Texte intégral
Q - Fini la cohabitation, vous plaidez aujourd'hui pour une "diplomatie du mouvement et de l'action". De quoi s'agit-il ?
R - Le domaine de la politique étrangère est celui où la cohabitation a le mieux fonctionné car la France a eu à coeur, le gouvernement avec le président, de parler d'une seule voix. Ce qui change, c'est qu'on peut désormais non seulement parler d'une seule voix, mais agir d'une seule volonté. La capacité d'initiative, de synergie, d'impulsion s'en trouve renforcée.
Mais il y a surtout, ce qui est plus important, un temps nouveau de l'histoire du monde. Le coup de tonnerre du 11septembre oblige les diplomaties à agir plus vite. Nous sommes face à un impératif de mouvement, nous ne pouvons pas nous satisfaire de l'ordre naturel des choses, qui est dangereux.
On a pendant des décennies qualifié de "régionaux" des conflits aussi graves que ceux du Moyen-Orient, des Balkans ou de l'Afghanistan. Aujourd'hui, on ne peut plus s'en accommoder ; ils ont une capacité à s'envenimer, à compliquer le fonctionnement du monde. L'avenir de notre peuple se joue au-delà de nos frontières. Il y a urgence et je le dis à tous nos diplomates : leur arme ne doit plus être tant le crayon que la montre.
Q - Vous souhaitez relancer les relations avec Washington. Récusez-vous les expressions de votre prédécesseur sur l'"hyperpuissance américaine", le "simplisme" de l'"axe du mal"?
R - Le monde est plus menacé aujourd'hui par le vertige du vide que par l'excès de la puissance. Le défi, c'est celui de l'organisation du monde: trouver des règles, des valeurs qui fondent notre action commune. Ce qui nous menace, ce n'est pas la puissance mais l'absence de règles et de repères, l'insuffisante responsabilité de la communauté internationale. Il est important que nous ayons une relation de confiance, de franchise, abrupte s'il le faut, avec les Etats-Unis. C'est la première chose que j'aie dite au secrétaire d'Etat Colin Powell, pour qui j'ai une grande estime.
Nous devons travailler ensemble. Nous devons trouver des solutions. C'est ce que nous avons fait, par exemple, à propos de la Cour pénale internationale. Les Etats-Unis souhaitaient protéger leurs forces au-delà des frontières; nous défendions notre vision d'un monde plus moral, plus éthique. Nous avons donc cherché et trouvé un compromis, respectueux du statut de la Cour, sans exception permanente ni universelle.
Q - Mais peut-on travailler avec un pays aussi marqué par l'unilatéralisme?
R - Il faut prendre en compte l'épreuve, le traumatisme que le 11septembre a été pour les Américains, brutalement confrontés à une vulnérabilité nouvelle sur leur territoire. D'où la priorité donnée aujourd'hui à leur sécurité, leur propre protection. Nous, Européens, avons une conviction: c'est qu'une politique de sécurité, seule, ne peut pas déboucher sur un nouvel ordre mondial pacifique et stable. Pour atteindre ces objectifs, il faut une volonté de paix, des initiatives politiques et des résultats qui recréent l'espoir, sans quoi l'obsession de la sécurité risque d'aboutir à plus d'insécurité. C'est l'expérience que nous avons acquise au terme de longs conflits en Europe. Nous voulons faire partager cette conviction, c'est ce que le monde attend de l'Europe et de la France. Le respect et le dialogue des cultures sont indispensables si l'on veut éviter les heurts entre les peuples et les civilisations.
Q - A propos de l'Iraq, êtes-vous comme l'administration Bush partisan d'une action "préventive"?
R - Il y a aujourd'hui dans le monde un double risque: le terrorisme et la prolifération d'armes nucléaires, chimiques, bactériologiques. L'Iraq pose un problème grave, celui du respect de l'ordre international. Bagdad serait bien inspiré de respecter les résolutions du Conseil de sécurité. Nous comprenons l'inquiétude qu'expriment les Américains. Pour sa part, la France souligne la nécessité de prendre en compte trois exigences: d'abord, l'exigence humanitaire vis-à-vis de la population irakienne; ensuite, celle de la sécurité de la région, qui exige le retour des inspecteurs; celle, enfin, de la stabilité, de l'unité de l'Iraq, qui est un élément important de la situation générale au Moyen-Orient.
Les négociations avec l'Iraq se poursuivent à Vienne. Il est important de maintenir le dialogue et une concertation étroite dans le cadre de l'ONU. Plus nous faisons pression sur le régime iraquien, plus nous avons le devoir d'avancer parallèlement sur la recherche de la paix au Proche-Orient.
