Texte intégral
Cher-e-s camarades,
Notre peuple, la gauche, nous-mêmes, les hommes et femmes du collectif communiste, nous venons de vivre dimanche un événement douloureux et dramatique. L'extrême droite atteint 20% des suffrages et permet au représentant d'un parti haineux, raciste et xénophobe d'être présent au second tour de l'élection présidentielle. La gauche gouvernementale est défaite. Notre score est historiquement faible.
Cette situation constitue un véritable séisme politique. Face au danger de l'extrême droite, l'émotion est immense. Dès la nuit de dimanche, des rassemblements dans de nombreuses villes de France ont permis à des milliers de femmes et d'hommes, à un très grand nombre de jeunes souvent à l'initiative, de manifester leur inquiétude et leur colère, leur volonté de faire barrage à la haine, au racisme et à la xénophobie.
Hier, ces rassemblements se sont poursuivis et amplifiés. Des réseaux de protestation et de résistance s'organisent spontanément, dont les communistes sont naturellement parties prenantes. Notre mouvement jeunes communistes a d'ailleurs pris des initiatives forte. Ce mouvement est considérable. Ce que nous devons dire, ce que nous devons faire doit être à la hauteur de cette mobilisation.
Dans ces circonstances très difficiles, je veux dire d'abord à Robert, aux communistes qui se sont dépensés sans compter depuis des mois, que je partage leur tristesse et leur émotion. Leur courage, leur engagement visibles, tangibles dans cette campagne si difficile compteront énormément pour l'avenir, pour la reconstruction indispensable de l'espoir.
Et je voudrais aussi les assurer que nous ne baisserons pas les bras. Comme Secrétaire nationale, je suis déterminée à ce que nous ouvrions en grand, avec toutes et tous les communistes, le débat sur les causes de cette situation, et du grave échec que nous venons de subir.
Le résultat d'hier nous incite à la modestie, à l'écoute, au respect de toutes les opinions. Il ne peut s'agir aujourd'hui que d'ouvrir de premières pistes. Mais nous allons prendre le temps de ce débat, tout le temps nécessaire, sans esquiver aucune question, sans complaisance avec nous-mêmes, y compris comme direction du parti. Et je voudrais dire, en même temps, avec espoir : je suis convaincue que nous pouvons nous donner les moyens de relever le défi auquel nous sommes confrontés.
Notre parti s'est affaibli depuis vingt ans. Nous affrontons d'importantes difficultés, et il n'est pas dans notre intention de les ignorer ou de les banaliser. Elles sont à la mesure des échecs du siècle passé comme des transformations d'un monde en pleine révolution qui appellent des réponses foncièrement nouvelles.
Mais pas plus aujourd'hui qu'hier les communistes ne se laisseront décourager par les difficultés ! Notre engagement ne tient ni à une mode passagère, ni à la poursuite d'intérêts partisans, mais à notre refus absolu d'un ordre social injuste et violent, à notre volonté acharnée de lutter pour faire reculer toutes les inégalités, toutes les formes de domination et d'exploitation des êtres humains.
Il suffit d'observer les ravages du capitalisme mondialisé en ce début de siècle, les souffrances qu'il engendre, les menaces qu'il fait peser sur l'humanité, sur la civilisation, sur l'environnement, pour se convaincre que ce système doit plus que jamais être combattu. C'est le capitalisme lui-même qui produit l'exigence de son dépassement.
Là est la raison d'être du communisme et le fondement de notre engagement : travailler à construire démocratiquement une société, un monde obéissant à une autre loi que celle du plus fort et du plus riche, à s'affranchir de la tyrannie de l'argent, à sortir enfin de ce que Marx appelait " les eaux glacées du calcul égoïste ".
Nous allons nous retrousser les manches, et apporter dans la vie un démenti à ceux qui, une nouvelle fois, rêvent de nous voir disparaître de la scène politique.
Cher-e-s Camarades,
Dimanche, c'est un véritable séisme qui a secoué notre pays.
Tout d'abord, il y a le niveau record de l'abstention. Plus de 11.000.000 d'électeurs ont décidé de s'abstenir. 6 % de plus qu'en 1995. 1.000.000 de ceux qui se sont déplacés ont décidé de voter blanc ou nul, ce qui constitue aussi un record absolu. Ces chiffres en disent long sur la fracture politique, sur le déficit de l'offre politique.
Jacques Chirac a obtenu 5.574.000 voix et arrive en tête avec 19,71 %. Avec les autres candidats : François Bayrou, Alain Madelin, Christine Boutin, au total la droite parlementaire totalise 8.955.000 voix soit 32,69 %.
Ce chiffre est à rapprocher des 11.614.000 voix et 39,01 % recueillis par les candidats Chirac et Balladur en 1995, soit une perte de 2 660 000 voix et 6,32 %.
Le Pen obtient 4.791.000 soit 16,95 %. En y ajoutant Mégret qui fait 665.000 voix et 2,35 %, l'extrême-droite recueille donc 5.456.000 voix et 19,30%, contre 4.571.000 voix et 15 % il y sept ans, soit un gain de 885.000 voix et de 4,30 %.
Au final, il apparaît que tous ces candidats des partis de la droite et de l'extrême-droite ont recueilli 14.411.000 voix et 53 % des suffrages.
A peine plus d'un tiers des inscrits ont voté pour tous ces candidats réunis, deux tiers ne seront donc pas représentés au deuxième tour.
Il est clair que le résultat politique de l'élection est marqué par la montée des valeurs et des thèmes de la droite et de l'extrême-droite. Mais les chiffres, on le voit, ne marquent pas, en voix, un raz-de-marée à droite. L'absence de la gauche est bien due à sa difficulté à mobiliser son électorat sur sa politique, et à son grand éparpillement.
Lionel Jospin a rassemblé 4 558 000 électeurs soit 16,12% des votants. Soit une baisse 2 540 000 voix.
Noël Mamère obtient 1.484.000 voix, une hausse de 474.000 voix et de 1,93 % par rapport au score de Voynet en 1995.
Christiane Taubira obtient 656.000 voix et 2,32 %.
Nous obtenons 960.757 voix, 3,37 % des suffrages, soit une perte de 1.600.000 voix et de 5,25 %.
Les candidats de la gauche plurielle telle qu'elle est identifiée aujourd'hui obtiennent donc à eux tous 7.658.000 voix, soit 28,94 % des voix contre 10.303.000 suffrages et 35,26 % des voix en 1995.( - 2.645.000 voix et - 6,32 %).
Bien entendu, la réalité de la gauche, le comportement des électeurs de gauche est plus complexe à saisir que cette simple addition, avec les votes sur les candidatures de Chevènement qui obtient 1.509.000 voix et 5,34 % des voix, et de Besancenot 1.206.000 voix et 4,27 %.
Enfin Laguiller obtient 1.625.000 voix et 5,75 % soit une hausse de 10.000 voix et de 0,45 %, un bougé modeste au regard de l'intense couverture médiatique dont elle a bénéficié.
Au-delà de ces chiffres un peu fastidieux, ce qui ressort, c'est le grand éparpillement des suffrages sur les 16 candidats, chiffre record lui aussi.
La femmes et les hommes de gauche ne seront donc pas représentés le 5 mai prochain. Pour autant, le deuxième tour sera déterminant pour les années à venir, pour la vie des hommes et des femmes de notre pays. Nous savons que les mois, les années à venir peuvent être terribles.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire, et cette position a fait l'unanimité de notre présidence et de notre comité exécutif qui ont tenu une réunion commune hier, et je pense qu'elle le fera encore aujourd'hui : nous appellerons à utiliser le bulletin Jacques Chirac pour battre Le Pen, nous ferons tout pour que l'extrême-droite fasse le moins bon score possible.
Disant cela, nous n'avons aucune illusion sur Jacques Chirac. C'est le candidat de la droite, de la régression sociale, le candidat qui voudra s'attaquer à nos salaires, à nos retraites, à la sécurité sociale, aux services publics; Le candidat qui demain nous trouvera sur sa route pour contester ses choix.
Nous sommes lucides et sans illusion sur le personnage, sur son équipe, sur ses choix. Nous savons aussi sa responsabilité dans la montée de Le Pen. Nous savons qu'en maniant les thèmes chers à l'extrême droite, en agitant la peur et l'irrationnel, il a nourri la campagne de Le Pen et de Mégret. Nous savons sa responsabilité et celle de la droite qui pendant cinq ans n'a jamais cessé de s'attaquer aux réformes de progrès. Cette droite qui au nom de sa revanche sociale n'a eu de cesse de diviser les citoyens et les citoyennes.
