Texte intégral
A. Hausser.- On vous a reproché votre silence au lendemain des élections. Aujourd'hui, vous retrouvez votre voix. Qu'allez-vous faire ? Restez-vous au secrétariat national des Verts ? Changez-vous de vie ? Quittez-vous la politique ? Que devenez-vous ?
- "Avez-vous vraiment l'impression que c'est la question principale qui se pose aux Verts aujourd'hui ? Les Verts viennent de connaître un coup d'arrêt dans leur progression, manifeste depuis 1995, avec la première participation à une majorité gouvernementale depuis 1997, avec nos succès aux élections européennes, puis municipales et cantonales. Nous espérions mieux aux élections législatives. Nous avons subi, comme d'autres, le contrecoup du désamour, de la désaffection du peuple de gauche à l'égard du bilan de la majorité plurielle. Moins que d'autres, puisque nous progressons en voix. Cela dit, nous devons nous interroger sur notre avenir, sur la place qu'est la nôtre au sein de la société française et de la vie politique en France. Une fois que nous aurons arrêté des options stratégiques, viendra le moment de choisir quelle est la meilleure équipe pour l'incarner."
Ce sont les mots, c'est la théorie. Mais ce débat, il ne naît pas ; on ne l'entend pas chez vous...
- "On l'entend très bien. C'est-à-dire que nous sommes en train de réfléchir. Nous nous rencontrons à la fin du mois d'août à Saint-Jean-de-Mont en Vendée pour nos traditionnelles journées d'été. 1.500 militants vont se réunir pour réfléchir à l'avenir des Verts. Nous aurons à la fin de l'année un Congrès. Il n'y a aucune raison de hâter cette réflexion et de la faire sous la pression de l'extérieur. Les Verts se sont choisis un rythme de réflexion pour être sûr que cette réflexion associerait bien l'ensemble des militants."
La pression vient-elle de l'extérieur ou de l'intérieur ?
- "Elle vient des deux. C'est vrai que nombreux sont ceux qui aimeraient bien être "calife à la place du calife". Je souhaite, pour ma part, que les questions de personnes soient traitées après les questions de fond. Les Français ne nous pardonneraient pas une fois de plus de nous regarder avec des listes, de nous introspecter, en omettant les problèmes qui ont été mis en évidence par les élections législatives et présidentielles. Le haut niveau d'abstention, le haut niveau du vote en faveur de l'extrême-droite, la désaffection civique, le doute, la méfiance des électeurs de gauche à l'égard de ceux qui les représentent... Voilà autant de problèmes qu'il nous faut traiter, ainsi bien sûr, que le fait que tous les rouages de l'Etat sont aujourd'hui détenus par la droite, et qu'il nous faut incarner une alternative crédible."
Et cette alternative, on l'acquiert en changeant fondamentalement le fonctionnement du parti. En fait, c'est cela que vous souhaitez. Vous souhaitez que le parti des Verts devienne un parti adulte. C'est ce que vous dites en gros...
- "Je vais vous donner un seul exemple : les Verts sont dirigés aujourd'hui par une équipe soi-disant collégiale de quinze personnes, composée à la proportionnelle des sensibilités et des courants des Verts. Est-ce qu'il existe un seul autre parti en Europe dans lequel la direction ne soit pas un minimum homogène et tire dans le même sens ? En Belgique par exemple, les Verts sont animés par une équipe de trois personnes qui est choisie sur la base d'un contrat, d'un travail à accomplir, qui doit rendre des comptes devant les militants."
C'est cela que vous allez leur proposer ?
- "Je vais leur proposer en tout cas d'être moins brouillons, moins infantiles et de coller vraiment à nos exigences de démocratie participative à l'intérieur, et de clarification du message que nous passons à l'extérieur."
Quelles chances avez-vous de réussir ?
- "C'est une tâche de longue haleine. Je le savais en quittant le Gouvernement et en choisissant de reprendre des responsabilités à la tête des Verts. C'est une tâche qui ne pourra réussir que si les moyens sont donnés à l'équipe dirigeante d'animer vraiment ce mouvement, un mouvement qui ne dispose pas d'une majorité, qui est capable jour près jour de contester une ligne stratégique sans proposer une alternative. Avions-nous vraiment le choix de ne pas participer au Gouvernement de 1997 ? Aurions-nous gagné quoi que ce soit en termes de visibilité, de crédibilité, de lisibilité de nos propositions dans l'opinion, à adopter la posture de tous les mouvements d'extrême-gauche qui se sont crashés aux élections législatives ?"
Aujourd'hui, on entend les Verts à propos de leurs querelles personnelles. D'ailleurs, vous les dénoncez....
- "Notez que je n'y ai pas participé..."
Absolument. Mais votre prédécesseur, J.-L. Bennahmias, dénonce ce matin dans Libération les comportements infantiles. Il dit que les Verts ont fait de la politique "n'importe comment". On ne vous entend pas vraiment sur l'écologie en ce moment.