Q - En l'état actuel, la France ne soutient pas une éventuelle opération militaire contre l'Iraq, sauf si elle avait le feu vert des Nations unies?
R - Aujourd'hui, la question ne se pose pas. Il n'y a pas de planification militaire arrêtée à Washington. Que le statu quo avec l'Iraq soit inacceptable, c'est évident. Des négociations sont ouvertes à Vienne, il faut continuer. Il faut faire pression sur l'Iraq, faire passer les messages par tous les canaux possibles.
Q - En quoi une conférence internationale sur le Proche-Orient, que réclame la France, pourrait-elle relancer le processus de paix?
R - L'impératif de sécurité est légitime mais ne peut, à lui seul, tenir lieu de stratégie. Nous cumulons aujourd'hui tous les risques. Notre inquiétude, partagée par tous les Européens, est qu'en l'absence d'initiatives politiques, la situation ne se détériore encore davantage dans les prochains mois. Il est donc impératif d'agir pour la relance du processus de paix. Dans cet esprit, nous adossons notre calendrier politique à la perspective d'élections en janvier dans les territoires palestiniens, ce qui suppose évidemment qu'Israël fasse sa part du chemin: on ne peut pas tenir des élections dans des territoires occupés par les forces israéliennes. Nous pensons qu'une conférence internationale pendant ce deuxième semestre, avec l'ensemble des pays concernés, pourrait y contribuer, dès lors qu'elle est soigneusement préparée à l'échelon des experts puis au niveau des ministres. Si nous ne le faisons pas, nous voyons bien ce qui se passe, semaine après semaine: c'est le terrorisme qui devient l'acteur principal et qui prend toute la région en otage. La communauté internationale veut-elle voir régresser la menace terroriste? Alors, il faut prendre le risque de la paix, il faut créer un Etat palestinien sur la base solide que constituent les résolutions 242 et 338 des Nations unies et les principes agréés à Madrid et à Oslo: la terre contre la paix. Cet Etat palestinien pourra disposer des moyens lui permettant d'assumer ses responsabilités sur son territoire dans le cadre d'un système garanti par la communauté internationale.
Q - Il faudrait que les Etats-Unis, eux aussi, se mettent en mouvement sur le sujet.
R - La communauté internationale dans son ensemble doit aujourd'hui se mobiliser: les Etats, les peuples, les organisations non gouvernementales, les individus, toutes les consciences. Tout cela peut créer un mouvement. Le principe de réalité s'applique à tous, et je suis convaincu qu'il s'imposera.
Q - Une interrogation s'exprime dans plusieurs pays sur les intentions européennes du président de la République. Les sujets de contentieux s'accumulent: déficits publics, réforme de la pêche, de la PAC, baisse de la TVA sur la restauration, question de Kaliningrad, etc.
R - Qu'il y ait des sujets difficiles, c'est un fait. Que nous soyons là pour les résoudre, c'est évident. Qu'il faille inscrire ces difficultés dans un nouveau souffle européen, c'est ma conviction. Mon premier déplacement a été pour rencontrer Joschka Fischer en Allemagne : c'était clairement marquer qu'à nos yeux, le couple franco-allemand forme le moteur de l'Europe. Nous nous retrouvons mardi à Schwerin et voulons préparer le 40e anniversaire du traité de l'Elysée. Ce sera l'occasion, comme l'a souhaité le président de la République, d'adopter entre les deux pays un pacte refondateur.
Nous sommes riches, avec les Allemands, de nos différences. Nous avons vocation à les surmonter et nous avons aujourd'hui une occasion historique de le faire avec l'élargissement et la perspective d'une entrée en 2004 de nouveaux membres. Parallèlement, la Convention pour l'avenir de l'Europe a pour vocation d'adapter les institutions européennes, de les faire fonctionner à 25 ou 27 plus efficacement. Enfin, il faut poursuivre dans la voie d'une véritable Europe de la défense. Bref, nous avons besoin d'une Europe forte pour défendre nos intérêts et promouvoir nos valeurs.
Nous avons un certain nombre d'idées; par exemple, donner à l'Europe un président du Conseil qui aurait devant lui trois ou quatre ans, sachant que les présidences tournantes actuelles ne donnent pas la durée nécessaire à l'action. Nous sommes convaincus qu'il faut parvenir à un nouvel équilibre avec un Conseil et une Commission renforcés. Ne peut-on faire en sorte que l'Europe évolue sans s'enfermer dans les débats théologiques entre fédéralisme et modèle intergouvernemental ? Il faut être imaginatif, en commençant par bâtir une vision globale de l'avenir de l'Europe.
