Texte intégral
Monsieur le Président,
Je souhaite en premier lieu vous remercier de l'initiative originale que vous avez prise de rompre avec la tradition du discours-fleuve du ministre répondant au discours-fleuve du président afin de permettre un dialogue plus authentique sous forme d'une table ronde.
Comme nous nous sommes déjà beaucoup exprimés au cours de l'heure et demie que nous avons passée ensemble, je limiterai mon propos à quelques orientations de fond de la politique agricole du Gouvernement.
Auparavant, je souhaite vous dire que l'importance que j'accorde à votre secteur qui est à mes yeux stratégique dans l'agriculture française. Ces propos ne sont pas de circonstance. Je crois en effet que dans votre secteur doit relever des défis particulier dans la mesure où il est très ouvert sur le monde, très dépendant des coûts de main d'uvre. Dans le même temps, il est fondamental en raison de l'effet d'entraînement qu'il a sur l'économie locale, notamment en raison du nombre d'emplois générés.
Dans la politique de réorientation et de relégitimation des soutiens publics que conduit le gouvernement, votre secteur m'apparaît donc comme prioritaire et c'est aussi le sens de ma présence aujourd'hui à Cherbourg.
Je vais maintenant essayer de répondre aux grands points de votre projet professionnel de filière.
L'Organisation économique, tout d'abord
Nous avons abordé ce thème en débattant tout à l'heure des atouts et des contraintes spécifiques du producteur de légumes face aux marchés.
Dans un contexte marqué par l'ouverture des marchés et la forte concentration de la distribution, le regroupement de l'offre est à mes yeux un impératif absolu, sauf à faciliter le développement d'une forme d'intégration de l'amont par l'aval de la filière.
Dans cette perspective, il faut à la fois mieux faire fonctionner l'organisation économique, c'est à dire les organisations de producteurs, et y associer le plus grand nombre d'agriculteurs.
En effet, surtout quand la situation de marché est difficile, rien n'est plus préjudiciable à mes yeux que la concurrence exacerbée entre OP, engagées dans une course suicidaire à la baisse des prix, dont s'empressent de profiter les distributeurs.
Pour mieux faire fonctionner l'organisation économique, trois orientations devraient être mises en uvre, grâce à des moyens réglementaires et financiers adaptés :
renforcer la transparence au sein des organisations de producteurs, afin d'assurer un meilleur respect des obligations communautaires, notamment par la mise en place d'un outil d'évaluation de l'efficacité économique des OP ;
renforcer la mission d'animation économique des OP confiée aux comités de bassin et, à ce jour, inégalement observée : les comités de bassin doivent bénéficier des moyens réglementaires et financiers d'une telle mission et renforcer leur légitimité auprès des OP en améliorant leur fonctionnement démocratique comme leurs prestations de services ;
favoriser, par des incitations financières (aides en fonds propres), les regroupements des forces commerciales de plusieurs OP. C'est indispensable pour passer sur certains marchés extérieurs et être plus forts face à la distribution ou la transformation.
Vous savez que cet axe stratégique est l'un des volets, importants du plan gouvernemental décidé il y a quelques jours.
L'élargissement de l'Organisation économique renvoie à trois types d'enjeux :
Il convient tout d'abord d'augmenter le nombre de producteurs rejoignant l'OCM fruits et légumes, en renforçant l'attractivité et la simplicité du règlement de base : c'est l'objet du mémorandum que nous avons présenté aux autorités communautaires au début de l'été, conjointement avec nos amis espagnols et italiens.
J'ai eu l'occasion de sensibiliser la présidence finlandaise sur l'urgence d'aboutir en ce domaine : je me réjouis, dans ce contexte, de l'intention récemment exprimée par la Commission d'accélérer ses travaux sur ce sujet essentiel pour la crédibilité même de notre OCM.
Sans attendre, j'ai souhaité que mes services examinent en liaison avec vos représentants toutes les possibilités de simplifier les modalités de mise en uvre nationale des programmes opérationnels : dés la fin de cette semaine, des orientations seront données en ce sens aux DDAF.
Encore faut il que la Commission ne retire pas d'une main ce qu'elle donnerait de l'autre : je fais ici allusion à l'éligibilité des producteurs organisés aux mesures structurelles communautaires, un temps menacées, les autorités communautaires ayant estimé que les actions structurelles financées par les programmes opérationnels suffisaient à répondre aux besoins de la filière.
Avec vous, nous avons établi un document de travail démontrant au contraire la cohérence des deux types d'instruments et cette approche a été validée par les services de la Commission.
