Texte intégral
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames, Messieurs,
C'est désormais pour moi comme pour vous, une tradition bien établie que de se réunir deux fois par an lors de la séance plénière du CSFM, pour un échange ouvert et constructif. Cette 57ème session, que je préside avec un réel plaisir, va nous permettre de faire le point d'un certain nombre d'actions qui ont mobilisé le ministère de la défense dans le courant du premier semestre 1998. J'en profiterai également pour évoquer les priorités que j'assigne pour les six prochains mois de cette deuxième année de montée en puissance de la professionnalisation, auxquelles vous êtes pleinement associés.
Je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue aux nouveaux membres du groupe B issus du renouvellement de janvier 1998, qui siègent donc pour la première fois au sein du CSFM. Ce renouvellement indique un enracinement des CFM dans la communauté militaire. La notoriété des conseils est certainement en augmentation. Si le nombre global de volontaires n'a pas beaucoup progressé, il ne s'agit pas à mon sens d'un signe de désintérêt. C'est aussi le signe que la fonction étant mieux connue, beaucoup de vos camarades se rendent compte que ce volontariat est pesant et contraignant et qu'en fonction de leurs autres engagements et de leurs choix professionnels, ils ne veulent pas s'impliquer dans cette mission. Cela nous ramène au thème de la concertation, et me parait prouver que cette fonction a encore besoin d'être soutenue dans la vie de la communauté militaire.
Je souhaite que les nouveaux membres, dont je salue ici l'acte de volontariat pour cette mission d'importance, pèsent bien les exigences qui s'y attachent. Il s'agit en effet d'assurer une double mission : vous êtes une force de proposition vers les instances décisionnelles du ministère de la défense, et directement vers moi. Je sais pouvoir vous faire confiance à ce sujet car j'ai déjà pu juger de la qualité des débats menés lors de vos sessions. Mais vous êtes également une force d'explication vis-à-vis de vos camarades dans vos unités, auxquels vous devez rendre compte de vos débats, et que vous devez impliquer à votre niveau dans les sujets que vous traitez. La concertation ne peut être efficace qu'avec leur adhésion.
1 . Ce thème de la concertation constitue le premier dossier que je vais évoquer avec vous. Vous le savez, il revêt à mes yeux une importance particulière. Je vous l'avais dit ici même dès le 20 juin de l'an dernier, je l'avais souligné à nouveau le 29 novembre. J'ai ainsi souhaité que l'amélioration des procédures de concertation soit le thème d'étude de la 57ème session, et les éclairages et enrichissements que vous avez apportés aux études en cours contribueront à leur traduction dans les faits.
Moins d'une semaine après mon intervention en ces lieux en novembre dernier, j'ai initié le processus de consultation que j'avais décrit devant vous en saisissant de ce thème les chefs d'état-major, le délégué général pour l'armement, le directeur général de la gendarmerie nationale et les directeurs centraux des deux services interarmées de la santé et des essences. Je leur demandais de m'adresser pour le 15 janvier 1998 des propositions d'amélioration des procédures existantes. Parallèlement, j'ai mis en place un groupe de travail sous la présidence du contrôleur général des armées Rebmeister, votre secrétaire général, pour synthétiser et enrichir ces différentes propositions. Ce groupe de travail m'a transmis le 1er mars les conclusions qui ont servi de bases de réflexion pour votre session. Je tiens à souligner devant vous la qualité des travaux de l'ensemble des participants que je viens de mentionner.
Les principales pistes d'amélioration dégagées visent à l'amélioration du dialogue, de la qualité du débat, de la représentativité et de la crédibilité des conseils. Elles correspondent à certaines de mes attentes. Elles ont fait l'objet de débats approfondis au sein des sept CFM au cours des mois d'avril et de mai. Elles ont également alimenté vos travaux. A l'issue de la présente session du CSFM, et à la lecture de vos travaux, je me réserve quelques semaines afin de fixer concrètement les orientations qui me semblent nécessaires. Cependant, je peux d'ores et déjà vous livrer l'état de mes réflexions en la matière.
Les voies d'amélioration qui recueillent un consensus devraient pouvoir, sous l'égide du secrétaire général pour l'administration et du secrétaire général du CSFM, être examinées sous l'angle de leurs éventuelles traductions dans les textes. Les modifications qui seraient à y apporter pourraient ainsi être examinées par les conseils lors de la prochaine session d'automne. Parallèlement, il s'agit également de réfléchir aux modalités concrètes de mise en oeuvre de certaines pistes, je pense par exemple au domaine de la formation des membres dont vous avez tous souligné la nécessité. Là encore, l'administration centrale du ministère me fera les premières propositions, qui pourront ensuite vous être soumises.
Cependant, il me semble que certains domaines méritent un approfondissement. Je pense par exemple aux moyens d'assurer une continuité entre les instances nationales, intermédiaires et locales, ou à la nécessité de bien harmoniser les deux domaines de concertation des CPU, qui sont la vie courante d'une part et la condition militaire d'autre part.
C'est pourquoi il me paraît acquis que les CFM et le CSFM devront poursuivre leurs travaux sur un certain nombre de points lors de leurs sessions d'automne 1998. La poursuite de ce thème d'étude sur deux sessions me paraît en outre cohérent avec le souhait que vous avez tous exprimé de n'examiner qu'un seul grand thème par année. Je vous fixerai donc, comme je l'ai dit, les orientations sur la poursuite de ces travaux, dans les prochaines semaines, ainsi que le calendrier dans lequel ils doivent s'inscrire.
Je vais maintenant évoquer avec vous deux dossiers qui vous sont familiers par l'actualité, mais sur lesquels je voudrais préciser mon appréciation.
2 - Ce premier semestre a été marqué par les travaux menés dans le cadre de la revue de programme et les conclusions que le Premier ministre a tirées à Saint-Mandrier il y a un mois et demi. Comme vous le savez, j'avais engagé ce travail d'envergure pour réexaminer de façon rigoureuse la correspondance entre les besoins des armées et les ressources financières de la défense. Ce travail a été mené en interne, il n'a pas donné lieu à des débats publics. Cela a contribué à ce qu'il soit plus attentif sur le plan technique et plus serein. L'objectif était de nous sortir de l'incertitude qui était créée par la non correspondance de la loi de finance 1998 avec la loi de programmation.