Q - Mais comment surmonter les désaccords avec les Allemands sur la PAC et sur la réforme des institutions?
R - Précisément à partir de cette vision globale et en respectant les engagements pris. Il a été décidé lors du Conseil de Berlin que la réforme de la PAC interviendrait en 2006 ; il faut respecter ce calendrier. Nous sommes prêts à discuter de l'ensemble de ces questions de façon informelle avec les Allemands. Nous voulons être capables de faire des propositions en commun sur tous ces grands dossiers.
Q - A propos de Kaliningrad, le président de la République a pris une position allant à l'encontre de la décision qui avait été arrêtée par l'Union européenne sur les visas.
R - Non. Le président dit qu'il faut trouver une solution. Il est clair que cette affaire de Kaliningrad pèse lourd dans la vie politique russe. Quant à nous, Européens, nous avons à tenir compte de deux principes: celui de la libre circulation des ressortissants russes entre Kaliningrad et le territoire russe, et celui de la défense de l'acquis de Schengen. A partir de là, il faut trouver une solution satisfaisante et qui n'humilie pas les Russes.
Q - Est-ce qu'à force de ne pas vouloir humilier les Russes on n'accepte pas l'inacceptable, c'est-à-dire la guerre en Tchétchénie?
R - Il ne faut pas caricaturer la position française. J'étais à Moscou; j'ai parlé avec mes interlocuteurs russes de la Tchétchénie. Le président de la République en a parlé avec Vladimir Poutine. Il ne saurait y avoir de solution pour la Tchétchénie que politique, et nous le disons.
Q - En Afrique, c'est le retour de la France?
R - Il y a une relation très profonde de confiance, d'amitié et de solidarité entre la France et l'Afrique qui doit prendre la forme d'un véritable partenariat. Nous considérons qu'il est de notre responsabilité de contribuer au règlement des conflits sur ce continent. Et puis, le président de la République l'a dit, le premier ministre l'a confirmé dans ses arbitrages budgétaires: il faut consacrer un effort supplémentaire important en faveur de l'aide publique au développement. Nous voulons accompagner nos amis africains sur le chemin de la modernisation et de la démocratie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 juillet 2002)
R - Le domaine de la politique étrangère est celui où la cohabitation a le mieux fonctionné car la France a eu à coeur, le gouvernement avec le président, de parler d'une seule voix. Ce qui change, c'est qu'on peut désormais non seulement parler d'une seule voix, mais agir d'une seule volonté. La capacité d'initiative, de synergie, d'impulsion s'en trouve renforcée.
Mais il y a surtout, ce qui est plus important, un temps nouveau de l'histoire du monde. Le coup de tonnerre du 11septembre oblige les diplomaties à agir plus vite. Nous sommes face à un impératif de mouvement, nous ne pouvons pas nous satisfaire de l'ordre naturel des choses, qui est dangereux.
On a pendant des décennies qualifié de "régionaux" des conflits aussi graves que ceux du Moyen-Orient, des Balkans ou de l'Afghanistan. Aujourd'hui, on ne peut plus s'en accommoder ; ils ont une capacité à s'envenimer, à compliquer le fonctionnement du monde. L'avenir de notre peuple se joue au-delà de nos frontières. Il y a urgence et je le dis à tous nos diplomates : leur arme ne doit plus être tant le crayon que la montre.
Q - Vous souhaitez relancer les relations avec Washington. Récusez-vous les expressions de votre prédécesseur sur l'"hyperpuissance américaine", le "simplisme" de l'"axe du mal"?
R - Le monde est plus menacé aujourd'hui par le vertige du vide que par l'excès de la puissance. Le défi, c'est celui de l'organisation du monde: trouver des règles, des valeurs qui fondent notre action commune. Ce qui nous menace, ce n'est pas la puissance mais l'absence de règles et de repères, l'insuffisante responsabilité de la communauté internationale. Il est important que nous ayons une relation de confiance, de franchise, abrupte s'il le faut, avec les Etats-Unis. C'est la première chose que j'aie dite au secrétaire d'Etat Colin Powell, pour qui j'ai une grande estime.
Nous devons travailler ensemble. Nous devons trouver des solutions. C'est ce que nous avons fait, par exemple, à propos de la Cour pénale internationale. Les Etats-Unis souhaitaient protéger leurs forces au-delà des frontières; nous défendions notre vision d'un monde plus moral, plus éthique. Nous avons donc cherché et trouvé un compromis, respectueux du statut de la Cour, sans exception permanente ni universelle.
