Déclaration de Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme, sur la campagne pour l'accès des personnes handicapées aux vacances et aux loisirs, notamment les opérations pilotes.

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Circonstance : Lancement officiel de la campagne nationale pour l'accès des personnes handicapées aux vacances et aux loisirs, Paris le 11 septembre 1998

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi, en premier lieu, de vous souhaiter à tous la bienvenue dans ce monument symbole du tourisme français qu'est la Tour Eiffel, à l'occasion de l'ouverture de la campagne nationale pour l'accès des personnes handicapées aux vacances et aux loisirs, à la préparation de laquelle vous vous êtes associés depuis quelques mois.
Le droit aux vacances, je l'ai rappelé à de nombreuses reprises, est un droit aussi fondamental que celui à la santé, au logement et au travail. Il est un des espaces de la citoyenneté. Les personnes handicapées doivent y avoir accès.
Un grand nombre de commissions, de groupes d'études, de rapports, ont mis en évidence les difficultés que rencontrent les personnes handicapées pour accéder aux vacances.
La France, à l'image de la plupart des pays développés, a mis en place à ce sujet, un ensemble de normes d'accessibilité.
Mais il nous faut reconnaître que plus de vingt ans après la promulgation de la loi de 1975 posant les fondements d'une intégration des personnes handicapées dans la société française, leur taux de départ en vacances, et plus particulièrement celui des personnes subissant un handicap mental, demeure très faible, malgré le travail exemplaire mené par les associations et établissements spécialisés dont beaucoup sont ici représentés.
Or, je le réaffirme aujourd'hui, l'augmentation du taux de départ en vacances des personnes handicapées nourrit la perspective d'une vie et d'une société plus harmonieuses. Cette campagne donne à la politique menée en leur faveur, sa dimension d'intégration sociale trop longtemps négligée.
Elle est nécessaire en premier lieu pour les personnes handicapées elles-mêmes, afin de lutter contre l'isolement grâce à la pratique d'activités motivantes et de reprendre confiance en soi par une meilleure intégration.
Elle est nécessaire aussi pour les personnes valides, pour qui la rencontre avec les handicapés durant le temps privilégié des vacances, est l'occasion de porter un regard différent sur l'autre et donc sur soi-même.
Vivre ensemble, chacun ici le sait, c'est s'enrichir de nos différences, de quelque nature qu'elles soient.
Nécessaire enfin aux professionnels du tourisme. Le nombre de personnes présentant un handicap, qui dépasse déjà les 3 millions en France, les 10 millions en Europe et plus de 45 millions en Amérique du Nord va croître considérablement ces prochaines années, notamment avec l'allongement de la vie. L'économie touristique doit aujourd'hui tenir compte de cette perspective proche.
La réflexion et les critères qui en découlent jouent un rôle positif sur l'ensemble de l'offre touristique : l'accueil des personnes handicapées dans les établissements touristiques a en effet pour première conséquence de faciliter celui des personnes âgées à mobilité réduite et des familles avec enfants en bas-âge, pour ne citer que ces deux exemples.
En dépit du large consensus qui s'établit, de manière théorique sur ces idées, leur mise en uvre pratique se heurte à l'absence d'expérience des vacanciers et des acteurs du tourisme. Bien souvent, seul le vécu permet de dépasser les incompréhensions.
Le manque d'accessibilité des équipements, le déficit d'animations appropriées, les difficultés à établir un accompagnement efficace, l'absence d'une formation adéquate des professionnels, la pénurie de transports de tourisme réellement adaptés, tout cela multiplie les obstacles.
Les associations d'handicapés ont plus d'une fois souligné l'impossibilité de trouver une réponse satisfaisante en matière de vacances ou de loisirs. Dès mon arrivée au Secrétariat d'État au Tourisme, j'ai pu constater que cette question, ne donnait pas vraiment lieu à un traitement particulier, et n'était pas toujours envisagée avec l'énergie nécessaire.
C'est pourquoi j'ai pris l'initiative de proposer au conseil des ministres une campagne annuelle de mobilisation en faveur de l'accès aux vacances des personnes handicapées.
Cette première campagne a deux objectifs majeurs :
* l'information et la sensibilisation de l'ensemble de nos concitoyens par une campagne d'affichage nationale dont le slogan : " pour vivre heureux, vivons ensemble les vacances " est une invitation à la mobilisation de tous en faveur d'un meilleur accueil et d'une plus grande intégration de la personne handicapée,

