Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et messieurs les Députés,
Le combat pour l'emploi des jeunes constituait l'un des engagements forts du Président de la République lors de sa campagne. Aujourd'hui, j'ai l'honneur de vous soumettre le " contrat jeune en entreprise ". Ce contrat à durée indéterminée, ciblé sur le secteur marchand ou associatif, prévoit une exonération complète des charges patronales durant deux ans et de moitié lors de la troisième année. Il sera réservé aux jeunes peu qualifiés, dont le parcours oscille trop souvent entre précarité professionnelle, amertume et décrochage social. D'ici trois ans, ce dispositif pourrait concerner plus de 250.000 d'entre eux.
Ce projet s'inscrit dans une stratégie globale destinée à remettre le modèle Français en mouvement. Elle obéit à une philosophie politique, une méthode d'action, des objectifs.
La philosophie est celle du libéralisme social.
Sur cette question essentielle relative à l'esprit dont on entend aborder la modernisation de notre pays, nous entendons-nous départir des faux-semblants qui ont coûté cher à la gauche. A force de tourner autour du pot et des mots, à force de chercher à masquer une politique d'inspiration nécessairement libérale derrière le discours du statu quo social, à force d'hypocrisie sur les réalités de la mondialisation, la gauche a fini par sombrer dans la paralysie économique et sociale du " ni-ni ".
Comment mieux tromper la France qui peine face à la compétition mondiale, tout en entravant la France qui va de l'avant ? Comment mieux opposer ces deux France à qui l'on tient des discours incompatibles ?
Ce gouvernement veut rompre avec ces errements en tenant aux Français le langage de la vérité. La vérité sur les contraintes, mais aussi les opportunités, de l'économie contemporaine. Nous croyons aux vertus du libéralisme économique. Sans lui il n'y a aucune chance de créer la valeur ajoutée qui est elle-même le moteur du progrès social, du progrès tout court. Nous prenons acte de l'échec de l'économie administrée dans un monde ouvert et compétitif. Nous affirmons la valeur du travail, de l'effort, du mérite, de l'ouverture et de l'innovation, comme atouts décisifs face à la concurrence internationale.
Tout ceci, nous l'assumons dans le cadre d'un libéralisme social, parce que le progrès économique ne peut être fondé sur l'atomisation du pacte de solidarité qui est consubstantiel à l'unité républicaine. La régulation sociale de l'économie libérale est un impératif. Dépassant les recettes traditionnelles mais peu concluantes de l'assistanat et de l'étatisme, nous voulons revisiter les normes et les outils qui favorisent l'action au bénéfice de tous et en particulier des plus mal lotis, qui encouragent la prise de responsabilité, qui associent initiative individuelle et protection sociale, qui chassent abus et monopoles.
Aujourd'hui, le premier devoir du libéralisme social, c'est la réforme sociale. Le temps est venu de dire aux Français que si nous voulons assurer l'avenir de notre modèle social, il faut réformer pour nous adapter, il faut nous adapter pour nous protéger. S'arc-bouter sur nos acquis en se retranchant dans le conservatisme, c'est une facilité de court terme qui conduit à tout céder le jour ou la réalité se décide à briser les illusions du statu quo.
Avec le rétablissement de la sécurité et de l'ordre républicains, la réforme sociale est bien l'une des grandes priorités de ce gouvernement.
Elle s'appuiera sur une méthode : celle du dialogue.
Il est un paradoxe que nous devons surmonter : jamais les Français n'ont été aussi avides de participation, or jamais les corps intermédiaires n'ont été à la fois aussi faibles et aussi peu sollicités ces dernières années par les pouvoirs publics. Cette absence historique, quasi-chronique, d'un espace social charpenté et responsabilisé bloque la respiration de notre pays. Elle rend improbable tout progrès et toute réforme continus, collectivement négociés et assumés.
C'est pourquoi, le retour du dialogue social est ma première préoccupation et la mise en place d'une véritable démocratie sociale la plus exigeante de nos ambitions.
Pour poser les bases de cette démocratie sociale il faudra, dans un premier temps, entreprendre une triple clarification : clarification sur l'articulation entre la place de la Loi et le rôle des accords collectifs, clarification sur les modes de conclusion de ces accords et leur condition de validité, clarification enfin sur le rôle des différents niveaux de négociation (interprofessionnel, branche, entreprise).
Nous travaillons avec les partenaires sociaux sur toutes ces questions. Le défi est complexe mais crucial, car il est au cur de l'évolution réussie du modèle économique et social français des vingt prochaines années.
Cette philosophie et cette méthode, le gouvernement entend les mettre au service d'un objectif central : relancer la croissance et l'emploi.
Pour développer une croissance forte, mieux partagée et porteuse en emplois, il faut lever les deux principaux obstacles qui pèsent sur notre économie.
Le premier obstacle, relève d'une culture peu propice à l'initiative et au travail, celle-ci se traduisant notamment par un différentiel insuffisamment marqué entre les revenus de l'activité et ceux de l'assistance, que la prime pour l'emploi n'a qu'imparfaitement comblé.
En France, créer une entreprise est un combat ! Il est presque devenu anachronique d'être un travailleur et d'en être fier ! Il est devenu suspect de vouloir faire des heures supplémentaires ! Il est, disons-le, indélicat de se retrousser les manches.
Comment en est-on arrivé là ? Comment, face à la pression grandissante de la concurrence internationale et européenne, a-t-on été conduit à une telle absence de bon sens ? Lors des récentes élections, les Français, souvent issus des classes populaires et moyennes, se sont posés ces questions auxquelles je laisse à la gauche le soin de répondre L'instauration dogmatique et uniforme des 35H a accentué, à leurs yeux, ce déclassement des valeurs et des repères qui imprègnent traditionnellement le monde du travail.
Le second obstacle est lié aux pesanteurs administratives et légales qui enserrent les entreprises et l'emploi, et à la pression fiscale à laquelle elles sont soumises qui reste supérieure à la moyenne européenne. La baisse des charges des trois dernières années n'a pas eu d'autre effet que de compenser le surcoût des 35H. Elle ne s'est, dès lors, ni véritablement répercutée sur les coûts de production, ni sur les salaires.
