Texte intégral
F. Laborde - La loi Fillon qui sera présentée demain au Conseil des ministres, prévoit un assouplissement des 35 heures et une augmentation du Smic, avec des dispositions - mais c'est vous qui allez nous le dire - finalement plutôt favorables au patronat ?
- "Cela dépend. Pour ce qui concerne, le Smic, il s'agit d'une augmentation d'une partie du Smic. Il y avait six références et en 2005, il n'y aura plus qu'une seule référence. Ce qui veut dire qu'une partie des gens qui sera payée au Smic verra en trois ans le Smic revalorisé de 11,44 %. C'est pour 40 % de ceux qui sont payés au Smic. Il faut rendre à César ce qui appartient à César : c'est le Gouvernement précédent qui l'avait décidé, c'est la loi de Mme Aubry et c'est une décision du Conseil d'Etat ; il fallait que ce soit fait pour 2005. MM. Raffarin et Fillon ont tenu parole, ils appliquent, c'est bien. Ceci étant, cela ne veut pas dire que les gens payés au Smic vont tous voir leur salaire augmenter de 11,44 %. Cela veut dire qu'en 2003, nous demanderons certainement un coup de pouce en juillet pour le Smic. Et ce n'est pas un problème de salaire ; le problème des salaires, c'est tout autre chose. Le deuxième problème, celui des 35 heures : là, occasion ratée - depuis hier, j'ai une petite hésitation... Mais nous avions demandé à monsieur Fillon que dans le cadre des 35 heures, nous discutions non pas de l'assouplissement, mais de donner de la respiration aux PME, pour qu'elles puissent satisfaire les besoins de production et surtout - c'est le domaine le plus important, au moins pour moi - pour éviter les paiements de la main à la main. Parce que quand on fait des heures supplémentaires dans les petites boites et qu'on n'a pas le droit, on les paie de la main à la main et ce n'est pas bon. Pour mettre la réalité entre la loi et l'application de cette loi, nous disions "discutons branche par branche en fonction des besoins, discutons pour essayer de donner un volant d'heures supplémentaires". La réponse de monsieur Fillon : "on donne 180 heures pour tout le monde"."
Avec une prime de 10 % et non pas de 25 %...
- "Ca, c'est autre chose. Ce n'est pas une "prime", c'est la revalorisation, c'est le prix que l'on donne pour les heures "sup". C'est en contradiction avec les grandes déclarations de la campagne électorale, qui disaient qu'on allait faire des heures supplémentaires pour gagner plus d'argent, etc... Et vous voyez ce que cela donne : 10 % ! Les gars ne vont pas vouloir les faire pour ça ! Mais ce n'est pas ça le problème ; le problème, c'est qu'on avait l'occasion de discuter secteur par secteur, branche par branche, et on a pris une décision globale de 180 heures. Ca tue la négociation. J'avais pesé, justement, pour il y ait des négociations par branche."
Vous aviez dit que sur le Smic et les 35 heures, que "les Français n'iraient pas défiler dans les rues"...
- "Oui, bien sûr, c'est être réaliste. Je sais très bien que les gens peuvent se battre pour la retraite, pour la Sécurité sociale, pour les salaires mais - c'est malheureux mais c'est comme cela - je ne vais pas faire sortir ou faire des manifestations ou des grèves pour les gens qui gagnent au dessus du Smic. Quand il s'agit du Smic, la solidarité n'est pas développée jusqu'à ce point, malheureusement."
Et les manifestations prévues le 3 octobre ?
- "Le 3 octobre, l'initiative revient à EDF : c'est contre la privatisation et l'ouverture du capital d'EDF. Il faut, à mon avis, garder ce caractère, même si des gens de France Télécom, de la SNCF, d'Air France, tous ceux qui se sentent menacés par la privatisation, veulent s'y joindre. Je pense qu'il faut rester à ce niveau : laisser la spécificité à EDF. Il faut peut-être aller en délégations, pour dire qu'il y a une préoccupation identique partout où on privatise..."
Est-ce que ce n'est pas partout où on privatise "mal" ? Un des handicaps de France Télécom réside dans le fait que ce n'était pas tout à fait privé ni tout à fait public. Est-ce que cette spécificité française n'est pas handicapante pour les entreprises ?