Mais le système politique français est tel, les règles de l'élection présidentielle si perverses -et nous n'avons jamais manqué de les dénoncer- qu'il n'y pas d'autre choix que de faire élire Jacques Chirac pour éviter que ce ne soit Le Pen.
Le danger est trop grand, nous assumerons donc nos responsabilités. Le Pen se pose déjà en défenseur des petits, des exploités, des sans-défense. Il veut récupérer à sa manière la fracture sociale et les exaspérations. Mon sentiment, c'est qu'il y un risque réel que ça prenne. Oui, il y a danger. Oui, l'extrême droite est un danger majeur. Un danger pour la République, un danger pour la démocratie, un danger extrême pour les femmes et les hommes. Oui, il faut ramener son candidat aussi bas que possible.
Déjà, depuis dimanche, l'émotion et la colère sont descendues dans la rue, beaucoup de jeunes. Faisons en sorte que cette force batte Le Pen le 5 mai prochain. Je crois profondément que la façon dont les communistes, les forces de gauche, le mouvement social, associatif, citoyen vont mener cette campagne du deuxième tour sera importante, très importante pour la suite. Oui, à partir des paroles de révoltes il a possibilité de retisser des discours de progrès, oui, à partir des actes d'aujourd'hui il y a possibilité de tisser des pratiques nouvelles et des rassemblements porteurs d'espérance pour demain.
Mobilisons dans le débat et dans la rue, faisons un grand 1er mai de la solidarité, de la générosité, du progrès, un grand premier mai anti-FN comme l'y appellent de nombreuses organisations.
Quant à nous, dans ce vaste mouvement, faisons valoir nos exigences, libérons nos valeurs, nos idées, nos idéaux, les mots de notre communisme. Faisons valoir notre refus d'un ordre xénophobe et raciste, faisons valoir notre conception ouverte de la France, faisons valoir notre soif de justice sociale, le droit à une retraite décente pour tous, de services publics utiles au quotidien des femmes et des hommes, faisons valoir le droit de vote des étrangers, les droits des femmes, faisons valoir notre volonté de réussir les 35 heures, d'être avec les jeunes pour de nouvelles avancées, mettons en débats nos propositions pour l'Europe.
D'ici le 5 mai, prenons toutes les initiatives à notre portée. Partout, dans chaque commune, dans chaque ville, dans chaque quartier, dans chaque entreprise, permettons à tous ceux et toutes celles que le résultat du premier tour affole, aux forces politiques de progrès, à la "gauche d'en bas", aux militants associatifs, aux citoyens et citoyennes, de se rencontrer, d'échanger de construire ensemble la riposte. Nous pourrions décider de tenir la semaine prochaine une grande journée nationale toute dévouée à ces rencontres.
C'est tout le sens de l'adresse aux françaises et aux français que nous vous proposons d'éditer dans les jours à venir. Un tract dont vous comprendrez bien l'intérêt à ce qu'il soit entre toutes les mains. Un tract qui, je pense, est attendu par les militants communistes, pour tenir des initiatives publiques.
Cette mobilisation comptera pour le 5 mai, elle comptera aussi pour les législatives. Si c'est la France de gauche, la France citoyenne qui bat Le Pen le 5 mai prochain, Chirac risque bien de ne pas connaître d'état de grâce, d'être obligé de faire profil bas. Quelque part, c'est aussi lui qu'on aura battu.
Pour autant, si rien n'est écrit, la situation est avant tout préoccupante, lourde de dangers.
A tous ceux, à toutes celles qui seront privés de candidats le 5 mai, disons-leur qu'il y a un nouveau rendez-vous à ne pas manquer : ce sera le 9 et le16 juin.
Mais ne croyons pas naïvement que les électrices et les électeurs passeront à autre chose, ne croyons pas qu'après la sanction adressée à la gauche ils et elles sauront spontanément se ressaisir.
Ce qui s'est passé dimanche est grave, cela touche au cur même de la société française. C'est une crise profonde, dont la gauche risque de ne pas se remettre avant longtemps. sans doute même avant d'avoir changé définitivement d'époque.
Aussi, allons aux législatives avec beaucoup de lucidité et de détermination. Tout reste à gagner.
Aussi, il va nous falloir regarder au cas par cas, circonscription par circonscription ce qu'il convient de faire. Les électeurs et électrices de gauche viennent de payer très durement l'éparpillement des candidatures. Ils ne sont pas prêts à s'y laisser reprendre. Nous non plus. Pourtant, le scénario peut se reproduire dans de très nombreuses circonscriptions. Nous ne pouvons pas en prendre le risque. Et dans les très nombreux messages reçus depuis hier, beaucoup d'hommes, de femmes, nous appellent à éviter l'écueil en allant partout où c'est nécessaire à une candidature unique.
Sans en faire bien sûr une règle absolue, nous pourrions en adopter le principe partout où le risque existe d'un second tour sans candidat de gauche. Nul ne sait encore les intentions des différents partis de gauche et d'extrême gauche de présenter ou non des candidats. Nous avons déjà commencé à prendre des contacts, les rendez-vous avec eux sont à venir. Cela dépendra de la décision de notre Conseil national.
Bien entendu, avant d'en venir à la seconde partie de mon introduction, je propose que quelque soit l'option retenue -candidature communiste ou non-, nous allions à la campagne des législatives avec les exigences portées par nos électeurs et électrices que j'ai évoquées tout à l'heure.
Tout comme il faut continuer à faire entendre l'exigence de paix au Proche-Orient, avec la journée d'action de dimanche prochain, et avec la grande marche pour la paix prévue le 12 mai.
Au delà des questions immédiates qui nous sont posées dans les jours et les semaines qui viennent, je souhaite soumettre à notre débat, comme à celui de toutes et tous les communistes, de premières pistes de réflexion, - et j'insiste : il s'agit de premières pistes de réflexion - sur la situation que révèle ce premier tour.
Un échec de notre système politique
Plusieurs camarades ont souligné hier, lors de la réunion conjointe de la présidence du Conseil national et du Comité exécutif, l'ampleur et les différents aspects de l'échec que traduisent ces résultats.
C'est indiscutablement un échec et un grave désaveu de notre système politique. En s'abstenant, en se détournant massivement des candidats dont les propositions étaient susceptibles d'être effectivement mises en uvre, les électrices et les électeurs ont clairement manifesté qu'elles, ils ne trouvent pas de réponse politique à leurs attentes.
Des millions de femmes et d'hommes ont ainsi exprimé à quel point elles et ils se sentent mis hors jeu d'un système politique qui les ignore.
Hors jeu parce qu'elles et ils ont le sentiment que leurs problèmes, leurs aspirations, leurs urgences ne sont pas prises en considération.
Hors jeu parce qu'elles et ils ont le sentiment qu'un fossé de plus en plus profond se creuse entre les questions qu'elles et ils se posent face aux bouleversements de la société et du monde et une classe politique qui leur paraît passer à côté.
Hors jeu parce qu'elles et ils ne se sentent pas parties prenantes d'un système institutionnel qui les méprise et les tient à l'écart.
J'ajoute sur ce plan un nouveau et important facteur de crise : en ne permettant le maintien que des deux candidats arrivés en tête, le mécanisme de l'élection présidentielle met de fait hors jeu pour le second tour près des deux tiers des inscrits : cela laissera des traces profondes.
A ce sentiment, toutes ces femmes et ces hommes n'ont-ils, n'ont-elles pas répondu dimanche en choisissant des formes d'expression électorale qui sanctionnent les forces politiques représentatives de ce système ?
Reconnaissons qu'il ne s'agit pas d'un coup de tonnerre dans un ciel serein. Cela fait maintenant plus de vingt ans que les citoyennes et les citoyens expriment leur mécontentement. Par la montée de l'abstention, bien sûr ; mais plus encore en " sortant les sortant " à chaque grande échéance électorale, sans exception.
A chaque fois elles, ils disent : ça ne va pas ! vous ne nous entendez pas ! nous voulons autre chose ! Et à chaque fois, elles, ils ont le sentiment que ça n'a servi à rien. Je crois que le scrutin de dimanche montre à quel point d'exaspération a atteint cette impression de surdité, ce sentiment d'impuissance.
