Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invité, ce matin, n'est pas énarque mais agrégé de lettres. Il a été ministre une fois pendant 1500 jours, ministre de l'Education nationale. Dernier sondage : 4 % mais il se bat. FRANÇOIS BAYROU, bonjour.
FRANÇOIS BAYROU
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On a l'impression que vous êtes plus mordant, plus accrocheur et plus battant ces derniers jours ?
FRANÇOIS BAYROU
Voilà, c'est peut-être l'entrée en campagne, le fait que tout le monde soit là qui donne plus envie de, voilà, de secouer un certain nombre d'évidences pour que les choses changent vraiment, c'est-à-dire pour que cette attente des Français qui pour l'instant, ne trouve pas à s'exprimer puisse enfin imposer le changement de la politique que les Français veulent, l'espèce de désintérêt profond pour ce qui se passe, le fait que la plupart de ceux qui nous écoutent sont agacés de ne pas arriver à voir de différence sur le fond entre les uns et les autres, de se demander en quoi ils vont pouvoir changer en dehors des promesses qu'ils multiplient, eh bien tout ça, ça me donne un sens du devoir, enfin un sentiment du devoir et puis l'envie de me battre, en effet.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les 500 signatures, pas de problème pour vous ?
FRANÇOIS BAYROU
Pas de problème.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous les avez ? C'est déposé ?
FRANÇOIS BAYROU
De toute façon, j'étais loin au-dessus de la barre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. L'actualité. L'Algérie, 40 ans après. Faut-il prendre une nouvelle initiative pour encore améliorer, pour dépassionner un peu plus vite le débat ?
FRANÇOIS BAYROU
Beaucoup de Français qui ont été victimes des événements qui ont trouvé leur conclusion il y a 40 ans aujourd'hui, beaucoup de ceux-là sont intégrés parfaitement. Il y en a d'autres en revanche, qui ont été hélas laissés sur le bord de l'histoire
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les harkis.
FRANÇOIS BAYROU
Et je pense, en particulier, aux harkis. Ce qu'on leur a fait et puis, ensuite, ce qu'on ne leur a pas fait, le sentiment qu'on ne reconnaît même pas le martyr qui a été le leur, c'est-à-dire le fait que la France a abandonné des dizaines de milliers d'entre eux malheureusement à la mort en sachant que c'était inéluctable. Ils ont raison de dire qu'on a un devoir de reconnaissance à l'égard de ce drame et à leur égard. Et donc il me semble que, aujourd'hui, c'est à eux qu'on devrait donner une pensée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et même chose pour les pieds-noirs ?
FRANÇOIS BAYROU
Les pieds-noirs, beaucoup se sont intégrés, mais ça reste un drame et une déchirure épouvantable et on voit bien que vouloir l'aviver en cherchant à faire du 19 mars le jour de Commémoration, c'est une manière de raviver les blessures entre les uns et les autres.
JEAN-JACQUES BOURDIN
FRANÇOIS BAYROU, ici nous avons une tradition, nous regardons concrètement les programmes de chaque candidat. Nous allons revenir sur le vôtre. Hier, JOSPIN, Lionel JOSPIN a présenté son programme. Nous allons établir une comparaison entre celui de Lionel JOSPIN et le vôtre. Simplement, la Corse, vous êtes en Corse vendredi, je crois
FRANÇOIS BAYROU
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Pierre CHEVENEMENT et Alain MADELIN sont en Corse aujourd'hui. On commence à reparler de la Corse dans la campagne parce que tout le monde avait oublié la Corse dans cette campagne. On n'en parlait plus. Alors, où
FRANÇOIS BAYROU
Voilà, moi, je demande que, à l'issue de ce travail qui est fait et qu'il faut reprendre puisqu'il est dans l'impasse aujourd'hui en raison des décisions que vous savez et il est dans l'impasse, à mon avis, pas par hasard, mais parce que le gouvernement savait très bien en promettant que, au bout du chemin, il aurait un veto du Conseil constitutionnel et donc ses promesses étaient des promesses pour endormir ou pour faire semblant, ce qui est, à mon avis, absolument détestable. Mais ma différence à moi, c'est que je dis que, au bout de ce chemin-là, quand on l'aura repris, quand on aura édifié, eh bien il faut que les Corses eux-mêmes puissent s'exprimer par référendum.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Même en sachant que les autonomistes se battent pour l'indépendance et qu'ils veulent l'indépendance et que
FRANÇOIS BAYROU
On aura un projet, on aura un statut, on aura des droits nouveaux ou des dispositions nouvelles. Il faut qu'on sorte de ces interrogations qui n'en finissent pas et encore plus de la violence qui n'en finit pas, qui trouve
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et qui dure.
FRANÇOIS BAYROU
Et qui dure. Eh bien, il faut que les Corses eux-mêmes, les citoyens qui habitent en Corse puissent dire " Ce projet nous convient " ou " Ce projet n'est pas le nôtre " parce qu'autrement, naturellement les élus sont légitimes, mais ils s'expriment au nom de, et personne ne sait ce que les Corses eux-mêmes en pensent. Et donc ma différence, et je suis le seul à proposer cela, ma différence, c'est que les Corses puissent eux-mêmes dire " Voilà l'avenir que nous choisissons ".
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et, pendant ce temps-là, l'assassin présumé du préfet ERIGNAC court toujours.
FRANÇOIS BAYROU
Il court toujours et c'est, me semble-t-il, une blessure, en tout cas une lumière noire, au-dessus de la tête du gouvernement et du bilan qui est le sien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un mot sur le programme JOSPIN hier et puis, nous parlerons du vôtre, FRANÇOIS BAYROU. Zéro SDF en 2007, ça vous paraît raisonnable, ça vous paraît acceptable ? Acceptable, oui. Ca vous paraît raisonnable ?
FRANÇOIS BAYROU
Zéro, je ne sais pas, en tout cas, dans mon programme à moi, il y a cette idée que tout le monde peut trouver un toit en France. Je le sais parce que, dans les Pyrénées-Atlantiques que j'ai présidées pendant dix ans, nous avons mis en place un programme qui offre à un très grand nombre de personnes en situation difficile un logement, donc une dignité, et un logement qu'ils paient et ça se passe extrêmement bien. Je sais qu'il y a, en France, un très grand nombre de logements disponibles, un très grand nombre de logements réhabilitables et nous devons, naturellement, ne plus accepter qu'il y ait en France - combien ? - 100.000 ou 200.000 personnes qui n'ont même pas un toit sur la tête. Alors zéro SDF, ça a un côté publicitaire avec lequel, enfin sur lequel j'émets quelques doutes. Mais une politique sérieuse, et décentralisée, c'est ma différence avec monsieur JOSPIN, croire que c'est l'Etat qui le fera, c'est naturellement se tromper parce que l'Etat ne l'a pas fait et ne le fera pas. Les seuls qui puissent le faire, ce sont les collectivités locales françaises si on les aide sérieusement et si on leur donne le pouvoir de trouver dans telle rue, tel quartier, tel logement inhabité qu'on réhabilite et à qui on donne les moyens, la garantie pour celui qu'on y mettra et tous les loyers se trouvent payés. En tout cas, dans les Pyrénées-Atlantiques, nous n'avons aucun impayé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourriez-vous, pourriez-vous soutenir Lionel JOSPIN au second tour ou après ?