Ce n'était pas la première fois qu'il n'y avait pas correspondance entre une loi de finance et une loi de programmation. Mais le Gouvernement étant nouvellement en fonction et la loi de programmation étant un élément-clé du pilotage de la réforme, je souhaitais pouvoir convaincre le chef de l'Etat et le Gouvernement qu'il fallait se remettre en ligne avec la programmation quitte à faire des efforts. C'est la position qu'a retenue le Premier ministre et qu'il a évoquée dans son allocution de Saint-Mandrier. Le chef de l'Etat, lorsqu'il a donné sa dernière distinction au général DOUIN qui quittait ses fonctions, a apporté lui-même son accord à cette position. Ces conclusions de la revue de programme donnent ainsi lieu à un assentiment entre le chef de l'Etat, chef des armées, et le Gouvernement.
La principale de ces conclusions, celle qui vous préoccupe le plus directement, c'est la décision d'un redressement, par rapport à 1998, des crédits d'équipement des armées, c'est-à-dire ceux qui bénéficient à l'acquisition des matériels modernes dont vous avez besoin. Pour la période restant à couvrir de la loi de programmation, c'est-à-dire de 1999 à 2002 inclus, nous repartons sur une enveloppe annuelle de 85 milliards en valeur 1998, ce qui est moins que l'objectif primitif de la loi de programmation, car nous aurions dû être entre 89 et 90 milliards, mais substantiellement plus que les 81 milliards qui nous ont été attribués pour 1998.
Si nous avons réussi à obtenir cette remontée qui n'est pas banale - en effet, aujourd'hui, il n'y a pas beaucoup de grands Etats européens qui augmentent leurs dépenses d'équipement de défense - c'est parce que nous avons fait collectivement un travail de qualité, salué par le Président et le Premier ministre, de vérification stratégique et de recherche de la meilleure adaptation entre les moyens et les objectifs. A cette occasion je voudrais rendre hommage à tous ceux dans les états-majors et les services qui y ont consacré beaucoup d'énergie, faisant la synthèse entre nos moyens militaires que nous considérons comme indispensables et l'impératif de limitation des dépenses que le Gouvernement place dans ses priorités.
Sur cette base consolidée, nous allons pouvoir maintenir sans rupture les grands objectifs de modernisation des armées. En outre, que le Gouvernement, dont l'action s'inscrit dans la durée, affectionne d'une certaine façon cette loi de programmation qui avait était votée sous la législature précédente, témoigne d'un engagement moral qui rassemble tout le monde et qui donne aux armées une perception de l'avenir, tant de l'intérieur - c'est important pour tous ceux que vous représentez - que de l'extérieur, c'est à dire le Parlement et ceux qui nous observent. Enfin, pendant les derniers mois de 1997 et les premiers mois de 1998, les ministres de la défense, notamment des autres pays européens, avec qui j'étais en contact cherchaient à obtenir des précisions sur ce que signifiait la fixation de crédits pour 1998 ; nous sommes en effet en coopération sur de nombreux programmes, et égalemennt sur le plan militaire, que ce soit dans le cadre de l'alliance, de l'UEO ou dans certaines opérations. Ils souhaitaient donc y voir un peu plus clair - c'est chose faite - et je crois que pour notre crédibilité extérieure nous avons également marqué un point marquant.
De retour dans vos unités, s'il n'est pas dans votre rôle de faire de grands commentaires sur ces choix budgétaires, il me semble que vous pouvez indiquer à vos camarades que les conclusions de la revue de programme traduisent la confiance que vous porte le Gouvernement, et démontrent une relation solide et stable entre le Gouvernement et l'institution militaire pour accomplir les missions dans la durée.
3 - Ce premier semestre a également été marqué par la mise en place de la mission d'information parlementaire sur le Rwanda. C'est un sujet qui a été commenté à différents moments et qui justifie les interrogations au sein de la communauté militaire, car il s'agit là à certains égards d'une première. Comme vous le savez, le Gouvernement a donné son accord de principe à une telle procédure sur laquelle nous avions longuement délibéré avec le ministre des affaires étrangères, puisqu'il y a là toute l'influence de la France dans cette région. Le Premier ministre et moi même avons estimé que dans un pays démocratique, à partir du moment où une contestation d'opinion fondée sur des faits en partie mal élucidés subsistait, il était beaucoup plus efficace de faire en sorte que, plutôt que de chercher à donner une vérité officielle, ce soit une autorité, qui n'est pas l'autorité hiérarchique, qui donne et analyse les faits, qui recueille les témoignages et qui porte une appréciation d'ensemble sur ce qu'a été l'action de la France dans ce pays en crise.
Toutefois, il m'a paru, et le Premier ministre a également entendu l'appréciation de mon collègue des affaires étrangères pour le personnel diplomatique, que s'agissant des agents de l'Etat qui étaient en fonction pour représenter sous diverses responsabilités la France sur le terrain, il était de loin préférable que la mission parlementaire reçoive leurs indications en séance non publique, car par définition, une partie des sujets qui allaient être discutés étaient couverts par le secret défense. Il a finalement été convenu que ce serait bien comme cela que se dérouleraient les auditions. Les exceptions ont été, pour les militaires, les deux anciens chefs d'états-majors particuliers du Président de la République et pour les diplomates et assimilés, l'actuel ministre des affaires étrangères.
En dehors du travail que va poursuivre cette mission d'information et qui va se dérouler jusqu'au mois d'octobre, je pense qu'il sera utile que je m'exprime publiquement, et ce avant la publication des conclusions, pour réaffirmer qu'ayant rassemblé l'ensemble de l'information, je peux considérer que les militaires, qui étaient engagés dans diverses missions au cours de cette crise, ont appliqué loyalement et en respectant l'honneur de leur métier et de leur mission l'ensemble des objectifs qui leur étaient impartis.
Au regard de la presse, le pari que nous avons fait est qu'il vaut mieux qu'une instance tierce et pluraliste comme le Parlement porte une appréciation d'ensemble. Même s'il y a encore eu quelques points de polémique dans tel ou tel article, je suis convaincu que la presse reconnaît l'ensemble des efforts et des manifestations de dévouement et de courage qui ont marqué l'action de la France dans ce pays, et que beaucoup reconnaissent aujourd'hui que la France s'y est engagée alors que beaucoup d'autres pays étaient à l'écart.
Qu'il s'agisse des parlementaires qui sont dans les missions d'information et qui par définition appartiennent à des formations différentes, ou des autorités politiques qui sont venues s'exprimer, tout cela a aussi contribué à refléter la diversité de notre démocratie, tout comme le fait que les uns et ou les autres se retrouvent avec les mêmes appréciations. Nous n'empêcherons pas qu'il puisse subsister des attaques ou des critiques malveillantes mais il me semble qu'elles tendent à s'isoler. Il y a eu, il y a deux-trois jours, un papier d'un journaliste qui cherchait à mettre en cause la mission d'information en disant que ses membres n'étaient pas assez " méchants ". J'ai plutôt tendance à penser que c'est une dernière manifestation de frustration de la part de gens qui espéraient que ceci resterait un milieu politique et qui ,voyant que cela devrait se terminer par un exercice plutôt loyal et équitable de démocratie, n'en ont pas pour leur argent.