Un échec de la gauche gouvernementale
Cet échec est aussi celui de la gauche gouvernementale. Elle est durement sanctionnée pour n'avoir pas su être à la hauteur de l'espoir qu'elle avait fait naître. Elle l'est sans doute d'autant plus cette fois-ci que c'est la seconde fois en moins de dix ans. Beaucoup avait été investi, après le grand mouvement social de 1995, dans une " gauche plurielle " qui semblait avoir tiré les leçons de son échec majeur de 1993. La déception n'en est cette fois-ci que plus sévère.
Nous avions depuis longtemps dénoncé la surdité politique à l'égard des attentes profondes de notre peuple, de ses frustrations, de ses exigences. Nous avions alerté sur la nécessité de changer de cap pour y répondre. Nous n'avons même cessé de dire durant la campagne que plus de couleurs pour la gauche était une condition indispensable de la victoire. Sans doute étions-nous encore au-dessous de la réalité de la déception et de la colère.
Un échec de notre parti
Enfin, cette élection est un grave échec de notre parti. En tirer tous les enseignements, comprendre les raisons pour lesquelles un nombre beaucoup trop faible de françaises et de français ont considéré qu'ils pouvaient peser efficacement dans le sens de leurs attentes en votant pour le candidat communiste R. Hue est évidemment pour nous une nécessité capitale.
Je ne pense pas, pour ce qui me concerne, qu'il faille incriminer les orientations de notre campagne. On peut toujours faire mieux, évidemment. Mais je pense que l'essentiel de notre démarche était juste : identifier par des propositions concrètes crédibles le contenu possible d'une autre politique à gauche, cohérente, répondant aux attentes réelles ; et faire avancer l'idée que le vote communiste était la façon utile d'exprimer l'exigence de sa mise en uvre, de peser efficacement pour une construction politique à gauche qui la rende possible.
Faudrait-il alors nous focaliser sur notre participation au gouvernement ? Je ne le crois pas non plus. La façon dont nous avons géré cette participation, la plus longue de notre histoire, appelle assurément de notre part beaucoup de réflexions dont il faudra tirer les conséquences. Il ne s'agit pas d'une petite question, et je veillerai à ce que cette analyse critique se fasse avec lucidité et courage, et qu'on en tire effectivement tous les enseignements.
Mais je ne pense pas que cela remette en cause le choix que les communistes ont fait de peser partout où ils, elles le peuvent pour arracher tout ce qui peut l'être.
Non : il me semble que notre résultat tient à une raison beaucoup plus profonde : la difficulté où nous sommes, malgré nos efforts, pour faire vivre une identité communiste moderne tirant les leçons de l'Histoire, pour rendre lisible et crédible un projet communiste adapté à notre temps, pour inventer les formes d'un militantisme dans lequel les femmes et les hommes, les jeunes d'aujourd'hui puissent se retrouver.
Notre place dans la société restera fragile, friable même, tant que ne vivra pas ainsi une perspective politique crédible de transformation profonde de l'ordre existant. Cela n'est évidemment pas pour nous étonner : nous n'avons pas de raison d'être, comme parti communiste, et nous n'avons donc pas " d'espace politique ", en dehors d'une véritable alternative à l'ultra libéralisme aujourd'hui dominant, c'est à dire une perspective de dépassement du capitalisme.
Nous n'avons aucun avenir comme aiguillon ou comme force d'appoint d'un parti socialiste plus ou moins à gauche au fil des circonstances. C'est pourquoi nous nous sommes assignés la tâche, nous nous sommes même lancé le défi d'inventer et faire vivre un projet révolutionnaire dépassant les limites et l'échec de celui qui a façonné les consciences et transformé le monde pendant plus de cent ans.
La dimension historique de notre défi
Les difficultés que nous rencontrons sont à cette dimension. En témoigne le fait qu'aucune force révolutionnaire, nulle part dans le monde, n'a encore réussi à se relever de l'effondrement de la perspective historique ouverte par la Révolution d'Octobre. Antoine Vitez la comparait, peu avant sa mort, à une fusée qui se serait élevée au firmament pour retomber finalement en creusant un immense cratère de ruines. C'est dans les ruines de ce qui fut ainsi pour les peuples du monde entier un espoir immense, sans équivalent dans l'Histoire, que nous nous sommes aujourd'hui dans notre pays, mais bien d'autres partout sur la Terre, en train de chercher et de reconstruire.
L'effort politique considérable que nous avons fourni toutes ces dernières années nous a permis d'ouvrir une voie nouvelle. Les choix que nous avons fait à Martigues, ou lors de notre 31ème congrès me paraissent constituer un socle d'avancées essentielles dans l'élaboration d'une idée neuve du communisme. Et je veux porter témoignage ici du rôle éminent qu'a joué Robert dans ce choix difficile d'une remise en cause profonde de nous-mêmes.
Mais le grave échec de dimanche, après les résultats décevants des européennes et des municipales, doit nous faire prendre la mesure de l'effort que nous avons encore à accomplir. Il nous faudra prendre le temps - j'y reviendrai dans un instant - d'identifier et d'apporter des réponses à toutes les difficultés auxquelles nous nous heurtons. Cela ne peut être le résultat que d'un travail collectif de toutes, tous les communistes, et sans doute avec beaucoup d'autres. Je voudrais simplement concrétiser cette exigence en évoquant quelques questions parmi celles qui me paraissent les plus importantes.
Faire vivre concrètement notre projet dans toutes ses dimensions
Je voudrais d'abord répéter, parce que cela me paraît très important, que les choix que les communistes ont fait ensemble ces dernières années leur permettent de porter dès aujourd'hui dans la société un projet communiste attractif. Ce serait à mon sens une erreur politique particulièrement lourde de conséquences de conclure, face aux difficultés que nous rencontrons, soit qu'il faudrait revenir en arrière, soit que tout serait à recommencer.
En revanche, ne sommes-nous pas encore très loin d'avoir mis en uvre toutes nos décisions, d'avoir fait entrer dans la vie toutes les orientations que nous nous sommes données ? Et pour tout dire, avons-nous dans la pratique été au niveau des exigences pour rendre crédible, utile notre projet communiste ?
Je pense par exemple à certaines questions structurantes de notre projet : l'exigence accrue de services publics transformés et démocratisés, les droits et les pouvoirs des salariés, la sécurité d'emploi et de formation, le développement de la démocratie participative, la reconnaissance de toute sa place à la jeunesse, etc.
Je pense à la nécessité d'être porteurs de grandes exigences de civilisation, d'être sur tous les terrains où se jouent l'autonomie et la dignité des individus : la lutte contre toutes les discriminations, la situation des immigrés, la prostitution, le statut et les droits des handicapés,
Et je pense aussi aux décisions que nous avons prises pour faire de notre parti une grande force politique ouverte, démocratique et efficace. Notre dernier congrès est récent, et il a été suivi immédiatement de cette campagne des présidentielles qui a légitimement absorbé l'essentiel de notre énergie. Mais n'avons-nous pas beaucoup d'efforts à faire pour être ce parti démocratique, travaillant beaucoup plus collectivement, associant le plus grand nombre de communistes à ses élaborations et à ses choix, capable à la fois de débats confrontant réellement la pluralité des opinions, et de prises de positions lisibles, tranchant clairement dans les débats que nous pouvons avoir entre nous ?
Ne devons-nous pas sur tous ces aspects procéder à un bilan critique, lucide et exigeant, de notre capacité à faire entrer dans la vie les décisions que nous avons prises ? Et avancer dorénavant avec beaucoup plus de détermination ?
Aller plus loin dans notre réflexion et nos initiatives
Mais ne faut-il pas aussi constater que nous butons sur quelques questions clés dont dépend pour beaucoup la crédibilité de notre projet politique, et qu'elles appellent par conséquent d'aller plus loin dans notre réflexion et dans nos initiatives ?
Quelle transformation sociale ?
Etre communiste, c'est se prononcer pour une profonde transformation sociale. Mais le moyen d'un telle transformation ne reste-t-il pas aujourd'hui pour la plupart des femmes et des hommes auxquels nous nous adressons une question obscure ? Le " réformisme " paraît n'être que la gestion de l'ordre existant. La " révolution ", dont l'image reste celle que le 19ème siècle nous a léguée, semble impossible et dangereuse. Transformer la société dans un processus démocratique - Jaurès parlait " d'évolution révolutionnaire " - paraît ainsi à beaucoup irréaliste ; cependant que d'autres y voient une résignation au rôle de supplétifs de la social-démocratie.