Ces deux obstacles empêchent notre économie de donner toute sa mesure. J'entends, avec vous, en concertation avec les partenaires sociaux, les lever.
Tout l'enjeu est de réconcilier dans un même élan trois objectifs : la compétitivité des entreprises, la liberté de choix des travailleurs, la " décrispation " salariale.
Dans cet esprit, j'engagerai à l'automne un plan d'action global, car tout se tient.
Il comportera un assouplissement des 35H. La durée légale du travail ne sera pas remise en cause, mais nous introduirons du pragmatisme dans le dogmatisme. Les entreprises comme les salariés devront sortir gagnants de cet aménagement qui alliera, par la négociation, l'efficacité et la liberté.
La poursuite des allégements de charges sera amplifiée. Elle s'appuiera sur une clarification des mécanismes actuels et devrait être concentrée sur les tranches de salaire où elles sont les plus efficaces pour l'emploi, c'est à dire, selon moi, entre 1 et 1,7 fois le SMIC. Ce dossier fait l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux.
Un schéma volontariste de convergence des SMIC sera parallèlement planifié. Plus qu'une variable technique, le SMIC est un symbole. Ce symbole est aujourd'hui éclaté ; il ne joue plus son rôle de référent économique et social. Nous entendons sortir de cette situation désordonnée, liée à la mise en place des 35 H. Nous redonnerons au SMIC les vertus de lisibilité et d'équité qui lui font actuellement défaut. Dans le cadre d'une approche redonnant sens aux vertus du travail, du mérite et de la récompense, notre volonté est de définir, notamment pour les bas salaires, une perspective plus stimulante que celle qui prévaut aujourd'hui. Elle élargira les effets escomptés - en terme de pouvoir d'achat et de consommation - de la baisse de l'impôt sur le revenu, qui, par nature, est orientée sur les classes moyennes et supérieures.
Assouplissement des 35H, baisse des charges, schéma de convergence des SMIC : voilà le triptyque cohérent qui sera proposé et mis sur les rails.
Cette respiration économique que nous recherchons est indissociable d'une idée qui m'est chère : celle de la promotion sociale, qui reste, dans notre pays, quasi inexistante. A plus de 80%, la trajectoire scolaire, professionnelle ou salariale des enfants issus de milieux ouvrier ou employé reste identique à celle des parents.
Est-ce cela la République ? Naturellement non !
L'injustice sociale, c'est moins la disparité des conditions que le caractère implacable de la transmission des inégalités, des parents aux enfants. C'est cette fatalité qu'il convient de briser. Plutôt que d'en appeler de façon systématique à la redistribution et aux recettes plus ou moins éprouvées de l'assistance centralisée, l'exigence de justice doit d'abord s'exprimer par la volonté de garantir à chacun les armes de l'insertion et de la promotion sociale. Le défi de la formation tout au long de la vie est au cur de cette volonté. Notre objectif est d'offrir à chacun un droit individuel à la formation professionnelle et à l'adaptation à l'emploi, l'idée étant de doter chaque salarié d'un capital temps et d'une enveloppe financière lui permettant de s'assurer une formation. Cette perspective est dès présent à l'étude pour être concrètement réalisée durant la législature.
Cette promotion sociale, elle commence avec tous ces jeunes dont l'énergie est trop souvent mal employée, fautes de repères clairs, faute de perspectives.
Ce projet de loi constitue l'une des perches que nous entendons lancer vers ces jeunes qui se cherchent un avenir. Une perche qui ne rime pas avec voie de garage, précarité, ni également avec diplômes à l'appui, formation préalable et obligatoire. Ce contrat ne doit pas à être l'exutoire de notre bonne conscience, ni la cible d'un pointillisme administratif et législatif contre-productif. Ce contrat - et ceci devrait être notre seule et unique " obsession " ! - doit être efficace. Dans cet esprit, sa clarté et sa simplicité constituent son originalité et sa force.
Mesdames et messieurs les Députés,
En vous soumettant ce projet de loi, le gouvernement obéit à une triple conviction :
- la première est que la jeunesse n'attend pas d'être idéalisée, assistée, convoitée Elle n'attend que deux choses : premièrement, qu'on ne la berce pas d'illusions sur les réalités du monde contemporain, notamment économique, au sein duquel elle est appelée à évoluer et à se battre ; deuxièmement, qu'on lui offre la possibilité de révéler son énergie et ses talents ;
- la seconde conviction, est que le combat pour le plein emploi réclame une stratégie globale (notamment marquée par la baisse des charges), mais aussi une stratégie ciblée à travers une concentration de nos efforts sur des publics précis, tels que les jeunes sans qualification qui sont les victimes précoces de la panne de l'ascenseur professionnel et donc social ;
- la troisième conviction est que les forces de la croissance et du développement de l'emploi se situent prioritairement dans le secteur marchand. Nous estimons qu'il est dans l'intérêt de la jeunesse de s'engager là où bat le cur économique, là où elle peut faire valoir sa volonté de réussite, faire ses armes, apprendre un métier. L'une des erreurs des emplois jeunes est d'avoir détourné une partie de la jeunesse ( notamment celle qui, dotée d'une formation, pouvait légitimement se voir ouvrir les portes de l'entreprise ) d'un parcours professionnel sans doute plus exigeant mais plus prometteur à long terme. Cette erreur est fondée sur un réflexe politique facile mais pernicieux dont la gauche est coutumière : le réflexe consistant à penser le sort de l'emploi et de notre économie à travers le seul prisme de la sphère publique.
Relancer l'ascenseur professionnel en misant sur le dynamisme du monde de l'entreprise : voilà les convictions complémentaires qui forgent l'esprit de ce projet.
Puisque j'évoque l'esprit de ce projet, je me dois de répondre à ceux qui, dans l'opposition, qualifient ce projet de " libéral "... Sans doute escomptent-ils, par cet artifice, faire oublier leur bilan personnel en matière de privatisations et de libéralisme honteux Quoi qu'il en soit, ils croient ainsi discréditer la philosophie de ce projet qu'ils savent, au fond d'eux même, équilibrée.
Si être libéral, c'est miser sur les entreprises, sur toutes les entreprises qu'elles soient petites, moyennes ou grandes, pour s'assurer qu'un maximum de jeunes puissent bénéficier d'une perspective professionnelle, alors oui, disons - pour ne pas froisser ceux que les idées binaires rassurent - que ce projet est, pour une part, libéral !