- "Le handicap en question "pas tout à fait privé, pas tout à fait public", va me servir, parce que j'ai à peu près la garantie que mes camarades de France Télécom, qui sont fonctionnaires, vont garder leur emploi. Je ne suis pas du tout sûr que les contractuels vont garder leur emploi dans les mois qui viennent. Il faut quand même regarder cela. Il faut aussi voir qu'il faut peut-être maintenir les synergies ; on ne peut pas toujours nationaliser les pertes et laisser partir les bénéfices. C'est quand même la tendance naturelle du capitalisme. C'est à nous de dire que nous ne sommes pas d'accord et c'est peut-être aussi à nous de préciser qu'il y a des choses qui sont des nécessités pour l'ensemble des citoyens et qu'il appartient à l'Etat de les mettre à la disposition de tous et de la même façon. Je ne suis pas attaché à la nationalisation, à la collectivisation, à l'étatisation..."
L'Etat n'a pas forcément vocation à être actionnaire...
- "Pour les histoires d'être actionnaire, pardonnez-moi, mais les salariés qui s'imaginent qu'ils vont être plus importants et qu'ils vont pouvoir déterminer plus les choses, parce qu'ils sont actionnaires dans leur entreprise, marchent sur la tête ! Cela ne marche jamais. Si vous voulez jouer au petit capitaliste, faites-vous payer très cher par France Télévision et ensuite, allez prendre des actions !"
C'est une hypothèse qui...
- "... qui n'existe pas parce qu'ici aussi on a des problèmes de salaire ?"
C'est un autre débat ! Hier, le Medef a envoyé une lettre à tous les partenaires sociaux, vous avez répondu favorablement et vous avez dit "Formidable, le dialogue social, je suis pour".
- "Pourquoi vous dites "formidable" ? Après, monsieur Seillière va dire que ce n'est pas ce qu'il a écrit... Qu'on se comprenne bien : je réclame depuis X temps des négociations sur la sous-traitance, sur la sécurité au travail, sur la sécurité industrielle, sur le télé-travail... Sur tous les sujets contemporains ou d'actualité comme AZF - je vous signale que cela va faire un an. Le Medef ne répondait pas, il était fâché, je ne sais pas pourquoi, mais peu importe. Ceci étant, je crois que c'est une façon de répondre à ma demande de négociation par branche, notamment des grilles de salaire qui, bien entendu, découleront du Smic. Et si c'est cela, on peut peut-être reprendre une négociation ou alors c'est une opération de bluff, une opération de communication parce que le Medef va bientôt avoir son congrès et que monsieur Seillière, étant à nouveau candidat, il faut peut-être qu'il se redonne une image de contractant. Il me semblait très satisfait des décisions prises par l'Etat, contrairement à ce qu'il disait."
Vous sembliez vous aussi assez satisfait de vos premières rencontres avec le gouvernement Raffarin ; vous aviez dit que vous le trouviez ouvert, qu'il y avait une volonté de dialogue social. Diriez-vous toujours cela aujourd'hui ?
- "Il y a eu une petite confusion. C'est vrai que - et même encore maintenant - nous discutons assez volontiers avec le Gouvernement. Mais où il a fait une petite erreur d'appréciation, c'est que le dialogue social, ce n'est pas avec lui que nous l'avons, c'est avec le Medef. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir ce que vont faire la CGPME et l'UPA - parce que les patrons, ce n'est pas que le Medef -, savoir s'ils vont accepter la discussion et si de ce fait, monsieur Raffarin va être, d'une certaine façon, un peu dégagé, et que nous allons avoir des discussions très serrées avec le patronat."
Sur le nombre des fonctionnaires, c'est avec le Gouvernement que vous allez discuter : 58.000 départs à la retraite cette année et "seulement" - entre guillemets - 1.600 ne sont pas remplacés. C'est raisonnable ?
- "1.639, au moins dans le budget ? Mais cela ne veut pas dire grand-chose. Ils déclarent aussi qu'ils vont supprimer 5.000 surveillants dans les lycées et collèges. Qu'allons-nous faire s'il n'y a plus les pions ? On en a besoin ! Les gens parlent de sécurité dans les lycées et collèges, mais on ne va pas demander à monsieur Sarkozy de nous donner des gens ! Cela veut donc dire qu'il y avoir des petits caïds. Il serait bon qu'on embauche de manière contractuelle."