N'y a-t-il pas là une difficulté centrale qui appelle de notre part beaucoup de travail politique ? La révolution n'est plus pour nous ce grand soir qui annonce des lendemains qui chantent. " Mouvement réel qui abolit l'ordre actuel ", le communisme est pour nous fait de tous les pas en avant, petits ou grands, qui permettent concrètement de changer l'ordre des choses. Mais avons-nous fait assez d'effort au jour le jour, sur chacune de nos propositions, à l'occasion de chaque lutte, pour faire vivre la perspective communiste qui leur donne sens et portée ? Avons-nous fait assez pour montrer comment chacune de nos mobilisations s'inscrit dans les valeurs communistes et leur donne corps, traduit la radicalité de notre ambition civilisatrice ?
Le défi d'un autre monde
Autre exemple : le défi d'un autre monde. Marquée par un capitalisme qui se croit aujourd'hui triomphant, la mondialisation nourrit un sentiment d'impuissance. En même temps, tout le monde voit bien que la réponse à certaines exigences majeures de notre époque implique sur des points cruciaux des réponses qui dépassent le cadre national. Cette conscience est déjà si forte qu'elle suscite une mobilisation citoyenne mondiale absolument inédite qui connaît dans notre pays un développement remarquable. Son mot d'ordre : " un autre monde est possible ".
Avons-nous donné à cette question toute l'importance qui est la sienne dans l'élaboration d'une stratégie moderne efficace de transformation sociale ? Avons-nous été suffisamment présents au cur des nouvelles formes de mobilisation citoyenne ? Avons-nous pris suffisamment d'initiatives pour tenter d'organiser à l'échelle européenne et mondiale les convergences de réflexion et d'action sans lesquelles personne ne peut imaginer aujourd'hui une mise en cause réelle des choix libéraux ou de la suprématie néo-impérialiste des USA ? Au fond, avons-nous consacré assez d'efforts politiques à faire apparaître les moyens crédibles pour secouer la chape de plomb des fameuses " contraintes internationales " ?
Une grande ambition européenne
Chacune, chacun ressent qu'une perspective de transformation sociale dans notre pays n'est pas crédible sans faire bouger un ordre mondial dont il n'est pas possible de s'affranchir unilatéralement ; et que beaucoup de clés, pour cela, se situent au niveau européen. Cela nous a conduit à affirmer la nécessité d'une ambition historique pour l'Europe, à souligner le rôle décisif qui peut être le sien comme force de progrès social, de démocratie, comme force de paix, pour développer des coopérations indispensables avec nos voisins, notamment en Afrique, comme avec d'autres pays, pour peser efficacement dans le sens d'une construction solidaire et démocratique du monde.
Mais avons-nous jusqu'à présent mis cette question suffisamment au cur de notre activité politique : dans la bataille d'idées, dans les actes politiques, dans les initiatives ? Faire vivre la possibilité d'une autre politique à gauche en France n'implique-t-il pas que nous fassions beaucoup plus pour permettre aux citoyennes, aux citoyens de s'approprier et d'intervenir sur les enjeux européens ?
Prendre l'initiative à gauche.
L'échec de la gauche est complètement lié à son incapacité à répondre aux attentes, c'est à dire en fin de compte à la domination à gauche des forces - pour l'essentiel le parti socialiste - qui font le choix de s'adapter à l'ordre capitaliste plutôt que de transformer la société.
Pour une part importante, notre campagne a buté sur cette question, sur la difficulté à rendre crédible la possibilité d'une construction politique qui, en cas de victoire de la gauche, échapperait aux conséquences de l'hégémonie du parti socialiste, a fortiori à un moment où celui-ci affirmait assez nettement son retour à une tentation centriste. Beaucoup de femmes et d'hommes n'ont-ils pas considéré que si nous n'avions pas pu peser suffisamment en cinq ans, ils ne voyaient pas de raison, dans les rapports de force prévisible, pour que nous y arrivions demain ?
La gauche est ainsi dans une situation bloquée. Notre peuple cherche des solutions. Mais ses efforts se heurtent à la structuration du champ politique, à une sorte de " jeu politique " complètement déconnecté de ses attentes comme des grand problèmes du pays et du monde.
Nos avons beaucoup réfléchi, lors de nos derniers congrès, sur la nécessité de créer de nouveaux rapports entre les citoyennes et les citoyens, les forces politiques de gauche et le " mouvement social ". N'est-il pas de notre responsabilité de réfléchir aujourd'hui à une initiative stratégique de grande portée, une sorte de forum permanent visant le développement d'une dynamique de toutes les forces qui se réclament de la transformation sociale aux plans politique, syndical, associatif et citoyen ?
Rompre radicalement avec les schémas du passé qui réservaient le champ politique aux états majors des partis ; proscrire toute vision hégémonique de qui que ce soit, mettre le débat politique à gauche sous le contrôle permanent de toutes celles et tous ceux qui s'en réclament : n'est-ce pas ainsi que l'on pourrait dépasser la méfiance qui, en séparant forces sociales et forces politiques, en figeant les rapports de forces, crée l'impasse dans laquelle se trouve aujourd'hui la gauche ?
Je ne me cache pas la difficulté de l'entreprise, les résistances ou le scepticisme auxquelles elle se heurterait sans aucun doute aujourd'hui, pour des raisons d'ailleurs très diverses, de la part des organisations concernées. Mais les citoyennes, les citoyens n'aspirent-ils pas à un radical changement de la donne à gauche ? à une construction qui permette de faire vivre dans l'égalité et le respect mutuel le " tous ensemble " qui résonne depuis 1995 dans la société sans trouver d'expression politique ? Notre responsabilité n'est-elle pas alors d'ouvrir cette perspective et d'appeler les citoyennes, les citoyens à s'investir pour la rendre possible ?
Et comme je l'ai déjà proposé, cela peut commencer dès la semaine prochaine avec les rencontres en bas.
Ouvrir en grand le débat
Sur toutes ces questions, je l'ai déjà dit, il est absolument nécessaire que les communistes engagent un grand et profond débat. Il ne s'agit pas de nous replier sur nous-mêmes ; mais, tout en faisant face à nos responsabilités, d'aller au fond des choses, de comprendre les difficultés auxquelles nous nous heurtons et de prendre les initiatives qui en découlent.
Après un événement d'une telle importance, le débat est naturellement déjà engagé. Il doit, dans la période qui vient, nous permettre de prendre les décisions qu'impliquent la campagne du deuxième tour de l'élection présidentielle, puis celle des législatives.
Mais ce débat devra se poursuivre sur toutes les questions posées. Il faut lui donner tout le temps nécessaire, et l'organiser en sorte qu'il aille réellement au fond des choses et associe réellement toutes et tous les communistes. Je propose donc que, dès après les législatives, nous organisions, en assemblées générales de section, en atelier, et sous toutes les formes que les communistes décideront, un grand débat permettant de tirer tous les enseignements des élections de ce printemps 2002 et de prendre les initiatives qu'ils appellent.
Les 31 août et 1er septembre, nous pourrions réunir à Paris l'ensemble des animatrices et animateurs du parti : secrétaires des fédérations et des sections afin de faire un bilan de toutes ces discussions et envisager les initiatives qui en découlent.
Nous allons engager, vous le comprendrez, un énorme effort de souscription, et également une grande campagne de renforcement qu'il va amplifier et prolonger le mouvement important d'adhésions que nous enregistrons depuis dimanche soir.
Permettez-moi de dire que nous n'en somme aujourd'hui qu'au tout début de ce grand débat, et que le pire serait d'anticiper sur ses résultats. Il appartiendra aux communistes, le moment venu, de dire selon quelles modalités elles et ils entendent le poursuivre et le conclure, et quelles initiatives leur paraissent en découler.
Cher-e-s Camarades,
L'ampleur de l'événement autant que notre résultat incitent, je l'ai dit, à la modestie, à l'écoute et à la réflexion. Nous sommes face à une situation d'une grande complexité, aux causes multiples, aux conséquences considérables. Mais au delà des chiffres de dimanche, nous demeurons une force politique importante, avec des dizaines de milliers de militantes et de militants, des milliers d'élu-e-s, un capital d'expériences, d'idées et d'énergies sans équivalent.
Je sais que vous serez, je sais que les femmes et les hommes du collectif communiste seront à la hauteur du défi qui est aujourd'hui lancé au communisme et à la gauche. Ensemble, j'en suis persuadée, nous allons reconstruire l'espoir.
