Texte intégral
Il me revient de conclure ces deuxièmes rencontres parlementaires sur l'énergie, initiative dont le succès appellera sans doute qu'elle soit renouvelée dans les années à venir. Pour conclure, je ne reprendrai que quelques points. Un discours ministériel est d'ailleurs aussi important par ses silences que par ce qu'il affirme. En particulier, je serai sans doute moins porté à évoquer les questions européennes que vient de le faire ma collègue britannique.
La politique énergétique est finalement une composante essentielle de l'indépendance nationale et de la position stratégique, culturelle, économique de la France dans le monde. Elle fait aujourd'hui l'objet d'un débat de plus en plus large, et je m'en réjouis. Le secteur de l'énergie fait l'objet, partout dans le monde, de changements très profonds. Il y a donc un contexte nouveau, plus concurrentiel qu'autrefois, plus ouvert, plus complexe et sans doute moins prévisible.
A côté de l'internationalisation, on voit monter en puissance les préoccupations liées à la protection de l'environnement, qui sont maintenant des responsabilités majeures des gouvernements. La France a pris à Kyoto des engagements ambitieux, qui devront tous être tenus. C'est aussi la nouvelle donne de la politique énergétique, dont nous devons tenir compte dans nos choix.
Voici quelques réflexions sur ce que doit être une politique énergétique qui permette d'atteindre les objectifs d'une énergie bon marché, de l'indépendance et de la sécurité d'approvisionnement, les objectifs environnementaux mais aussi les objectifs sociaux.
Je veux d'abord réaffirmer l'importance, aux yeux du gouvernement français, de la politique énergétique. Une politique énergétique volontariste reste plus que jamais nécessaire pour tenir compte des préoccupations de long terme, à commencer par le maintien de notre sécurité d'approvisionnement dans le nouveau cadre européen. C'est un impératif politique essentiel. Depuis 1973, notre taux de dépendance énergétique a été divisé par 2. Mais dans ce domaine, les résultats ne sont jamais acquis pour toujours et il faut rester vigilant. Dans les trente prochaines années, il faut s'attendre à une montée des prix des hydrocarbures et à une concentration croissante de ces ressources dans certaines zones de la planète. La programmation pluriannuelle des investissements sera donc essentielle, non pas comme un carcan administratif, mais bien pour assurer la sécurité à long terme de notre approvisionnement. Une autre préoccupation de long terme est le respect de l'environnement, qui n'est pas forcément compatible avec les forces du marché. Nous devons donc conserver une capacité d'intervention publique suffisamment forte.
Nous devons mettre en place une politique énergétique maîtrisé et diversifiée.
la maîtrise
Par rapport à notre situation de 1973, la politique de maîtrise de la consommation a permis d'économiser près de 60 milliards de francs, soit presque autant que le nucléaire. Malheureusement les efforts se sont relâchés. Nous voulons remettre la maîtrise de l'énergie au centre de nos préoccupations, ce qui se traduit notamment par l'augmentation des moyens de l'ADEME, par des mesures favorables aux énergies renouvelables et à la cogénération, ainsi que par une plus forte implication des collectivités. Il est incontestable que ces dernières sont les mieux placées pour exploiter le potentiel d'énergie décentralisée que la France doit mettre en uvre.
la diversification
L'objectif du gouvernement est de laisser tous les choix ouverts. Aucune énergie ne possède toutes les qualités à la fois. Il convient donc de garder ouvertes toutes les options possibles, y compris le nucléaire, qui constitue la spécificité mais aussi la force de la politique énergétique française. Le nucléaire présente l'avantage de ne pas contribuer à l'effet de serre, et il procure, pour l'essentiel des besoins, de l'électricité à un prix très avantageux. Le gaz, quant à lui, a bénéficié de réels progrès technologiques et il peut fournir un complément intéressant en pointe ou en semi-base. Mais il reste importé à plus de 50 % et son prix reste très volatil. Quant aux énergies renouvelables, nous les encourageons. Mais nous savons qu'elles ne sont pas en mesure, au moins pour les 50 prochaines années, de fournir un appoint massif. En réalité, toutes les filières ont leurs avantages et leurs inconvénients. Si le nucléaire restera pour longtemps un pilier de notre politique et un atout central pour notre pays, toutes les énergies devront être mises à contribution. Il nous faudra néanmoins assurer la transparence de ce secteur. Le nucléaire ne doit pas la craindre, c'est au contraire la condition nécessaire de son acceptabilité dans notre pays. Nous sommes donc déterminés à assurer la transparence totale dans ce domaine.