(source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 17 septembre 2002)
F. Laborde.- La loi Fillon qui sera présentée demain au Conseil des ministres, prévoit un assouplissement des 35 heures et une augmentation du Smic, avec des dispositions - mais c'est vous qui allez nous le dire - finalement plutôt favorables au patronat ?
- "Cela dépend. Pour ce qui concerne, le Smic, il s'agit d'une augmentation d'une partie du Smic. Il y avait six références et en 2005, il n'y aura plus qu'une seule référence. Ce qui veut dire qu'une partie des gens qui sera payée au Smic verra en trois ans le Smic revalorisé de 11,44 %. C'est pour 40 % de ceux qui sont payés au Smic. Il faut rendre à César ce qui appartient à César : c'est le Gouvernement précédent qui l'avait décidé, c'est la loi de Mme Aubry et c'est une décision du Conseil d'Etat ; il fallait que ce soit fait pour 2005. MM. Raffarin et Fillon ont tenu parole, ils appliquent, c'est bien. Ceci étant, cela ne veut pas dire que les gens payés au Smic vont tous voir leur salaire augmenter de 11,44 %. Cela veut dire qu'en 2003, nous demanderons certainement un coup de pouce en juillet pour le Smic. Et ce n'est pas un problème de salaire ; le problème des salaires, c'est tout autre chose. Le deuxième problème, celui des 35 heures : là, occasion ratée - depuis hier, j'ai une petite hésitation... Mais nous avions demandé à monsieur Fillon que dans le cadre des 35 heures, nous discutions non pas de l'assouplissement, mais de donner de la respiration aux PME, pour qu'elles puissent satisfaire les besoins de production et surtout - c'est le domaine le plus important, au moins pour moi - pour éviter les paiements de la main à la main. Parce que quand on fait des heures supplémentaires dans les petites boites et qu'on n'a pas le droit, on les paie de la main à la main et ce n'est pas bon. Pour mettre la réalité entre la loi et l'application de cette loi, nous disions "discutons branche par branche en fonction des besoins, discutons pour essayer de donner un volant d'heures supplémentaires". La réponse de monsieur Fillon : "on donne 180 heures pour tout le monde"."
Avec une prime de 10 % et non pas de 25 %...
- "Ca, c'est autre chose. Ce n'est pas une "prime", c'est la revalorisation, c'est le prix que l'on donne pour les heures "sup". C'est en contradiction avec les grandes déclarations de la campagne électorale, qui disaient qu'on allait faire des heures supplémentaires pour gagner plus d'argent, etc... Et vous voyez ce que cela donne : 10 % ! Les gars ne vont pas vouloir les faire pour ça ! Mais ce n'est pas ça le problème ; le problème, c'est qu'on avait l'occasion de discuter secteur par secteur, branche par branche, et on a pris une décision globale de 180 heures. Ca tue la négociation. J'avais pesé, justement, pour il y ait des négociations par branche."
Vous aviez dit que sur le Smic et les 35 heures, que "les Français n'iraient pas défiler dans les rues"...
- "Oui, bien sûr, c'est être réaliste. Je sais très bien que les gens peuvent se battre pour la retraite, pour la Sécurité sociale, pour les salaires mais - c'est malheureux mais c'est comme cela - je ne vais pas faire sortir ou faire des manifestations ou des grèves pour les gens qui gagnent au dessus du Smic. Quand il s'agit du Smic, la solidarité n'est pas développée jusqu'à ce point, malheureusement."
Et les manifestations prévues le 3 octobre ?
- "Le 3 octobre, l'initiative revient à EDF : c'est contre la privatisation et l'ouverture du capital d'EDF. Il faut, à mon avis, garder ce caractère, même si des gens de France Télécom, de la SNCF, d'Air France, tous ceux qui se sentent menacés par la privatisation, veulent s'y joindre. Je pense qu'il faut rester à ce niveau : laisser la spécificité à EDF. Il faut peut-être aller en délégations, pour dire qu'il y a une préoccupation identique partout où on privatise..."
Est-ce que ce n'est pas partout où on privatise "mal" ? Un des handicaps de France Télécom réside dans le fait que ce n'était pas tout à fait privé ni tout à fait public. Est-ce que cette spécificité française n'est pas handicapante pour les entreprises ?
