Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je me réjouis de vous rejoindre pour conclure avec vous deux journées intenses de travail au service de la qualité architecturale en Europe, journées que Michel DUFFOUR, Secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, a ouvertes.
Il s'agit surtout, dans la continuité de l'action engagée depuis la présidence finlandaise, de marquer une étape riche de perspectives, pour une Europe qui au-delà de l'édifice économique et politique soit une Europe de la Culture. Cette vision doit notamment prendre en compte les dimensions sociales de cette culture, dès lors qu'il s'agit pour l'architecture d'abriter la vie humaine et ses activités comme le disaient Diderot et d'Alembert, ces encyclopédistes, libérateurs de la pensée au siècle des lumières qui proposaient déjà de la ville une lecture multiple.
C'est grâce à cette vision commune, dans la durée et dans la continuité que s'opère de façon tout à fait positive l'articulation entre les récentes présidences de l'Union de la Finlande et du Portugal, avec l'actuelle présidence de la France et celle de la Suède qui suivra.
Les Ministres de la culture défendent en effet une même cause et assument une même responsabilité, et je crois pouvoir dire que cela a été confirmé à l'occasion de récents entretiens avec mes homologues européens. Nous partageons le même objectif, celui d'une politique culturelle communautaire, répondant aux aspirations et aux droits des citoyens, et visant à donner à la culture une place majeure au sein du processus de construction d'une Europe sociale et démocratique.
L'Architecture et la Ville sont au cur des questions de citoyenneté et d'identité européennes. Cette affirmation exprime l'idée d'un combat commun à mener dans nos villes européennes pour une démocratie urbaine et le droit fondamental du citoyen européen à un environnement durable de qualité. Au premier plan, la lutte contre les inégalités, contre la relégation, l'exclusion, et contre toute forme de discrimination est notre exigence première. L'architecture et la ville relèvent tout à la fois du bien commun et de l'expression des diversités, face à la globalisation et la standardisation. Confrontés à la transformation de plus en plus rapide de nos cadres de vie dans des logiques de mutations économiques accélérées , nos sociétés et leurs responsables doivent encore mieux affirmer la dimension culturelle de l'architecture et faire prévaloir le débat qualitatif, associant décideurs, professionnels, utilisateurs et citoyens.
C'était déjà le sens des conclusions des rencontres européennes de septembre 1999 qui soulignaient - je cite - que " dans le contexte de la démocratie urbaine, tout membre de nos sociétés pluriculturelles et différenciées doit pouvoir se reconnaître dans l'environnement bâti et par conséquent prendre part aux décisions concernant la qualité de l'espace urbain et de l'aménagement du territoire ".
Les recommandations formulées à cette occasion, affirmaient l'intérêt public de l'architecture et avaient souligné la nécessité :
- de développer la place de la culture architecturale dans le débat public, dans l'enseignement primaire secondaire et la recherche, dans la formation des constructeurs et des maîtres d'ouvrage ;
- d'introduire les critères de qualité dans les grands programmes d'investissement public et d'aménagement de l'espace ;
- de renforcer les liens pluridisciplinaires entre les architectes et les autres professions impliquées dans la conception et l'aménagement des villes et des paysages.
C'est dans ce sens que doivent se mettre en place des réseaux européens et s'engager des actions concrètes, étape décisive de ce projet communautaire.
Ces recommandations - et c'est un point de départ qu'il convient de rappeler comme fondement de nos positions culturelles - considéraient les services d'architecture comme des services intellectuels liés à la création, qui, en tant que tels, ne peuvent pas être évalués selon les seuls critères commerciaux. Elles préconisaient la qualité et la compétence architecturales, favorisées par la mobilité des architectes sur les marchés européens et mondiaux. En accord avec le principe de subsidiarité, elles encourageaient le recours aux services architecturaux tenant compte de leur caractère culturel et intellectuel, et de cette spécificité dans le cadre des négociations commerciales internationales.
En bref, l'architecture et ses professionnels doivent mieux participer à la construction d'ensembles urbains, harmonieux, où chacun doit pouvoir trouver ses lieux et sa place, tout en participant aux projets collectifs d'émancipation culturelle et sociale.