FRANÇOIS BAYROU
Monsieur, non, parce qu'il est socialiste et que je ne le suis pas.
(...)
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec nous, FRANÇOIS BAYROU, notre invité ce matin et votre invité. Vous pouvez l'interroger, vous le savez, 0825 151 151. Alors, regardons votre programme, FRANÇOIS BAYROU. Les retraites
FRANÇOIS BAYROU
Avant de regarder le mien, vous me permettez une observation
JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y, allez-y.
FRANÇOIS BAYROU
Il n'y a pas un mot sur les retraites dans le programme de monsieur JOSPIN
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il dit que des décisions seront prises avant 2003, avant juin 2003.
FRANÇOIS BAYROU
Voilà. Il est au pouvoir depuis cinq ans. Il nous annonce que, pendant trois ans encore, on va réfléchir, ou deux ans encore, réfléchir et prendre des décisions. Pas un mot clair sur l'avenir des retraites françaises. En revanche, à Barcelone, au sommet de Barcelone, sans qu'aucun Français n'en sache rien, Jacques CHIRAC et Lionel JOSPIN ont signé une décision très importante, je ne dis pas qu'elle est mauvaise ou bonne sur le fond, c'est qu'on va prolonger de cinq années la durée des cotisations puisqu'ils ont signé une décision qui dit " D'ici à 2010, il faut que l'âge moyen de retraite passe de 58 à 63 ans ". On n'en a pas dit un mot aux Français. Est-ce que vous trouvez cette manière de gouverner de la part du président sortant et du Premier ministre sortant digne de la France ? Eh bien, moi, non. Et c'est peut-être là, sur le fond, qu'il faut qu'on réfléchisse et qu'on se dise " Enfin, on ne va tout de même pas continuer comme ça ". Les sujets les plus importants ne sont pas mis sur la table. En revanche, ce qui est présenté publicitairement, c'est l'arbre aux promesses, à chacun sa promesse. Il n'y a pas une branche de l'arbre qui ne reçoive pas une promesse. Eh bien je suis persuadé que ce n'est pas ce que les Français voudraient. Ils voudraient que les hommes publics, les responsables
JEAN-JACQUES BOURDIN
S'engagent.
FRANÇOIS BAYROU
Non, courageusement, prennent les problèmes à bras le corps et disent " Voilà, nous avons un énorme problème de sécurité ". J'écoutai votre journal il y a dix minutes, enfin c'est frappant que, partout, à Strasbourg
JEAN-JACQUES BOURDIN
A Belfort.
FRANÇOIS BAYROU
A Belfort, à Evreux, hélas, on ait ce genre de drame, de crise, enfin quelque chose qui rend la vie impossible. Ils voudraient que les hommes politiques s'engagent, leur disent clairement quel but ils veulent atteindre, et je le dirais si vous le voulez, quel but ils veulent atteindre, le calendrier qu'ils se fixent. Autrement dit que le pouvoir change parce que ce qu'il y a de plus clair au travers de ce brouillard dans lequel on vit et des promesses qui sont faites, c'est que, en réalité, le pouvoir ne changera pas, que ce soit l'une ou l'autre de ces deux équipes sortantes qui ont le pouvoir depuis vingt ans, avec les mêmes responsables qui
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous y avez participé, FRANÇOIS BAYROU
FRANÇOIS BAYROU
Oui, j'ai été ministre dans un gouvernement et c'est précisément la raison pour laquelle je me présente aujourd'hui, c'est parce que je veux changer cela. J'ai vu toutes les limites de cette manière de gouverner la France. Eh bien, j'ai envie d'un rapport nouveau au pouvoir, j'ai envie qu'on parle aux Français différemment, j'ai envie d'une langue, d'un élan différent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors sur les retraites, FRANÇOIS BAYROU, imaginons, vous êtes président de la République. Que décidez-vous sur les retraites, ce dossier dont tout le monde parle mais aucune décision n'est prise ? Des rapports se succèdent, mais rien n'est fait.
FRANÇOIS BAYROU
Ma démarche ne sera pas la même que celle des autres et je vais vous dire clairement dans quelle direction il faut nécessairement aller. Un, assouplissement de l'âge du départ à la retraite et incitation pour ceux qui voudraient continuer à travailler pour alléger la charge qui pèse sur la Nation. Deux, il faut un fonds de garantie des retraites qu'on constitue patiemment avec les moyens de la France disponibles pour que, dans vingt ans, on ait un fonds national qui garantisse les retraites. Trois, il faut régler cette affaire des fonds de pension. Oui ou non, attendez, c'est à hurler de rire. Tous les matins, j'écoute la radio. Alors, je ne sais pas si, chez vous, cette publicité existe mais, ce matin, sous ma douche, j'écoutais la radio et j'ai entendu " Fonctionnaires, si vous voulez améliorer votre retraite, tournez-vous vers la PREFON et puis, on donnait le numéro de téléphone de la PREFON. La PREFON, c'est un fonds de pension. Seulement, il est réservé aux fonctionnaires. Eh bien pour moi, ce qui est donné aux fonctionnaires doit être offert aussi aux autres. Je suis pour l'égalité de traitement entre les Français. Et donc, le problème des fonds de pension, il est simplissime, je suis pour qu'on donne à tous les Français le privilège qui est aujourd'hui réservé aux fonctionnaires. C'est simple comme bonjour. Quatre, dans ce sens-là, il faut que, sur les années qui viennent, les règles qui régissent les retraites du privé soient les mêmes que celles qui régissent les règles de la retraite de la Fonction Publique. On ne peut pas avoir deux, enfin on ne peut pas avoir en équité deux catégories de Français qui ont des règles différentes pour partir à la retraite, et ceci je suis persuadé que même les fonctionnaires qui nous écoutent le savent au fond d'eux-mêmes. Je suis un fonctionnaire. Moi, je ne crois pas que les fonctionnaires soient uniquement des corporatistes et des défenseurs des acquis. Il faut aller vers l'égalité de traitement entre les uns et les autres et avoir le courage de le dire. Et enfin
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et enfin.