J'invite d'ailleurs ceux, qui, au nom d'un " antilibéralisme " déplacé, ont critiqué la disparition du seuil des 250 salariés initialement envisagé dans la première mouture du texte, à aller expliquer aux jeunes intéressés par une embauche dans un grand groupe, qu'ils ont voté contre ce projet parce qu'il était ouvert à ces grandes entreprises
Je les invite aussi à aller expliquer à ces jeunes qui se détournent des structures éducatives et de formations traditionnelles, qu'ils ont voté trois motions contre ce projet parce qu'il ne comportait pas assez, à leurs yeux, de garanties d'encadrement.
Je les invite enfin à aller voir ces entreprises qui sont disposées à nouer un contrat à durée indéterminée avec ces jeunes au parcours souvent difficile, et leur suggère d'expliquer à ces chefs d'entreprises de bonne volonté qu'ils n'ont pas apprécié cette loi simple, directe et efficace dont le seul défaut serait, à entendre l'opposition, de ne pas être perclus de contraintes.
A la vérité, ce projet de loi est au confluent de la liberté et de la solidarité. De la liberté parce qu'il parie, je l'ai dit, sur le dynamisme du secteur marchand et associatif. De la solidarité, parce que le gouvernement a choisi de mettre tout son poids dans la balance, pour les jeunes, pour ceux qui sont les moins favorisés, pour ceux qui ne connaissent pas le mot " avenir ".
Lors de sa campagne, le Président de la République s'était engagé à répondre à l'urgence de la situation des jeunes face au marché du travail. Le gouvernement veut aller vite car, en effet, le temps presse.
La situation s'est, en effet, fortement dégradée depuis un an. Le chômage des jeunes s'est accru de 15% entre mai 2001 et mai 2002, alors que pour l'ensemble des demandeurs d'emploi la hausse s'est établie à 8%. Parmi les jeunes, le taux de chômage est proportionnellement beaucoup plus élevé pour les non qualifiés, ou les peu qualifiés (33% pour les premiers, 17% pour les jeunes ayant atteint le niveau CAP/BEP).
C'est pour encourager l'insertion professionnelle de ces derniers que le dispositif de soutien a été conçu à partir de trois constats.
Premier constat : les entreprises n'embauchent pas naturellement les jeunes sans qualification, qui sont placés de façon quasi systématique au bout de la file d'attente des demandeurs d'emplois.
Second constat : les dispositifs existants, en particulier les dispositifs de formation en alternance, ne touchent pas les jeunes les moins qualifiés, ceux en situation d'échec scolaire que toute démarche préalable de formation tend à écarter.
Troisième constat : l'insertion des jeunes sans qualification ou peu qualifiés est caractérisée par des trajectoires précaires, discontinues, comportant souvent des périodes de dénuement, parfois préludes d'une exclusion et d'une marginalisation sociale.
Au regard de ces trois constats, largement partagés par les partenaires sociaux qui ont été consultés sur notre projet, nous avons eu le souci d'élaborer un dispositif ciblé, attractif tant pour l'entreprise que pour le jeune salarié, et enfin, directement opérationnel.
Ciblé quant au public visé.
Je vous ai cité quelques chiffres qui démontrent que les niveaux de formation et de diplôme déterminent les conditions d'insertion dans le monde professionnel. Alors que les trois quarts des jeunes sortis du système scolaire en 1998 ont bénéficié durant les trois premières années de leur vie active d'un emploi, les jeunes sans diplôme ou ayant un CAP ou un BEP ont passé au moins la moitié de cette période au chômage. Dans cette même génération, les jeunes non diplômés sont sept fois plus souvent au chômage que les jeunes diplômés de niveau bac +2.
Il existe donc une cassure nette entre les jeunes. C'est pourquoi le dispositif s'adresse aux jeunes de 16 à 22 ans, sans qualification ou avec une qualification de niveau V (CAP, BEP, niveau Bac sans le Bac).
Le choix consistant à cibler un âge d'entrée dans le dispositif précoce (soit 16 ans) c'est à dire correspondant à la fin de la scolarité obligatoire, vise à prévenir les conséquences des situations d'échec scolaire et à encourager une insertion rapide de ceux sortant du système de formation initiale sans diplôme dont le nombre est de 60.000 chaque année. La limite supérieure, fixée à 22 ans, vise quant à elle à toucher les cohortes les plus importantes dans le chômage des moins de 25 ans, puisque 40% ont entre 21 et 22 ans.
Le champ resserré du dispositif présente un double avantage : il concentre l'effort sur la population la plus exposée au chômage et limite, à fortiori, les risques d'aubaine qui auraient pu apparaître si le dispositif avait été élargi à des jeunes plus âgés.
Ce dispositif ciblé, nous avons voulu également qu'il soit attractif et ambitieux.
Attractif pour l'entreprise, c'est lui proposer un dispositif clair qui ne revêt pas les habits d'une usine à gaz, dont le précédent gouvernement était friand. C'est lui offrir la faculté d'assurer une embauche qui soit pratiquement sans charges. L'aide de l'Etat compensera les charges patronales, représentant le surcoût lié pour l'entreprise à l'embauche du jeune. Au niveau du Smic, cette aide prévue sur trois ans, dégressive la troisième année, représentera 2700 par an en plus des allégements généraux de charges existants. Elle aboutira à supprimer 45 points de cotisations patronales jusqu'à 1,3 Smic. C'est donc une incitation forte pour l'entreprise, en même temps qu'une opportunité pour rajeunir ses effectifs et anticiper le cas échéant des difficultés de recrutement.
A l'issue de l'adoption du projet de loi en première lecture au Sénat, le texte ne comporte plus de seuil d'effectifs pour les entreprises éligibles au soutien de l'Etat. D'un commun accord, nous avons estimé que les grandes entreprises pouvaient prétendre à cette mesure. L'objectif recherché - objectif d'efficacité et de générosité ! - est d'élargir le spectre des possibilités d'embauches pour les jeunes puisque cette faculté ouverte aux grandes entreprises conduit à majorer d'un tiers le nombre des bénéficiaires potentiels.
