Déclaration de M. Jacques Godfrain, ministre délégué à la coopération, sur l'importance de la coopération décentralisée pour le développement du Burkina Faso, Chambéry le 26 avril 1997.

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Circonstance : Colloque "Burkina 97" à Chambéry le 26 avril 1997

Texte intégral

C'est avec un grand plaisir que je me retrouve parmi vous aujourd'hui, en compagnie du président Blaise Compaoré, afin de tirer un bilan de la coopération décentralisée franco-burkinabé.

Cette coopération, qui a débuté il y a une vingtaine d'années, a pris une ampleur sans précédent en Afrique et justifie pleinement l'instauration d'un dialogue régulier, à l'image de cette journée qui nous rassemble aujourd'hui, et à laquelle le président Compaoré nous fait l'honneur de participer.

La coopération décentralisée franco-burkinabé est multiple et concerne aussi bien les petites communes que les régions et les départements. Son engagement financier en faveur de ses partenaires burkinabés dépasse les 7 MF par an et mobilise largement les citoyens de nos collectivités locales.

Aujourd'hui arrivée à maturité, la coopération décentralisée doit faire face à une évolution fondamentale, liée à l'émergence et à la structuration des collectivités burkinabé, décidée par le président Blaise Compaoré.

Depuis des années, et je voudrais lui rendre un hommage solennel, le président du Sénat, M. Monory, grâce au jumelage de sa ville, Loudun, avec Ouagadougou, mais aussi par l'émulation en faveur de la coopération décentralisée qu'il a su développer entre les villes du département de la Vienne, qu'il préside, a été et demeure un exemple de ce qu'il convient de faire, de conduire, en matière de coopération décentralisée.

Bien sûr, la coopération entre Chambéry et Ouahigouya est aussi exemplaire, notamment dans sa dimension de coopération technique en matière de gestion urbaine. Je ne veux pas faire un inventaire de toutes les opérations de coopération, car cela nous prendrait trop de temps, mais en ces temps où certains ne savent plus quel est le prix des engagements et des solidarités, où les civilisations trébuchent, hésitent sur la voie à suivre, il est réconfortant de constater que ce qui fait l'armature sociale de notre pays, c'est-à-dire nos collectivités locales, s'engagent dans la bataille du développement.

Le défi est mondial, nous le savons, l'Europe, notre pays, sont aux avant-postes. Nous sommes à la fois ceux qui peuvent engendrer le développement et ceux qui sont menacés par le sous-développement. Le monde est unique, même s'il est composé d'Etats ayant des niveaux de développement différents.

L'Europe et l'Afrique sont plus proches que jamais du fait des transports rapides, des télécommunications instantanées, et pourtant quel chemin encore à parcourir pour qu'une évolution harmonieuse s'établisse entre ces deux continents !

Les élus de nos villes et de nos campagnes savent bien que la connaissance intime des êtres et des lieux permet de résoudre au mieux les problèmes posés. C'est ainsi, par une pratique du terrain, que nos édiles s'appliquent aujourd'hui sur notre territoire à réduire cette fracture sociale, génératrice d'une société à deux vitesses. A une autre échelle, l'écart qui sépare nos sociétés de celles du Sud n'est pas d'une nature absolument différente, et c'est bien la raison pour laquelle la connaissance intime des choses est une condition indispensable, là encore, à la mise en place d'un développement durable.

Nos élus locaux peuvent échanger avec leurs collègues du Sud, les aider à comprendre leurs problèmes et à les assumer matériellement, mais aussi, en retour, cela peut les amener à comprendre les problèmes qui se posent dans leurs propres collectivités du Nord et leur apporter des solutions.

Car bien sûr, dans cette démarche vers le développement et la démocratisation locale, chacun marche à son pas et c'est à chacun de trouver sa voie, aidé par la coopération décentralisée.