FRANÇOIS BAYROU
Pour que ceci soit, une fois pour toutes, confirmé et accepté, je mettrais au référendum la réforme des retraites pour que ceux qui nous écoutent aient chacun leur mot à dire parce que ça concerne chacun d'entre nous. J'enverrais aux Français individuellement un état de leur situation si on ne fait rien pour la retraite. Ceux qui touchent, aujourd'hui, une retraite de 7000 francs, je leur dirais " Si vous ne faites rien, en 2020, c'est à 5000 francs que tombera votre retraite. Le voulez-vous ou pas ?. Je suis persuadé que tous, placés devant le caractère inéluctable de la situation, choisiront d'agir courageusement. Le mot d'ordre, c'est "Courage".
JEAN-JACQUES BOURDIN
FRANÇOIS BAYROU avec nous, ce matin, qui va répondre à toutes vos questions entre 9 heures 05 et 9 heures et quart. Il est 8 heures 56. Vous appelez, vous êtes déjà nombreux à appeler. A tout de suite ()
JEAN-JACQUES BOURDIN
FRANÇOIS BAYROU, prenons les auditeurs en ligne et commençons avec PIERRE. Bonjour, PIERRE.
PIERRE
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
FRANÇOIS BAYROU est avec vous. Je vous laisse.
PIERRE
Monsieur BAYROU, bonjour. Pensez-vous que
FRANÇOIS BAYROU
Excusez-moi, je ne vous entends pas.
PIERRE
Ah ! pardon, alors, je parle plus fort. Pensez-vous qu'une réforme du Parlement est nécessaire sachant que nous avons 320 sénateurs, 577 députés et qu'un certain nombre sont âgés de plus de 90 ans ?
FRANÇOIS BAYROU
Oui, monsieur, une réforme est nécessaire à partir d'un grand principe, il faut que chacun fasse son travail. Je suis pour que le président de la République assume ses fonctions. Elu par l'ensemble du pays, je suis pour qu'il gouverne la France, que ce soit lui qui ait autorité sur le gouvernement puisqu'il est élu par l'ensemble des Français. Deuxièmement, il faut que le Parlement soit reconnu dans l'ensemble de ses prérogatives. Quelles sont-elles ? D'une part, voter la loi, d'autre part, contrôler le gouvernement. Pour l'instant, le Parlement ne vote pas la loi, vous le savez bien puisque toutes les lois sont proposées par le gouvernement qui, à la marge, se voit changer un mot ou l'autre par l'Assemblée nationale ou le Sénat. Il faut que le Parlement contrôle le gouvernement, ce qu'il ne fait pas assez aujourd'hui. Vous savez que, tous les ans, il y a des rapports de la Cour des comptes qui font des volumes et des volumes et puis, dans la réalité, vous vous apercevez que, une fois le rapport publié, qu'est-ce qui se passe ? Rien. Eh bien tout ça, il faut le changer. Quelle est la condition nécessaire ? La première, ça va vous paraître stupide peut-être ou, en tout cas, simpliste, stupide je n'espère pas, mais simpliste, la première, c'est qu'il faut que les parlementaires soient présents à l'Assemblée nationale et au Sénat, ce qu'ils ne sont pas en France. C'est une exception française totalement incongrue pour les Nations ou les pays qui nous entourent de voir des parlementaires qui ne viennent pas, les bancs vides. Eh bien, je puis vous dire que, au Parlement européen où je siège par exemple, on ne peut pas voter si l'on n'est pas présent. Le moindre amendement, si vous voulez le voter, il faut être présent sur les bancs. Et d'ailleurs, je dis au passage que vous n'avez votre indemnité que si vous êtes présent, ce qui
JEAN-JACQUES BOURDIN
On a reproché aux Français de ne pas être très présents à Strasbourg.
FRANÇOIS BAYROU
Eh bien, les Français qui sont présents, beaucoup plus aujourd'hui, en tout cas ceux de la liste que j'ai conduite aux élections européennes, ces Français-là sont très présents et ces Français-là marquent le Parlement de leur empreinte.
JEAN-JACQUES BOURDIN
FRANÇOIS BAYROU, puisque vous parlez de Strasbourg, vous avez démissionné
FRANÇOIS BAYROU
Pas du tout, JEAN-JACQUES BOURDIN
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans un premier temps, non, dans un premier temps
FRANÇOIS BAYROU
Ah ! JEAN-JACQUES BOURDIN, vous voyez, vous voyez. Vous croyez que tous les hommes politiques sont les mêmes. Eh bien, c'est précisément pour cela qu'il faut que vous ouvriez les yeux. J'ai en effet, conduit une liste au Parlement européen et, à la différence des autres têtes de liste, je suis resté au Parlement européen. J'ai fait, en effet, le choix de mon mandat. Ca n'a pas été tous les jours facile parce qu'il m'a fallu abandonner la responsabilité locale que j'aimais le plus de président du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques, mais je l'ai fait parce que j'avais donné ma parole aux Français et qu'on a besoin désormais d'hommes politiques qui respectent la parole qu'ils donnent. Si vous voulez une différence, vous en avez trouvé une.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Merci, PIERRE. Louis est avec nous. Louis, bonjour.
LOUIS
Oui, bonjour.
Bonjour, monsieur FRANÇOIS BAYROU. Enfin, si je comprends bien et j'entends bien, il y a beaucoup de choses à faire en ce qui concerne les réformes.
FRANÇOIS BAYROU
Il y a beaucoup de choses à faire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Votre question ?
LOUIS
Déjà, tout à l'heure, en ce qui concerne les retraites, vous savez, moi, j'ai travaillé 44 ans et je touche 750 euros par mois. Enfin bref, ce n'est pas là ma question. Ma question, elle est la suivante : êtes-vous décidé à faire quelque chose ou pensez-vous faire quelque chose contre ces abstentions qu'il y a au niveau des élections ? Car pour moi qui suis citoyen français, ça fausse toutes les élections.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Rendre le vote obligatoire, Louis ?
LOUIS
Exactement, parce qu'il ne faut pas oublier que nos parents se sont battus pour pouvoir s'exprimer, pour pouvoir vouloir exprimer ce qu'ils voulaient et puis, maintenant, eh bien vous avez des abstentions qui sont énormes et c'est affreux
JEAN-JACQUES BOURDIN
FRANÇOIS BAYROU ?
FRANÇOIS BAYROU
Alors, ça n'est pas une tradition française de rendre le vote obligatoire et si vous rendiez le vote obligatoire, vous verriez aussitôt se lever des objecteurs de conscience qui diraient " Vous avez beau me mettre une amende, comme on fait en Belgique, mais je ne voterai pas parce que ça me, voilà, j'exerce ma liberté de non votant ". En revanche, il y a une chose, Louis, vous avez tout à fait raison, monsieur, que l'on peut faire et cette chose, c'est rendre, reconnaître en France le vote blanc. Moi, je suis favorable à cette idée parce que je pense que beaucoup de votes protestataires ou extrémistes sont, en réalité, des votes blancs déguisés. Comme on ne peut pas faire reconnaître son vote si l'on n'est pas d'accord avec ceux qui se présentent, eh bien on choisit un bulletin de vote qui n'a aucune chance d'arriver mais qui embête au maximum les commentateurs et les candidats du système. Voilà ce que je crois et c'est pourquoi je défends l'idée de la reconnaissance du vote blanc qui est, d'une certaine manière, aller dans votre sens, que beaucoup plus puissent s'exprimer même s'ils ne sont pas d'accord avec le système.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci, Louis. Nordine, bonjour.