L'opposition, j'en ai déjà dit un mot, s'est emparée de cette nouvelle disposition pour critiquer ce texte...
Mais que craint-elle, si ce n'est de voir ce contrat répondre plus fortement encore à son ambition : celle d'offrir le plus grand nombre de CDI au plus grand nombre de jeunes. J'ajoute, qu'on ne peut vilipender, d'un côté, le fait que les grandes entreprises puissent utiliser ce contrat, et, de l'autre côté, marteler l'argument de la formation Ceci est contradictoire puisque ce sont précisément ces grandes entreprises qui sont, grâce aux moyens dont elles disposent, les plus engagées dans les politiques de formation de leurs personnels.
Ce dispositif, mesdames et messieurs les Députés, nous l'avons également voulu ambitieux pour le jeune.
Etre ambitieux, c'est garantir une insertion durable lui permettant, à travers un contrat à durée indéterminée, de trouver ses marques, d'apprendre le métier, de s'épanouir et dès lors - du moins pouvons nous l'escompter - se rendre, sur le long terme, indispensable à l'entreprise.
Articuler notre dispositif sur une embauche en CDI : cette disposition, nous l'avons précisément voulu ! Car pour ces jeunes, nous cherchons la stabilité qui est à la source d'une insertion professionnelle réussie. Ce contrat constitue un engagement de moyen terme. En adoptant ce dispositif, l'entreprise fera un choix prospectif qui ne sera pas exclusivement guidé par le bénéfice de l'exonération de charges. Là encore, c'est le gage que les effets d'aubaine seront limités.
Parce que le mécanisme prévu vise un public spécifique et parce qu'il respecte le principe d'une insertion sur la durée, cela n'avait pas de sens d'imposer des clauses de formation obligatoire. Nous sommes là au cur d'un choix opérationnel et réaliste.
Il faut bien comprendre que les jeunes auxquels le dispositif s'adresse ne souhaitent pas ou ne peuvent s'engager immédiatement dans une démarche de formation. Ils sont souvent en situation d'échec scolaire, se détournent des formations qu'ils jugent - à tort ou à raison - décalés par rapport à leurs attentes immédiates. L'insertion dans l'entreprise nous apparaît donc comme le moyen privilégié d'assurer leur socialisation et leur entrée dans la vie active, pour ne pas dire leur vie d'adulte. Bénéficiant d'un contrat de travail et d'une rémunération au moins égale au Smic s'engagera alors, à leurs yeux, un processus de reconnaissance et de responsabilisation dont ils sont en réalité à la recherche.
Une fois l'insertion réalisée, ils pourront ensuite venir vers une démarche de formation continue au sein de leur entreprise - puisque comme n'importe quel salarié de l'entreprise, ils bénéficient du plan de formation - ou le cas échéant de formation en alternance qui pourra prendre la forme d'un contrat de qualification, voire un contrat d'apprentissage. Les intéressés pourront à tout moment faire ce choix, sans préavis. Le projet de loi en prévoit explicitement la possibilité.
Par ailleurs, le dispositif renvoie aux branches professionnelles le soin de négocier une reconnaissance des acquis de l'expérience liés à leur parcours professionnel dans l'entreprise. Ces jeunes bénéficieront ainsi d'une validation de leurs acquis, sous la forme et selon les modalités qui seront retenues par les partenaires sociaux au niveau des branches professionnelles.
Faisons confiance aux partenaires sociaux ! Donnons leur la possibilité d'enrichir notre projet par leur expérience du terrain ! Ne ligotons pas le dialogue et l'innovation empirique ! Ce dispositif pourra, si nécessaire, être complété au niveau des entreprises par des modalités de mise en uvre que pourraient décider les partenaires sociaux comme celles, par exemple, du tutorat. La première lecture du texte a d'ailleurs permis de préciser la possibilité ouverte aux partenaires sociaux des branches professionnelles d'imaginer les modalités qu'ils jugeront opportunes pour accompagner et mettre en place un tutorat facilitant l'insertion professionnelle du jeune, sans pour autant créer une condition d'éligibilité à l'aide de l'Etat qui serait contraire à l'esprit du projet de loi. Je serai attentif aux propositions que l'Assemblée Nationale pourrait faire sur ces questions, sachant qu'il faut trouver le juste équilibre entre l'incitation et l'obligation étroite qui, je le répète, briderait les partenaires sociaux et dénaturerait l'efficacité et la clarté du dispositif.
Ce choix opérationnel, ne remet pas en cause les mécanismes de formation en alternance existants. Le gouvernement est soucieux de ne pas déstabiliser la formation en alternance, qui constitue une filière d'insertion qualifiante qui est particulièrement précieuse. Vous noterez d'ailleurs que le coût horaire d'un contrat de qualification reste inférieur au nouveau dispositif. L'utilisation des contrats en alternance résulte souvent de cultures de branches et d'entreprises fortement ancrées, que l'arrivée du contrat jeune n'est pas, selon nous, susceptible de remettre en cause, même si dans la pratique, il est souhaitable qu'une articulation s'opère entre les différents dispositifs.
Enfin, l'existence de ce dispositif de soutien à l'embauche des jeunes ne doit pas porter préjudice aux initiatives que pourraient prendre les partenaires sociaux dans le domaine de la formation en alternance, afin d'en rénover les mécanismes et en renforcer l'attractivité. Il faut, en effet, se garder de déstabiliser ces différents mécanismes de formation en alternance en voulant faire du contrat jeune en entreprise une nouvelle mesure de formation. Ce n'est pas sa vocation, ce n'est pas son intérêt.
Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et messieurs les Députés,
Vous aurez saisi l'essence de notre ambition : donner un coup d'accélérateur à la politique d'insertion des jeunes, cette insertion étant orientée vers le secteur privé, qu'il soit économique ou associatif. Nous parions sur l'alliance d'une jeunesse en quête de reconnaissance et d'un monde du travail ouvert par nature à celles et ceux qui sont prêts à se retrousser les manches.
La confiance d'une nation dépend du degré d'engagement de la jeunesse et donc de la nature des perspectives qui lui sont offertes.