Je souhaite donc exprimer un sentiment de satisfaction et de fierté de la part du Gouvernement vis-à-vis de ce qu'a été l'action de ce pays dans cette crise en soulignant à quel point c'était humainement difficile et douloureux pour tous ceux qui s'y sont engagés, notamment sous les armes.
Je voudrais maintenant dresser ici les priorités que je fixe pour le deuxième semestre 1998, et pour lesquelles votre réflexion et votre action me semblent nécessaires.
4 . Tout d'abord, la loi sur les réserves. Comme je l'avais dit en septembre dernier lors des débats relatifs à la réforme du service national au Parlement, c'est maintenant l'élaboration de la loi sur les réserves que je place au coeur des priorités du ministère. Dans la continuité de la loi de programmation militaire, la loi d'accompagnement de la professionnalisation et la loi portant réforme du service national, il s'agira ainsi du dernier volet législatif nécessaire à la réforme des armées.
Un grand travail a été fait sous l'égide de l'état-major des armées quant au concept opérationnel d'emploi des réserves dans notre armée professionnelle. A une réserve de masse se substituera une réserve plus intégrée, plus disponible, mieux entraînée, constituée d'une première réserve principale de 100 000 hommes dont 50 000 gendarmes, car c'est essentiellement sur le territoire intérieur que la réserve sera appelée à servir. Dans l'emploi de ces réservistes, nous veillerons à ce que l'utilisation des engagements spéciaux dans la réserve soit faite avec une lisibilité qui garantisse la satisfaction de nos besoins, la cohérence et l'efficacité des réserves.
Pour autant, et c'est une orientation que je veux affirmer, l'emploi de ces réserves ne se limitera pas à cet aspect opérationnel, car il est un volet essentiel où leur rôle est primordial : les réservistes doivent être reconnus et plus impliqués dans le renouvellement du lien entre la Nation et son armée. Une contribution qui me semble de la plus haute importance consistera en leur participation concrète aux côtés des militaires d'active aux journées d'appel de préparation à la défense. Mais d'autres actions doivent être initiées, car ces réservistes seront bien souvent un trait d'union avec la société civile.
J'ai indiqué que le projet de loi portant organisation des réserves est une priorité. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé tout récemment la création du Conseil supérieur d'étude des réserves, que je présiderai personnellement. C'est un organisme consultatif, où j'entends en particulier lancer la phase de concertation que j'estime nécessaire. Ce conseil regroupera les chefs d'état-major et directeurs centraux ainsi que les 12 associations de réservistes les plus représentatives au plan national. Il sera soutenu par un secrétariat permanent à la tête duquel j'ai nommé le général de corps d'armée Robert RENIER, dont j'ai pu apprécier les qualités en tant que qu'inspecteur des réserves et de la mobilisation de l'armée de terre et président de la commission armées-jeunesse. J'ai convoqué la première réunion du conseil supérieur le 18 juin prochain.
Nous avons récemment fait, au sein du Gouvernement, notre calendrier des mises en discussion de nouvelles lois. Au cours de la session d'automne du Parlement, le calendrier est occupé pour une large part par le budget, et depuis deux ans maintenant, par la loi de financement de la sécurité sociale. Mon objectif est donc que notre projet soit adopté par le Gouvernement et déposé au Parlement au mois de novembre ou début décembre au plus tard, et qu'il soit examiné en commission à ce moment là pour qu'il puisse ensuite être soumis à l'Assemblée en février 1999. Ceci est cohérent avec la mise en oeuvre effective des réserves pour lesquelles nous allons inscrire des crédits supplémentaires dans le budget 1999.
5 . Venons en au dossier des restructurations. Comme vous le savez, la première phase, qui pour l'essentiel portait sur les unités et qui doit s'appliquer en 1997, 1998 et 1999, est en cours de déroulement, suivant la programmation qui avait été annoncée par Charles MILLON en 1996. Dans l'ensemble, par rapport aux objectifs qui ont été fixés, malgré les difficultés humaines et personnelles, cette phase se déroule conformément à la programmation.
Comme je l'avais annoncé l'année dernière, j'ai l'intention de dérouler la deuxième phase qui couvre la période 2000, 2001, 2002 à partir d'une annonce qui respecte le principe des 18 mois. C'est donc à la fin du mois prochain que je donnerai connaissance de l'ensemble des décisions de restructuration s'étalant jusqu'à fin 2002.
En l'état actuel des réflexions, en fonction des enjeux d'efficacité de fonctionnement, de gestion de personnels et accessoirement des enjeux financiers, il est possible, là où il n'y aura pas trop d'effet sur les personnels, que l'on anticipe la première application de cette deuxième vague pour la fin 1999, c'est-à-dire que l'on se donne peut-être un peu d'avance pour 2001.
En tout état de cause, les objectifs premiers de ces décisions seront l'efficacité opérationnelle et les économies de gestion. Cette deuxième phase des restructurations porte essentiellement sur les soutiens et sur l'organisation territoriale. Plus on se disperse, plus les unités sont nombreuses et réparties. Il faudra donc faire des efforts importants de regroupement afin de ne pas être perdants en coût de soutien par rapport au coût des unités opérationnelles. Il faudra également tenir compte des impacts de nos décisions sur les emplois locaux, en privilégiant la recherche sur le long terme.
C'est une réforme que nous ne ferons pas souvent, il ne faut donc pas la faire de façon trop timorée en ayant à regretter deux ou trois ans après qu'on n'ait pas été suffisamment efficace. Nous serons sûrement appelés à faire quelques concessions ou quelques limitations pour éviter des situations trop tendues en matière d'emploi local, mais l'objectif essentiel sera quand même un regroupement énergique.
Cela déclenchera des obligations de mobilité. Le bilan sur 1997 fait apparaître 8500 mutations, alors qu'il en était prévu 7500 au lancement du projet. Ceci indique bien qu'il y a un effort important des personnels militaires et je ne manque pas d'en reparler fréquemment à mes collègues, au Gouvernement ou au Parlement, en rappelant que le personnel militaire ne s'exprime pas de façon bruyante à l'extérieur quand il est amené à s'adapter à ces efforts de restructuration, mais qu'il ne faut pas perdre de vue que ces efforts sont faits.