- "Le handicap en question "pas tout à fait privé, pas tout à fait public", va me servir, parce que j'ai à peu près la garantie que mes camarades de France Télécom, qui sont fonctionnaires, vont garder leur emploi. Je ne suis pas du tout sûr que les contractuels vont garder leur emploi dans les mois qui viennent. Il faut quand même regarder cela. Il faut aussi voir qu'il faut peut-être maintenir les synergies ; on ne peut pas toujours nationaliser les pertes et laisser partir les bénéfices. C'est quand même la tendance naturelle du capitalisme. C'est à nous de dire que nous ne sommes pas d'accord et c'est peut-être aussi à nous de préciser qu'il y a des choses qui sont des nécessités pour l'ensemble des citoyens et qu'il appartient à l'Etat de les mettre à la disposition de tous et de la même façon. Je ne suis pas attaché à la nationalisation, à la collectivisation, à l'étatisation..."
L'Etat n'a pas forcément vocation à être actionnaire...
- "Pour les histoires d'être actionnaire, pardonnez-moi, mais les salariés qui s'imaginent qu'ils vont être plus importants et qu'ils vont pouvoir déterminer plus les choses, parce qu'ils sont actionnaires dans leur entreprise, marchent sur la tête ! Cela ne marche jamais. Si vous voulez jouer au petit capitaliste, faites-vous payer très cher par France Télévision et ensuite, allez prendre des actions !"
C'est une hypothèse qui...
- "... qui n'existe pas parce qu'ici aussi on a des problèmes de salaire ?"
C'est un autre débat ! Hier, le Medef a envoyé une lettre à tous les partenaires sociaux, vous avez répondu favorablement et vous avez dit "Formidable, le dialogue social, je suis pour".
- "Pourquoi vous dites "formidable" ? Après, monsieur Seillière va dire que ce n'est pas ce qu'il a écrit... Qu'on se comprenne bien : je réclame depuis X temps des négociations sur la sous-traitance, sur la sécurité au travail, sur la sécurité industrielle, sur le télé-travail... Sur tous les sujets contemporains ou d'actualité comme AZF - je vous signale que cela va faire un an. Le Medef ne répondait pas, il était fâché, je ne sais pas pourquoi, mais peu importe. Ceci étant, je crois que c'est une façon de répondre à ma demande de négociation par branche, notamment des grilles de salaire qui, bien entendu, découleront du Smic. Et si c'est cela, on peut peut-être reprendre une négociation ou alors c'est une opération de bluff, une opération de communication parce que le Medef va bientôt avoir son congrès et que monsieur Seillière, étant à nouveau candidat, il faut peut-être qu'il se redonne une image de contractant. Il me semblait très satisfait des décisions prises par l'Etat, contrairement à ce qu'il disait."
Vous sembliez vous aussi assez satisfait de vos premières rencontres avec le gouvernement Raffarin ; vous aviez dit que vous le trouviez ouvert, qu'il y avait une volonté de dialogue social. Diriez-vous toujours cela aujourd'hui ?
- "Il y a eu une petite confusion. C'est vrai que - et même encore maintenant - nous discutons assez volontiers avec le Gouvernement. Mais où il a fait une petite erreur d'appréciation, c'est que le dialogue social, ce n'est pas avec lui que nous l'avons, c'est avec le Medef. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir ce que vont faire la CGPME et l'UPA - parce que les patrons, ce n'est pas que le Medef -, savoir s'ils vont accepter la discussion et si de ce fait, monsieur Raffarin va être, d'une certaine façon, un peu dégagé, et que nous allons avoir des discussions très serrées avec le patronat."
Sur le nombre des fonctionnaires, c'est avec le Gouvernement que vous allez discuter : 58.000 départs à la retraite cette année et "seulement" - entre guillemets - 1.600 ne sont pas remplacés. C'est raisonnable ?
- "1.639, au moins dans le budget ? Mais cela ne veut pas dire grand-chose. Ils déclarent aussi qu'ils vont supprimer 5.000 surveillants dans les lycées et collèges. Qu'allons-nous faire s'il n'y a plus les pions ? On en a besoin ! Les gens parlent de sécurité dans les lycées et collèges, mais on ne va pas demander à monsieur Sarkozy de nous donner des gens ! Cela veut donc dire qu'il y avoir des petits caïds. Il serait bon qu'on embauche de manière contractuelle."