La politique énergétique doit aussi assurer une synthèse réussie entre l'ouverture à la concurrence et le service public. L'ouverture à la concurrence est une bonne chose, qui profitera à l'ensemble de notre économie et à l'emploi. Le projet de loi de transposition de la directive électricité contient toute une série de dispositions qui assureront les conditions d'une concurrence saine. Il en ira de même de la loi sur le gaz, que j'espère présenter au conseil des ministres avant la fin 1999 et au Parlement avant la fin du premier semestre 2000, respectant ainsi les dates suggérées par la Commission européenne. Les opérateurs français, à commencer par EDF, n'ont aucune raison de craindre la concurrence internationale. J'observe d'ailleurs qu'en France, les tarifs de l'électricité et du gaz sont dans la moyenne basse des tarifs européens. Je tiens à en féliciter EDF et Gaz de France. Cela dit, l'ouverture à la concurrence doit se faire de manière progressive et raisonnable, sans remettre en cause les missions de service public. Des dispositions législatives permettront prochainement d'en préciser les contours et les modes de fonctionnement.
Je terminerai mon intervention en insistant sur la nécessaire transparence qui doit entourer notre politique énergétique. Il faut pouvoir garantir l'information la plus objective et la plus fiable possible. Nous avons pris d'importantes décisions dans ce sens et nous continuerons à en prendre. Ainsi, la sûreté nucléaire doit être garantie par un organisme indépendant et irréprochable. Je compte défendre le principe de la création d'une autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection indépendant des pouvoirs publics. Par ailleurs, dans le domaine des déchets nucléaires, les travaux se poursuivent, avec le maximum de transparence. Nous souhaitons privilégier le principe déjà inscrit dans la loi de 1991 : la réversibilité. Les techniques progressent vite ; il serait donc absurde de figer les choses.
Nous vivons aujourd'hui des mutations passionnantes. Mais ce n'est pas parce que le contexte change que nous devons abandonner les piliers essentiels de la politique énergétique française, qui a constitué l'une des grandes réussites de notre pays. Il n'y a pas lieu d'oublier notre tradition de service public, ni notre tradition de détermination d'une politique énergétique par les pouvoirs publics, qui doivent assurer la cohérence de la démarche d'ensemble. Telle est la réponse aux défis internationaux apportés par une grande nation. Nous sommes sur la bonne voie, et ce colloque a permis de le réaffirmer : je tiens à en remercier très sincèrement ses promoteurs.
(source http://www.industrie.gouv.fr, le 3 novembre 1999)
La politique énergétique est finalement une composante essentielle de l'indépendance nationale et de la position stratégique, culturelle, économique de la France dans le monde. Elle fait aujourd'hui l'objet d'un débat de plus en plus large, et je m'en réjouis. Le secteur de l'énergie fait l'objet, partout dans le monde, de changements très profonds. Il y a donc un contexte nouveau, plus concurrentiel qu'autrefois, plus ouvert, plus complexe et sans doute moins prévisible.
A côté de l'internationalisation, on voit monter en puissance les préoccupations liées à la protection de l'environnement, qui sont maintenant des responsabilités majeures des gouvernements. La France a pris à Kyoto des engagements ambitieux, qui devront tous être tenus. C'est aussi la nouvelle donne de la politique énergétique, dont nous devons tenir compte dans nos choix.
Voici quelques réflexions sur ce que doit être une politique énergétique qui permette d'atteindre les objectifs d'une énergie bon marché, de l'indépendance et de la sécurité d'approvisionnement, les objectifs environnementaux mais aussi les objectifs sociaux.
Je veux d'abord réaffirmer l'importance, aux yeux du gouvernement français, de la politique énergétique. Une politique énergétique volontariste reste plus que jamais nécessaire pour tenir compte des préoccupations de long terme, à commencer par le maintien de notre sécurité d'approvisionnement dans le nouveau cadre européen. C'est un impératif politique essentiel. Depuis 1973, notre taux de dépendance énergétique a été divisé par 2. Mais dans ce domaine, les résultats ne sont jamais acquis pour toujours et il faut rester vigilant. Dans les trente prochaines années, il faut s'attendre à une montée des prix des hydrocarbures et à une concentration croissante de ces ressources dans certaines zones de la planète. La programmation pluriannuelle des investissements sera donc essentielle, non pas comme un carcan administratif, mais bien pour assurer la sécurité à long terme de notre approvisionnement. Une autre préoccupation de long terme est le respect de l'environnement, qui n'est pas forcément compatible avec les forces du marché. Nous devons donc conserver une capacité d'intervention publique suffisamment forte.