Dans la deuxième phase, beaucoup de personnels civils seront associés aux efforts de mutation. Nous allons continuer de faire de notre mieux pour l'ensemble des mesures individuelles, qu'il y ait d'une part le temps de préavis le plus important possible et d'autre part l'accompagnement par des mesures appropriées permettant notamment d'atténuer les conséquences sur la vie familiale ou sur l'emploi du conjoint.
6 . Il nous reste quatre mois avant la première journée d'appel de préparation à la défense. Je vous ai détaillé longuement lors de la 56ème session les principales dispositions de la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national, et le souci qui est celui du gouvernement et du Parlement de veiller au renouvellement du lien entre la nation et son armée. C'est pourquoi la loi institue un nouveau parcours citoyen, obligatoire pour tous, jeunes hommes et jeunes femmes, au coeur duquel se situe la journée d'appel de préparation à la défense. Vous verrez ainsi à partir du 3 octobre prochain, 40 samedis par an, des groupes d'une quarantaine de nos jeunes concitoyens arriver dans vos unités pour une journée d'approfondissement de leurs connaissances des enjeux de la défense. Certains, et ce sera rarement le cas pour ceux qui vont arriver cette année, auront connu un début d'information dans le cadre scolaire. Pour tous les autres, il s'agira du seul contact direct avec les armées. Ce sera un public très jeune, dix-huit ans cette année et plutôt moins à partir de l'année prochaine. Cette journée est une occasion unique de rencontre entre le personnel militaire et la jeunesse de notre pays.
Le sentiment qu'auront ces jeunes de la vie des armées et la compréhension qu'ils auront des objectifs que nous servons dépendront beaucoup des qualités de professionnalisme, de communication et de disponibilité que montreront les personnels militaires avec lesquels ils seront en contact. Je veux insister sur ce sujet. Vous, en tant que représentants, je ne pense pas avoir besoin de vous convaincre beaucoup, mais je crois qu'il faut que nous soyons vraiment persuasifs auprès de l'ensemble des personnels afin de leur montrer que cette journée est un enjeu important pour l'image des armées. Je crois que nous partons avec un avantage, non avec un handicap. Chez un très grand nombre de nos concitoyens, y compris chez les jeunes, l'image des armées est positive. Vous entendez sans doute dire les uns et les autres que l'impact des opérations, à l'heure actuelle, sur le terrain, de l'information sur les carrières, est très favorable.
Nous partons donc plutôt avec des éléments positifs mais il faudra les mettre en valeur en particulier durant la première année de cet appel à la préparation à la défense. Vous savez tous comment cela se passe chez les jeunes, il y a toujours des rumeurs. C'est identique dans la communauté militaire : les effets de rumeur sont très importants. Donc si ça tourne mal la première année, cette bonne image ne durera pas.
Dans le même domaine, nous avons à faire aussi à poursuivre l'effort d'accueil des appelés. Ceux-ci sont encore nombreux, et vous savez à quel point nous avons besoin d'eux pour la réussite de la phase de transition. J'observe, entre autres par mes visites dans les unités, que les appelés ont un comportement remarquable, qui force l'admiration de ceux qui pouvaient douter du civisme de notre jeunesse. C'est en grande partie grâce à vous, parce que vous savez leur montrer qu'ils nous sont indispensables, que vous les employez au mieux de leurs compétences et que vous savez rester proches d'eux. Je vous encourage à poursuivre dans cette voie qui est le meilleur garant de la réussite de notre professionnalisation. Nous avons besoin des appelés jusqu'en 2002.
7 . Pour terminer, je voudrais brosser en quelques mots certaines tendances en matière de réalisation des effectifs. La montée en puissance de la professionnalisation se poursuit à un rythme que je juge satisfaisant, qui nous permet de penser que nous atteindrons nos objectifs en 1998 comme nous l'avons fait en 1997.
En matière de recrutement des engagés militaires du rang, nous sommes sur un rythme très soutenu qui a permis d'atteindre dès le 1er avril l'effectif cible prévu pour l'année 1998 : nous avons en effet déjà un volume de 58 396 militaires du rang pour une cible de 59 634 effectifs budgétaires. En outre, il est très encourageant de constater que les candidats qui se présentent à l'engagement sont nombreux et en général de grande qualité.
Pour ce qui concerne l'adaptation des effectifs de cadres, elle se déroule dans de bonnes conditions : les départs avec pécule se réalisent conformément aux prévisions, et justifient l'effort financier particulier que nous avons fait dans ce domaine. Les recrutements de sous-officiers ont ainsi pu reprendre de manière significative, notamment dans les armées de terre et de l'air. Autre signe encourageant : les perspectives d'avancement continuent à s'améliorer, plus particulièrement pour les grades de sergent-chef et d'adjudant.
Cependant, nous avons moins de satisfaction avec la réalisation des effectifs de personnels civils. Ce n'est pas une surprise, mais il ne faut pas s'y résigner. Cela va donc être le thème de mes efforts les plus insistants dans les discussions budgétaires et dans les discussions de gestion financière au sein du Gouvernement au cours des prochaines semaines. En effet, aujourd'hui les manques de personnels civils se traduisent par une ponction sur les capacités d'effectifs militaires qui entrave le bon développement de la réforme. C'est un point important. Une partie des postes à pourvoir viendra du volontariat de personnels civils mutés et touchés par les restructurations. Les rapports tels qu'ils sont vécus au quotidien entre personnels militaires et personnels civils devront par conséquent faire l'objet d'un effort particulier de tous. Je constate un bon esprit sur ce sujet mais j'insiste pour dire qu'il est dans l'intérêt de tout le monde que le dialogue avec les civils soit de qualité.
La session prochaine sera l'occasion pour moi de dresser un bilan plus précis et quantitatif. Les tendances observées alors que nous atteignons la moitié de l'année sont encourageantes, mais nécessitent une vigilance constante qui s'inscrit dans la durée de la programmation. La réalisation du système d'hommes est la condition de réussite de la professionnalisation de nos forces. Les perspectives d'emploi, les perspectives de condition de travail, les perspectives de carrière doivent être équitables. C'est l'un des sujets permanents de notre dialogue. J'ai la responsabilité d'y veiller particulièrement. Les priorités restent la volonté d'être efficace dans les unités et dans les services, mais aussi le meilleur emploi possible des moyens. Je suis très confiant dans la réalisation de nos objectifs.
Je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre à vos questions, non sans vous remercier d'accepter de jouer le jeu des questions spontanées qui sont la condition d'un débat réellement ouvert et direct.