NORDINE
Oui, bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez 23 ans, vous êtes chauffeur routier, vous appelez du Vaucluse. FRANÇOIS BAYROU est avec vous.
NORDINE
Oui, bonjour, FRANÇOIS BAYROU.
FRANÇOIS BAYROU
Bonjour. NORDINE Alors, je téléphonais pour savoir votre position, vous, au niveau du cannabis et pour dire que, voilà, il y a 9 millions de fumeurs de cannabis en France et on parle beaucoup d'insécurité mais pour se procurer du cannabis en France, il faut bien aller voir des dealers qui, eux, ne sont pas - comment dire ? - pas des personnes à fréquenter, non fréquentables.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Votre question, Nordine, votre question ?
NORDINE
Sa position, lui, par rapport au cannabis et voilà, sur ce sujet.
FRANÇOIS BAYROU
Si je voulais être populaire auprès de vous et des 9 millions, comme vous dites, de fumeurs, je vous dirais, mais oui naturellement, il faut aller dans le sens de la légalisation mais en conscience, je ne peux pas vous le dire et je ne le ferai pas parce qu'il y a beaucoup de parents et beaucoup d'éducateurs en France qui se battent pour que leurs enfants n'aillent pas dans ce sens, qui leur disent " Attention, ça n'est pas une liberté, c'est quelque chose qui, au contraire, surtout lorsqu'on en abuse, est extrêmement dangereux et d'ailleurs, provoque un grand nombre d'accidents et provoque un grand nombre de ces excès que nous voyons aujourd'hui, provoque ou accompagne en tout cas ". Et donc, pour moi, parce que je pense que les hommes d'Etat sont là pour donner des repères, sont là pour faire des signes, je ne veux pas aller dans le sens de la légalisation des drogues, même douces.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci, Nordine. Yoann a 18 ans,
FRANÇOIS BAYROU
Yoann, bonjour. Vous appelez de la Loire.
YOANN
Bonjour, FRANÇOIS BAYROU.
FRANÇOIS BAYROU
Bonjour.
YOANN
Alors, bon, ça ne va peut-être pas vous plaire, ce que je vais vous dire mais
FRANÇOIS BAYROU
Allez-y quand même.
YOANN
Moi, je regarde les Guignols de l'info, alors je ne sais pas si vous les regardez de temps en temps
FRANÇOIS BAYROU
Non.
YOANN
Désolé. Pour vous dire que les sondages ne vous donnent pas vraiment favori et je voulais vous demander la question : est-ce que vous pensez que vous serez toujours le troisième homme au premier tour des présidentielles ?
FRANÇOIS BAYROU
Eh bien ça, Yoann, c'est vous qui en déciderez. Vous allez voter pour la première fois, n'est-ce pas ?
YOANN
Pour la première fois, oui.
FRANÇOIS BAYROU
Eh bien, voilà. Eh bien, vous et tous ceux qui, comme vous, voteront pour la première fois ou avec habitude, eh bien tous ceux-là décideront de ce que sera le paysage du deuxième tour. Moi, je sais une seule chose, enfin je crois, une seule chose, c'est que ce paysage ne sera pas celui qu'on nous promet
YOANN
Oui, je
FRANÇOIS BAYROU
Voilà, parce que beaucoup de Français - vous alliez dire " Je pense " - beaucoup de Français comme vous n'ont pas envie du duel qu'on leur annonce entre Jacques CHIRAC et Lionel JOSPIN, c'est-à-dire, en résumé, continuation cinq ans d'une politique qu'on connaît depuis 25 ans ou continuation cinq ans d'une politique qu'on connaît depuis plus de 20 ans. Je suis certain que les Français veulent une autre approche, une autre méthode et d'autres équipes. Eh bien, c'est ce que je leur offre de manière crédible. Pour l'instant, ce qu'on voit dans les sondages, outre ce que vous avez indiqué, c'est que les Français votent pour des candidats protestataires dont ils savent qu'ils n'arriveront pas et dont d'ailleurs je crois qu'ils ne souhaitent pas qu'ils arrivent. Autrement dit, c'est un vote négatif. Bientôt, nous allons avoir un vote positif, c'est-à-dire non pas un vote pour protester ou détruire, mais un vote pour construire autre chose, une autre approche dans laquelle les Français se reconnaissent et je suis certain qu'il y a, là, plus d'attente qu'on ne le dit aujourd'hui infiniment plus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes satisfait, Yoann ?
YOANN
Monsieur BAYROU
JEAN-JACQUES BOURDIN
Très vite, très vite.
YOANN
J'ai lu " Le Monde " hier, je ne sais pas si vous l'avez lu aussi. Ils parlaient des sondages et on disait que, normalement, il y a environ 8 % de plus pour chaque candidat et, moi, je pense que, vous, vous aurez sûrement, parce que je pense qu'il y a beaucoup de gens, quand on les appelle par téléphone, qui n'osent pas voter pour les petits candidats. Je ne dis pas que vous êtes un petit candidat, mais quand on voit que vous n'avez que 3 %, on peut
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ou 4.
YOANN
Mais qui ne votent que pour JOSPIN ou CHIRAC, qui n'osent pas voter, par exemple, pour LE PEN
FRANÇOIS BAYROU
Eh bien, ça, Yoann, c'est ce que les sondages disent. Ils se sont trompés à chaque élection sans exception depuis vingt ans. Demandez-vous, autour de vous, ce que ceux que vous connaissez ont envie de voter. Moi, de ce que je vois, observe et rencontre en France tous les jours, ils n'ont pas envie de voter pour ces deux solutions, l'une et l'autre usées. Le mot que Lionel JOSPIN utilisait à l'égard de Jacques CHIRAC, on peut tout à fait le lui renvoyer. Ils n'ont pas envie de voter pour ces candidats et ces candidatures et ces systèmes et ces équipes qui ont, depuis vingt ans, fait la preuve de leur échec. Ils attendent autre chose, c'est pourquoi je suis là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci, Yoann, merci, FRANÇOIS BAYROU, de nous avoir accompagné ce matin. Il est 9 heures 18. Merci à vous. Nous aurons l'occasion de nous retrouver, c'est évident.