- "Je pense pourtant que nous nous exprimons assez régulièrement..."
Ou alors, vous n'arrivez pas à vous faire entendre ?
- "Sur le travail ou plutôt sur l'absence de travail réalisé par R. Bachelot et T. Saïfi au ministère de l'Ecologie et du Développement durable, tous les observateurs se sont accordés à souligner le caractère pathétique des interventions qui ont été formulées dans la phase de préparation du Sommet de la terre de Johannesburg. La méthode qui est adoptée, qui est d'éviter les conflits, de concerter interminablement sans jamais prendre de décision, n'ira pas très loin..."
C'est un peu tôt quand même pour prendre des décisions ?
- "Cela concerne une politique qu'on discute depuis dix ans. La politique de traitement des déchets ménagers date de 1992. On avait donné dix ans aux collectivités locales pour se préparer à cette échéance..."
Vous saviez qu'elle n'était pas prête...
- "Et je constate qu'on vient, au lieu de donner le dernier coup de collier, de renoncer à l'effort final. R. Bachelot n'a pas pris la mesure de la complexité, de l'importance de ces politiques. C'est vrai qu'elles sont difficiles à mettre en oeuvre. Ce sont des politiques qui interpellent, qui bouleversent les habitudes et les comportements traditionnels des ministères : le ministère de l'Economie, le ministère des Transports, le ministère de l'Agriculture, le ministère du Logement. Mais c'est cela qui fait aussi la grandeur du ministère de l'Environnement : ce doit être le ministère qui prépare l'avenir."
Aujourd'hui, faut-il harmoniser les Smic ?
- "Il faut incontestablement revaloriser les bas salaires. C'est un choix qui ne semble pas devoir être celui du Gouvernement. Pendant plusieurs années, les salariés ont accepté une certaine modération salariale pour permettre le passage aux 35 heures..."
Est-ce que c'était une bonne chose, les 35 heures ?
- "Forcément..."
Vous continuez de les défendre, même si on dit "qu'on a perdu à cause des 35 heures" ?
- "Bien sûr, parce que c'est un bouleversement considérable. Cela remet en cause notre relation au travail, notre organisation du travail, la répartition des temps dans la vie. C'est un bouleversement énorme et il est normal que la mise en place des 35 heures soit difficile. Cela dit, le travail devrait être d'améliorer le passage aux 35 heures au lieu d'y renoncer, de revaloriser les bas salaires, d'harmoniser les Smic vers le haut, pour ceux qui aujourd'hui voient dans les 35 heures une dégradation de leur niveau de vie."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 9 juillet 2002)
- "Avez-vous vraiment l'impression que c'est la question principale qui se pose aux Verts aujourd'hui ? Les Verts viennent de connaître un coup d'arrêt dans leur progression, manifeste depuis 1995, avec la première participation à une majorité gouvernementale depuis 1997, avec nos succès aux élections européennes, puis municipales et cantonales. Nous espérions mieux aux élections législatives. Nous avons subi, comme d'autres, le contrecoup du désamour, de la désaffection du peuple de gauche à l'égard du bilan de la majorité plurielle. Moins que d'autres, puisque nous progressons en voix. Cela dit, nous devons nous interroger sur notre avenir, sur la place qu'est la nôtre au sein de la société française et de la vie politique en France. Une fois que nous aurons arrêté des options stratégiques, viendra le moment de choisir quelle est la meilleure équipe pour l'incarner."
Ce sont les mots, c'est la théorie. Mais ce débat, il ne naît pas ; on ne l'entend pas chez vous...
- "On l'entend très bien. C'est-à-dire que nous sommes en train de réfléchir. Nous nous rencontrons à la fin du mois d'août à Saint-Jean-de-Mont en Vendée pour nos traditionnelles journées d'été. 1.500 militants vont se réunir pour réfléchir à l'avenir des Verts. Nous aurons à la fin de l'année un Congrès. Il n'y a aucune raison de hâter cette réflexion et de la faire sous la pression de l'extérieur. Les Verts se sont choisis un rythme de réflexion pour être sûr que cette réflexion associerait bien l'ensemble des militants."
La pression vient-elle de l'extérieur ou de l'intérieur ?
- "Elle vient des deux. C'est vrai que nombreux sont ceux qui aimeraient bien être "calife à la place du calife". Je souhaite, pour ma part, que les questions de personnes soient traitées après les questions de fond. Les Français ne nous pardonneraient pas une fois de plus de nous regarder avec des listes, de nous introspecter, en omettant les problèmes qui ont été mis en évidence par les élections législatives et présidentielles. Le haut niveau d'abstention, le haut niveau du vote en faveur de l'extrême-droite, la désaffection civique, le doute, la méfiance des électeurs de gauche à l'égard de ceux qui les représentent... Voilà autant de problèmes qu'il nous faut traiter, ainsi bien sûr, que le fait que tous les rouages de l'Etat sont aujourd'hui détenus par la droite, et qu'il nous faut incarner une alternative crédible."