(source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 17 septembre 2002)
- "Cela dépend. Pour ce qui concerne, le Smic, il s'agit d'une augmentation d'une partie du Smic. Il y avait six références et en 2005, il n'y aura plus qu'une seule référence. Ce qui veut dire qu'une partie des gens qui sera payée au Smic verra en trois ans le Smic revalorisé de 11,44 %. C'est pour 40 % de ceux qui sont payés au Smic. Il faut rendre à César ce qui appartient à César : c'est le Gouvernement précédent qui l'avait décidé, c'est la loi de Mme Aubry et c'est une décision du Conseil d'Etat ; il fallait que ce soit fait pour 2005. MM. Raffarin et Fillon ont tenu parole, ils appliquent, c'est bien. Ceci étant, cela ne veut pas dire que les gens payés au Smic vont tous voir leur salaire augmenter de 11,44 %. Cela veut dire qu'en 2003, nous demanderons certainement un coup de pouce en juillet pour le Smic. Et ce n'est pas un problème de salaire ; le problème des salaires, c'est tout autre chose. Le deuxième problème, celui des 35 heures : là, occasion ratée - depuis hier, j'ai une petite hésitation... Mais nous avions demandé à monsieur Fillon que dans le cadre des 35 heures, nous discutions non pas de l'assouplissement, mais de donner de la respiration aux PME, pour qu'elles puissent satisfaire les besoins de production et surtout - c'est le domaine le plus important, au moins pour moi - pour éviter les paiements de la main à la main. Parce que quand on fait des heures supplémentaires dans les petites boites et qu'on n'a pas le droit, on les paie de la main à la main et ce n'est pas bon. Pour mettre la réalité entre la loi et l'application de cette loi, nous disions "discutons branche par branche en fonction des besoins, discutons pour essayer de donner un volant d'heures supplémentaires". La réponse de monsieur Fillon : "on donne 180 heures pour tout le monde"."
Avec une prime de 10 % et non pas de 25 %...
- "Ca, c'est autre chose. Ce n'est pas une "prime", c'est la revalorisation, c'est le prix que l'on donne pour les heures "sup". C'est en contradiction avec les grandes déclarations de la campagne électorale, qui disaient qu'on allait faire des heures supplémentaires pour gagner plus d'argent, etc... Et vous voyez ce que cela donne : 10 % ! Les gars ne vont pas vouloir les faire pour ça ! Mais ce n'est pas ça le problème ; le problème, c'est qu'on avait l'occasion de discuter secteur par secteur, branche par branche, et on a pris une décision globale de 180 heures. Ca tue la négociation. J'avais pesé, justement, pour il y ait des négociations par branche."
Vous aviez dit que sur le Smic et les 35 heures, que "les Français n'iraient pas défiler dans les rues"...
- "Oui, bien sûr, c'est être réaliste. Je sais très bien que les gens peuvent se battre pour la retraite, pour la Sécurité sociale, pour les salaires mais - c'est malheureux mais c'est comme cela - je ne vais pas faire sortir ou faire des manifestations ou des grèves pour les gens qui gagnent au dessus du Smic. Quand il s'agit du Smic, la solidarité n'est pas développée jusqu'à ce point, malheureusement."
Et les manifestations prévues le 3 octobre ?
- "Le 3 octobre, l'initiative revient à EDF : c'est contre la privatisation et l'ouverture du capital d'EDF. Il faut, à mon avis, garder ce caractère, même si des gens de France Télécom, de la SNCF, d'Air France, tous ceux qui se sentent menacés par la privatisation, veulent s'y joindre. Je pense qu'il faut rester à ce niveau : laisser la spécificité à EDF. Il faut peut-être aller en délégations, pour dire qu'il y a une préoccupation identique partout où on privatise..."
Est-ce que ce n'est pas partout où on privatise "mal" ? Un des handicaps de France Télécom réside dans le fait que ce n'était pas tout à fait privé ni tout à fait public. Est-ce que cette spécificité française n'est pas handicapante pour les entreprises ?