(Source http://www.pcf.fr, le 25 avril 2002)
Notre peuple, la gauche, nous-mêmes, les hommes et femmes du collectif communiste, nous venons de vivre dimanche un événement douloureux et dramatique. L'extrême droite atteint 20% des suffrages et permet au représentant d'un parti haineux, raciste et xénophobe d'être présent au second tour de l'élection présidentielle. La gauche gouvernementale est défaite. Notre score est historiquement faible.
Cette situation constitue un véritable séisme politique. Face au danger de l'extrême droite, l'émotion est immense. Dès la nuit de dimanche, des rassemblements dans de nombreuses villes de France ont permis à des milliers de femmes et d'hommes, à un très grand nombre de jeunes souvent à l'initiative, de manifester leur inquiétude et leur colère, leur volonté de faire barrage à la haine, au racisme et à la xénophobie.
Hier, ces rassemblements se sont poursuivis et amplifiés. Des réseaux de protestation et de résistance s'organisent spontanément, dont les communistes sont naturellement parties prenantes. Notre mouvement jeunes communistes a d'ailleurs pris des initiatives forte. Ce mouvement est considérable. Ce que nous devons dire, ce que nous devons faire doit être à la hauteur de cette mobilisation.
Dans ces circonstances très difficiles, je veux dire d'abord à Robert, aux communistes qui se sont dépensés sans compter depuis des mois, que je partage leur tristesse et leur émotion. Leur courage, leur engagement visibles, tangibles dans cette campagne si difficile compteront énormément pour l'avenir, pour la reconstruction indispensable de l'espoir.
Et je voudrais aussi les assurer que nous ne baisserons pas les bras. Comme Secrétaire nationale, je suis déterminée à ce que nous ouvrions en grand, avec toutes et tous les communistes, le débat sur les causes de cette situation, et du grave échec que nous venons de subir.
Le résultat d'hier nous incite à la modestie, à l'écoute, au respect de toutes les opinions. Il ne peut s'agir aujourd'hui que d'ouvrir de premières pistes. Mais nous allons prendre le temps de ce débat, tout le temps nécessaire, sans esquiver aucune question, sans complaisance avec nous-mêmes, y compris comme direction du parti. Et je voudrais dire, en même temps, avec espoir : je suis convaincue que nous pouvons nous donner les moyens de relever le défi auquel nous sommes confrontés.
Notre parti s'est affaibli depuis vingt ans. Nous affrontons d'importantes difficultés, et il n'est pas dans notre intention de les ignorer ou de les banaliser. Elles sont à la mesure des échecs du siècle passé comme des transformations d'un monde en pleine révolution qui appellent des réponses foncièrement nouvelles.
Mais pas plus aujourd'hui qu'hier les communistes ne se laisseront décourager par les difficultés ! Notre engagement ne tient ni à une mode passagère, ni à la poursuite d'intérêts partisans, mais à notre refus absolu d'un ordre social injuste et violent, à notre volonté acharnée de lutter pour faire reculer toutes les inégalités, toutes les formes de domination et d'exploitation des êtres humains.
Il suffit d'observer les ravages du capitalisme mondialisé en ce début de siècle, les souffrances qu'il engendre, les menaces qu'il fait peser sur l'humanité, sur la civilisation, sur l'environnement, pour se convaincre que ce système doit plus que jamais être combattu. C'est le capitalisme lui-même qui produit l'exigence de son dépassement.
Là est la raison d'être du communisme et le fondement de notre engagement : travailler à construire démocratiquement une société, un monde obéissant à une autre loi que celle du plus fort et du plus riche, à s'affranchir de la tyrannie de l'argent, à sortir enfin de ce que Marx appelait " les eaux glacées du calcul égoïste ".
Nous allons nous retrousser les manches, et apporter dans la vie un démenti à ceux qui, une nouvelle fois, rêvent de nous voir disparaître de la scène politique.
Cher-e-s Camarades,
Dimanche, c'est un véritable séisme qui a secoué notre pays.
Tout d'abord, il y a le niveau record de l'abstention. Plus de 11.000.000 d'électeurs ont décidé de s'abstenir. 6 % de plus qu'en 1995. 1.000.000 de ceux qui se sont déplacés ont décidé de voter blanc ou nul, ce qui constitue aussi un record absolu. Ces chiffres en disent long sur la fracture politique, sur le déficit de l'offre politique.
Jacques Chirac a obtenu 5.574.000 voix et arrive en tête avec 19,71 %. Avec les autres candidats : François Bayrou, Alain Madelin, Christine Boutin, au total la droite parlementaire totalise 8.955.000 voix soit 32,69 %.
Ce chiffre est à rapprocher des 11.614.000 voix et 39,01 % recueillis par les candidats Chirac et Balladur en 1995, soit une perte de 2 660 000 voix et 6,32 %.
Le Pen obtient 4.791.000 soit 16,95 %. En y ajoutant Mégret qui fait 665.000 voix et 2,35 %, l'extrême-droite recueille donc 5.456.000 voix et 19,30%, contre 4.571.000 voix et 15 % il y sept ans, soit un gain de 885.000 voix et de 4,30 %.
Au final, il apparaît que tous ces candidats des partis de la droite et de l'extrême-droite ont recueilli 14.411.000 voix et 53 % des suffrages.
A peine plus d'un tiers des inscrits ont voté pour tous ces candidats réunis, deux tiers ne seront donc pas représentés au deuxième tour.
Il est clair que le résultat politique de l'élection est marqué par la montée des valeurs et des thèmes de la droite et de l'extrême-droite. Mais les chiffres, on le voit, ne marquent pas, en voix, un raz-de-marée à droite. L'absence de la gauche est bien due à sa difficulté à mobiliser son électorat sur sa politique, et à son grand éparpillement.
Lionel Jospin a rassemblé 4 558 000 électeurs soit 16,12% des votants. Soit une baisse 2 540 000 voix.
Noël Mamère obtient 1.484.000 voix, une hausse de 474.000 voix et de 1,93 % par rapport au score de Voynet en 1995.
Christiane Taubira obtient 656.000 voix et 2,32 %.
Nous obtenons 960.757 voix, 3,37 % des suffrages, soit une perte de 1.600.000 voix et de 5,25 %.
Les candidats de la gauche plurielle telle qu'elle est identifiée aujourd'hui obtiennent donc à eux tous 7.658.000 voix, soit 28,94 % des voix contre 10.303.000 suffrages et 35,26 % des voix en 1995.( - 2.645.000 voix et - 6,32 %).
Bien entendu, la réalité de la gauche, le comportement des électeurs de gauche est plus complexe à saisir que cette simple addition, avec les votes sur les candidatures de Chevènement qui obtient 1.509.000 voix et 5,34 % des voix, et de Besancenot 1.206.000 voix et 4,27 %.
Enfin Laguiller obtient 1.625.000 voix et 5,75 % soit une hausse de 10.000 voix et de 0,45 %, un bougé modeste au regard de l'intense couverture médiatique dont elle a bénéficié.
Au-delà de ces chiffres un peu fastidieux, ce qui ressort, c'est le grand éparpillement des suffrages sur les 16 candidats, chiffre record lui aussi.
La femmes et les hommes de gauche ne seront donc pas représentés le 5 mai prochain. Pour autant, le deuxième tour sera déterminant pour les années à venir, pour la vie des hommes et des femmes de notre pays. Nous savons que les mois, les années à venir peuvent être terribles.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire, et cette position a fait l'unanimité de notre présidence et de notre comité exécutif qui ont tenu une réunion commune hier, et je pense qu'elle le fera encore aujourd'hui : nous appellerons à utiliser le bulletin Jacques Chirac pour battre Le Pen, nous ferons tout pour que l'extrême-droite fasse le moins bon score possible.
Disant cela, nous n'avons aucune illusion sur Jacques Chirac. C'est le candidat de la droite, de la régression sociale, le candidat qui voudra s'attaquer à nos salaires, à nos retraites, à la sécurité sociale, aux services publics; Le candidat qui demain nous trouvera sur sa route pour contester ses choix.
Nous sommes lucides et sans illusion sur le personnage, sur son équipe, sur ses choix. Nous savons aussi sa responsabilité dans la montée de Le Pen. Nous savons qu'en maniant les thèmes chers à l'extrême droite, en agitant la peur et l'irrationnel, il a nourri la campagne de Le Pen et de Mégret. Nous savons sa responsabilité et celle de la droite qui pendant cinq ans n'a jamais cessé de s'attaquer aux réformes de progrès. Cette droite qui au nom de sa revanche sociale n'a eu de cesse de diviser les citoyens et les citoyennes.