* le développement d'une offre touristique adaptée aux spécificités et à la diversité des handicaps, et aux aspirations des personnes handicapées en matière de vacances et de loisirs.

Elle s'adresse bien sûr à l'ensemble des acteurs du tourisme, public, associatif et privé, pour qu'ils prennent mieux en compte dans leurs équipements, dans leurs activités et dans leur politique d'accueil cette nécessité tant du point de vue humain que dans sa réalité économique.
Elle vise aussi à sensibiliser les professionnels de l'architecture, les concepteurs de matériels sportifs ou ludiques aux spécificités du handicap en terme d'accessibilité et d'adaptabilité.
Elle est donc l'occasion d'expérimenter de nouvelles formes de réponses aux attentes des publics handicapés en matière de vacances et de loisirs, en identifiant les principaux obstacles auxquels ils se heurtent encore.
J'entends contribuer à lever un grand nombre d'entre eux dans le cadre d'une véritable politique qui facilite et favorise leur accès aux vacances que j'entends définir et mener dans les semaines et mois à venir en partenariat avec les associations spécialisées, les collectivités locales et territoriales et les professionnels.
J'ai donc réuni les professionnels du tourisme et les représentants des associations nationales d'handicapés, afin d'engager un travail d'identification et d'analyse de l'existant et de mener une première réflexion-action sur l'élaboration de nouveaux produits à destination de la personne handicapée.
A travers cette démarche, le Secrétariat d'État au Tourisme entend affirmer une volonté politique d'uvrer afin de ne laisser personne sur le bord du chemin.
J'ai souhaité cependant que cette démarche soit impulsée au travers d'opérations pilotes (grandeur nature) joignant ainsi le geste à la parole, en apportant la preuve du possible par l'expérience concrète.
5 sites furent sélectionnés sur la base du volontariat, offrant ainsi une large gamme de possibilités en termes :
* de tourisme urbain avec Orléans, ville qui mène une politique d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite et aux non voyants,

* de tourisme rural avec la Creuse, département réunissant de nombreuses installations adaptées aux handicaps, et où l'intégration par la population et les professionnels des personnes handicapées dans les activités et la vie quotidienne est effective depuis de nombreuses années,

* de tourisme littoral avec l'Hérault, dont les initiatives dans ce domaine étaient déjà remarquables,

* de tourisme de montagne enfin, dans les Pyrénées, au travers de la longue expérience de la ville de Lourdes,

* de tourisme d'activités et de découverte avec le Nord, où l'ensemble des riches possibilités culturelles balnéaires ou de nature font l'objet depuis une dizaine d'années, d'une politique d'adaptation aux personnes handicapées.

La diversité des réponses sur lesquelles ces sites ont travaillé, permet à chacun de choisir, en toute liberté, son type de vacances :
* en individuel ou en famille,

* autour de centres d'intérêt tels que le patrimoine, la culture, l'histoire, l'artisanat...

* autour de pratiques sportives,

* ou plus simplement en quête de détente ou de repos.