(Source http://www.défense.gouv.fr, le 18 septembre 2001)
Mesdames, Messieurs,
C'est désormais pour moi comme pour vous, une tradition bien établie que de se réunir deux fois par an lors de la séance plénière du CSFM, pour un échange ouvert et constructif. Cette 57ème session, que je préside avec un réel plaisir, va nous permettre de faire le point d'un certain nombre d'actions qui ont mobilisé le ministère de la défense dans le courant du premier semestre 1998. J'en profiterai également pour évoquer les priorités que j'assigne pour les six prochains mois de cette deuxième année de montée en puissance de la professionnalisation, auxquelles vous êtes pleinement associés.
Je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue aux nouveaux membres du groupe B issus du renouvellement de janvier 1998, qui siègent donc pour la première fois au sein du CSFM. Ce renouvellement indique un enracinement des CFM dans la communauté militaire. La notoriété des conseils est certainement en augmentation. Si le nombre global de volontaires n'a pas beaucoup progressé, il ne s'agit pas à mon sens d'un signe de désintérêt. C'est aussi le signe que la fonction étant mieux connue, beaucoup de vos camarades se rendent compte que ce volontariat est pesant et contraignant et qu'en fonction de leurs autres engagements et de leurs choix professionnels, ils ne veulent pas s'impliquer dans cette mission. Cela nous ramène au thème de la concertation, et me parait prouver que cette fonction a encore besoin d'être soutenue dans la vie de la communauté militaire.
Je souhaite que les nouveaux membres, dont je salue ici l'acte de volontariat pour cette mission d'importance, pèsent bien les exigences qui s'y attachent. Il s'agit en effet d'assurer une double mission : vous êtes une force de proposition vers les instances décisionnelles du ministère de la défense, et directement vers moi. Je sais pouvoir vous faire confiance à ce sujet car j'ai déjà pu juger de la qualité des débats menés lors de vos sessions. Mais vous êtes également une force d'explication vis-à-vis de vos camarades dans vos unités, auxquels vous devez rendre compte de vos débats, et que vous devez impliquer à votre niveau dans les sujets que vous traitez. La concertation ne peut être efficace qu'avec leur adhésion.
1 . Ce thème de la concertation constitue le premier dossier que je vais évoquer avec vous. Vous le savez, il revêt à mes yeux une importance particulière. Je vous l'avais dit ici même dès le 20 juin de l'an dernier, je l'avais souligné à nouveau le 29 novembre. J'ai ainsi souhaité que l'amélioration des procédures de concertation soit le thème d'étude de la 57ème session, et les éclairages et enrichissements que vous avez apportés aux études en cours contribueront à leur traduction dans les faits.
Moins d'une semaine après mon intervention en ces lieux en novembre dernier, j'ai initié le processus de consultation que j'avais décrit devant vous en saisissant de ce thème les chefs d'état-major, le délégué général pour l'armement, le directeur général de la gendarmerie nationale et les directeurs centraux des deux services interarmées de la santé et des essences. Je leur demandais de m'adresser pour le 15 janvier 1998 des propositions d'amélioration des procédures existantes. Parallèlement, j'ai mis en place un groupe de travail sous la présidence du contrôleur général des armées Rebmeister, votre secrétaire général, pour synthétiser et enrichir ces différentes propositions. Ce groupe de travail m'a transmis le 1er mars les conclusions qui ont servi de bases de réflexion pour votre session. Je tiens à souligner devant vous la qualité des travaux de l'ensemble des participants que je viens de mentionner.
Les principales pistes d'amélioration dégagées visent à l'amélioration du dialogue, de la qualité du débat, de la représentativité et de la crédibilité des conseils. Elles correspondent à certaines de mes attentes. Elles ont fait l'objet de débats approfondis au sein des sept CFM au cours des mois d'avril et de mai. Elles ont également alimenté vos travaux. A l'issue de la présente session du CSFM, et à la lecture de vos travaux, je me réserve quelques semaines afin de fixer concrètement les orientations qui me semblent nécessaires. Cependant, je peux d'ores et déjà vous livrer l'état de mes réflexions en la matière.
Les voies d'amélioration qui recueillent un consensus devraient pouvoir, sous l'égide du secrétaire général pour l'administration et du secrétaire général du CSFM, être examinées sous l'angle de leurs éventuelles traductions dans les textes. Les modifications qui seraient à y apporter pourraient ainsi être examinées par les conseils lors de la prochaine session d'automne. Parallèlement, il s'agit également de réfléchir aux modalités concrètes de mise en oeuvre de certaines pistes, je pense par exemple au domaine de la formation des membres dont vous avez tous souligné la nécessité. Là encore, l'administration centrale du ministère me fera les premières propositions, qui pourront ensuite vous être soumises.
Cependant, il me semble que certains domaines méritent un approfondissement. Je pense par exemple aux moyens d'assurer une continuité entre les instances nationales, intermédiaires et locales, ou à la nécessité de bien harmoniser les deux domaines de concertation des CPU, qui sont la vie courante d'une part et la condition militaire d'autre part.
C'est pourquoi il me paraît acquis que les CFM et le CSFM devront poursuivre leurs travaux sur un certain nombre de points lors de leurs sessions d'automne 1998. La poursuite de ce thème d'étude sur deux sessions me paraît en outre cohérent avec le souhait que vous avez tous exprimé de n'examiner qu'un seul grand thème par année. Je vous fixerai donc, comme je l'ai dit, les orientations sur la poursuite de ces travaux, dans les prochaines semaines, ainsi que le calendrier dans lequel ils doivent s'inscrire.
Je vais maintenant évoquer avec vous deux dossiers qui vous sont familiers par l'actualité, mais sur lesquels je voudrais préciser mon appréciation.
2 - Ce premier semestre a été marqué par les travaux menés dans le cadre de la revue de programme et les conclusions que le Premier ministre a tirées à Saint-Mandrier il y a un mois et demi. Comme vous le savez, j'avais engagé ce travail d'envergure pour réexaminer de façon rigoureuse la correspondance entre les besoins des armées et les ressources financières de la défense. Ce travail a été mené en interne, il n'a pas donné lieu à des débats publics. Cela a contribué à ce qu'il soit plus attentif sur le plan technique et plus serein. L'objectif était de nous sortir de l'incertitude qui était créée par la non correspondance de la loi de finance 1998 avec la loi de programmation.