Mais le système politique français est tel, les règles de l'élection présidentielle si perverses -et nous n'avons jamais manqué de les dénoncer- qu'il n'y pas d'autre choix que de faire élire Jacques Chirac pour éviter que ce ne soit Le Pen.
Le danger est trop grand, nous assumerons donc nos responsabilités. Le Pen se pose déjà en défenseur des petits, des exploités, des sans-défense. Il veut récupérer à sa manière la fracture sociale et les exaspérations. Mon sentiment, c'est qu'il y un risque réel que ça prenne. Oui, il y a danger. Oui, l'extrême droite est un danger majeur. Un danger pour la République, un danger pour la démocratie, un danger extrême pour les femmes et les hommes. Oui, il faut ramener son candidat aussi bas que possible.
Déjà, depuis dimanche, l'émotion et la colère sont descendues dans la rue, beaucoup de jeunes. Faisons en sorte que cette force batte Le Pen le 5 mai prochain. Je crois profondément que la façon dont les communistes, les forces de gauche, le mouvement social, associatif, citoyen vont mener cette campagne du deuxième tour sera importante, très importante pour la suite. Oui, à partir des paroles de révoltes il a possibilité de retisser des discours de progrès, oui, à partir des actes d'aujourd'hui il y a possibilité de tisser des pratiques nouvelles et des rassemblements porteurs d'espérance pour demain.
Mobilisons dans le débat et dans la rue, faisons un grand 1er mai de la solidarité, de la générosité, du progrès, un grand premier mai anti-FN comme l'y appellent de nombreuses organisations.
Quant à nous, dans ce vaste mouvement, faisons valoir nos exigences, libérons nos valeurs, nos idées, nos idéaux, les mots de notre communisme. Faisons valoir notre refus d'un ordre xénophobe et raciste, faisons valoir notre conception ouverte de la France, faisons valoir notre soif de justice sociale, le droit à une retraite décente pour tous, de services publics utiles au quotidien des femmes et des hommes, faisons valoir le droit de vote des étrangers, les droits des femmes, faisons valoir notre volonté de réussir les 35 heures, d'être avec les jeunes pour de nouvelles avancées, mettons en débats nos propositions pour l'Europe.
D'ici le 5 mai, prenons toutes les initiatives à notre portée. Partout, dans chaque commune, dans chaque ville, dans chaque quartier, dans chaque entreprise, permettons à tous ceux et toutes celles que le résultat du premier tour affole, aux forces politiques de progrès, à la "gauche d'en bas", aux militants associatifs, aux citoyens et citoyennes, de se rencontrer, d'échanger de construire ensemble la riposte. Nous pourrions décider de tenir la semaine prochaine une grande journée nationale toute dévouée à ces rencontres.
C'est tout le sens de l'adresse aux françaises et aux français que nous vous proposons d'éditer dans les jours à venir. Un tract dont vous comprendrez bien l'intérêt à ce qu'il soit entre toutes les mains. Un tract qui, je pense, est attendu par les militants communistes, pour tenir des initiatives publiques.
Cette mobilisation comptera pour le 5 mai, elle comptera aussi pour les législatives. Si c'est la France de gauche, la France citoyenne qui bat Le Pen le 5 mai prochain, Chirac risque bien de ne pas connaître d'état de grâce, d'être obligé de faire profil bas. Quelque part, c'est aussi lui qu'on aura battu.
Pour autant, si rien n'est écrit, la situation est avant tout préoccupante, lourde de dangers.
A tous ceux, à toutes celles qui seront privés de candidats le 5 mai, disons-leur qu'il y a un nouveau rendez-vous à ne pas manquer : ce sera le 9 et le16 juin.
Mais ne croyons pas naïvement que les électrices et les électeurs passeront à autre chose, ne croyons pas qu'après la sanction adressée à la gauche ils et elles sauront spontanément se ressaisir.
Ce qui s'est passé dimanche est grave, cela touche au cur même de la société française. C'est une crise profonde, dont la gauche risque de ne pas se remettre avant longtemps. sans doute même avant d'avoir changé définitivement d'époque.
Aussi, allons aux législatives avec beaucoup de lucidité et de détermination. Tout reste à gagner.
Aussi, il va nous falloir regarder au cas par cas, circonscription par circonscription ce qu'il convient de faire. Les électeurs et électrices de gauche viennent de payer très durement l'éparpillement des candidatures. Ils ne sont pas prêts à s'y laisser reprendre. Nous non plus. Pourtant, le scénario peut se reproduire dans de très nombreuses circonscriptions. Nous ne pouvons pas en prendre le risque. Et dans les très nombreux messages reçus depuis hier, beaucoup d'hommes, de femmes, nous appellent à éviter l'écueil en allant partout où c'est nécessaire à une candidature unique.
Sans en faire bien sûr une règle absolue, nous pourrions en adopter le principe partout où le risque existe d'un second tour sans candidat de gauche. Nul ne sait encore les intentions des différents partis de gauche et d'extrême gauche de présenter ou non des candidats. Nous avons déjà commencé à prendre des contacts, les rendez-vous avec eux sont à venir. Cela dépendra de la décision de notre Conseil national.
Bien entendu, avant d'en venir à la seconde partie de mon introduction, je propose que quelque soit l'option retenue -candidature communiste ou non-, nous allions à la campagne des législatives avec les exigences portées par nos électeurs et électrices que j'ai évoquées tout à l'heure.
Tout comme il faut continuer à faire entendre l'exigence de paix au Proche-Orient, avec la journée d'action de dimanche prochain, et avec la grande marche pour la paix prévue le 12 mai.
Au delà des questions immédiates qui nous sont posées dans les jours et les semaines qui viennent, je souhaite soumettre à notre débat, comme à celui de toutes et tous les communistes, de premières pistes de réflexion, - et j'insiste : il s'agit de premières pistes de réflexion - sur la situation que révèle ce premier tour.
Un échec de notre système politique
Plusieurs camarades ont souligné hier, lors de la réunion conjointe de la présidence du Conseil national et du Comité exécutif, l'ampleur et les différents aspects de l'échec que traduisent ces résultats.
C'est indiscutablement un échec et un grave désaveu de notre système politique. En s'abstenant, en se détournant massivement des candidats dont les propositions étaient susceptibles d'être effectivement mises en uvre, les électrices et les électeurs ont clairement manifesté qu'elles, ils ne trouvent pas de réponse politique à leurs attentes.
Des millions de femmes et d'hommes ont ainsi exprimé à quel point elles et ils se sentent mis hors jeu d'un système politique qui les ignore.
Hors jeu parce qu'elles et ils ont le sentiment que leurs problèmes, leurs aspirations, leurs urgences ne sont pas prises en considération.
Hors jeu parce qu'elles et ils ont le sentiment qu'un fossé de plus en plus profond se creuse entre les questions qu'elles et ils se posent face aux bouleversements de la société et du monde et une classe politique qui leur paraît passer à côté.
Hors jeu parce qu'elles et ils ne se sentent pas parties prenantes d'un système institutionnel qui les méprise et les tient à l'écart.
J'ajoute sur ce plan un nouveau et important facteur de crise : en ne permettant le maintien que des deux candidats arrivés en tête, le mécanisme de l'élection présidentielle met de fait hors jeu pour le second tour près des deux tiers des inscrits : cela laissera des traces profondes.
A ce sentiment, toutes ces femmes et ces hommes n'ont-ils, n'ont-elles pas répondu dimanche en choisissant des formes d'expression électorale qui sanctionnent les forces politiques représentatives de ce système ?
Reconnaissons qu'il ne s'agit pas d'un coup de tonnerre dans un ciel serein. Cela fait maintenant plus de vingt ans que les citoyennes et les citoyens expriment leur mécontentement. Par la montée de l'abstention, bien sûr ; mais plus encore en " sortant les sortant " à chaque grande échéance électorale, sans exception.
A chaque fois elles, ils disent : ça ne va pas ! vous ne nous entendez pas ! nous voulons autre chose ! Et à chaque fois, elles, ils ont le sentiment que ça n'a servi à rien. Je crois que le scrutin de dimanche montre à quel point d'exaspération a atteint cette impression de surdité, ce sentiment d'impuissance.