Dans tous les cas, nous avons cherché à favoriser la rencontre et l'échange entre personnes valides et handicapées.
Les professionnels du tourisme ont été très sensibles aux demandes qui leur étaient formulées et ont été rapides à y répondre et je tiens d'ores et déjà à les en remercier. Leur approche bien souvent purement empirique, se limitait jusqu'ici à prévoir un cheminement pour les voyageurs à mobilité réduite.
Les discussions et échanges lors de la préparation de cette campagne si enrichissante pour tous, ont porté sur un véritable contenu de vacances ne limitant pas l'approche aux seules contraintes d'accessibilité mais l'étendant au contraire aux activités et animations, à leur encadrement, aux problèmes de transport, à la nécessaire prise en compte des accompagnants.
Ainsi sur chaque site, avec les professionnels et les associations d'handicapés, ont été recensées toutes les potentialités existantes que ce soit en matière d'hébergement ou d'activités, vérifiées leur accessibilité et identifiées les adaptations nécessaires pour accueillir les personnes quel que soit leur handicap.
Petit à petit s'est ainsi construit l'esquisse d'un produit, permettant une offre nouvelle.
La conscience de ces problèmes dans leur ensemble a progressé. Elle a conduit certains professionnels à initier des actions de formation à destination de leurs personnels, (comme par exemple à l'usage de la langue des signes), afin de développer de nouveaux comportements d'accueil. D'autres ont pensé à des aménagements nouveaux permettant d'améliorer la sécurisation du séjour de leurs touristes.
Je souhaiterais souligner la façon remarquable avec laquelle les professionnels prestataires ont intégré la démarche du ministère, et ont contribué à apporter une réponse technique, cohérente et de qualité, aux aspirations légitimes de personnes pour qui le droit au vacances reste encore trop souvent une conquête.
Ce travail sur l'offre touristique à destination de la personne handicapée contribuera, par ailleurs, à l'amélioration de la qualité globale des prestations que peut offrir notre pays.
Par exemple, favoriser l'accessibilité aux différents handicaps bénéficiera aux familles ayant de jeunes enfants en poussette, aux personnes âgées, aux accidentés...
Je tiens, à ce propos, à souligner l'initiative heureuse et fortement symbolique du Centre National de la Mer, Nausicaa, à Boulogne, qui dans sa signalétique interne, accole au pictogramme du fauteuil roulant celui d'une poussette d'enfant.
Celle-ci va en effet dans le sens d'un tourisme ouvert à tous, puisqu'il ne fait pas apparaître le parcours handicapés comme un itinéraire pour des gens différents mais au contraire au service d'un confort partagé.
Autre exemple, la mise en place de postes téléphoniques équipés d'un répétiteur lumineux pour les malentendants, permet chez certains de nos partenaires de l'hébergement de leur signaler qu'un message les concernant leur a été laissé à la réception, etc.
Quant aux associations rassemblant les personnes handicapées, je puis vous dire qu'elles ont toutes soutenu officiellement la campagne au travers de leurs publications, de la mobilisation de leurs réseaux, de l'information de leurs membres.
Si, au départ il nous a fallu parfois convaincre, toutes ont fait un travail remarquable à nos côtés, les unes attirant l'attention sur des adaptations nécessaires à tel ou tel handicap, d'autres vérifiant sur le terrain les équipements dans les moindres détails, d'autres encore mettant à contribution leurs réseaux minitel ou Internet, ou s'associant à la promotion des destinations pilotes.
On comprend que leur expérience est irremplaçable, comme est inestimable leur appui dans notre effort de communication ou dans l'étude des améliorations souhaitables.
Des partenaires divers se sont volontiers joints à nous, et je ne citerai ici que la SNCF, sur laquelle nous comptons comme vous imaginez, et qui nous a aidé avec tous ses moyens pour faciliter le transport des vacanciers, ainsi que l'ANCV, qui a mis au point et accordé des bourses de vacances pour ceux des handicapés ou de leurs accompagnants aux revenus les plus faibles.