Dans une lecture moderne, les concepts de démocratie urbaine, cohésion sociale, formation, recherche et culture architecturales, patrimoine et création et reconnaissance culturelle des prestations d'architecture sont la clé de voûte de nos actions.
La France est profondément attachée à l'idée que l'architecture et l'édification de la ville sont des faits de civilisation et de culture, et méritent, à ce titre, une attention soutenue, à l'histoire, au patrimoine et aux sensibilités de chaque région et de chaque pays. Dans ce contexte, il faut défendre la diversité de la création architecturale contemporaine et favoriser et soutenir les missions des architectes.
Dans ses diverses fonctions - politique, commerciale, industrielle ou culturelle - ou dans ses diverses échelles, la ville recèle toutes les coexistences, elle est lieu de mémoire et de projet. De la qualité architecturale, liée autant à celle de la réhabilitation qu'à celle de la création, naissent des espaces publics, c'est-à-dire des lieux partagés et des liens sociaux. La communauté citoyenne s'inscrit dans cette communauté urbaine et architecturale. Il est temps, après un demi-siècle de reconstruction et de croissance, de relever le défi de la qualité de l'environnement bâti. La conception même de développement durable passe par l'affirmation répétée que l'architecture, au-delà de l'homogénéisation des marchés, est une prestation intellectuelle, artistique et culturelle.
C'est là que résident, dans ce champ, nos valeurs collectives. Il est donc nécessaire que l'Union Européenne reprenne fortement cette volonté commune. L'Europe doit mieux intégrer structurellement dans ses choix et dans ses fonctionnements ces enjeux culturels et politiques que sont la qualité architecturale et urbaine.
Ce Forum représente un nouvel élan de coopération dans ce sens, et je me félicite qu'il ait permis de comparer nos politiques nationales architecturales. Au-delà de la diversité des processus retenus pour leur mise en uvre, un consensus s'est dégagé autour de quelques points forts. J'en retiens pour ma part les suivants :
- la qualité architecturale ne se décrète pas au travers de normes : elle doit résulter d'un processus de commande et de création, et doit prendre en compte, au-delà de la seule dimension économique, des critères environnementaux, sociaux et culturels ;
- il faut développer les réseaux européens de diffusion et l'éducation architecturale à destination de tous les publics : scolaire, professionnel et maîtres d'ouvrage ;
- nous devons réfléchir aux mécanismes d'une commande transparente et ouverte à la jeune création ;
- enfin, un consensus fort s'est développé autour de la nécessaire participation des habitants au développement de la qualité architecturale, leur permettant de s'approprier leur ville.
C'est dans cet esprit que nous défendrons, au sein de l'Union Européenne, les orientations relatives à la valorisation du patrimoine et à la création, au développement de programmes de formation et de recherche, d'échanges de savoir-faire et de publications.
Durant sa présidence, la France assurera un suivi attentif des actions aujourd'hui proposées, de la même façon qu'elle a oeuvré avec ses partenaires communautaires pour la coopération sur les questions du cadre de vie des citoyens de l'Europe.
Les acquis du Forum et les actions entreprises seront, j'en suis sûre, poursuivis par la Suède, qui prendra la Présidence de l'Union européenne début 2001, année qu'elle avait justement choisi de dédier à l'architecture.
Pour conclure, je voudrais insister sur trois points qui me paraissent déterminants :
- premièrement, les professionnels, aussi bien maîtres d'ouvrage qu'architectes, doivent oeuvrer ensemble pour la qualité de la conception architecturale, de l'environnement, et de l'aménagement du territoire ;
- deuxièmement, les politiques communautaires doivent reprendre à leur compte ces mêmes objectifs ;
- troisièmement enfin, au-delà des politiques à mettre en uvre, nous devons nous donner les moyens de développer la culture architecturale et de sensibiliser nos opinions publiques - c'est-à-dire le plus grand nombre - à la création contemporaine. Il est essentiel que cette culture, du patrimoine à la création, soit partagée par tous. C'est en effet l'adhésion du plus grand nombre et son exigence de qualité qui nous permettront de donner un sens à nos efforts et de créer les conditions d'une démocratie urbaine et culturelle.