- "Le handicap en question "pas tout à fait privé, pas tout à fait public", va me servir, parce que j'ai à peu près la garantie que mes camarades de France Télécom, qui sont fonctionnaires, vont garder leur emploi. Je ne suis pas du tout sûr que les contractuels vont garder leur emploi dans les mois qui viennent. Il faut quand même regarder cela. Il faut aussi voir qu'il faut peut-être maintenir les synergies ; on ne peut pas toujours nationaliser les pertes et laisser partir les bénéfices. C'est quand même la tendance naturelle du capitalisme. C'est à nous de dire que nous ne sommes pas d'accord et c'est peut-être aussi à nous de préciser qu'il y a des choses qui sont des nécessités pour l'ensemble des citoyens et qu'il appartient à l'Etat de les mettre à la disposition de tous et de la même façon. Je ne suis pas attaché à la nationalisation, à la collectivisation, à l'étatisation..."
L'Etat n'a pas forcément vocation à être actionnaire...
- "Pour les histoires d'être actionnaire, pardonnez-moi, mais les salariés qui s'imaginent qu'ils vont être plus importants et qu'ils vont pouvoir déterminer plus les choses, parce qu'ils sont actionnaires dans leur entreprise, marchent sur la tête ! Cela ne marche jamais. Si vous voulez jouer au petit capitaliste, faites-vous payer très cher par France Télévision et ensuite, allez prendre des actions !"
C'est une hypothèse qui...
- "... qui n'existe pas parce qu'ici aussi on a des problèmes de salaire ?"
C'est un autre débat ! Hier, le Medef a envoyé une lettre à tous les partenaires sociaux, vous avez répondu favorablement et vous avez dit "Formidable, le dialogue social, je suis pour".
- "Pourquoi vous dites "formidable" ? Après, monsieur Seillière va dire que ce n'est pas ce qu'il a écrit... Qu'on se comprenne bien : je réclame depuis X temps des négociations sur la sous-traitance, sur la sécurité au travail, sur la sécurité industrielle, sur le télé-travail... Sur tous les sujets contemporains ou d'actualité comme AZF - je vous signale que cela va faire un an. Le Medef ne répondait pas, il était fâché, je ne sais pas pourquoi, mais peu importe. Ceci étant, je crois que c'est une façon de répondre à ma demande de négociation par branche, notamment des grilles de salaire qui, bien entendu, découleront du Smic. Et si c'est cela, on peut peut-être reprendre une négociation ou alors c'est une opération de bluff, une opération de communication parce que le Medef va bientôt avoir son congrès et que monsieur Seillière, étant à nouveau candidat, il faut peut-être qu'il se redonne une image de contractant. Il me semblait très satisfait des décisions prises par l'Etat, contrairement à ce qu'il disait."
Vous sembliez vous aussi assez satisfait de vos premières rencontres avec le gouvernement Raffarin ; vous aviez dit que vous le trouviez ouvert, qu'il y avait une volonté de dialogue social. Diriez-vous toujours cela aujourd'hui ?
- "Il y a eu une petite confusion. C'est vrai que - et même encore maintenant - nous discutons assez volontiers avec le Gouvernement. Mais où il a fait une petite erreur d'appréciation, c'est que le dialogue social, ce n'est pas avec lui que nous l'avons, c'est avec le Medef. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir ce que vont faire la CGPME et l'UPA - parce que les patrons, ce n'est pas que le Medef -, savoir s'ils vont accepter la discussion et si de ce fait, monsieur Raffarin va être, d'une certaine façon, un peu dégagé, et que nous allons avoir des discussions très serrées avec le patronat."
Sur le nombre des fonctionnaires, c'est avec le Gouvernement que vous allez discuter : 58.000 départs à la retraite cette année et "seulement" - entre guillemets - 1.600 ne sont pas remplacés. C'est raisonnable ?
- "1.639, au moins dans le budget ? Mais cela ne veut pas dire grand-chose. Ils déclarent aussi qu'ils vont supprimer 5.000 surveillants dans les lycées et collèges. Qu'allons-nous faire s'il n'y a plus les pions ? On en a besoin ! Les gens parlent de sécurité dans les lycées et collèges, mais on ne va pas demander à monsieur Sarkozy de nous donner des gens ! Cela veut donc dire qu'il y avoir des petits caïds. Il serait bon qu'on embauche de manière contractuelle."