Ce n'était pas la première fois qu'il n'y avait pas correspondance entre une loi de finance et une loi de programmation. Mais le Gouvernement étant nouvellement en fonction et la loi de programmation étant un élément-clé du pilotage de la réforme, je souhaitais pouvoir convaincre le chef de l'Etat et le Gouvernement qu'il fallait se remettre en ligne avec la programmation quitte à faire des efforts. C'est la position qu'a retenue le Premier ministre et qu'il a évoquée dans son allocution de Saint-Mandrier. Le chef de l'Etat, lorsqu'il a donné sa dernière distinction au général DOUIN qui quittait ses fonctions, a apporté lui-même son accord à cette position. Ces conclusions de la revue de programme donnent ainsi lieu à un assentiment entre le chef de l'Etat, chef des armées, et le Gouvernement.
La principale de ces conclusions, celle qui vous préoccupe le plus directement, c'est la décision d'un redressement, par rapport à 1998, des crédits d'équipement des armées, c'est-à-dire ceux qui bénéficient à l'acquisition des matériels modernes dont vous avez besoin. Pour la période restant à couvrir de la loi de programmation, c'est-à-dire de 1999 à 2002 inclus, nous repartons sur une enveloppe annuelle de 85 milliards en valeur 1998, ce qui est moins que l'objectif primitif de la loi de programmation, car nous aurions dû être entre 89 et 90 milliards, mais substantiellement plus que les 81 milliards qui nous ont été attribués pour 1998.
Si nous avons réussi à obtenir cette remontée qui n'est pas banale - en effet, aujourd'hui, il n'y a pas beaucoup de grands Etats européens qui augmentent leurs dépenses d'équipement de défense - c'est parce que nous avons fait collectivement un travail de qualité, salué par le Président et le Premier ministre, de vérification stratégique et de recherche de la meilleure adaptation entre les moyens et les objectifs. A cette occasion je voudrais rendre hommage à tous ceux dans les états-majors et les services qui y ont consacré beaucoup d'énergie, faisant la synthèse entre nos moyens militaires que nous considérons comme indispensables et l'impératif de limitation des dépenses que le Gouvernement place dans ses priorités.
Sur cette base consolidée, nous allons pouvoir maintenir sans rupture les grands objectifs de modernisation des armées. En outre, que le Gouvernement, dont l'action s'inscrit dans la durée, affectionne d'une certaine façon cette loi de programmation qui avait était votée sous la législature précédente, témoigne d'un engagement moral qui rassemble tout le monde et qui donne aux armées une perception de l'avenir, tant de l'intérieur - c'est important pour tous ceux que vous représentez - que de l'extérieur, c'est à dire le Parlement et ceux qui nous observent. Enfin, pendant les derniers mois de 1997 et les premiers mois de 1998, les ministres de la défense, notamment des autres pays européens, avec qui j'étais en contact cherchaient à obtenir des précisions sur ce que signifiait la fixation de crédits pour 1998 ; nous sommes en effet en coopération sur de nombreux programmes, et égalemennt sur le plan militaire, que ce soit dans le cadre de l'alliance, de l'UEO ou dans certaines opérations. Ils souhaitaient donc y voir un peu plus clair - c'est chose faite - et je crois que pour notre crédibilité extérieure nous avons également marqué un point marquant.
De retour dans vos unités, s'il n'est pas dans votre rôle de faire de grands commentaires sur ces choix budgétaires, il me semble que vous pouvez indiquer à vos camarades que les conclusions de la revue de programme traduisent la confiance que vous porte le Gouvernement, et démontrent une relation solide et stable entre le Gouvernement et l'institution militaire pour accomplir les missions dans la durée.
3 - Ce premier semestre a également été marqué par la mise en place de la mission d'information parlementaire sur le Rwanda. C'est un sujet qui a été commenté à différents moments et qui justifie les interrogations au sein de la communauté militaire, car il s'agit là à certains égards d'une première. Comme vous le savez, le Gouvernement a donné son accord de principe à une telle procédure sur laquelle nous avions longuement délibéré avec le ministre des affaires étrangères, puisqu'il y a là toute l'influence de la France dans cette région. Le Premier ministre et moi même avons estimé que dans un pays démocratique, à partir du moment où une contestation d'opinion fondée sur des faits en partie mal élucidés subsistait, il était beaucoup plus efficace de faire en sorte que, plutôt que de chercher à donner une vérité officielle, ce soit une autorité, qui n'est pas l'autorité hiérarchique, qui donne et analyse les faits, qui recueille les témoignages et qui porte une appréciation d'ensemble sur ce qu'a été l'action de la France dans ce pays en crise.
Toutefois, il m'a paru, et le Premier ministre a également entendu l'appréciation de mon collègue des affaires étrangères pour le personnel diplomatique, que s'agissant des agents de l'Etat qui étaient en fonction pour représenter sous diverses responsabilités la France sur le terrain, il était de loin préférable que la mission parlementaire reçoive leurs indications en séance non publique, car par définition, une partie des sujets qui allaient être discutés étaient couverts par le secret défense. Il a finalement été convenu que ce serait bien comme cela que se dérouleraient les auditions. Les exceptions ont été, pour les militaires, les deux anciens chefs d'états-majors particuliers du Président de la République et pour les diplomates et assimilés, l'actuel ministre des affaires étrangères.
En dehors du travail que va poursuivre cette mission d'information et qui va se dérouler jusqu'au mois d'octobre, je pense qu'il sera utile que je m'exprime publiquement, et ce avant la publication des conclusions, pour réaffirmer qu'ayant rassemblé l'ensemble de l'information, je peux considérer que les militaires, qui étaient engagés dans diverses missions au cours de cette crise, ont appliqué loyalement et en respectant l'honneur de leur métier et de leur mission l'ensemble des objectifs qui leur étaient impartis.
Au regard de la presse, le pari que nous avons fait est qu'il vaut mieux qu'une instance tierce et pluraliste comme le Parlement porte une appréciation d'ensemble. Même s'il y a encore eu quelques points de polémique dans tel ou tel article, je suis convaincu que la presse reconnaît l'ensemble des efforts et des manifestations de dévouement et de courage qui ont marqué l'action de la France dans ce pays, et que beaucoup reconnaissent aujourd'hui que la France s'y est engagée alors que beaucoup d'autres pays étaient à l'écart.
Qu'il s'agisse des parlementaires qui sont dans les missions d'information et qui par définition appartiennent à des formations différentes, ou des autorités politiques qui sont venues s'exprimer, tout cela a aussi contribué à refléter la diversité de notre démocratie, tout comme le fait que les uns et ou les autres se retrouvent avec les mêmes appréciations. Nous n'empêcherons pas qu'il puisse subsister des attaques ou des critiques malveillantes mais il me semble qu'elles tendent à s'isoler. Il y a eu, il y a deux-trois jours, un papier d'un journaliste qui cherchait à mettre en cause la mission d'information en disant que ses membres n'étaient pas assez " méchants ". J'ai plutôt tendance à penser que c'est une dernière manifestation de frustration de la part de gens qui espéraient que ceci resterait un milieu politique et qui ,voyant que cela devrait se terminer par un exercice plutôt loyal et équitable de démocratie, n'en ont pas pour leur argent.
