Déclaration de M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, sur l'histoire de l'éducation populaire, notamment par la constitution d'un fonds d'archives sur l'action culturelle et éducative des mouvements d'éducation populaire, Créteil le 19 juin 2000.

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Circonstance : Inauguration du pôle de conservation des archives de l'éducation populaire aux archives départementales du Val de Marne à Créteil le 19 juin 2000

Texte intégral

Madame la Ministre,
Monsieur le Président du Conseil général,
Mesdames, Messieurs,
Ma présence aux côtés de la ministre de la jeunesse et des sports pour l'inauguration de ce pôle de conservation des archives des mouvements de jeunesse et d'éducation populaire marque notre volonté, à Catherine Tasca et moi-même, de développer notre collaboration avec le ministère de la jeunesse et des sports et de renforcer notre partenariat avec les fédérations d'éducation populaire.
La coopération entre nos deux ministères pour la création de ce pôle montre toute l'importance que nous accordons aux archives des associations et mouvements de jeunesse et d'éducation populaire pour l'histoire de la République et de la France.
A cet égard, le partenariat avec le Conseil général du Val de Marne est exemplaire et trace un chemin à explorer davantage en matière de décentralisation. C'est en effet la première fois qu'un service d'archives départementales devient un pôle de conservation d'intérêt national, spécialisé dans un domaine particulier. Je tiens à vous féliciter, monsieur le Président, pour cet engagement aux côtés de la Direction des archives de France.
Je souhaite remercier toutes les associations et personnes qui ont pris la mesure de l'importance de la conservation de ces archives, plus particulièrement l'association " Mémoire et racines " et les chercheurs à l'initiative de ce projet et bien sûr l'association des déposants : l'ADAJEP, quatrième signataire de la convention créant ce pôle.
L'existence de ce fonds d'archives est très importante à mes yeux car ce n'est qu'en reconstituant et en assumant tous l'histoire de l'éducation populaire qui croise celle des politiques publiques, que nous lèverons les malentendus et l'incompréhension qui peuvent persister notamment dans certaines institutions culturelles.
Depuis la " séparation " douloureuse liée à la création du ministère de la culture et après des années d'indifférence voire de mépris, la situation a considérablement évolué ces dix dernières années.
Dans le prolongement de la Charte d'objectifs signée en juin 1999 par Catherine Trautmann avec huit fédérations, viennent d'être organisées, à l'initiative de la Délégation au développement et aux formations, huit rencontres nationales en région destinées à définir des axes de collaboration sur des objectifs communs tels que l'éducation artistique, les pratiques artistiques et culturelles en amateur, l'éducation à l'image... D'ores et déjà, il est possible de recenser de nombreux partenariats établis sur les territoires entre associations d'éducation populaire et institutions culturelles, autant d'actions qui répondent au souci de nos deux ministères de favoriser une réelle participation des citoyens à la vie artistique et culturelle de leur pays.
Mais il faut encore avancer dans la collaboration et franchir une étape supplémentaire. Il ne peut s'agir d'instrumentaliser les associations et leur demander de gérer l'impuissance publique mais bien de reconnaître leur rôle dans ce qui a été à l'origine de leur création : l'éducation à la citoyenneté, la médiation non pas entre des institutions et des publics mais entre la société civile et le politique.
Aucun ministère n'est propriétaire de l'éducation populaire. Le champ des activités des fédérations est très large et s'il intéresse bien sûr le ministère de la jeunesse et des sports et le ministère de la culture, les ministères chargés de l'éducation nationale, de l'économie sociale, du tourisme, de la Ville, de l'intérieur et j'en oublie, sont aussi concernés. Il est nécessaire que l'Etat accompagne de manière plus cohérente les mouvements d'éducation populaire afin que ceux-ci accompagnent à leur tour, voire devancent les politiques publiques.
Pour ce qui concerne le ministère de la Culture, il nous faut affirmer fermement et convaincre " nos troupes " que les associations d'éducation populaire sont des acteurs culturels à part entière depuis plus d'un siècle et qu'elles possèdent des savoir-faire qui ne demandent qu'à être partagés. La transmission de l'histoire nous aidera à y parvenir.
En effet, on oublie aujourd'hui que les bibliothèques départementales de prêt sont les héritières des bibliothèques associatives crées par Jean Macé dés 1866, que les ciné-club sont les ancêtres des cinémas art et essai, que les méthodes d'éducation active ont été expérimentées par l'éducation populaire avant d'entrer à l'école, que les associations d'éducation populaire et les conseillers techniques et pédagogiques du ministère de la Jeunesse et des sports ont joué un rôle primordial dans l'accompagnement de la décentralisation théâtrale et ce ne sont que quelques exemples. Il faudrait aussi évoquer toutes les personnes connues pour leur engagement dans l'action culturelle, souvent aujourd'hui à la tête d'institutions culturelles, et qui se sont formées dans les mouvements d'éducation populaire.
Les militants d'aujourd'hui peuvent être fiers d'être les héritiers de cette grande histoire. Leur responsabilité et leur action doivent être à la mesure de cette fierté. Il leur faut constamment interroger leurs pratiques et leurs résultats, leurs modes de gestion et d'organisation, l'impact social de leurs prestations, leurs choix de diversification pour ne jamais oublier l'objectif qu'ils se sont fixé : une société plus juste et solidaire dans une République laïque, démocratique et sociale. C'est ainsi que les réalisations d'aujourd'hui pourront s'inscrire demain dans la continuité de leur histoire.
Cette histoire fait partie intégrante de l'histoire des politiques culturelles de notre pays mais aussi de l'histoire de la République. Et pourtant, un énorme travail reste à faire pour la rassembler, l'écrire et la transmettre dans sa globalité et sa complexité.
Je sais le travail opiniâtre de chercheurs passionnés qui a notamment permis la création de ce pôle d'archives. Je sais aussi combien les fédérations ressentent le besoin du " retour aux sources " pour redonner des perspectives à des militants quelquefois désorientés et à la recherche de sens dans leur combat d'aujourd'hui.
La première urgence était d'accueillir les archives et de les préserver.
Je souhaite que cette initiative fasse tâche d'huile, que les dépôts se multiplient et qu'historiens, sociologues, militants s'en emparent pour les exploiter et les valoriser.
La reconstitution de cette histoire nous est nécessaire à tous pour que chacun, Etat et fédérations d'éducation populaire, nous retrouvions notre juste place dans un souci commun du service public pour une société démocratique, juste et solidaire. A la veille de l'anniversaire de la loi de 1901, l'Etat doit plus que jamais entendre et accompagner les initiatives citoyennes que les mouvements d'éducation populaire savent fédérer.
Pour ma part, je m'emploierai à ce que vous trouviez au ministère de la Culture des oreilles attentives à vos projets et à vos questionnements.

(Source http://www.culture.gouv.fr, le 22 juin 2000)