(source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 17 septembre 2002)
F. Laborde.- La loi Fillon qui sera présentée demain au Conseil des ministres, prévoit un assouplissement des 35 heures et une augmentation du Smic, avec des dispositions - mais c'est vous qui allez nous le dire - finalement plutôt favorables au patronat ?
- "Cela dépend. Pour ce qui concerne, le Smic, il s'agit d'une augmentation d'une partie du Smic. Il y avait six références et en 2005, il n'y aura plus qu'une seule référence. Ce qui veut dire qu'une partie des gens qui sera payée au Smic verra en trois ans le Smic revalorisé de 11,44 %. C'est pour 40 % de ceux qui sont payés au Smic. Il faut rendre à César ce qui appartient à César : c'est le Gouvernement précédent qui l'avait décidé, c'est la loi de Mme Aubry et c'est une décision du Conseil d'Etat ; il fallait que ce soit fait pour 2005. MM. Raffarin et Fillon ont tenu parole, ils appliquent, c'est bien. Ceci étant, cela ne veut pas dire que les gens payés au Smic vont tous voir leur salaire augmenter de 11,44 %. Cela veut dire qu'en 2003, nous demanderons certainement un coup de pouce en juillet pour le Smic. Et ce n'est pas un problème de salaire ; le problème des salaires, c'est tout autre chose. Le deuxième problème, celui des 35 heures : là, occasion ratée - depuis hier, j'ai une petite hésitation... Mais nous avions demandé à monsieur Fillon que dans le cadre des 35 heures, nous discutions non pas de l'assouplissement, mais de donner de la respiration aux PME, pour qu'elles puissent satisfaire les besoins de production et surtout - c'est le domaine le plus important, au moins pour moi - pour éviter les paiements de la main à la main. Parce que quand on fait des heures supplémentaires dans les petites boites et qu'on n'a pas le droit, on les paie de la main à la main et ce n'est pas bon. Pour mettre la réalité entre la loi et l'application de cette loi, nous disions "discutons branche par branche en fonction des besoins, discutons pour essayer de donner un volant d'heures supplémentaires". La réponse de monsieur Fillon : "on donne 180 heures pour tout le monde"."
Avec une prime de 10 % et non pas de 25 %...
- "Ca, c'est autre chose. Ce n'est pas une "prime", c'est la revalorisation, c'est le prix que l'on donne pour les heures "sup". C'est en contradiction avec les grandes déclarations de la campagne électorale, qui disaient qu'on allait faire des heures supplémentaires pour gagner plus d'argent, etc... Et vous voyez ce que cela donne : 10 % ! Les gars ne vont pas vouloir les faire pour ça ! Mais ce n'est pas ça le problème ; le problème, c'est qu'on avait l'occasion de discuter secteur par secteur, branche par branche, et on a pris une décision globale de 180 heures. Ca tue la négociation. J'avais pesé, justement, pour il y ait des négociations par branche."
Vous aviez dit que sur le Smic et les 35 heures, que "les Français n'iraient pas défiler dans les rues"...
- "Oui, bien sûr, c'est être réaliste. Je sais très bien que les gens peuvent se battre pour la retraite, pour la Sécurité sociale, pour les salaires mais - c'est malheureux mais c'est comme cela - je ne vais pas faire sortir ou faire des manifestations ou des grèves pour les gens qui gagnent au dessus du Smic. Quand il s'agit du Smic, la solidarité n'est pas développée jusqu'à ce point, malheureusement."
Et les manifestations prévues le 3 octobre ?
- "Le 3 octobre, l'initiative revient à EDF : c'est contre la privatisation et l'ouverture du capital d'EDF. Il faut, à mon avis, garder ce caractère, même si des gens de France Télécom, de la SNCF, d'Air France, tous ceux qui se sentent menacés par la privatisation, veulent s'y joindre. Je pense qu'il faut rester à ce niveau : laisser la spécificité à EDF. Il faut peut-être aller en délégations, pour dire qu'il y a une préoccupation identique partout où on privatise..."
Est-ce que ce n'est pas partout où on privatise "mal" ? Un des handicaps de France Télécom réside dans le fait que ce n'était pas tout à fait privé ni tout à fait public. Est-ce que cette spécificité française n'est pas handicapante pour les entreprises ?