Tous nous ont permis de mettre en uvre ce premier chantier grandeur nature au service de la personne handicapée et de ses vacances.
Je souhaiterais rendre hommage aux pilotes de chacun des sites qui ont bien souvent été de véritables pionniers en la matière et ce depuis de nombreuses années.
La Creuse, dont les charmes de sa campagne ne sont plus à prouver. Le tourisme vert y déploie ici toute sa palette, et l'attention a été cristallisée sur une offre d'hébergement très diversifiée, de l'hôtellerie traditionnelle au camping en passant par les chambres d'hôtes et les gîtes ruraux et la découverte de sites naturels et culturels dont ce département est riche.
L'Hérault, où les hôtes vont avoir le choix entre le littoral et les vignobles, la pêche et le planeur, le gîte et le camping, la découverte tactile du jardin botanique et la spéléologie, j'en oublie certainement.
La ville d'Orléans aux multiples attraits pour le visiteur, et qui se fait fort de faire connaître ces richesses. Ce n'est pas d'aujourd'hui que la ville a mis à son programme le souci d'améliorer pour tous l'accessibilité aux transports, au logement, à l'éducation, au travail, aux loisirs.
J'ai à ce propos retenu les paroles de Monsieur Brard, adjoint au maire chargé de ces questions, je le cite : "Le handicap, c'est l'affaire de tous les acteurs de la cité, élus et citoyens". Puisse-t-il être entendu, car sa formule cadre tout à fait avec cette campagne qui ne vise à rien d'autre qu'une société plus harmonieuse.
Lourdes, où, en groupe, il est possible de découvrir la montagne dans toutes ses composantes : son relief, ses cours d'eau, ses pratiques physiques et sportives mais aussi l'artisanat local.
Le Nord enfin, dont les produits de tourisme " à la carte " marient vie sociale et grand air, sport et culture, rêverie solitaire et soirée conviviale.
Soyez tous ici remerciés de vos efforts et de votre dynamisme.
Mais je sais que notre projet commun est une uvre de longue haleine. Elle s'inscrit en effet dans la continuité.
Le travail qu'il nous reste encore à accomplir est très important mais aussi très enthousiasmant. Après cette semaine d'action, il nous faudra tous ensemble réaliser l'évaluation de ces expériences, analyser ce qui a fonctionné et le chemin qui reste à parcourir.
Cette démarche s'inscrit désormais dans l'action de mon Ministère au titre de mes priorités et de mes préoccupations permanentes.
Ainsi à l'occasion des rencontres de l'AFIT qui réuniront plus de 500 acteurs et investisseurs du monde du tourisme, une table ronde sera organisée sur le thème de l'offre touristique pour les handicapés.
A compter de ce jour, tous les chantiers restent ouverts : celui d'une meilleure accessibilité, d'une formation adéquate, à laquelle d'ores et déjà, la Fédération Française des Techniciens Supérieurs du Tourisme a décidé de s'associer en proposant la création au sein du Brevet de Technicien Supérieur d'une option tourisme et handicap. D'autres chantiers viseront le domaine de l'accueil, des transports, de la signalétique et des cheminements. D'autres encore s'attacheront à favoriser la labellisation des prestations et à développer l'information et la promotion des produits et activités adaptés aux publics handicapés.
Nous sommes déjà tous, administration, acteurs privés et associatifs et les collectivités sur la ligne de départ pour la saison d'hiver, le printemps à Paris, et la campagne 99, qui débutera cette fois en juillet.
C'est à ces nouvelles échéances que je vous invite toutes et tous à travailler dans ce formidable élan qui a animé la préparation de cette première campagne.
Vivre ensemble le temps des vacances, c'est s'enrichir des différences, de quelque nature qu'elles soient. Les personnes handicapées ont en elles, chacun le sait ici de quoi apporter à tous des leçons de vie et de joie. C'est ainsi en tout cas que nous uvrerons ensemble à ce que le tourisme français soit réellement, au delà des mots, un tourisme pour tous.
(source http://www.tourisme.gouv.fr, le 27 septembre 2001)