C'est pour cette jeunesse qui doit surmonter ses doutes et délivrer le meilleur d'elle-même, que j'ai l'honneur de vous soumettre ce projet de loi.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 31 juillet 2002)
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et messieurs les Députés,
Le combat pour l'emploi des jeunes constituait l'un des engagements forts du Président de la République lors de sa campagne. Aujourd'hui, j'ai l'honneur de vous soumettre le " contrat jeune en entreprise ". Ce contrat à durée indéterminée, ciblé sur le secteur marchand ou associatif, prévoit une exonération complète des charges patronales durant deux ans et de moitié lors de la troisième année. Il sera réservé aux jeunes peu qualifiés, dont le parcours oscille trop souvent entre précarité professionnelle, amertume et décrochage social. D'ici trois ans, ce dispositif pourrait concerner plus de 250.000 d'entre eux.
Ce projet s'inscrit dans une stratégie globale destinée à remettre le modèle Français en mouvement. Elle obéit à une philosophie politique, une méthode d'action, des objectifs.
La philosophie est celle du libéralisme social.
Sur cette question essentielle relative à l'esprit dont on entend aborder la modernisation de notre pays, nous entendons-nous départir des faux-semblants qui ont coûté cher à la gauche. A force de tourner autour du pot et des mots, à force de chercher à masquer une politique d'inspiration nécessairement libérale derrière le discours du statu quo social, à force d'hypocrisie sur les réalités de la mondialisation, la gauche a fini par sombrer dans la paralysie économique et sociale du " ni-ni ".
Comment mieux tromper la France qui peine face à la compétition mondiale, tout en entravant la France qui va de l'avant ? Comment mieux opposer ces deux France à qui l'on tient des discours incompatibles ?
Ce gouvernement veut rompre avec ces errements en tenant aux Français le langage de la vérité. La vérité sur les contraintes, mais aussi les opportunités, de l'économie contemporaine. Nous croyons aux vertus du libéralisme économique. Sans lui il n'y a aucune chance de créer la valeur ajoutée qui est elle-même le moteur du progrès social, du progrès tout court. Nous prenons acte de l'échec de l'économie administrée dans un monde ouvert et compétitif. Nous affirmons la valeur du travail, de l'effort, du mérite, de l'ouverture et de l'innovation, comme atouts décisifs face à la concurrence internationale.
Tout ceci, nous l'assumons dans le cadre d'un libéralisme social, parce que le progrès économique ne peut être fondé sur l'atomisation du pacte de solidarité qui est consubstantiel à l'unité républicaine. La régulation sociale de l'économie libérale est un impératif. Dépassant les recettes traditionnelles mais peu concluantes de l'assistanat et de l'étatisme, nous voulons revisiter les normes et les outils qui favorisent l'action au bénéfice de tous et en particulier des plus mal lotis, qui encouragent la prise de responsabilité, qui associent initiative individuelle et protection sociale, qui chassent abus et monopoles.
Aujourd'hui, le premier devoir du libéralisme social, c'est la réforme sociale. Le temps est venu de dire aux Français que si nous voulons assurer l'avenir de notre modèle social, il faut réformer pour nous adapter, il faut nous adapter pour nous protéger. S'arc-bouter sur nos acquis en se retranchant dans le conservatisme, c'est une facilité de court terme qui conduit à tout céder le jour ou la réalité se décide à briser les illusions du statu quo.
Avec le rétablissement de la sécurité et de l'ordre républicains, la réforme sociale est bien l'une des grandes priorités de ce gouvernement.
Elle s'appuiera sur une méthode : celle du dialogue.
Il est un paradoxe que nous devons surmonter : jamais les Français n'ont été aussi avides de participation, or jamais les corps intermédiaires n'ont été à la fois aussi faibles et aussi peu sollicités ces dernières années par les pouvoirs publics. Cette absence historique, quasi-chronique, d'un espace social charpenté et responsabilisé bloque la respiration de notre pays. Elle rend improbable tout progrès et toute réforme continus, collectivement négociés et assumés.
C'est pourquoi, le retour du dialogue social est ma première préoccupation et la mise en place d'une véritable démocratie sociale la plus exigeante de nos ambitions.
Pour poser les bases de cette démocratie sociale il faudra, dans un premier temps, entreprendre une triple clarification : clarification sur l'articulation entre la place de la Loi et le rôle des accords collectifs, clarification sur les modes de conclusion de ces accords et leur condition de validité, clarification enfin sur le rôle des différents niveaux de négociation (interprofessionnel, branche, entreprise).
Nous travaillons avec les partenaires sociaux sur toutes ces questions. Le défi est complexe mais crucial, car il est au cur de l'évolution réussie du modèle économique et social français des vingt prochaines années.
Cette philosophie et cette méthode, le gouvernement entend les mettre au service d'un objectif central : relancer la croissance et l'emploi.
Pour développer une croissance forte, mieux partagée et porteuse en emplois, il faut lever les deux principaux obstacles qui pèsent sur notre économie.
Le premier obstacle, relève d'une culture peu propice à l'initiative et au travail, celle-ci se traduisant notamment par un différentiel insuffisamment marqué entre les revenus de l'activité et ceux de l'assistance, que la prime pour l'emploi n'a qu'imparfaitement comblé.
En France, créer une entreprise est un combat ! Il est presque devenu anachronique d'être un travailleur et d'en être fier ! Il est devenu suspect de vouloir faire des heures supplémentaires ! Il est, disons-le, indélicat de se retrousser les manches.
Comment en est-on arrivé là ? Comment, face à la pression grandissante de la concurrence internationale et européenne, a-t-on été conduit à une telle absence de bon sens ? Lors des récentes élections, les Français, souvent issus des classes populaires et moyennes, se sont posés ces questions auxquelles je laisse à la gauche le soin de répondre L'instauration dogmatique et uniforme des 35H a accentué, à leurs yeux, ce déclassement des valeurs et des repères qui imprègnent traditionnellement le monde du travail.
Le second obstacle est lié aux pesanteurs administratives et légales qui enserrent les entreprises et l'emploi, et à la pression fiscale à laquelle elles sont soumises qui reste supérieure à la moyenne européenne. La baisse des charges des trois dernières années n'a pas eu d'autre effet que de compenser le surcoût des 35H. Elle ne s'est, dès lors, ni véritablement répercutée sur les coûts de production, ni sur les salaires.