L'intérêt d'une coopération entre ceux qui ont les mêmes responsabilités n'est plus à démontrer, elle est le fait de professionnels, elle est le fait d'élus qui doivent rendre compte de leurs mandats, elle est donc tenue à la transparence et s'inscrit dans la durée.

On aime travailler avec ceux que l'on connaît bien, l'enracinement de la coopération s'opère dans la connaissance mutuelle grâce aux rapports privilégiés et durables d'élus, de professionnels à professionnels.

Toute action de développement se doit d'être initiée par ses bénéficiaires, car elle répond à leurs besoins, à leur attente. Elle doit donc être à la mesure de leur capacité à la gérer, elle doit être durable, c'est-à-dire à la fois bien inscrite dans le contexte local et le processus global de développement, mais surtout elle ne doit pas mettre en cause l'avenir par une atteinte aux ressources non renouvelables.

La coopération décentralisée franco-burkinabé est plurielle, on ne peut la réduire ou l'enfermer dans un type d'action. Elle participe à la fois au développement local - en intervenant sur les systèmes d'éducation et sur le système de santé - et aux aspects liés au développement économique.

Le développement économique, beaucoup de collectivités françaises s'y sont attelées, par des programmes de développement rural, la mise en place de systèmes de crédits adaptés pour favoriser les investissements privés, la création de comités de versements d'attribution d'aide, l'aide à la mise en marché, les échanges entre PMI françaises et africaines.

Des jumelages nombreux sont venus conforter les opérations de développement, et des voyages croisés chez les uns et les autres ont appris à se connaître et à s'apprécier. Le président Compaoré a résolument engagé son pays dans la voie de la décentralisation. Des réformes profondes sont en cours, préparées longuement par la commission nationale de la décentralisation. Les collectivités locales burkinabé existantes et celles à venir auront besoin de tout le savoir-faire des collectivités locales françaises et d'un partenariat engagé pour réussir ce difficile pari de répondre aux attentes et aux besoins de leurs concitoyens.

Je désigne là, mes chers amis, votre nouvel espace de coopération décentralisée : vous les élus de terrain, vous les ingénieurs de ville, vous les membres des compagnies consulaires, vous les représentants des organisations de solidarité internationales, vous tous, enfin, qui composez le tissu actif de notre territoire, vous avez un champ immense, où je vous demande de vous engager.

Mon ministère, en ce qui le concerne, est tout à fait prêt à aider prioritairement ceux qui s'engagent dans cette voie de coopération avec nos homologues burkinabé.

Vous savez que nous abondons, jusqu'à hauteur de 50 %, tous les projets de qualité que vous nous présentez, et mon désir est que de plus en plus de projets, en harmonie avec la politique de la France et du Burkina-Faso, puissent en bénéficier.

Vous le savez, vous l'avez compris, la mobilité accrue de tous entre l'Europe et l'Afrique, entre un continent riche et un continent encore pauvre, nous condamne à remporter le défi du développement en Afrique ou bien, malheureusement, à nous préparer à recevoir le contre-coup de notre échec, jusque dans nos collectivités locales.

La coopération décentralisée est aujourd'hui, à mes yeux, la plus adaptée, car laplus concernée pour faire face à ce défi. Elle est partie intégrante de l'action de la France à l'étranger. L'intégration des collectivités locales françaises dans les commissions mixtes, leur participation à des programmes structurants comme le programme de développement municipal ouest-africain, doivent maintenant être amplifiées et systématiquement mises en oeuvre.

Le gouvernement français, mon ministère en premier lieu, sont à votre disposition pour vous aider, dans un esprit de partenariat ouvert, tant Nord-Nord que Nord-Sud, pour vous accompagner dans cette démarche.

Voilà, Mesdames et Messieurs, le message que je souhaitais vous adresser, en tant que ministre de la Coopération, mais aussi en tant qu'élu local. Je vous remercie, Monsieur le Président du Burkina Faso, Mesdames et Messieurs les Maires et élus locaux, chers partenaires de la coopération décentralisée.

(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 octobre 2001)