Je vous remercie.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 12 juillet 2000)
Je me réjouis de vous rejoindre pour conclure avec vous deux journées intenses de travail au service de la qualité architecturale en Europe, journées que Michel DUFFOUR, Secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, a ouvertes.
Il s'agit surtout, dans la continuité de l'action engagée depuis la présidence finlandaise, de marquer une étape riche de perspectives, pour une Europe qui au-delà de l'édifice économique et politique soit une Europe de la Culture. Cette vision doit notamment prendre en compte les dimensions sociales de cette culture, dès lors qu'il s'agit pour l'architecture d'abriter la vie humaine et ses activités comme le disaient Diderot et d'Alembert, ces encyclopédistes, libérateurs de la pensée au siècle des lumières qui proposaient déjà de la ville une lecture multiple.
C'est grâce à cette vision commune, dans la durée et dans la continuité que s'opère de façon tout à fait positive l'articulation entre les récentes présidences de l'Union de la Finlande et du Portugal, avec l'actuelle présidence de la France et celle de la Suède qui suivra.
Les Ministres de la culture défendent en effet une même cause et assument une même responsabilité, et je crois pouvoir dire que cela a été confirmé à l'occasion de récents entretiens avec mes homologues européens. Nous partageons le même objectif, celui d'une politique culturelle communautaire, répondant aux aspirations et aux droits des citoyens, et visant à donner à la culture une place majeure au sein du processus de construction d'une Europe sociale et démocratique.
L'Architecture et la Ville sont au cur des questions de citoyenneté et d'identité européennes. Cette affirmation exprime l'idée d'un combat commun à mener dans nos villes européennes pour une démocratie urbaine et le droit fondamental du citoyen européen à un environnement durable de qualité. Au premier plan, la lutte contre les inégalités, contre la relégation, l'exclusion, et contre toute forme de discrimination est notre exigence première. L'architecture et la ville relèvent tout à la fois du bien commun et de l'expression des diversités, face à la globalisation et la standardisation. Confrontés à la transformation de plus en plus rapide de nos cadres de vie dans des logiques de mutations économiques accélérées , nos sociétés et leurs responsables doivent encore mieux affirmer la dimension culturelle de l'architecture et faire prévaloir le débat qualitatif, associant décideurs, professionnels, utilisateurs et citoyens.
C'était déjà le sens des conclusions des rencontres européennes de septembre 1999 qui soulignaient - je cite - que " dans le contexte de la démocratie urbaine, tout membre de nos sociétés pluriculturelles et différenciées doit pouvoir se reconnaître dans l'environnement bâti et par conséquent prendre part aux décisions concernant la qualité de l'espace urbain et de l'aménagement du territoire ".
Les recommandations formulées à cette occasion, affirmaient l'intérêt public de l'architecture et avaient souligné la nécessité :
- de développer la place de la culture architecturale dans le débat public, dans l'enseignement primaire secondaire et la recherche, dans la formation des constructeurs et des maîtres d'ouvrage ;
- d'introduire les critères de qualité dans les grands programmes d'investissement public et d'aménagement de l'espace ;
- de renforcer les liens pluridisciplinaires entre les architectes et les autres professions impliquées dans la conception et l'aménagement des villes et des paysages.
C'est dans ce sens que doivent se mettre en place des réseaux européens et s'engager des actions concrètes, étape décisive de ce projet communautaire.
Ces recommandations - et c'est un point de départ qu'il convient de rappeler comme fondement de nos positions culturelles - considéraient les services d'architecture comme des services intellectuels liés à la création, qui, en tant que tels, ne peuvent pas être évalués selon les seuls critères commerciaux. Elles préconisaient la qualité et la compétence architecturales, favorisées par la mobilité des architectes sur les marchés européens et mondiaux. En accord avec le principe de subsidiarité, elles encourageaient le recours aux services architecturaux tenant compte de leur caractère culturel et intellectuel, et de cette spécificité dans le cadre des négociations commerciales internationales.
En bref, l'architecture et ses professionnels doivent mieux participer à la construction d'ensembles urbains, harmonieux, où chacun doit pouvoir trouver ses lieux et sa place, tout en participant aux projets collectifs d'émancipation culturelle et sociale.