Un échec de la gauche gouvernementale
Cet échec est aussi celui de la gauche gouvernementale. Elle est durement sanctionnée pour n'avoir pas su être à la hauteur de l'espoir qu'elle avait fait naître. Elle l'est sans doute d'autant plus cette fois-ci que c'est la seconde fois en moins de dix ans. Beaucoup avait été investi, après le grand mouvement social de 1995, dans une " gauche plurielle " qui semblait avoir tiré les leçons de son échec majeur de 1993. La déception n'en est cette fois-ci que plus sévère.
Nous avions depuis longtemps dénoncé la surdité politique à l'égard des attentes profondes de notre peuple, de ses frustrations, de ses exigences. Nous avions alerté sur la nécessité de changer de cap pour y répondre. Nous n'avons même cessé de dire durant la campagne que plus de couleurs pour la gauche était une condition indispensable de la victoire. Sans doute étions-nous encore au-dessous de la réalité de la déception et de la colère.
Un échec de notre parti
Enfin, cette élection est un grave échec de notre parti. En tirer tous les enseignements, comprendre les raisons pour lesquelles un nombre beaucoup trop faible de françaises et de français ont considéré qu'ils pouvaient peser efficacement dans le sens de leurs attentes en votant pour le candidat communiste R. Hue est évidemment pour nous une nécessité capitale.
Je ne pense pas, pour ce qui me concerne, qu'il faille incriminer les orientations de notre campagne. On peut toujours faire mieux, évidemment. Mais je pense que l'essentiel de notre démarche était juste : identifier par des propositions concrètes crédibles le contenu possible d'une autre politique à gauche, cohérente, répondant aux attentes réelles ; et faire avancer l'idée que le vote communiste était la façon utile d'exprimer l'exigence de sa mise en uvre, de peser efficacement pour une construction politique à gauche qui la rende possible.
Faudrait-il alors nous focaliser sur notre participation au gouvernement ? Je ne le crois pas non plus. La façon dont nous avons géré cette participation, la plus longue de notre histoire, appelle assurément de notre part beaucoup de réflexions dont il faudra tirer les conséquences. Il ne s'agit pas d'une petite question, et je veillerai à ce que cette analyse critique se fasse avec lucidité et courage, et qu'on en tire effectivement tous les enseignements.
Mais je ne pense pas que cela remette en cause le choix que les communistes ont fait de peser partout où ils, elles le peuvent pour arracher tout ce qui peut l'être.
Non : il me semble que notre résultat tient à une raison beaucoup plus profonde : la difficulté où nous sommes, malgré nos efforts, pour faire vivre une identité communiste moderne tirant les leçons de l'Histoire, pour rendre lisible et crédible un projet communiste adapté à notre temps, pour inventer les formes d'un militantisme dans lequel les femmes et les hommes, les jeunes d'aujourd'hui puissent se retrouver.
Notre place dans la société restera fragile, friable même, tant que ne vivra pas ainsi une perspective politique crédible de transformation profonde de l'ordre existant. Cela n'est évidemment pas pour nous étonner : nous n'avons pas de raison d'être, comme parti communiste, et nous n'avons donc pas " d'espace politique ", en dehors d'une véritable alternative à l'ultra libéralisme aujourd'hui dominant, c'est à dire une perspective de dépassement du capitalisme.
Nous n'avons aucun avenir comme aiguillon ou comme force d'appoint d'un parti socialiste plus ou moins à gauche au fil des circonstances. C'est pourquoi nous nous sommes assignés la tâche, nous nous sommes même lancé le défi d'inventer et faire vivre un projet révolutionnaire dépassant les limites et l'échec de celui qui a façonné les consciences et transformé le monde pendant plus de cent ans.
La dimension historique de notre défi
Les difficultés que nous rencontrons sont à cette dimension. En témoigne le fait qu'aucune force révolutionnaire, nulle part dans le monde, n'a encore réussi à se relever de l'effondrement de la perspective historique ouverte par la Révolution d'Octobre. Antoine Vitez la comparait, peu avant sa mort, à une fusée qui se serait élevée au firmament pour retomber finalement en creusant un immense cratère de ruines. C'est dans les ruines de ce qui fut ainsi pour les peuples du monde entier un espoir immense, sans équivalent dans l'Histoire, que nous nous sommes aujourd'hui dans notre pays, mais bien d'autres partout sur la Terre, en train de chercher et de reconstruire.
L'effort politique considérable que nous avons fourni toutes ces dernières années nous a permis d'ouvrir une voie nouvelle. Les choix que nous avons fait à Martigues, ou lors de notre 31ème congrès me paraissent constituer un socle d'avancées essentielles dans l'élaboration d'une idée neuve du communisme. Et je veux porter témoignage ici du rôle éminent qu'a joué Robert dans ce choix difficile d'une remise en cause profonde de nous-mêmes.
Mais le grave échec de dimanche, après les résultats décevants des européennes et des municipales, doit nous faire prendre la mesure de l'effort que nous avons encore à accomplir. Il nous faudra prendre le temps - j'y reviendrai dans un instant - d'identifier et d'apporter des réponses à toutes les difficultés auxquelles nous nous heurtons. Cela ne peut être le résultat que d'un travail collectif de toutes, tous les communistes, et sans doute avec beaucoup d'autres. Je voudrais simplement concrétiser cette exigence en évoquant quelques questions parmi celles qui me paraissent les plus importantes.
Faire vivre concrètement notre projet dans toutes ses dimensions
Je voudrais d'abord répéter, parce que cela me paraît très important, que les choix que les communistes ont fait ensemble ces dernières années leur permettent de porter dès aujourd'hui dans la société un projet communiste attractif. Ce serait à mon sens une erreur politique particulièrement lourde de conséquences de conclure, face aux difficultés que nous rencontrons, soit qu'il faudrait revenir en arrière, soit que tout serait à recommencer.
En revanche, ne sommes-nous pas encore très loin d'avoir mis en uvre toutes nos décisions, d'avoir fait entrer dans la vie toutes les orientations que nous nous sommes données ? Et pour tout dire, avons-nous dans la pratique été au niveau des exigences pour rendre crédible, utile notre projet communiste ?
Je pense par exemple à certaines questions structurantes de notre projet : l'exigence accrue de services publics transformés et démocratisés, les droits et les pouvoirs des salariés, la sécurité d'emploi et de formation, le développement de la démocratie participative, la reconnaissance de toute sa place à la jeunesse, etc.
Je pense à la nécessité d'être porteurs de grandes exigences de civilisation, d'être sur tous les terrains où se jouent l'autonomie et la dignité des individus : la lutte contre toutes les discriminations, la situation des immigrés, la prostitution, le statut et les droits des handicapés,
Et je pense aussi aux décisions que nous avons prises pour faire de notre parti une grande force politique ouverte, démocratique et efficace. Notre dernier congrès est récent, et il a été suivi immédiatement de cette campagne des présidentielles qui a légitimement absorbé l'essentiel de notre énergie. Mais n'avons-nous pas beaucoup d'efforts à faire pour être ce parti démocratique, travaillant beaucoup plus collectivement, associant le plus grand nombre de communistes à ses élaborations et à ses choix, capable à la fois de débats confrontant réellement la pluralité des opinions, et de prises de positions lisibles, tranchant clairement dans les débats que nous pouvons avoir entre nous ?
Ne devons-nous pas sur tous ces aspects procéder à un bilan critique, lucide et exigeant, de notre capacité à faire entrer dans la vie les décisions que nous avons prises ? Et avancer dorénavant avec beaucoup plus de détermination ?
Aller plus loin dans notre réflexion et nos initiatives
Mais ne faut-il pas aussi constater que nous butons sur quelques questions clés dont dépend pour beaucoup la crédibilité de notre projet politique, et qu'elles appellent par conséquent d'aller plus loin dans notre réflexion et dans nos initiatives ?
Quelle transformation sociale ?
Etre communiste, c'est se prononcer pour une profonde transformation sociale. Mais le moyen d'un telle transformation ne reste-t-il pas aujourd'hui pour la plupart des femmes et des hommes auxquels nous nous adressons une question obscure ? Le " réformisme " paraît n'être que la gestion de l'ordre existant. La " révolution ", dont l'image reste celle que le 19ème siècle nous a léguée, semble impossible et dangereuse. Transformer la société dans un processus démocratique - Jaurès parlait " d'évolution révolutionnaire " - paraît ainsi à beaucoup irréaliste ; cependant que d'autres y voient une résignation au rôle de supplétifs de la social-démocratie.