Le troisième et dernier enjeu renvoie aux modalités d'association à l'organisation économique des producteurs indépendants : cette approche peut paraître paradoxale, en regard de ce que les Pouvoirs publics souhaitent mettre en uvre pour mieux faire fonctionner l'organisation économique et l'élargir.
Il s'agit là d'un problème complexe qui suppose d'examiner les solutions permettant d'associer les producteurs indépendants aux disciplines fixées par les organisations de producteurs et par les comités de bassin (avec l'espoir de susciter leur adhésion de manière plus pérenne à l'organisation économique) et, simultanément, de ne pas décourager les producteurs organisés par la mise en place d'un statut alternatif générant moins de contraintes, avec des avantages analogues.
Cet impératif explique le choix de réserver les concours structurels décidés au plan national aux adhérents des organisations de producteurs ou des organisations pré-reconnues, même si l'adhésion volontaire des producteurs indépendants à certaines des disciplines de l'organisation économique supposera nécessairement un accès limité et encadré à certains concours publics.
Ainsi, dans le cadre du dispositif décidé récemment en réponse aux problèmes de marché observés cet été sur plusieurs produits, deux aménagements seront prévus, dans le but précisément de chercher à élargir l'organisation économique
d'une part la condition d'adhésion à l'organisation économique ne sera pas exigée pour l'éligibilité des mesures à caractère social ;
d'autre part, les autres mesures seront ouvertes non seulement aux producteurs organisés, mais également aux producteurs qui s'engagent à rejoindre l'organisation économique, sous réserve bien évidemment que la réalité de cet engagement soit vérifiée.
Le comité de suivi du dispositif, dont j'ai confié la présidence au directeur de l'Oniflhor et qui doit se réunir dans les tous prochains jours, devra fixer avec vous les modalités de mise en uvre de ces orientations.
L'ensemble des questions relatives à l'organisation économique sera traité dans le cadre d'un groupe de travail du CSO, qui proposera, avant la fin de cette année les adaptations réglementaires nécessaires.
Les relations Production - Distribution sont un autre chantier majeur pour votre filière comme pour l'Etat, nous en avons parlé également.
Le Gouvernement, par la voix du Premier ministre, a décidé de prendre à bras le corps ce problème, afin d'identifier et mettre en uvre les solutions permettant d'équilibrer les relations des fournisseurs avec la Distribution.
Cette volonté gouvernementale, nous l'avons traduite avec Marylise LEBRANCHU, à l'occasion de notre table ronde du 21 septembre.
A cette occasion, nous avons identifié les pistes de travail : pratiques commerciales, qualité, double étiquetage, organisation économique, intégration.
Nous avons également fixé un échéancier, la fin de l'année, pour aboutir.
Les groupes de travail, auxquels vos représentants sont associés, vont donc se réunir rapidement : dés le 4 octobre, pour le groupe " pratiques commerciales ", le 7 pour le groupe qualité, un groupe de travail du CSO sur l'organisation économique s'étant déjà réuni le 21 septembre.
Dans la réflexion menée comme dans la mise en uvre des orientations qui seront décidées, nous privilégierons bien évidemment le dialogue entre les partenaires de la filière ; c'est pourquoi, votre Interprofession doit jouer un rôle central.
Mais nous sommes déterminés, si nécessaire, à utiliser tous les leviers réglementaires voire législatifs nécessaires pour avancer en la matière si nous observions des blocages.
Ces deux thèmes de l'organisation économique et des relations Production - Distribution me paraissent au centre du développement économique de votre filière.
Je voudrais également évoquer quelques uns des aspects plus spécifiques que vous avez évoqués.
1 - L'Agriculture raisonnée
Nul doute qu'il s'agit là d'un enjeu important pour la production légumière : en effet, l'agriculture raisonnée vise dans ses principes à minimiser l'impact négatif de l'activité agricole sur l'environnement, tout en s'inscrivant dans la réalité économique.
Vous avez appelé de vos vux la détermination de références en la matière, pour les fruits et légumes.
C'est pour répondre à cette demande que j'ai confié le 14 septembre à Monsieur PAILLOTTIN, Président de l'INRA de conduire une mission sur ce sujet, en liaison avec le Conseil général du GREF et du Conseil général d'agronomie : les fruits et légumes ont donc vocation à s'inscrire dans le cadre de cette réflexion ; je vous invite à prendre l'attache de Monsieur PAILLOTTIN à cet effet.