Dans une lecture moderne, les concepts de démocratie urbaine, cohésion sociale, formation, recherche et culture architecturales, patrimoine et création et reconnaissance culturelle des prestations d'architecture sont la clé de voûte de nos actions.
La France est profondément attachée à l'idée que l'architecture et l'édification de la ville sont des faits de civilisation et de culture, et méritent, à ce titre, une attention soutenue, à l'histoire, au patrimoine et aux sensibilités de chaque région et de chaque pays. Dans ce contexte, il faut défendre la diversité de la création architecturale contemporaine et favoriser et soutenir les missions des architectes.
Dans ses diverses fonctions - politique, commerciale, industrielle ou culturelle - ou dans ses diverses échelles, la ville recèle toutes les coexistences, elle est lieu de mémoire et de projet. De la qualité architecturale, liée autant à celle de la réhabilitation qu'à celle de la création, naissent des espaces publics, c'est-à-dire des lieux partagés et des liens sociaux. La communauté citoyenne s'inscrit dans cette communauté urbaine et architecturale. Il est temps, après un demi-siècle de reconstruction et de croissance, de relever le défi de la qualité de l'environnement bâti. La conception même de développement durable passe par l'affirmation répétée que l'architecture, au-delà de l'homogénéisation des marchés, est une prestation intellectuelle, artistique et culturelle.
C'est là que résident, dans ce champ, nos valeurs collectives. Il est donc nécessaire que l'Union Européenne reprenne fortement cette volonté commune. L'Europe doit mieux intégrer structurellement dans ses choix et dans ses fonctionnements ces enjeux culturels et politiques que sont la qualité architecturale et urbaine.
Ce Forum représente un nouvel élan de coopération dans ce sens, et je me félicite qu'il ait permis de comparer nos politiques nationales architecturales. Au-delà de la diversité des processus retenus pour leur mise en uvre, un consensus s'est dégagé autour de quelques points forts. J'en retiens pour ma part les suivants :
- la qualité architecturale ne se décrète pas au travers de normes : elle doit résulter d'un processus de commande et de création, et doit prendre en compte, au-delà de la seule dimension économique, des critères environnementaux, sociaux et culturels ;
- il faut développer les réseaux européens de diffusion et l'éducation architecturale à destination de tous les publics : scolaire, professionnel et maîtres d'ouvrage ;
- nous devons réfléchir aux mécanismes d'une commande transparente et ouverte à la jeune création ;
- enfin, un consensus fort s'est développé autour de la nécessaire participation des habitants au développement de la qualité architecturale, leur permettant de s'approprier leur ville.
C'est dans cet esprit que nous défendrons, au sein de l'Union Européenne, les orientations relatives à la valorisation du patrimoine et à la création, au développement de programmes de formation et de recherche, d'échanges de savoir-faire et de publications.
Durant sa présidence, la France assurera un suivi attentif des actions aujourd'hui proposées, de la même façon qu'elle a oeuvré avec ses partenaires communautaires pour la coopération sur les questions du cadre de vie des citoyens de l'Europe.
Les acquis du Forum et les actions entreprises seront, j'en suis sûre, poursuivis par la Suède, qui prendra la Présidence de l'Union européenne début 2001, année qu'elle avait justement choisi de dédier à l'architecture.
Pour conclure, je voudrais insister sur trois points qui me paraissent déterminants :
- premièrement, les professionnels, aussi bien maîtres d'ouvrage qu'architectes, doivent oeuvrer ensemble pour la qualité de la conception architecturale, de l'environnement, et de l'aménagement du territoire ;
- deuxièmement, les politiques communautaires doivent reprendre à leur compte ces mêmes objectifs ;
- troisièmement enfin, au-delà des politiques à mettre en uvre, nous devons nous donner les moyens de développer la culture architecturale et de sensibiliser nos opinions publiques - c'est-à-dire le plus grand nombre - à la création contemporaine. Il est essentiel que cette culture, du patrimoine à la création, soit partagée par tous. C'est en effet l'adhésion du plus grand nombre et son exigence de qualité qui nous permettront de donner un sens à nos efforts et de créer les conditions d'une démocratie urbaine et culturelle.
Je vous remercie.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 12 juillet 2000)