Ces deux obstacles empêchent notre économie de donner toute sa mesure. J'entends, avec vous, en concertation avec les partenaires sociaux, les lever.
Tout l'enjeu est de réconcilier dans un même élan trois objectifs : la compétitivité des entreprises, la liberté de choix des travailleurs, la " décrispation " salariale.
Dans cet esprit, j'engagerai à l'automne un plan d'action global, car tout se tient.
Il comportera un assouplissement des 35H. La durée légale du travail ne sera pas remise en cause, mais nous introduirons du pragmatisme dans le dogmatisme. Les entreprises comme les salariés devront sortir gagnants de cet aménagement qui alliera, par la négociation, l'efficacité et la liberté.
La poursuite des allégements de charges sera amplifiée. Elle s'appuiera sur une clarification des mécanismes actuels et devrait être concentrée sur les tranches de salaire où elles sont les plus efficaces pour l'emploi, c'est à dire, selon moi, entre 1 et 1,7 fois le SMIC. Ce dossier fait l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux.
Un schéma volontariste de convergence des SMIC sera parallèlement planifié. Plus qu'une variable technique, le SMIC est un symbole. Ce symbole est aujourd'hui éclaté ; il ne joue plus son rôle de référent économique et social. Nous entendons sortir de cette situation désordonnée, liée à la mise en place des 35 H. Nous redonnerons au SMIC les vertus de lisibilité et d'équité qui lui font actuellement défaut. Dans le cadre d'une approche redonnant sens aux vertus du travail, du mérite et de la récompense, notre volonté est de définir, notamment pour les bas salaires, une perspective plus stimulante que celle qui prévaut aujourd'hui. Elle élargira les effets escomptés - en terme de pouvoir d'achat et de consommation - de la baisse de l'impôt sur le revenu, qui, par nature, est orientée sur les classes moyennes et supérieures.
Assouplissement des 35H, baisse des charges, schéma de convergence des SMIC : voilà le triptyque cohérent qui sera proposé et mis sur les rails.
Cette respiration économique que nous recherchons est indissociable d'une idée qui m'est chère : celle de la promotion sociale, qui reste, dans notre pays, quasi inexistante. A plus de 80%, la trajectoire scolaire, professionnelle ou salariale des enfants issus de milieux ouvrier ou employé reste identique à celle des parents.
Est-ce cela la République ? Naturellement non !
L'injustice sociale, c'est moins la disparité des conditions que le caractère implacable de la transmission des inégalités, des parents aux enfants. C'est cette fatalité qu'il convient de briser. Plutôt que d'en appeler de façon systématique à la redistribution et aux recettes plus ou moins éprouvées de l'assistance centralisée, l'exigence de justice doit d'abord s'exprimer par la volonté de garantir à chacun les armes de l'insertion et de la promotion sociale. Le défi de la formation tout au long de la vie est au cur de cette volonté. Notre objectif est d'offrir à chacun un droit individuel à la formation professionnelle et à l'adaptation à l'emploi, l'idée étant de doter chaque salarié d'un capital temps et d'une enveloppe financière lui permettant de s'assurer une formation. Cette perspective est dès présent à l'étude pour être concrètement réalisée durant la législature.
Cette promotion sociale, elle commence avec tous ces jeunes dont l'énergie est trop souvent mal employée, fautes de repères clairs, faute de perspectives.
Ce projet de loi constitue l'une des perches que nous entendons lancer vers ces jeunes qui se cherchent un avenir. Une perche qui ne rime pas avec voie de garage, précarité, ni également avec diplômes à l'appui, formation préalable et obligatoire. Ce contrat ne doit pas à être l'exutoire de notre bonne conscience, ni la cible d'un pointillisme administratif et législatif contre-productif. Ce contrat - et ceci devrait être notre seule et unique " obsession " ! - doit être efficace. Dans cet esprit, sa clarté et sa simplicité constituent son originalité et sa force.
Mesdames et messieurs les Députés,
En vous soumettant ce projet de loi, le gouvernement obéit à une triple conviction :
- la première est que la jeunesse n'attend pas d'être idéalisée, assistée, convoitée Elle n'attend que deux choses : premièrement, qu'on ne la berce pas d'illusions sur les réalités du monde contemporain, notamment économique, au sein duquel elle est appelée à évoluer et à se battre ; deuxièmement, qu'on lui offre la possibilité de révéler son énergie et ses talents ;
- la seconde conviction, est que le combat pour le plein emploi réclame une stratégie globale (notamment marquée par la baisse des charges), mais aussi une stratégie ciblée à travers une concentration de nos efforts sur des publics précis, tels que les jeunes sans qualification qui sont les victimes précoces de la panne de l'ascenseur professionnel et donc social ;
- la troisième conviction est que les forces de la croissance et du développement de l'emploi se situent prioritairement dans le secteur marchand. Nous estimons qu'il est dans l'intérêt de la jeunesse de s'engager là où bat le cur économique, là où elle peut faire valoir sa volonté de réussite, faire ses armes, apprendre un métier. L'une des erreurs des emplois jeunes est d'avoir détourné une partie de la jeunesse ( notamment celle qui, dotée d'une formation, pouvait légitimement se voir ouvrir les portes de l'entreprise ) d'un parcours professionnel sans doute plus exigeant mais plus prometteur à long terme. Cette erreur est fondée sur un réflexe politique facile mais pernicieux dont la gauche est coutumière : le réflexe consistant à penser le sort de l'emploi et de notre économie à travers le seul prisme de la sphère publique.
Relancer l'ascenseur professionnel en misant sur le dynamisme du monde de l'entreprise : voilà les convictions complémentaires qui forgent l'esprit de ce projet.
Puisque j'évoque l'esprit de ce projet, je me dois de répondre à ceux qui, dans l'opposition, qualifient ce projet de " libéral "... Sans doute escomptent-ils, par cet artifice, faire oublier leur bilan personnel en matière de privatisations et de libéralisme honteux Quoi qu'il en soit, ils croient ainsi discréditer la philosophie de ce projet qu'ils savent, au fond d'eux même, équilibrée.
Si être libéral, c'est miser sur les entreprises, sur toutes les entreprises qu'elles soient petites, moyennes ou grandes, pour s'assurer qu'un maximum de jeunes puissent bénéficier d'une perspective professionnelle, alors oui, disons - pour ne pas froisser ceux que les idées binaires rassurent - que ce projet est, pour une part, libéral !