Et cette alternative, on l'acquiert en changeant fondamentalement le fonctionnement du parti. En fait, c'est cela que vous souhaitez. Vous souhaitez que le parti des Verts devienne un parti adulte. C'est ce que vous dites en gros...
- "Je vais vous donner un seul exemple : les Verts sont dirigés aujourd'hui par une équipe soi-disant collégiale de quinze personnes, composée à la proportionnelle des sensibilités et des courants des Verts. Est-ce qu'il existe un seul autre parti en Europe dans lequel la direction ne soit pas un minimum homogène et tire dans le même sens ? En Belgique par exemple, les Verts sont animés par une équipe de trois personnes qui est choisie sur la base d'un contrat, d'un travail à accomplir, qui doit rendre des comptes devant les militants."
C'est cela que vous allez leur proposer ?
- "Je vais leur proposer en tout cas d'être moins brouillons, moins infantiles et de coller vraiment à nos exigences de démocratie participative à l'intérieur, et de clarification du message que nous passons à l'extérieur."
Quelles chances avez-vous de réussir ?
- "C'est une tâche de longue haleine. Je le savais en quittant le Gouvernement et en choisissant de reprendre des responsabilités à la tête des Verts. C'est une tâche qui ne pourra réussir que si les moyens sont donnés à l'équipe dirigeante d'animer vraiment ce mouvement, un mouvement qui ne dispose pas d'une majorité, qui est capable jour près jour de contester une ligne stratégique sans proposer une alternative. Avions-nous vraiment le choix de ne pas participer au Gouvernement de 1997 ? Aurions-nous gagné quoi que ce soit en termes de visibilité, de crédibilité, de lisibilité de nos propositions dans l'opinion, à adopter la posture de tous les mouvements d'extrême-gauche qui se sont crashés aux élections législatives ?"
Aujourd'hui, on entend les Verts à propos de leurs querelles personnelles. D'ailleurs, vous les dénoncez....
- "Notez que je n'y ai pas participé..."
Absolument. Mais votre prédécesseur, J.-L. Bennahmias, dénonce ce matin dans Libération les comportements infantiles. Il dit que les Verts ont fait de la politique "n'importe comment". On ne vous entend pas vraiment sur l'écologie en ce moment.
- "Je pense pourtant que nous nous exprimons assez régulièrement..."
Ou alors, vous n'arrivez pas à vous faire entendre ?
- "Sur le travail ou plutôt sur l'absence de travail réalisé par R. Bachelot et T. Saïfi au ministère de l'Ecologie et du Développement durable, tous les observateurs se sont accordés à souligner le caractère pathétique des interventions qui ont été formulées dans la phase de préparation du Sommet de la terre de Johannesburg. La méthode qui est adoptée, qui est d'éviter les conflits, de concerter interminablement sans jamais prendre de décision, n'ira pas très loin..."
C'est un peu tôt quand même pour prendre des décisions ?
- "Cela concerne une politique qu'on discute depuis dix ans. La politique de traitement des déchets ménagers date de 1992. On avait donné dix ans aux collectivités locales pour se préparer à cette échéance..."
Vous saviez qu'elle n'était pas prête...
- "Et je constate qu'on vient, au lieu de donner le dernier coup de collier, de renoncer à l'effort final. R. Bachelot n'a pas pris la mesure de la complexité, de l'importance de ces politiques. C'est vrai qu'elles sont difficiles à mettre en oeuvre. Ce sont des politiques qui interpellent, qui bouleversent les habitudes et les comportements traditionnels des ministères : le ministère de l'Economie, le ministère des Transports, le ministère de l'Agriculture, le ministère du Logement. Mais c'est cela qui fait aussi la grandeur du ministère de l'Environnement : ce doit être le ministère qui prépare l'avenir."
Aujourd'hui, faut-il harmoniser les Smic ?
- "Il faut incontestablement revaloriser les bas salaires. C'est un choix qui ne semble pas devoir être celui du Gouvernement. Pendant plusieurs années, les salariés ont accepté une certaine modération salariale pour permettre le passage aux 35 heures..."
Est-ce que c'était une bonne chose, les 35 heures ?
- "Forcément..."
Vous continuez de les défendre, même si on dit "qu'on a perdu à cause des 35 heures" ?
- "Bien sûr, parce que c'est un bouleversement considérable. Cela remet en cause notre relation au travail, notre organisation du travail, la répartition des temps dans la vie. C'est un bouleversement énorme et il est normal que la mise en place des 35 heures soit difficile. Cela dit, le travail devrait être d'améliorer le passage aux 35 heures au lieu d'y renoncer, de revaloriser les bas salaires, d'harmoniser les Smic vers le haut, pour ceux qui aujourd'hui voient dans les 35 heures une dégradation de leur niveau de vie."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 9 juillet 2002)