Je souhaite donc exprimer un sentiment de satisfaction et de fierté de la part du Gouvernement vis-à-vis de ce qu'a été l'action de ce pays dans cette crise en soulignant à quel point c'était humainement difficile et douloureux pour tous ceux qui s'y sont engagés, notamment sous les armes.
Je voudrais maintenant dresser ici les priorités que je fixe pour le deuxième semestre 1998, et pour lesquelles votre réflexion et votre action me semblent nécessaires.
4 . Tout d'abord, la loi sur les réserves. Comme je l'avais dit en septembre dernier lors des débats relatifs à la réforme du service national au Parlement, c'est maintenant l'élaboration de la loi sur les réserves que je place au coeur des priorités du ministère. Dans la continuité de la loi de programmation militaire, la loi d'accompagnement de la professionnalisation et la loi portant réforme du service national, il s'agira ainsi du dernier volet législatif nécessaire à la réforme des armées.
Un grand travail a été fait sous l'égide de l'état-major des armées quant au concept opérationnel d'emploi des réserves dans notre armée professionnelle. A une réserve de masse se substituera une réserve plus intégrée, plus disponible, mieux entraînée, constituée d'une première réserve principale de 100 000 hommes dont 50 000 gendarmes, car c'est essentiellement sur le territoire intérieur que la réserve sera appelée à servir. Dans l'emploi de ces réservistes, nous veillerons à ce que l'utilisation des engagements spéciaux dans la réserve soit faite avec une lisibilité qui garantisse la satisfaction de nos besoins, la cohérence et l'efficacité des réserves.
Pour autant, et c'est une orientation que je veux affirmer, l'emploi de ces réserves ne se limitera pas à cet aspect opérationnel, car il est un volet essentiel où leur rôle est primordial : les réservistes doivent être reconnus et plus impliqués dans le renouvellement du lien entre la Nation et son armée. Une contribution qui me semble de la plus haute importance consistera en leur participation concrète aux côtés des militaires d'active aux journées d'appel de préparation à la défense. Mais d'autres actions doivent être initiées, car ces réservistes seront bien souvent un trait d'union avec la société civile.
J'ai indiqué que le projet de loi portant organisation des réserves est une priorité. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé tout récemment la création du Conseil supérieur d'étude des réserves, que je présiderai personnellement. C'est un organisme consultatif, où j'entends en particulier lancer la phase de concertation que j'estime nécessaire. Ce conseil regroupera les chefs d'état-major et directeurs centraux ainsi que les 12 associations de réservistes les plus représentatives au plan national. Il sera soutenu par un secrétariat permanent à la tête duquel j'ai nommé le général de corps d'armée Robert RENIER, dont j'ai pu apprécier les qualités en tant que qu'inspecteur des réserves et de la mobilisation de l'armée de terre et président de la commission armées-jeunesse. J'ai convoqué la première réunion du conseil supérieur le 18 juin prochain.
Nous avons récemment fait, au sein du Gouvernement, notre calendrier des mises en discussion de nouvelles lois. Au cours de la session d'automne du Parlement, le calendrier est occupé pour une large part par le budget, et depuis deux ans maintenant, par la loi de financement de la sécurité sociale. Mon objectif est donc que notre projet soit adopté par le Gouvernement et déposé au Parlement au mois de novembre ou début décembre au plus tard, et qu'il soit examiné en commission à ce moment là pour qu'il puisse ensuite être soumis à l'Assemblée en février 1999. Ceci est cohérent avec la mise en oeuvre effective des réserves pour lesquelles nous allons inscrire des crédits supplémentaires dans le budget 1999.
5 . Venons en au dossier des restructurations. Comme vous le savez, la première phase, qui pour l'essentiel portait sur les unités et qui doit s'appliquer en 1997, 1998 et 1999, est en cours de déroulement, suivant la programmation qui avait été annoncée par Charles MILLON en 1996. Dans l'ensemble, par rapport aux objectifs qui ont été fixés, malgré les difficultés humaines et personnelles, cette phase se déroule conformément à la programmation.
Comme je l'avais annoncé l'année dernière, j'ai l'intention de dérouler la deuxième phase qui couvre la période 2000, 2001, 2002 à partir d'une annonce qui respecte le principe des 18 mois. C'est donc à la fin du mois prochain que je donnerai connaissance de l'ensemble des décisions de restructuration s'étalant jusqu'à fin 2002.
En l'état actuel des réflexions, en fonction des enjeux d'efficacité de fonctionnement, de gestion de personnels et accessoirement des enjeux financiers, il est possible, là où il n'y aura pas trop d'effet sur les personnels, que l'on anticipe la première application de cette deuxième vague pour la fin 1999, c'est-à-dire que l'on se donne peut-être un peu d'avance pour 2001.
En tout état de cause, les objectifs premiers de ces décisions seront l'efficacité opérationnelle et les économies de gestion. Cette deuxième phase des restructurations porte essentiellement sur les soutiens et sur l'organisation territoriale. Plus on se disperse, plus les unités sont nombreuses et réparties. Il faudra donc faire des efforts importants de regroupement afin de ne pas être perdants en coût de soutien par rapport au coût des unités opérationnelles. Il faudra également tenir compte des impacts de nos décisions sur les emplois locaux, en privilégiant la recherche sur le long terme.
C'est une réforme que nous ne ferons pas souvent, il ne faut donc pas la faire de façon trop timorée en ayant à regretter deux ou trois ans après qu'on n'ait pas été suffisamment efficace. Nous serons sûrement appelés à faire quelques concessions ou quelques limitations pour éviter des situations trop tendues en matière d'emploi local, mais l'objectif essentiel sera quand même un regroupement énergique.
Cela déclenchera des obligations de mobilité. Le bilan sur 1997 fait apparaître 8500 mutations, alors qu'il en était prévu 7500 au lancement du projet. Ceci indique bien qu'il y a un effort important des personnels militaires et je ne manque pas d'en reparler fréquemment à mes collègues, au Gouvernement ou au Parlement, en rappelant que le personnel militaire ne s'exprime pas de façon bruyante à l'extérieur quand il est amené à s'adapter à ces efforts de restructuration, mais qu'il ne faut pas perdre de vue que ces efforts sont faits.