Q - Mais peut-on travailler avec un pays aussi marqué par l'unilatéralisme?
R - Il faut prendre en compte l'épreuve, le traumatisme que le 11septembre a été pour les Américains, brutalement confrontés à une vulnérabilité nouvelle sur leur territoire. D'où la priorité donnée aujourd'hui à leur sécurité, leur propre protection. Nous, Européens, avons une conviction: c'est qu'une politique de sécurité, seule, ne peut pas déboucher sur un nouvel ordre mondial pacifique et stable. Pour atteindre ces objectifs, il faut une volonté de paix, des initiatives politiques et des résultats qui recréent l'espoir, sans quoi l'obsession de la sécurité risque d'aboutir à plus d'insécurité. C'est l'expérience que nous avons acquise au terme de longs conflits en Europe. Nous voulons faire partager cette conviction, c'est ce que le monde attend de l'Europe et de la France. Le respect et le dialogue des cultures sont indispensables si l'on veut éviter les heurts entre les peuples et les civilisations.
Q - A propos de l'Iraq, êtes-vous comme l'administration Bush partisan d'une action "préventive"?
R - Il y a aujourd'hui dans le monde un double risque: le terrorisme et la prolifération d'armes nucléaires, chimiques, bactériologiques. L'Iraq pose un problème grave, celui du respect de l'ordre international. Bagdad serait bien inspiré de respecter les résolutions du Conseil de sécurité. Nous comprenons l'inquiétude qu'expriment les Américains. Pour sa part, la France souligne la nécessité de prendre en compte trois exigences: d'abord, l'exigence humanitaire vis-à-vis de la population irakienne; ensuite, celle de la sécurité de la région, qui exige le retour des inspecteurs; celle, enfin, de la stabilité, de l'unité de l'Iraq, qui est un élément important de la situation générale au Moyen-Orient.
Les négociations avec l'Iraq se poursuivent à Vienne. Il est important de maintenir le dialogue et une concertation étroite dans le cadre de l'ONU. Plus nous faisons pression sur le régime iraquien, plus nous avons le devoir d'avancer parallèlement sur la recherche de la paix au Proche-Orient.
Q - En l'état actuel, la France ne soutient pas une éventuelle opération militaire contre l'Iraq, sauf si elle avait le feu vert des Nations unies?
R - Aujourd'hui, la question ne se pose pas. Il n'y a pas de planification militaire arrêtée à Washington. Que le statu quo avec l'Iraq soit inacceptable, c'est évident. Des négociations sont ouvertes à Vienne, il faut continuer. Il faut faire pression sur l'Iraq, faire passer les messages par tous les canaux possibles.
Q - En quoi une conférence internationale sur le Proche-Orient, que réclame la France, pourrait-elle relancer le processus de paix?
R - L'impératif de sécurité est légitime mais ne peut, à lui seul, tenir lieu de stratégie. Nous cumulons aujourd'hui tous les risques. Notre inquiétude, partagée par tous les Européens, est qu'en l'absence d'initiatives politiques, la situation ne se détériore encore davantage dans les prochains mois. Il est donc impératif d'agir pour la relance du processus de paix. Dans cet esprit, nous adossons notre calendrier politique à la perspective d'élections en janvier dans les territoires palestiniens, ce qui suppose évidemment qu'Israël fasse sa part du chemin: on ne peut pas tenir des élections dans des territoires occupés par les forces israéliennes. Nous pensons qu'une conférence internationale pendant ce deuxième semestre, avec l'ensemble des pays concernés, pourrait y contribuer, dès lors qu'elle est soigneusement préparée à l'échelon des experts puis au niveau des ministres. Si nous ne le faisons pas, nous voyons bien ce qui se passe, semaine après semaine: c'est le terrorisme qui devient l'acteur principal et qui prend toute la région en otage. La communauté internationale veut-elle voir régresser la menace terroriste? Alors, il faut prendre le risque de la paix, il faut créer un Etat palestinien sur la base solide que constituent les résolutions 242 et 338 des Nations unies et les principes agréés à Madrid et à Oslo: la terre contre la paix. Cet Etat palestinien pourra disposer des moyens lui permettant d'assumer ses responsabilités sur son territoire dans le cadre d'un système garanti par la communauté internationale.
Q - Il faudrait que les Etats-Unis, eux aussi, se mettent en mouvement sur le sujet.