2 - Les questions liées à l'énergie
Nous en avons parlé ; il s'agit là d'un enjeu majeur pour les serristes, qu'il s'agisse des questions liées au gaz ou à la co-génération.
Sur ce sujet, j'ai demandé à Monsieur Dominique BLATIN, Ingénieur général du Génie rural et des eaux et des forêts, spécialiste des questions d'énergie au sein du ministère, de conduire une réflexion avec vous sur ce point et de me faire des propositions.
3 - Les investissements dans le secteur des serres
Il s'agit bien évidemment d'un volet stratégique de votre activité, en faveur duquel l'Oniflhor mobilise la moitié de ses crédits d'investissements, l'autre moitié étant consacrée au secteur arboricole.
Bien sûr, quelle que soit la volonté affichée par l'Etat, les dotations consacrées à cet objectif ne seront jamais suffisantes pour répondre à la totalité de l'enjeu : d'où l'importance de confronter nos points de vue pour garantir, à tout le moins, que les crédits existants seront utilisés conformément aux intérêts de la filière.
Sur ce plan, je sais que, tout en notant les avancées réalisées par la circulaire serres de ce printemps, je pense par exemple à l'intégration des projets au sein des chartes nationales qualité des sections nationales ou à la priorité affichée en faveur des jeunes, vous ne partagez pas toutes les orientations retenues, et notamment la priorité affichée en faveur des petites et moyennes installations.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que le bilan prévu explicitement dans le texte actuel, après un an d'application de la circulaire, permette de tirer tous les enseignements nécessaires et, le cas échéant, d'adapter le dispositif.
4 - La promotion
Nous avons également évoqué cet aspect important, susceptible de faciliter la communication sur les qualités de vos produits.
Je demande au directeur de l'Oniflhor d'animer rapidement la réflexion afin de proposer très vite à nos partenaires européens un colloque sur la naturalité et la santé des fruits et des légumes, initiative à laquelle je vous sais acquis depuis longtemps, avec l'objectif d'un développement de la consommation de vos produits en Europe.
5 - L'emploi
Le Gouvernement a fait de cet enjeu une priorité essentielle. Nous avons longuement parlé des 35 heures et des perspectives d'assouplissement envisagées au titre de la seconde loi qui devrait être votée au cours des prochains mois.
Je salue l'initiative RELIE, qui concrétise vos efforts pour faciliter l'intégration par le travail au sein des exploitations maraichères.
J'insiste à nouveau sur l'intérêt pour les producteurs de votre filière de se mobiliser autour de la démarche CTE, instrument public en regard duquel des moyens importants, de l'Etat comme des collectivités territoriales seront débloqués en faveur d'exploitations qui initient une stratégie de développement fondée sur la qualité, l'environnement et l'emploi, toutes caractéristiques qui donnent vocation à votre secteur à bénéficier de manière privilégiée de ce dispositif.
6 - Les questions liées à la formation
Vous avez enfin, Monsieur le Président, évoqué les problèmes de formation. En la matière, votre profession a su se doter d'outils performants. C'est ainsi qu'elle a créé, dès 1979, un centre national de formation à Théza. Le ministère de l'agriculture a largement contribué, avec d'autres partenaires, au fonctionnement de ce centre. Bien qu'une décentralisation progressive des actions nationales soit engagée, les difficultés que traverse aujourd'hui le secteur des productions légumières me conduit à poursuivre l'effort. La contribution du ministère au fonctionnement du centre de Théza sera augmentée de 50 % pour 1999/2000, passant de 400 000 à 600 000 francs.
A moyen terme, l'amélioration de l'organisation collective des producteurs, que je souhaite et que j'encourage, devra permettre de trouver les relais et les partenariats indispensables au développement de la formation professionnelle, pour prévoir au mieux tant la préparation au métier que les adaptations nécessaires des professionnels en activité .
En conclusion, Monsieur le Président, je souhaite vous avoir convaincu de la volonté du Gouvernement de mettre en uvre au plus vite les moyens réglementaires et financiers au service du développement de la production légumière française. Je vous ai indiqué quelles étaient les priorités politiques qui étaient les miennes en ce domaine.
Nous avons identifié ensemble des orientations stratégiques : organisation économique, relations Production - Distribution, développement des entreprises, accompagnement des investissements.
Je souhaite que nous les mettions en uvre ensemble, en partenariat avec vous, de façon à assurer, dans le respect des convictions de chacun, la réussite de la filière maraîchère française. Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 4 octobre 1999)