Nous devons mettre en place une politique énergétique maîtrisé et diversifiée.
la maîtrise
Par rapport à notre situation de 1973, la politique de maîtrise de la consommation a permis d'économiser près de 60 milliards de francs, soit presque autant que le nucléaire. Malheureusement les efforts se sont relâchés. Nous voulons remettre la maîtrise de l'énergie au centre de nos préoccupations, ce qui se traduit notamment par l'augmentation des moyens de l'ADEME, par des mesures favorables aux énergies renouvelables et à la cogénération, ainsi que par une plus forte implication des collectivités. Il est incontestable que ces dernières sont les mieux placées pour exploiter le potentiel d'énergie décentralisée que la France doit mettre en uvre.
la diversification
L'objectif du gouvernement est de laisser tous les choix ouverts. Aucune énergie ne possède toutes les qualités à la fois. Il convient donc de garder ouvertes toutes les options possibles, y compris le nucléaire, qui constitue la spécificité mais aussi la force de la politique énergétique française. Le nucléaire présente l'avantage de ne pas contribuer à l'effet de serre, et il procure, pour l'essentiel des besoins, de l'électricité à un prix très avantageux. Le gaz, quant à lui, a bénéficié de réels progrès technologiques et il peut fournir un complément intéressant en pointe ou en semi-base. Mais il reste importé à plus de 50 % et son prix reste très volatil. Quant aux énergies renouvelables, nous les encourageons. Mais nous savons qu'elles ne sont pas en mesure, au moins pour les 50 prochaines années, de fournir un appoint massif. En réalité, toutes les filières ont leurs avantages et leurs inconvénients. Si le nucléaire restera pour longtemps un pilier de notre politique et un atout central pour notre pays, toutes les énergies devront être mises à contribution. Il nous faudra néanmoins assurer la transparence de ce secteur. Le nucléaire ne doit pas la craindre, c'est au contraire la condition nécessaire de son acceptabilité dans notre pays. Nous sommes donc déterminés à assurer la transparence totale dans ce domaine.
La politique énergétique doit aussi assurer une synthèse réussie entre l'ouverture à la concurrence et le service public. L'ouverture à la concurrence est une bonne chose, qui profitera à l'ensemble de notre économie et à l'emploi. Le projet de loi de transposition de la directive électricité contient toute une série de dispositions qui assureront les conditions d'une concurrence saine. Il en ira de même de la loi sur le gaz, que j'espère présenter au conseil des ministres avant la fin 1999 et au Parlement avant la fin du premier semestre 2000, respectant ainsi les dates suggérées par la Commission européenne. Les opérateurs français, à commencer par EDF, n'ont aucune raison de craindre la concurrence internationale. J'observe d'ailleurs qu'en France, les tarifs de l'électricité et du gaz sont dans la moyenne basse des tarifs européens. Je tiens à en féliciter EDF et Gaz de France. Cela dit, l'ouverture à la concurrence doit se faire de manière progressive et raisonnable, sans remettre en cause les missions de service public. Des dispositions législatives permettront prochainement d'en préciser les contours et les modes de fonctionnement.
Je terminerai mon intervention en insistant sur la nécessaire transparence qui doit entourer notre politique énergétique. Il faut pouvoir garantir l'information la plus objective et la plus fiable possible. Nous avons pris d'importantes décisions dans ce sens et nous continuerons à en prendre. Ainsi, la sûreté nucléaire doit être garantie par un organisme indépendant et irréprochable. Je compte défendre le principe de la création d'une autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection indépendant des pouvoirs publics. Par ailleurs, dans le domaine des déchets nucléaires, les travaux se poursuivent, avec le maximum de transparence. Nous souhaitons privilégier le principe déjà inscrit dans la loi de 1991 : la réversibilité. Les techniques progressent vite ; il serait donc absurde de figer les choses.
Nous vivons aujourd'hui des mutations passionnantes. Mais ce n'est pas parce que le contexte change que nous devons abandonner les piliers essentiels de la politique énergétique française, qui a constitué l'une des grandes réussites de notre pays. Il n'y a pas lieu d'oublier notre tradition de service public, ni notre tradition de détermination d'une politique énergétique par les pouvoirs publics, qui doivent assurer la cohérence de la démarche d'ensemble. Telle est la réponse aux défis internationaux apportés par une grande nation. Nous sommes sur la bonne voie, et ce colloque a permis de le réaffirmer : je tiens à en remercier très sincèrement ses promoteurs.
(source http://www.industrie.gouv.fr, le 3 novembre 1999)