(Source http://www.bayrou.net, le 20 mars 2002)
Notre invité, ce matin, n'est pas énarque mais agrégé de lettres. Il a été ministre une fois pendant 1500 jours, ministre de l'Education nationale. Dernier sondage : 4 % mais il se bat. FRANÇOIS BAYROU, bonjour.
FRANÇOIS BAYROU
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On a l'impression que vous êtes plus mordant, plus accrocheur et plus battant ces derniers jours ?
FRANÇOIS BAYROU
Voilà, c'est peut-être l'entrée en campagne, le fait que tout le monde soit là qui donne plus envie de, voilà, de secouer un certain nombre d'évidences pour que les choses changent vraiment, c'est-à-dire pour que cette attente des Français qui pour l'instant, ne trouve pas à s'exprimer puisse enfin imposer le changement de la politique que les Français veulent, l'espèce de désintérêt profond pour ce qui se passe, le fait que la plupart de ceux qui nous écoutent sont agacés de ne pas arriver à voir de différence sur le fond entre les uns et les autres, de se demander en quoi ils vont pouvoir changer en dehors des promesses qu'ils multiplient, eh bien tout ça, ça me donne un sens du devoir, enfin un sentiment du devoir et puis l'envie de me battre, en effet.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les 500 signatures, pas de problème pour vous ?
FRANÇOIS BAYROU
Pas de problème.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous les avez ? C'est déposé ?
FRANÇOIS BAYROU
De toute façon, j'étais loin au-dessus de la barre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. L'actualité. L'Algérie, 40 ans après. Faut-il prendre une nouvelle initiative pour encore améliorer, pour dépassionner un peu plus vite le débat ?
FRANÇOIS BAYROU
Beaucoup de Français qui ont été victimes des événements qui ont trouvé leur conclusion il y a 40 ans aujourd'hui, beaucoup de ceux-là sont intégrés parfaitement. Il y en a d'autres en revanche, qui ont été hélas laissés sur le bord de l'histoire
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les harkis.
FRANÇOIS BAYROU
Et je pense, en particulier, aux harkis. Ce qu'on leur a fait et puis, ensuite, ce qu'on ne leur a pas fait, le sentiment qu'on ne reconnaît même pas le martyr qui a été le leur, c'est-à-dire le fait que la France a abandonné des dizaines de milliers d'entre eux malheureusement à la mort en sachant que c'était inéluctable. Ils ont raison de dire qu'on a un devoir de reconnaissance à l'égard de ce drame et à leur égard. Et donc il me semble que, aujourd'hui, c'est à eux qu'on devrait donner une pensée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et même chose pour les pieds-noirs ?
FRANÇOIS BAYROU
Les pieds-noirs, beaucoup se sont intégrés, mais ça reste un drame et une déchirure épouvantable et on voit bien que vouloir l'aviver en cherchant à faire du 19 mars le jour de Commémoration, c'est une manière de raviver les blessures entre les uns et les autres.
JEAN-JACQUES BOURDIN
FRANÇOIS BAYROU, ici nous avons une tradition, nous regardons concrètement les programmes de chaque candidat. Nous allons revenir sur le vôtre. Hier, JOSPIN, Lionel JOSPIN a présenté son programme. Nous allons établir une comparaison entre celui de Lionel JOSPIN et le vôtre. Simplement, la Corse, vous êtes en Corse vendredi, je crois
FRANÇOIS BAYROU
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Pierre CHEVENEMENT et Alain MADELIN sont en Corse aujourd'hui. On commence à reparler de la Corse dans la campagne parce que tout le monde avait oublié la Corse dans cette campagne. On n'en parlait plus. Alors, où
FRANÇOIS BAYROU
Voilà, moi, je demande que, à l'issue de ce travail qui est fait et qu'il faut reprendre puisqu'il est dans l'impasse aujourd'hui en raison des décisions que vous savez et il est dans l'impasse, à mon avis, pas par hasard, mais parce que le gouvernement savait très bien en promettant que, au bout du chemin, il aurait un veto du Conseil constitutionnel et donc ses promesses étaient des promesses pour endormir ou pour faire semblant, ce qui est, à mon avis, absolument détestable. Mais ma différence à moi, c'est que je dis que, au bout de ce chemin-là, quand on l'aura repris, quand on aura édifié, eh bien il faut que les Corses eux-mêmes puissent s'exprimer par référendum.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Même en sachant que les autonomistes se battent pour l'indépendance et qu'ils veulent l'indépendance et que
FRANÇOIS BAYROU
On aura un projet, on aura un statut, on aura des droits nouveaux ou des dispositions nouvelles. Il faut qu'on sorte de ces interrogations qui n'en finissent pas et encore plus de la violence qui n'en finit pas, qui trouve
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et qui dure.
FRANÇOIS BAYROU
Et qui dure. Eh bien, il faut que les Corses eux-mêmes, les citoyens qui habitent en Corse puissent dire " Ce projet nous convient " ou " Ce projet n'est pas le nôtre " parce qu'autrement, naturellement les élus sont légitimes, mais ils s'expriment au nom de, et personne ne sait ce que les Corses eux-mêmes en pensent. Et donc ma différence, et je suis le seul à proposer cela, ma différence, c'est que les Corses puissent eux-mêmes dire " Voilà l'avenir que nous choisissons ".
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et, pendant ce temps-là, l'assassin présumé du préfet ERIGNAC court toujours.
FRANÇOIS BAYROU
Il court toujours et c'est, me semble-t-il, une blessure, en tout cas une lumière noire, au-dessus de la tête du gouvernement et du bilan qui est le sien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un mot sur le programme JOSPIN hier et puis, nous parlerons du vôtre, FRANÇOIS BAYROU. Zéro SDF en 2007, ça vous paraît raisonnable, ça vous paraît acceptable ? Acceptable, oui. Ca vous paraît raisonnable ?
FRANÇOIS BAYROU
Zéro, je ne sais pas, en tout cas, dans mon programme à moi, il y a cette idée que tout le monde peut trouver un toit en France. Je le sais parce que, dans les Pyrénées-Atlantiques que j'ai présidées pendant dix ans, nous avons mis en place un programme qui offre à un très grand nombre de personnes en situation difficile un logement, donc une dignité, et un logement qu'ils paient et ça se passe extrêmement bien. Je sais qu'il y a, en France, un très grand nombre de logements disponibles, un très grand nombre de logements réhabilitables et nous devons, naturellement, ne plus accepter qu'il y ait en France - combien ? - 100.000 ou 200.000 personnes qui n'ont même pas un toit sur la tête. Alors zéro SDF, ça a un côté publicitaire avec lequel, enfin sur lequel j'émets quelques doutes. Mais une politique sérieuse, et décentralisée, c'est ma différence avec monsieur JOSPIN, croire que c'est l'Etat qui le fera, c'est naturellement se tromper parce que l'Etat ne l'a pas fait et ne le fera pas. Les seuls qui puissent le faire, ce sont les collectivités locales françaises si on les aide sérieusement et si on leur donne le pouvoir de trouver dans telle rue, tel quartier, tel logement inhabité qu'on réhabilite et à qui on donne les moyens, la garantie pour celui qu'on y mettra et tous les loyers se trouvent payés. En tout cas, dans les Pyrénées-Atlantiques, nous n'avons aucun impayé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourriez-vous, pourriez-vous soutenir Lionel JOSPIN au second tour ou après ?