J'invite d'ailleurs ceux, qui, au nom d'un " antilibéralisme " déplacé, ont critiqué la disparition du seuil des 250 salariés initialement envisagé dans la première mouture du texte, à aller expliquer aux jeunes intéressés par une embauche dans un grand groupe, qu'ils ont voté contre ce projet parce qu'il était ouvert à ces grandes entreprises
Je les invite aussi à aller expliquer à ces jeunes qui se détournent des structures éducatives et de formations traditionnelles, qu'ils ont voté trois motions contre ce projet parce qu'il ne comportait pas assez, à leurs yeux, de garanties d'encadrement.
Je les invite enfin à aller voir ces entreprises qui sont disposées à nouer un contrat à durée indéterminée avec ces jeunes au parcours souvent difficile, et leur suggère d'expliquer à ces chefs d'entreprises de bonne volonté qu'ils n'ont pas apprécié cette loi simple, directe et efficace dont le seul défaut serait, à entendre l'opposition, de ne pas être perclus de contraintes.
A la vérité, ce projet de loi est au confluent de la liberté et de la solidarité. De la liberté parce qu'il parie, je l'ai dit, sur le dynamisme du secteur marchand et associatif. De la solidarité, parce que le gouvernement a choisi de mettre tout son poids dans la balance, pour les jeunes, pour ceux qui sont les moins favorisés, pour ceux qui ne connaissent pas le mot " avenir ".
Lors de sa campagne, le Président de la République s'était engagé à répondre à l'urgence de la situation des jeunes face au marché du travail. Le gouvernement veut aller vite car, en effet, le temps presse.
La situation s'est, en effet, fortement dégradée depuis un an. Le chômage des jeunes s'est accru de 15% entre mai 2001 et mai 2002, alors que pour l'ensemble des demandeurs d'emploi la hausse s'est établie à 8%. Parmi les jeunes, le taux de chômage est proportionnellement beaucoup plus élevé pour les non qualifiés, ou les peu qualifiés (33% pour les premiers, 17% pour les jeunes ayant atteint le niveau CAP/BEP).
C'est pour encourager l'insertion professionnelle de ces derniers que le dispositif de soutien a été conçu à partir de trois constats.
Premier constat : les entreprises n'embauchent pas naturellement les jeunes sans qualification, qui sont placés de façon quasi systématique au bout de la file d'attente des demandeurs d'emplois.
Second constat : les dispositifs existants, en particulier les dispositifs de formation en alternance, ne touchent pas les jeunes les moins qualifiés, ceux en situation d'échec scolaire que toute démarche préalable de formation tend à écarter.
Troisième constat : l'insertion des jeunes sans qualification ou peu qualifiés est caractérisée par des trajectoires précaires, discontinues, comportant souvent des périodes de dénuement, parfois préludes d'une exclusion et d'une marginalisation sociale.
Au regard de ces trois constats, largement partagés par les partenaires sociaux qui ont été consultés sur notre projet, nous avons eu le souci d'élaborer un dispositif ciblé, attractif tant pour l'entreprise que pour le jeune salarié, et enfin, directement opérationnel.
Ciblé quant au public visé.
Je vous ai cité quelques chiffres qui démontrent que les niveaux de formation et de diplôme déterminent les conditions d'insertion dans le monde professionnel. Alors que les trois quarts des jeunes sortis du système scolaire en 1998 ont bénéficié durant les trois premières années de leur vie active d'un emploi, les jeunes sans diplôme ou ayant un CAP ou un BEP ont passé au moins la moitié de cette période au chômage. Dans cette même génération, les jeunes non diplômés sont sept fois plus souvent au chômage que les jeunes diplômés de niveau bac +2.
Il existe donc une cassure nette entre les jeunes. C'est pourquoi le dispositif s'adresse aux jeunes de 16 à 22 ans, sans qualification ou avec une qualification de niveau V (CAP, BEP, niveau Bac sans le Bac).
Le choix consistant à cibler un âge d'entrée dans le dispositif précoce (soit 16 ans) c'est à dire correspondant à la fin de la scolarité obligatoire, vise à prévenir les conséquences des situations d'échec scolaire et à encourager une insertion rapide de ceux sortant du système de formation initiale sans diplôme dont le nombre est de 60.000 chaque année. La limite supérieure, fixée à 22 ans, vise quant à elle à toucher les cohortes les plus importantes dans le chômage des moins de 25 ans, puisque 40% ont entre 21 et 22 ans.
Le champ resserré du dispositif présente un double avantage : il concentre l'effort sur la population la plus exposée au chômage et limite, à fortiori, les risques d'aubaine qui auraient pu apparaître si le dispositif avait été élargi à des jeunes plus âgés.
Ce dispositif ciblé, nous avons voulu également qu'il soit attractif et ambitieux.
Attractif pour l'entreprise, c'est lui proposer un dispositif clair qui ne revêt pas les habits d'une usine à gaz, dont le précédent gouvernement était friand. C'est lui offrir la faculté d'assurer une embauche qui soit pratiquement sans charges. L'aide de l'Etat compensera les charges patronales, représentant le surcoût lié pour l'entreprise à l'embauche du jeune. Au niveau du Smic, cette aide prévue sur trois ans, dégressive la troisième année, représentera 2700 par an en plus des allégements généraux de charges existants. Elle aboutira à supprimer 45 points de cotisations patronales jusqu'à 1,3 Smic. C'est donc une incitation forte pour l'entreprise, en même temps qu'une opportunité pour rajeunir ses effectifs et anticiper le cas échéant des difficultés de recrutement.
A l'issue de l'adoption du projet de loi en première lecture au Sénat, le texte ne comporte plus de seuil d'effectifs pour les entreprises éligibles au soutien de l'Etat. D'un commun accord, nous avons estimé que les grandes entreprises pouvaient prétendre à cette mesure. L'objectif recherché - objectif d'efficacité et de générosité ! - est d'élargir le spectre des possibilités d'embauches pour les jeunes puisque cette faculté ouverte aux grandes entreprises conduit à majorer d'un tiers le nombre des bénéficiaires potentiels.