N'y a-t-il pas là une difficulté centrale qui appelle de notre part beaucoup de travail politique ? La révolution n'est plus pour nous ce grand soir qui annonce des lendemains qui chantent. " Mouvement réel qui abolit l'ordre actuel ", le communisme est pour nous fait de tous les pas en avant, petits ou grands, qui permettent concrètement de changer l'ordre des choses. Mais avons-nous fait assez d'effort au jour le jour, sur chacune de nos propositions, à l'occasion de chaque lutte, pour faire vivre la perspective communiste qui leur donne sens et portée ? Avons-nous fait assez pour montrer comment chacune de nos mobilisations s'inscrit dans les valeurs communistes et leur donne corps, traduit la radicalité de notre ambition civilisatrice ?
Le défi d'un autre monde
Autre exemple : le défi d'un autre monde. Marquée par un capitalisme qui se croit aujourd'hui triomphant, la mondialisation nourrit un sentiment d'impuissance. En même temps, tout le monde voit bien que la réponse à certaines exigences majeures de notre époque implique sur des points cruciaux des réponses qui dépassent le cadre national. Cette conscience est déjà si forte qu'elle suscite une mobilisation citoyenne mondiale absolument inédite qui connaît dans notre pays un développement remarquable. Son mot d'ordre : " un autre monde est possible ".
Avons-nous donné à cette question toute l'importance qui est la sienne dans l'élaboration d'une stratégie moderne efficace de transformation sociale ? Avons-nous été suffisamment présents au cur des nouvelles formes de mobilisation citoyenne ? Avons-nous pris suffisamment d'initiatives pour tenter d'organiser à l'échelle européenne et mondiale les convergences de réflexion et d'action sans lesquelles personne ne peut imaginer aujourd'hui une mise en cause réelle des choix libéraux ou de la suprématie néo-impérialiste des USA ? Au fond, avons-nous consacré assez d'efforts politiques à faire apparaître les moyens crédibles pour secouer la chape de plomb des fameuses " contraintes internationales " ?
Une grande ambition européenne
Chacune, chacun ressent qu'une perspective de transformation sociale dans notre pays n'est pas crédible sans faire bouger un ordre mondial dont il n'est pas possible de s'affranchir unilatéralement ; et que beaucoup de clés, pour cela, se situent au niveau européen. Cela nous a conduit à affirmer la nécessité d'une ambition historique pour l'Europe, à souligner le rôle décisif qui peut être le sien comme force de progrès social, de démocratie, comme force de paix, pour développer des coopérations indispensables avec nos voisins, notamment en Afrique, comme avec d'autres pays, pour peser efficacement dans le sens d'une construction solidaire et démocratique du monde.
Mais avons-nous jusqu'à présent mis cette question suffisamment au cur de notre activité politique : dans la bataille d'idées, dans les actes politiques, dans les initiatives ? Faire vivre la possibilité d'une autre politique à gauche en France n'implique-t-il pas que nous fassions beaucoup plus pour permettre aux citoyennes, aux citoyens de s'approprier et d'intervenir sur les enjeux européens ?
Prendre l'initiative à gauche.
L'échec de la gauche est complètement lié à son incapacité à répondre aux attentes, c'est à dire en fin de compte à la domination à gauche des forces - pour l'essentiel le parti socialiste - qui font le choix de s'adapter à l'ordre capitaliste plutôt que de transformer la société.
Pour une part importante, notre campagne a buté sur cette question, sur la difficulté à rendre crédible la possibilité d'une construction politique qui, en cas de victoire de la gauche, échapperait aux conséquences de l'hégémonie du parti socialiste, a fortiori à un moment où celui-ci affirmait assez nettement son retour à une tentation centriste. Beaucoup de femmes et d'hommes n'ont-ils pas considéré que si nous n'avions pas pu peser suffisamment en cinq ans, ils ne voyaient pas de raison, dans les rapports de force prévisible, pour que nous y arrivions demain ?
La gauche est ainsi dans une situation bloquée. Notre peuple cherche des solutions. Mais ses efforts se heurtent à la structuration du champ politique, à une sorte de " jeu politique " complètement déconnecté de ses attentes comme des grand problèmes du pays et du monde.
Nos avons beaucoup réfléchi, lors de nos derniers congrès, sur la nécessité de créer de nouveaux rapports entre les citoyennes et les citoyens, les forces politiques de gauche et le " mouvement social ". N'est-il pas de notre responsabilité de réfléchir aujourd'hui à une initiative stratégique de grande portée, une sorte de forum permanent visant le développement d'une dynamique de toutes les forces qui se réclament de la transformation sociale aux plans politique, syndical, associatif et citoyen ?
Rompre radicalement avec les schémas du passé qui réservaient le champ politique aux états majors des partis ; proscrire toute vision hégémonique de qui que ce soit, mettre le débat politique à gauche sous le contrôle permanent de toutes celles et tous ceux qui s'en réclament : n'est-ce pas ainsi que l'on pourrait dépasser la méfiance qui, en séparant forces sociales et forces politiques, en figeant les rapports de forces, crée l'impasse dans laquelle se trouve aujourd'hui la gauche ?
Je ne me cache pas la difficulté de l'entreprise, les résistances ou le scepticisme auxquelles elle se heurterait sans aucun doute aujourd'hui, pour des raisons d'ailleurs très diverses, de la part des organisations concernées. Mais les citoyennes, les citoyens n'aspirent-ils pas à un radical changement de la donne à gauche ? à une construction qui permette de faire vivre dans l'égalité et le respect mutuel le " tous ensemble " qui résonne depuis 1995 dans la société sans trouver d'expression politique ? Notre responsabilité n'est-elle pas alors d'ouvrir cette perspective et d'appeler les citoyennes, les citoyens à s'investir pour la rendre possible ?
Et comme je l'ai déjà proposé, cela peut commencer dès la semaine prochaine avec les rencontres en bas.
Ouvrir en grand le débat
Sur toutes ces questions, je l'ai déjà dit, il est absolument nécessaire que les communistes engagent un grand et profond débat. Il ne s'agit pas de nous replier sur nous-mêmes ; mais, tout en faisant face à nos responsabilités, d'aller au fond des choses, de comprendre les difficultés auxquelles nous nous heurtons et de prendre les initiatives qui en découlent.
Après un événement d'une telle importance, le débat est naturellement déjà engagé. Il doit, dans la période qui vient, nous permettre de prendre les décisions qu'impliquent la campagne du deuxième tour de l'élection présidentielle, puis celle des législatives.
Mais ce débat devra se poursuivre sur toutes les questions posées. Il faut lui donner tout le temps nécessaire, et l'organiser en sorte qu'il aille réellement au fond des choses et associe réellement toutes et tous les communistes. Je propose donc que, dès après les législatives, nous organisions, en assemblées générales de section, en atelier, et sous toutes les formes que les communistes décideront, un grand débat permettant de tirer tous les enseignements des élections de ce printemps 2002 et de prendre les initiatives qu'ils appellent.
Les 31 août et 1er septembre, nous pourrions réunir à Paris l'ensemble des animatrices et animateurs du parti : secrétaires des fédérations et des sections afin de faire un bilan de toutes ces discussions et envisager les initiatives qui en découlent.
Nous allons engager, vous le comprendrez, un énorme effort de souscription, et également une grande campagne de renforcement qu'il va amplifier et prolonger le mouvement important d'adhésions que nous enregistrons depuis dimanche soir.
Permettez-moi de dire que nous n'en somme aujourd'hui qu'au tout début de ce grand débat, et que le pire serait d'anticiper sur ses résultats. Il appartiendra aux communistes, le moment venu, de dire selon quelles modalités elles et ils entendent le poursuivre et le conclure, et quelles initiatives leur paraissent en découler.
Cher-e-s Camarades,
L'ampleur de l'événement autant que notre résultat incitent, je l'ai dit, à la modestie, à l'écoute et à la réflexion. Nous sommes face à une situation d'une grande complexité, aux causes multiples, aux conséquences considérables. Mais au delà des chiffres de dimanche, nous demeurons une force politique importante, avec des dizaines de milliers de militantes et de militants, des milliers d'élu-e-s, un capital d'expériences, d'idées et d'énergies sans équivalent.
Je sais que vous serez, je sais que les femmes et les hommes du collectif communiste seront à la hauteur du défi qui est aujourd'hui lancé au communisme et à la gauche. Ensemble, j'en suis persuadée, nous allons reconstruire l'espoir.
(Source http://www.pcf.fr, le 25 avril 2002)