FRANÇOIS BAYROU
Monsieur, non, parce qu'il est socialiste et que je ne le suis pas.
(...)
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec nous, FRANÇOIS BAYROU, notre invité ce matin et votre invité. Vous pouvez l'interroger, vous le savez, 0825 151 151. Alors, regardons votre programme, FRANÇOIS BAYROU. Les retraites
FRANÇOIS BAYROU
Avant de regarder le mien, vous me permettez une observation
JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y, allez-y.
FRANÇOIS BAYROU
Il n'y a pas un mot sur les retraites dans le programme de monsieur JOSPIN
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il dit que des décisions seront prises avant 2003, avant juin 2003.
FRANÇOIS BAYROU
Voilà. Il est au pouvoir depuis cinq ans. Il nous annonce que, pendant trois ans encore, on va réfléchir, ou deux ans encore, réfléchir et prendre des décisions. Pas un mot clair sur l'avenir des retraites françaises. En revanche, à Barcelone, au sommet de Barcelone, sans qu'aucun Français n'en sache rien, Jacques CHIRAC et Lionel JOSPIN ont signé une décision très importante, je ne dis pas qu'elle est mauvaise ou bonne sur le fond, c'est qu'on va prolonger de cinq années la durée des cotisations puisqu'ils ont signé une décision qui dit " D'ici à 2010, il faut que l'âge moyen de retraite passe de 58 à 63 ans ". On n'en a pas dit un mot aux Français. Est-ce que vous trouvez cette manière de gouverner de la part du président sortant et du Premier ministre sortant digne de la France ? Eh bien, moi, non. Et c'est peut-être là, sur le fond, qu'il faut qu'on réfléchisse et qu'on se dise " Enfin, on ne va tout de même pas continuer comme ça ". Les sujets les plus importants ne sont pas mis sur la table. En revanche, ce qui est présenté publicitairement, c'est l'arbre aux promesses, à chacun sa promesse. Il n'y a pas une branche de l'arbre qui ne reçoive pas une promesse. Eh bien je suis persuadé que ce n'est pas ce que les Français voudraient. Ils voudraient que les hommes publics, les responsables
JEAN-JACQUES BOURDIN
S'engagent.
FRANÇOIS BAYROU
Non, courageusement, prennent les problèmes à bras le corps et disent " Voilà, nous avons un énorme problème de sécurité ". J'écoutai votre journal il y a dix minutes, enfin c'est frappant que, partout, à Strasbourg
JEAN-JACQUES BOURDIN
A Belfort.
FRANÇOIS BAYROU
A Belfort, à Evreux, hélas, on ait ce genre de drame, de crise, enfin quelque chose qui rend la vie impossible. Ils voudraient que les hommes politiques s'engagent, leur disent clairement quel but ils veulent atteindre, et je le dirais si vous le voulez, quel but ils veulent atteindre, le calendrier qu'ils se fixent. Autrement dit que le pouvoir change parce que ce qu'il y a de plus clair au travers de ce brouillard dans lequel on vit et des promesses qui sont faites, c'est que, en réalité, le pouvoir ne changera pas, que ce soit l'une ou l'autre de ces deux équipes sortantes qui ont le pouvoir depuis vingt ans, avec les mêmes responsables qui
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous y avez participé, FRANÇOIS BAYROU
FRANÇOIS BAYROU
Oui, j'ai été ministre dans un gouvernement et c'est précisément la raison pour laquelle je me présente aujourd'hui, c'est parce que je veux changer cela. J'ai vu toutes les limites de cette manière de gouverner la France. Eh bien, j'ai envie d'un rapport nouveau au pouvoir, j'ai envie qu'on parle aux Français différemment, j'ai envie d'une langue, d'un élan différent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors sur les retraites, FRANÇOIS BAYROU, imaginons, vous êtes président de la République. Que décidez-vous sur les retraites, ce dossier dont tout le monde parle mais aucune décision n'est prise ? Des rapports se succèdent, mais rien n'est fait.
FRANÇOIS BAYROU
Ma démarche ne sera pas la même que celle des autres et je vais vous dire clairement dans quelle direction il faut nécessairement aller. Un, assouplissement de l'âge du départ à la retraite et incitation pour ceux qui voudraient continuer à travailler pour alléger la charge qui pèse sur la Nation. Deux, il faut un fonds de garantie des retraites qu'on constitue patiemment avec les moyens de la France disponibles pour que, dans vingt ans, on ait un fonds national qui garantisse les retraites. Trois, il faut régler cette affaire des fonds de pension. Oui ou non, attendez, c'est à hurler de rire. Tous les matins, j'écoute la radio. Alors, je ne sais pas si, chez vous, cette publicité existe mais, ce matin, sous ma douche, j'écoutais la radio et j'ai entendu " Fonctionnaires, si vous voulez améliorer votre retraite, tournez-vous vers la PREFON et puis, on donnait le numéro de téléphone de la PREFON. La PREFON, c'est un fonds de pension. Seulement, il est réservé aux fonctionnaires. Eh bien pour moi, ce qui est donné aux fonctionnaires doit être offert aussi aux autres. Je suis pour l'égalité de traitement entre les Français. Et donc, le problème des fonds de pension, il est simplissime, je suis pour qu'on donne à tous les Français le privilège qui est aujourd'hui réservé aux fonctionnaires. C'est simple comme bonjour. Quatre, dans ce sens-là, il faut que, sur les années qui viennent, les règles qui régissent les retraites du privé soient les mêmes que celles qui régissent les règles de la retraite de la Fonction Publique. On ne peut pas avoir deux, enfin on ne peut pas avoir en équité deux catégories de Français qui ont des règles différentes pour partir à la retraite, et ceci je suis persuadé que même les fonctionnaires qui nous écoutent le savent au fond d'eux-mêmes. Je suis un fonctionnaire. Moi, je ne crois pas que les fonctionnaires soient uniquement des corporatistes et des défenseurs des acquis. Il faut aller vers l'égalité de traitement entre les uns et les autres et avoir le courage de le dire. Et enfin
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et enfin.