L'opposition, j'en ai déjà dit un mot, s'est emparée de cette nouvelle disposition pour critiquer ce texte...
Mais que craint-elle, si ce n'est de voir ce contrat répondre plus fortement encore à son ambition : celle d'offrir le plus grand nombre de CDI au plus grand nombre de jeunes. J'ajoute, qu'on ne peut vilipender, d'un côté, le fait que les grandes entreprises puissent utiliser ce contrat, et, de l'autre côté, marteler l'argument de la formation Ceci est contradictoire puisque ce sont précisément ces grandes entreprises qui sont, grâce aux moyens dont elles disposent, les plus engagées dans les politiques de formation de leurs personnels.
Ce dispositif, mesdames et messieurs les Députés, nous l'avons également voulu ambitieux pour le jeune.
Etre ambitieux, c'est garantir une insertion durable lui permettant, à travers un contrat à durée indéterminée, de trouver ses marques, d'apprendre le métier, de s'épanouir et dès lors - du moins pouvons nous l'escompter - se rendre, sur le long terme, indispensable à l'entreprise.
Articuler notre dispositif sur une embauche en CDI : cette disposition, nous l'avons précisément voulu ! Car pour ces jeunes, nous cherchons la stabilité qui est à la source d'une insertion professionnelle réussie. Ce contrat constitue un engagement de moyen terme. En adoptant ce dispositif, l'entreprise fera un choix prospectif qui ne sera pas exclusivement guidé par le bénéfice de l'exonération de charges. Là encore, c'est le gage que les effets d'aubaine seront limités.
Parce que le mécanisme prévu vise un public spécifique et parce qu'il respecte le principe d'une insertion sur la durée, cela n'avait pas de sens d'imposer des clauses de formation obligatoire. Nous sommes là au cur d'un choix opérationnel et réaliste.
Il faut bien comprendre que les jeunes auxquels le dispositif s'adresse ne souhaitent pas ou ne peuvent s'engager immédiatement dans une démarche de formation. Ils sont souvent en situation d'échec scolaire, se détournent des formations qu'ils jugent - à tort ou à raison - décalés par rapport à leurs attentes immédiates. L'insertion dans l'entreprise nous apparaît donc comme le moyen privilégié d'assurer leur socialisation et leur entrée dans la vie active, pour ne pas dire leur vie d'adulte. Bénéficiant d'un contrat de travail et d'une rémunération au moins égale au Smic s'engagera alors, à leurs yeux, un processus de reconnaissance et de responsabilisation dont ils sont en réalité à la recherche.
Une fois l'insertion réalisée, ils pourront ensuite venir vers une démarche de formation continue au sein de leur entreprise - puisque comme n'importe quel salarié de l'entreprise, ils bénéficient du plan de formation - ou le cas échéant de formation en alternance qui pourra prendre la forme d'un contrat de qualification, voire un contrat d'apprentissage. Les intéressés pourront à tout moment faire ce choix, sans préavis. Le projet de loi en prévoit explicitement la possibilité.
Par ailleurs, le dispositif renvoie aux branches professionnelles le soin de négocier une reconnaissance des acquis de l'expérience liés à leur parcours professionnel dans l'entreprise. Ces jeunes bénéficieront ainsi d'une validation de leurs acquis, sous la forme et selon les modalités qui seront retenues par les partenaires sociaux au niveau des branches professionnelles.
Faisons confiance aux partenaires sociaux ! Donnons leur la possibilité d'enrichir notre projet par leur expérience du terrain ! Ne ligotons pas le dialogue et l'innovation empirique ! Ce dispositif pourra, si nécessaire, être complété au niveau des entreprises par des modalités de mise en uvre que pourraient décider les partenaires sociaux comme celles, par exemple, du tutorat. La première lecture du texte a d'ailleurs permis de préciser la possibilité ouverte aux partenaires sociaux des branches professionnelles d'imaginer les modalités qu'ils jugeront opportunes pour accompagner et mettre en place un tutorat facilitant l'insertion professionnelle du jeune, sans pour autant créer une condition d'éligibilité à l'aide de l'Etat qui serait contraire à l'esprit du projet de loi. Je serai attentif aux propositions que l'Assemblée Nationale pourrait faire sur ces questions, sachant qu'il faut trouver le juste équilibre entre l'incitation et l'obligation étroite qui, je le répète, briderait les partenaires sociaux et dénaturerait l'efficacité et la clarté du dispositif.
Ce choix opérationnel, ne remet pas en cause les mécanismes de formation en alternance existants. Le gouvernement est soucieux de ne pas déstabiliser la formation en alternance, qui constitue une filière d'insertion qualifiante qui est particulièrement précieuse. Vous noterez d'ailleurs que le coût horaire d'un contrat de qualification reste inférieur au nouveau dispositif. L'utilisation des contrats en alternance résulte souvent de cultures de branches et d'entreprises fortement ancrées, que l'arrivée du contrat jeune n'est pas, selon nous, susceptible de remettre en cause, même si dans la pratique, il est souhaitable qu'une articulation s'opère entre les différents dispositifs.
Enfin, l'existence de ce dispositif de soutien à l'embauche des jeunes ne doit pas porter préjudice aux initiatives que pourraient prendre les partenaires sociaux dans le domaine de la formation en alternance, afin d'en rénover les mécanismes et en renforcer l'attractivité. Il faut, en effet, se garder de déstabiliser ces différents mécanismes de formation en alternance en voulant faire du contrat jeune en entreprise une nouvelle mesure de formation. Ce n'est pas sa vocation, ce n'est pas son intérêt.
Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et messieurs les Députés,
Vous aurez saisi l'essence de notre ambition : donner un coup d'accélérateur à la politique d'insertion des jeunes, cette insertion étant orientée vers le secteur privé, qu'il soit économique ou associatif. Nous parions sur l'alliance d'une jeunesse en quête de reconnaissance et d'un monde du travail ouvert par nature à celles et ceux qui sont prêts à se retrousser les manches.
La confiance d'une nation dépend du degré d'engagement de la jeunesse et donc de la nature des perspectives qui lui sont offertes.
C'est pour cette jeunesse qui doit surmonter ses doutes et délivrer le meilleur d'elle-même, que j'ai l'honneur de vous soumettre ce projet de loi.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 31 juillet 2002)