissement dans l'offre de soins régionale ;
  • dans le secteur libéral avec ce qu'on a appelé les Grenelle de la santé en janvier et juillet dernier. Si j'ai décidé dès décembre 2000 de lancer cette grande concertation c'est que j'ai perçu le malaise spécifique des professionnels libéraux et la nécessité de définir une démarche pour y répondre dans un cadre d'ensemble. Ce malaise provenait, d'abord, du dispositif de régulation des dépenses.

Mais ce malaise était également plus profond et lié à des interrogations fondamentales sur la place du professionnel de santé dans le système de soins.

Pour moi, l'équilibre de notre système de soins repose sur un ensemble de données essentielles dont nous devons discuter avec les professionnels dans un cadre conventionnel pour les adapter constamment aux besoins de la population :

  • la démographie des professions : c'est-à-dire non seulement le nombre de professionnels mais aussi leur répartition géographique ;
  • le métier des professionnels qui évolue et qui doit évoluer en complémentarité : par exemple, pour que le généraliste travaille mieux avec l'infirmier et le kinésithérapeute ; pour que l'articulation se fasse entre le spécialiste ou l'hôpital ;
  • la relation avec le patient qui se modifie car la société se transforme mais cette relation doit trouver un nouvel équilibre, sujet qui est pris en compte par la loi sur le droit des malades ;
  • la relation avec les caisses d'assurance maladie, en particulier la gestion de l'informatique et les échanges d'information ;
  • le rôle des professionnels comme acteurs des politiques de santé, sujet central qu'avait bien souligné la Mission des 4 Sages dans son rapport en juin dernier : le fait que le professionnel de santé est un acteur central de la politique de prévention ; que son action s'inscrit de plus en plus dans une perspective de coordination des soins ; et son action dans la prise en charge des urgences.

Lors de cette concertation tout au long de l'année, les professionnels, les partenaires sociaux et les caisses d'assurance maladie ont fait un certain nombre de propositions. La mission des quatre sages m'a remis son rapport en juin dernier. À la suite de cette concertation, j'ai présenté le 4 octobre dernier 13 propositions portant d'une part sur les conditions d'exercice et d'autre part sur le dispositif de régulation.

Sur les conditions d'exercice, vous avez voté un certain nombre de ces propositions dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, d'autres ont été intégrées en première lecture dans le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Nous avons déjà lancé la concertation sur les textes réglementaires nécessaires à la mise en uvre de celles-ci :

  • la mise en place d'une aide à l'installation pour prendre en compte les difficultés rencontrées en matière de recrutement, de maintien et de remplacement de médecins et d'infirmiers dans certaines zones rurales et certains quartiers urbains désertifiés ;
  • l'amélioration du fonctionnement de la permanence des soins assurée en ville par les professionnels libéraux ; ce dispositif doit permettre de trouver des solutions au plan départemental pour assurer une meilleure organisation des gardes : par exemple, en favorisant les maisons de garde ou en promouvant d'autres solutions adaptées aux différents territoires, notamment les zones rurales ;
  • la mise en place de financements pérennes et d'une harmonisation des procédures au niveau régional pour soutenir le développement des réseaux qui permettent une prise en charge multidisciplinaire des patients ;
  • la création de l'observatoire de la démographie et des métiers, qui sera prochainement officialisée dans le cadre d'une journée de la démographie médicale que nous allons organiser avec Bernard KOUCHNER ;
  • la création d'un haut conseil de santé chargé de constituer une ressource d'expertise et de proposition pour le gouvernement.

Sur le dispositif de régulation, le plan JUPPÉ a profondément bouleversé les rapports conventionnels tels qu'ils existaient depuis 1971 en introduisant une logique purement comptable avec un système de reversement imposé aux médecins qui portait non seulement sur les honoraires mais aussi sur les prescriptions de médicaments et d'actes paramédicaux et que nous avons supprimé en 1999, Le système mis en place en 1999 ne s'est pas révélé plus efficace pour maîtriser les dépenses et a été critiqué par les caisses d'assurance maladie et les professionnels. C'est donc bien un système alternatif au système de régulation actuel dont nous allons discuter.
Alors quel est le dispositif que vous proposez dans la proposition de loi ?