FRANÇOIS BAYROU
Pour que ceci soit, une fois pour toutes, confirmé et accepté, je mettrais au référendum la réforme des retraites pour que ceux qui nous écoutent aient chacun leur mot à dire parce que ça concerne chacun d'entre nous. J'enverrais aux Français individuellement un état de leur situation si on ne fait rien pour la retraite. Ceux qui touchent, aujourd'hui, une retraite de 7000 francs, je leur dirais " Si vous ne faites rien, en 2020, c'est à 5000 francs que tombera votre retraite. Le voulez-vous ou pas ?. Je suis persuadé que tous, placés devant le caractère inéluctable de la situation, choisiront d'agir courageusement. Le mot d'ordre, c'est "Courage".
JEAN-JACQUES BOURDIN
FRANÇOIS BAYROU avec nous, ce matin, qui va répondre à toutes vos questions entre 9 heures 05 et 9 heures et quart. Il est 8 heures 56. Vous appelez, vous êtes déjà nombreux à appeler. A tout de suite ()
JEAN-JACQUES BOURDIN
FRANÇOIS BAYROU, prenons les auditeurs en ligne et commençons avec PIERRE. Bonjour, PIERRE.
PIERRE
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
FRANÇOIS BAYROU est avec vous. Je vous laisse.
PIERRE
Monsieur BAYROU, bonjour. Pensez-vous que
FRANÇOIS BAYROU
Excusez-moi, je ne vous entends pas.
PIERRE
Ah ! pardon, alors, je parle plus fort. Pensez-vous qu'une réforme du Parlement est nécessaire sachant que nous avons 320 sénateurs, 577 députés et qu'un certain nombre sont âgés de plus de 90 ans ?
FRANÇOIS BAYROU
Oui, monsieur, une réforme est nécessaire à partir d'un grand principe, il faut que chacun fasse son travail. Je suis pour que le président de la République assume ses fonctions. Elu par l'ensemble du pays, je suis pour qu'il gouverne la France, que ce soit lui qui ait autorité sur le gouvernement puisqu'il est élu par l'ensemble des Français. Deuxièmement, il faut que le Parlement soit reconnu dans l'ensemble de ses prérogatives. Quelles sont-elles ? D'une part, voter la loi, d'autre part, contrôler le gouvernement. Pour l'instant, le Parlement ne vote pas la loi, vous le savez bien puisque toutes les lois sont proposées par le gouvernement qui, à la marge, se voit changer un mot ou l'autre par l'Assemblée nationale ou le Sénat. Il faut que le Parlement contrôle le gouvernement, ce qu'il ne fait pas assez aujourd'hui. Vous savez que, tous les ans, il y a des rapports de la Cour des comptes qui font des volumes et des volumes et puis, dans la réalité, vous vous apercevez que, une fois le rapport publié, qu'est-ce qui se passe ? Rien. Eh bien tout ça, il faut le changer. Quelle est la condition nécessaire ? La première, ça va vous paraître stupide peut-être ou, en tout cas, simpliste, stupide je n'espère pas, mais simpliste, la première, c'est qu'il faut que les parlementaires soient présents à l'Assemblée nationale et au Sénat, ce qu'ils ne sont pas en France. C'est une exception française totalement incongrue pour les Nations ou les pays qui nous entourent de voir des parlementaires qui ne viennent pas, les bancs vides. Eh bien, je puis vous dire que, au Parlement européen où je siège par exemple, on ne peut pas voter si l'on n'est pas présent. Le moindre amendement, si vous voulez le voter, il faut être présent sur les bancs. Et d'ailleurs, je dis au passage que vous n'avez votre indemnité que si vous êtes présent, ce qui
JEAN-JACQUES BOURDIN
On a reproché aux Français de ne pas être très présents à Strasbourg.
FRANÇOIS BAYROU
Eh bien, les Français qui sont présents, beaucoup plus aujourd'hui, en tout cas ceux de la liste que j'ai conduite aux élections européennes, ces Français-là sont très présents et ces Français-là marquent le Parlement de leur empreinte.
JEAN-JACQUES BOURDIN
FRANÇOIS BAYROU, puisque vous parlez de Strasbourg, vous avez démissionné
FRANÇOIS BAYROU
Pas du tout, JEAN-JACQUES BOURDIN
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans un premier temps, non, dans un premier temps
FRANÇOIS BAYROU
Ah ! JEAN-JACQUES BOURDIN, vous voyez, vous voyez. Vous croyez que tous les hommes politiques sont les mêmes. Eh bien, c'est précisément pour cela qu'il faut que vous ouvriez les yeux. J'ai en effet, conduit une liste au Parlement européen et, à la différence des autres têtes de liste, je suis resté au Parlement européen. J'ai fait, en effet, le choix de mon mandat. Ca n'a pas été tous les jours facile parce qu'il m'a fallu abandonner la responsabilité locale que j'aimais le plus de président du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques, mais je l'ai fait parce que j'avais donné ma parole aux Français et qu'on a besoin désormais d'hommes politiques qui respectent la parole qu'ils donnent. Si vous voulez une différence, vous en avez trouvé une.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Merci, PIERRE. Louis est avec nous. Louis, bonjour.
LOUIS
Oui, bonjour.
Bonjour, monsieur FRANÇOIS BAYROU. Enfin, si je comprends bien et j'entends bien, il y a beaucoup de choses à faire en ce qui concerne les réformes.
FRANÇOIS BAYROU
Il y a beaucoup de choses à faire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Votre question ?
LOUIS
Déjà, tout à l'heure, en ce qui concerne les retraites, vous savez, moi, j'ai travaillé 44 ans et je touche 750 euros par mois. Enfin bref, ce n'est pas là ma question. Ma question, elle est la suivante : êtes-vous décidé à faire quelque chose ou pensez-vous faire quelque chose contre ces abstentions qu'il y a au niveau des élections ? Car pour moi qui suis citoyen français, ça fausse toutes les élections.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Rendre le vote obligatoire, Louis ?
LOUIS
Exactement, parce qu'il ne faut pas oublier que nos parents se sont battus pour pouvoir s'exprimer, pour pouvoir vouloir exprimer ce qu'ils voulaient et puis, maintenant, eh bien vous avez des abstentions qui sont énormes et c'est affreux
JEAN-JACQUES BOURDIN
FRANÇOIS BAYROU ?
FRANÇOIS BAYROU
Alors, ça n'est pas une tradition française de rendre le vote obligatoire et si vous rendiez le vote obligatoire, vous verriez aussitôt se lever des objecteurs de conscience qui diraient " Vous avez beau me mettre une amende, comme on fait en Belgique, mais je ne voterai pas parce que ça me, voilà, j'exerce ma liberté de non votant ". En revanche, il y a une chose, Louis, vous avez tout à fait raison, monsieur, que l'on peut faire et cette chose, c'est rendre, reconnaître en France le vote blanc. Moi, je suis favorable à cette idée parce que je pense que beaucoup de votes protestataires ou extrémistes sont, en réalité, des votes blancs déguisés. Comme on ne peut pas faire reconnaître son vote si l'on n'est pas d'accord avec ceux qui se présentent, eh bien on choisit un bulletin de vote qui n'a aucune chance d'arriver mais qui embête au maximum les commentateurs et les candidats du système. Voilà ce que je crois et c'est pourquoi je défends l'idée de la reconnaissance du vote blanc qui est, d'une certaine manière, aller dans votre sens, que beaucoup plus puissent s'exprimer même s'ils ne sont pas d'accord avec le système.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci, Louis. Nordine, bonjour.