Dans la deuxième phase, beaucoup de personnels civils seront associés aux efforts de mutation. Nous allons continuer de faire de notre mieux pour l'ensemble des mesures individuelles, qu'il y ait d'une part le temps de préavis le plus important possible et d'autre part l'accompagnement par des mesures appropriées permettant notamment d'atténuer les conséquences sur la vie familiale ou sur l'emploi du conjoint.
6 . Il nous reste quatre mois avant la première journée d'appel de préparation à la défense. Je vous ai détaillé longuement lors de la 56ème session les principales dispositions de la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national, et le souci qui est celui du gouvernement et du Parlement de veiller au renouvellement du lien entre la nation et son armée. C'est pourquoi la loi institue un nouveau parcours citoyen, obligatoire pour tous, jeunes hommes et jeunes femmes, au coeur duquel se situe la journée d'appel de préparation à la défense. Vous verrez ainsi à partir du 3 octobre prochain, 40 samedis par an, des groupes d'une quarantaine de nos jeunes concitoyens arriver dans vos unités pour une journée d'approfondissement de leurs connaissances des enjeux de la défense. Certains, et ce sera rarement le cas pour ceux qui vont arriver cette année, auront connu un début d'information dans le cadre scolaire. Pour tous les autres, il s'agira du seul contact direct avec les armées. Ce sera un public très jeune, dix-huit ans cette année et plutôt moins à partir de l'année prochaine. Cette journée est une occasion unique de rencontre entre le personnel militaire et la jeunesse de notre pays.
Le sentiment qu'auront ces jeunes de la vie des armées et la compréhension qu'ils auront des objectifs que nous servons dépendront beaucoup des qualités de professionnalisme, de communication et de disponibilité que montreront les personnels militaires avec lesquels ils seront en contact. Je veux insister sur ce sujet. Vous, en tant que représentants, je ne pense pas avoir besoin de vous convaincre beaucoup, mais je crois qu'il faut que nous soyons vraiment persuasifs auprès de l'ensemble des personnels afin de leur montrer que cette journée est un enjeu important pour l'image des armées. Je crois que nous partons avec un avantage, non avec un handicap. Chez un très grand nombre de nos concitoyens, y compris chez les jeunes, l'image des armées est positive. Vous entendez sans doute dire les uns et les autres que l'impact des opérations, à l'heure actuelle, sur le terrain, de l'information sur les carrières, est très favorable.
Nous partons donc plutôt avec des éléments positifs mais il faudra les mettre en valeur en particulier durant la première année de cet appel à la préparation à la défense. Vous savez tous comment cela se passe chez les jeunes, il y a toujours des rumeurs. C'est identique dans la communauté militaire : les effets de rumeur sont très importants. Donc si ça tourne mal la première année, cette bonne image ne durera pas.
Dans le même domaine, nous avons à faire aussi à poursuivre l'effort d'accueil des appelés. Ceux-ci sont encore nombreux, et vous savez à quel point nous avons besoin d'eux pour la réussite de la phase de transition. J'observe, entre autres par mes visites dans les unités, que les appelés ont un comportement remarquable, qui force l'admiration de ceux qui pouvaient douter du civisme de notre jeunesse. C'est en grande partie grâce à vous, parce que vous savez leur montrer qu'ils nous sont indispensables, que vous les employez au mieux de leurs compétences et que vous savez rester proches d'eux. Je vous encourage à poursuivre dans cette voie qui est le meilleur garant de la réussite de notre professionnalisation. Nous avons besoin des appelés jusqu'en 2002.
7 . Pour terminer, je voudrais brosser en quelques mots certaines tendances en matière de réalisation des effectifs. La montée en puissance de la professionnalisation se poursuit à un rythme que je juge satisfaisant, qui nous permet de penser que nous atteindrons nos objectifs en 1998 comme nous l'avons fait en 1997.
En matière de recrutement des engagés militaires du rang, nous sommes sur un rythme très soutenu qui a permis d'atteindre dès le 1er avril l'effectif cible prévu pour l'année 1998 : nous avons en effet déjà un volume de 58 396 militaires du rang pour une cible de 59 634 effectifs budgétaires. En outre, il est très encourageant de constater que les candidats qui se présentent à l'engagement sont nombreux et en général de grande qualité.
Pour ce qui concerne l'adaptation des effectifs de cadres, elle se déroule dans de bonnes conditions : les départs avec pécule se réalisent conformément aux prévisions, et justifient l'effort financier particulier que nous avons fait dans ce domaine. Les recrutements de sous-officiers ont ainsi pu reprendre de manière significative, notamment dans les armées de terre et de l'air. Autre signe encourageant : les perspectives d'avancement continuent à s'améliorer, plus particulièrement pour les grades de sergent-chef et d'adjudant.
Cependant, nous avons moins de satisfaction avec la réalisation des effectifs de personnels civils. Ce n'est pas une surprise, mais il ne faut pas s'y résigner. Cela va donc être le thème de mes efforts les plus insistants dans les discussions budgétaires et dans les discussions de gestion financière au sein du Gouvernement au cours des prochaines semaines. En effet, aujourd'hui les manques de personnels civils se traduisent par une ponction sur les capacités d'effectifs militaires qui entrave le bon développement de la réforme. C'est un point important. Une partie des postes à pourvoir viendra du volontariat de personnels civils mutés et touchés par les restructurations. Les rapports tels qu'ils sont vécus au quotidien entre personnels militaires et personnels civils devront par conséquent faire l'objet d'un effort particulier de tous. Je constate un bon esprit sur ce sujet mais j'insiste pour dire qu'il est dans l'intérêt de tout le monde que le dialogue avec les civils soit de qualité.
La session prochaine sera l'occasion pour moi de dresser un bilan plus précis et quantitatif. Les tendances observées alors que nous atteignons la moitié de l'année sont encourageantes, mais nécessitent une vigilance constante qui s'inscrit dans la durée de la programmation. La réalisation du système d'hommes est la condition de réussite de la professionnalisation de nos forces. Les perspectives d'emploi, les perspectives de condition de travail, les perspectives de carrière doivent être équitables. C'est l'un des sujets permanents de notre dialogue. J'ai la responsabilité d'y veiller particulièrement. Les priorités restent la volonté d'être efficace dans les unités et dans les services, mais aussi le meilleur emploi possible des moyens. Je suis très confiant dans la réalisation de nos objectifs.
Je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre à vos questions, non sans vous remercier d'accepter de jouer le jeu des questions spontanées qui sont la condition d'un débat réellement ouvert et direct.
(Source http://www.défense.gouv.fr, le 18 septembre 2001)