- "Le handicap en question "pas tout à fait privé, pas tout à fait public", va me servir, parce que j'ai à peu près la garantie que mes camarades de France Télécom, qui sont fonctionnaires, vont garder leur emploi. Je ne suis pas du tout sûr que les contractuels vont garder leur emploi dans les mois qui viennent. Il faut quand même regarder cela. Il faut aussi voir qu'il faut peut-être maintenir les synergies ; on ne peut pas toujours nationaliser les pertes et laisser partir les bénéfices. C'est quand même la tendance naturelle du capitalisme. C'est à nous de dire que nous ne sommes pas d'accord et c'est peut-être aussi à nous de préciser qu'il y a des choses qui sont des nécessités pour l'ensemble des citoyens et qu'il appartient à l'Etat de les mettre à la disposition de tous et de la même façon. Je ne suis pas attaché à la nationalisation, à la collectivisation, à l'étatisation..."
L'Etat n'a pas forcément vocation à être actionnaire...
- "Pour les histoires d'être actionnaire, pardonnez-moi, mais les salariés qui s'imaginent qu'ils vont être plus importants et qu'ils vont pouvoir déterminer plus les choses, parce qu'ils sont actionnaires dans leur entreprise, marchent sur la tête ! Cela ne marche jamais. Si vous voulez jouer au petit capitaliste, faites-vous payer très cher par France Télévision et ensuite, allez prendre des actions !"
C'est une hypothèse qui...
- "... qui n'existe pas parce qu'ici aussi on a des problèmes de salaire ?"
C'est un autre débat ! Hier, le Medef a envoyé une lettre à tous les partenaires sociaux, vous avez répondu favorablement et vous avez dit "Formidable, le dialogue social, je suis pour".
- "Pourquoi vous dites "formidable" ? Après, monsieur Seillière va dire que ce n'est pas ce qu'il a écrit... Qu'on se comprenne bien : je réclame depuis X temps des négociations sur la sous-traitance, sur la sécurité au travail, sur la sécurité industrielle, sur le télé-travail... Sur tous les sujets contemporains ou d'actualité comme AZF - je vous signale que cela va faire un an. Le Medef ne répondait pas, il était fâché, je ne sais pas pourquoi, mais peu importe. Ceci étant, je crois que c'est une façon de répondre à ma demande de négociation par branche, notamment des grilles de salaire qui, bien entendu, découleront du Smic. Et si c'est cela, on peut peut-être reprendre une négociation ou alors c'est une opération de bluff, une opération de communication parce que le Medef va bientôt avoir son congrès et que monsieur Seillière, étant à nouveau candidat, il faut peut-être qu'il se redonne une image de contractant. Il me semblait très satisfait des décisions prises par l'Etat, contrairement à ce qu'il disait."
Vous sembliez vous aussi assez satisfait de vos premières rencontres avec le gouvernement Raffarin ; vous aviez dit que vous le trouviez ouvert, qu'il y avait une volonté de dialogue social. Diriez-vous toujours cela aujourd'hui ?
- "Il y a eu une petite confusion. C'est vrai que - et même encore maintenant - nous discutons assez volontiers avec le Gouvernement. Mais où il a fait une petite erreur d'appréciation, c'est que le dialogue social, ce n'est pas avec lui que nous l'avons, c'est avec le Medef. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir ce que vont faire la CGPME et l'UPA - parce que les patrons, ce n'est pas que le Medef -, savoir s'ils vont accepter la discussion et si de ce fait, monsieur Raffarin va être, d'une certaine façon, un peu dégagé, et que nous allons avoir des discussions très serrées avec le patronat."
Sur le nombre des fonctionnaires, c'est avec le Gouvernement que vous allez discuter : 58.000 départs à la retraite cette année et "seulement" - entre guillemets - 1.600 ne sont pas remplacés. C'est raisonnable ?
- "1.639, au moins dans le budget ? Mais cela ne veut pas dire grand-chose. Ils déclarent aussi qu'ils vont supprimer 5.000 surveillants dans les lycées et collèges. Qu'allons-nous faire s'il n'y a plus les pions ? On en a besoin ! Les gens parlent de sécurité dans les lycées et collèges, mais on ne va pas demander à monsieur Sarkozy de nous donner des gens ! Cela veut donc dire qu'il y avoir des petits caïds. Il serait bon qu'on embauche de manière contractuelle."
(source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 17 septembre 2002)