NORDINE
Oui, bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez 23 ans, vous êtes chauffeur routier, vous appelez du Vaucluse. FRANÇOIS BAYROU est avec vous.
NORDINE
Oui, bonjour, FRANÇOIS BAYROU.
FRANÇOIS BAYROU
Bonjour. NORDINE Alors, je téléphonais pour savoir votre position, vous, au niveau du cannabis et pour dire que, voilà, il y a 9 millions de fumeurs de cannabis en France et on parle beaucoup d'insécurité mais pour se procurer du cannabis en France, il faut bien aller voir des dealers qui, eux, ne sont pas - comment dire ? - pas des personnes à fréquenter, non fréquentables.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Votre question, Nordine, votre question ?
NORDINE
Sa position, lui, par rapport au cannabis et voilà, sur ce sujet.
FRANÇOIS BAYROU
Si je voulais être populaire auprès de vous et des 9 millions, comme vous dites, de fumeurs, je vous dirais, mais oui naturellement, il faut aller dans le sens de la légalisation mais en conscience, je ne peux pas vous le dire et je ne le ferai pas parce qu'il y a beaucoup de parents et beaucoup d'éducateurs en France qui se battent pour que leurs enfants n'aillent pas dans ce sens, qui leur disent " Attention, ça n'est pas une liberté, c'est quelque chose qui, au contraire, surtout lorsqu'on en abuse, est extrêmement dangereux et d'ailleurs, provoque un grand nombre d'accidents et provoque un grand nombre de ces excès que nous voyons aujourd'hui, provoque ou accompagne en tout cas ". Et donc, pour moi, parce que je pense que les hommes d'Etat sont là pour donner des repères, sont là pour faire des signes, je ne veux pas aller dans le sens de la légalisation des drogues, même douces.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci, Nordine. Yoann a 18 ans,
FRANÇOIS BAYROU
Yoann, bonjour. Vous appelez de la Loire.
YOANN
Bonjour, FRANÇOIS BAYROU.
FRANÇOIS BAYROU
Bonjour.
YOANN
Alors, bon, ça ne va peut-être pas vous plaire, ce que je vais vous dire mais
FRANÇOIS BAYROU
Allez-y quand même.
YOANN
Moi, je regarde les Guignols de l'info, alors je ne sais pas si vous les regardez de temps en temps
FRANÇOIS BAYROU
Non.
YOANN
Désolé. Pour vous dire que les sondages ne vous donnent pas vraiment favori et je voulais vous demander la question : est-ce que vous pensez que vous serez toujours le troisième homme au premier tour des présidentielles ?
FRANÇOIS BAYROU
Eh bien ça, Yoann, c'est vous qui en déciderez. Vous allez voter pour la première fois, n'est-ce pas ?
YOANN
Pour la première fois, oui.
FRANÇOIS BAYROU
Eh bien, voilà. Eh bien, vous et tous ceux qui, comme vous, voteront pour la première fois ou avec habitude, eh bien tous ceux-là décideront de ce que sera le paysage du deuxième tour. Moi, je sais une seule chose, enfin je crois, une seule chose, c'est que ce paysage ne sera pas celui qu'on nous promet
YOANN
Oui, je
FRANÇOIS BAYROU
Voilà, parce que beaucoup de Français - vous alliez dire " Je pense " - beaucoup de Français comme vous n'ont pas envie du duel qu'on leur annonce entre Jacques CHIRAC et Lionel JOSPIN, c'est-à-dire, en résumé, continuation cinq ans d'une politique qu'on connaît depuis 25 ans ou continuation cinq ans d'une politique qu'on connaît depuis plus de 20 ans. Je suis certain que les Français veulent une autre approche, une autre méthode et d'autres équipes. Eh bien, c'est ce que je leur offre de manière crédible. Pour l'instant, ce qu'on voit dans les sondages, outre ce que vous avez indiqué, c'est que les Français votent pour des candidats protestataires dont ils savent qu'ils n'arriveront pas et dont d'ailleurs je crois qu'ils ne souhaitent pas qu'ils arrivent. Autrement dit, c'est un vote négatif. Bientôt, nous allons avoir un vote positif, c'est-à-dire non pas un vote pour protester ou détruire, mais un vote pour construire autre chose, une autre approche dans laquelle les Français se reconnaissent et je suis certain qu'il y a, là, plus d'attente qu'on ne le dit aujourd'hui infiniment plus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes satisfait, Yoann ?
YOANN
Monsieur BAYROU
JEAN-JACQUES BOURDIN
Très vite, très vite.
YOANN
J'ai lu " Le Monde " hier, je ne sais pas si vous l'avez lu aussi. Ils parlaient des sondages et on disait que, normalement, il y a environ 8 % de plus pour chaque candidat et, moi, je pense que, vous, vous aurez sûrement, parce que je pense qu'il y a beaucoup de gens, quand on les appelle par téléphone, qui n'osent pas voter pour les petits candidats. Je ne dis pas que vous êtes un petit candidat, mais quand on voit que vous n'avez que 3 %, on peut
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ou 4.
YOANN
Mais qui ne votent que pour JOSPIN ou CHIRAC, qui n'osent pas voter, par exemple, pour LE PEN
FRANÇOIS BAYROU
Eh bien, ça, Yoann, c'est ce que les sondages disent. Ils se sont trompés à chaque élection sans exception depuis vingt ans. Demandez-vous, autour de vous, ce que ceux que vous connaissez ont envie de voter. Moi, de ce que je vois, observe et rencontre en France tous les jours, ils n'ont pas envie de voter pour ces deux solutions, l'une et l'autre usées. Le mot que Lionel JOSPIN utilisait à l'égard de Jacques CHIRAC, on peut tout à fait le lui renvoyer. Ils n'ont pas envie de voter pour ces candidats et ces candidatures et ces systèmes et ces équipes qui ont, depuis vingt ans, fait la preuve de leur échec. Ils attendent autre chose, c'est pourquoi je suis là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci, Yoann, merci, FRANÇOIS BAYROU, de nous avoir accompagné ce matin. Il est 9 heures 18. Merci à vous. Nous aurons l'occasion de nous retrouver, c'est évident.
(Source http://www.bayrou.net, le 20 mars 2002)