R - La communauté internationale dans son ensemble doit aujourd'hui se mobiliser: les Etats, les peuples, les organisations non gouvernementales, les individus, toutes les consciences. Tout cela peut créer un mouvement. Le principe de réalité s'applique à tous, et je suis convaincu qu'il s'imposera.
Q - Une interrogation s'exprime dans plusieurs pays sur les intentions européennes du président de la République. Les sujets de contentieux s'accumulent: déficits publics, réforme de la pêche, de la PAC, baisse de la TVA sur la restauration, question de Kaliningrad, etc.
R - Qu'il y ait des sujets difficiles, c'est un fait. Que nous soyons là pour les résoudre, c'est évident. Qu'il faille inscrire ces difficultés dans un nouveau souffle européen, c'est ma conviction. Mon premier déplacement a été pour rencontrer Joschka Fischer en Allemagne : c'était clairement marquer qu'à nos yeux, le couple franco-allemand forme le moteur de l'Europe. Nous nous retrouvons mardi à Schwerin et voulons préparer le 40e anniversaire du traité de l'Elysée. Ce sera l'occasion, comme l'a souhaité le président de la République, d'adopter entre les deux pays un pacte refondateur.
Nous sommes riches, avec les Allemands, de nos différences. Nous avons vocation à les surmonter et nous avons aujourd'hui une occasion historique de le faire avec l'élargissement et la perspective d'une entrée en 2004 de nouveaux membres. Parallèlement, la Convention pour l'avenir de l'Europe a pour vocation d'adapter les institutions européennes, de les faire fonctionner à 25 ou 27 plus efficacement. Enfin, il faut poursuivre dans la voie d'une véritable Europe de la défense. Bref, nous avons besoin d'une Europe forte pour défendre nos intérêts et promouvoir nos valeurs.
Nous avons un certain nombre d'idées; par exemple, donner à l'Europe un président du Conseil qui aurait devant lui trois ou quatre ans, sachant que les présidences tournantes actuelles ne donnent pas la durée nécessaire à l'action. Nous sommes convaincus qu'il faut parvenir à un nouvel équilibre avec un Conseil et une Commission renforcés. Ne peut-on faire en sorte que l'Europe évolue sans s'enfermer dans les débats théologiques entre fédéralisme et modèle intergouvernemental ? Il faut être imaginatif, en commençant par bâtir une vision globale de l'avenir de l'Europe.
Q - Mais comment surmonter les désaccords avec les Allemands sur la PAC et sur la réforme des institutions?
R - Précisément à partir de cette vision globale et en respectant les engagements pris. Il a été décidé lors du Conseil de Berlin que la réforme de la PAC interviendrait en 2006 ; il faut respecter ce calendrier. Nous sommes prêts à discuter de l'ensemble de ces questions de façon informelle avec les Allemands. Nous voulons être capables de faire des propositions en commun sur tous ces grands dossiers.
Q - A propos de Kaliningrad, le président de la République a pris une position allant à l'encontre de la décision qui avait été arrêtée par l'Union européenne sur les visas.
R - Non. Le président dit qu'il faut trouver une solution. Il est clair que cette affaire de Kaliningrad pèse lourd dans la vie politique russe. Quant à nous, Européens, nous avons à tenir compte de deux principes: celui de la libre circulation des ressortissants russes entre Kaliningrad et le territoire russe, et celui de la défense de l'acquis de Schengen. A partir de là, il faut trouver une solution satisfaisante et qui n'humilie pas les Russes.
Q - Est-ce qu'à force de ne pas vouloir humilier les Russes on n'accepte pas l'inacceptable, c'est-à-dire la guerre en Tchétchénie?
R - Il ne faut pas caricaturer la position française. J'étais à Moscou; j'ai parlé avec mes interlocuteurs russes de la Tchétchénie. Le président de la République en a parlé avec Vladimir Poutine. Il ne saurait y avoir de solution pour la Tchétchénie que politique, et nous le disons.
Q - En Afrique, c'est le retour de la France?
R - Il y a une relation très profonde de confiance, d'amitié et de solidarité entre la France et l'Afrique qui doit prendre la forme d'un véritable partenariat. Nous considérons qu'il est de notre responsabilité de contribuer au règlement des conflits sur ce continent. Et puis, le président de la République l'a dit, le premier ministre l'a confirmé dans ses arbitrages budgétaires: il faut consacrer un effort supplémentaire important en faveur de l'aide publique au développement. Nous voulons accompagner nos amis africains sur le chemin de la modernisation et de la démocratie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 juillet 2002)