Il s'agit de fournir aux partenaires conventionnels un nouveau cadre pour la régulation du système des soins de ville. Le dispositif proposé comporte 4 orientations :

  • 1° la création d'un accord cadre applicable à l'ensemble des professions qui permette de définir des règles communes à ces professions pour améliorer la qualité et la coordination des soins ou pour promouvoir des actions de santé publique ;
  • 2° la rénovation du dispositif de régulation sur l'engagement réciproque des professionnels et des caisses d'assurance maladie. Ces engagements, collectifs et individuels, prendront la forme d'accords au niveau national ou régional sur le bon usage des soins, de contrats de bonne pratique à adhésion individuelle ou de dispositifs spécifiques à chaque profession ; ces engagements pourront faire l'objet d'une rémunération forfaitaire ; je rappelle que, parce que lors de la concertation les professionnels ont marqué leur attachement au cadre collectif de leur exercice, nous n'avons pas retenu la mise en place de contrats individuels hors du cadre conventionnel ;
  • 3° la possibilité pour les professionnels, en complément aux dispositions de l'accord cadre et des conventions professionnelles, de s'engager dans le cadre d'accords de santé publique sur des actions de prévention ou d'amélioration de la permanence des soins ;
  • 4° l'exonération du mécanisme des lettres clefs flottantes pour les professionnels qui s'engagent dans un dispositif conventionnel.

Je rappelle que cette proposition, parce qu'elle est le résultat d'une large concertation bénéficie du soutien des caisses d'assurance maladie et des partenaires sociaux qui les composent ainsi que de plusieurs syndicats de professionnels de santé.
Je souligne également à nouveau qu'il ne s'agit pas de prédéterminer le contenu des dispositions des conventions mais de permettre aux professionnels et aux caisses d'assurance maladie de s'inscrire dans un cadre plus adapté qu'actuellement.
Il est vrai que certains syndicats de médecins ont fait de la suppression pure et simple de tout mécanisme de régulation la condition sine qua non de leur acceptation du dialogue, tout en revendiquant des revalorisations d'un tel niveau qu'elles conduiraient à une augmentation des dépenses et donc des prélèvements obligatoires incompatibles avec les possibilités offertes par la croissance.
Ce n'est pas mon choix. Je crois profondément à la valeur du contrat pour rénover le dialogue que la société, qui assure le financement collectif du système de soins, entretient avec les médecins et les professions paramédicales. Je compte sur leur engagement pour que nous construisions ensemble un cadre qui permettra les évolutions nécessaires.
Pour cela, nous devons évoluer vers un système de régulation qui prenne mieux en compte les engagements collectifs et individuels des professionnels. Nous devons redonner des espaces de liberté aux partenaires conventionnels pour que, dans le cadre des principes généraux définis par le législateur, ils adaptent le système de soins de ville aux nouvelles exigences du système de soins. Le vieillissement de la population, l'apparition de techniques innovantes, les demandes des patients exigent en effet de profondes mutations dont nous savons qu'elles ne correspondent pas toujours aux cadres actuels.
Nous avons ainsi défini un dispositif fondé sur la négociation entre les caisses d'assurance maladie et les professionnels pour rendre plus efficace le système par la définition d'objectifs partagés d'amélioration de la qualité des soins.
Nous pensons en effet que la convention doit redevenir l'instrument d'une meilleure reconnaissance du rôle des professionnels libéraux dans le système de soins, tel est bien l'objet de cette proposition.
À ce titre, je souhaite remercier particulièrement les parlementaires qui se sont engagés sur cette question et qui ont souhaité que nous ayons aujourd'hui ce débat sur le cadre dans lequel nous souhaitons que les discussions sur l'évolution du système de soins se poursuivent, en particulier les auteurs de la proposition, J. M. Ayrault, le Président Le Garrec et Claude Evin, ce qui ne nous empêchera pas de travailler sur d'autres évolutions nécessaires dans les cinq ans à venir.

(source http://www.sante.gouv.fr, le 16 janvier 2002)