Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec beaucoup de plaisir que je viens aujourd'hui m'exprimer devant vous à la faveur de ce Congrès des Jeunes Agriculteurs marqué cette année par le renouvellement de votre Président.
Je tiens à remercier le Président Jean-Luc DUVAL pour son engagement au service du mouvement agricole, dont il aura été durant ses années de présidence, un serviteur efficace et passionné. Je sais qu'il aura à coeur de rester fidèle à son engagement et de continuer à oeuvrer avec vous, avec nous, pour l'ensemble de la profession.
Je veux également saluer l'élection de Jérôme DESPEY, déjà connu à la fois des viticulteurs et de votre mouvement dont il assuma la vice-présidence, le remercier pour ses propos chaleureux et former des voeux pour le succès de son mandat.
La Dordogne qui nous accueille, riche de ses exploitations de polyculture et d'élevage dont une majorité de très petites (32 hectares en moyenne) témoigne de la diversité de l'agriculture française.
Je ne citerai pas ses nombreuses filières qui vont de l'élevage bovin à la fraise, sans oublier bien sûr le vignoble de Bergerac. Avec près de 20 000 actifs agricoles dont 1/5 de jeunes exploitants, ce département est représentatif des difficultés, mais aussi des espoirs de notre agriculture.
[ Le paradoxe agricole français ]
Car, la France est une grande puissance agricole : elle dispose, en effet, de secteurs exportateurs et de produits réputées. Avec une production de 63,8 milliards d'euros et des exportations représentant plus des deux-tiers de celles des Etats-Unis, elle est aujourd'hui la première nation productrice en Europe et le deuxième pays exportateur dans le monde.
Pour autant, le monde agricole connaît un profond désarroi, qui confine parfois au désespoir.
Ce désespoir est à la fois matériel et moral.
Matériel tout d'abord,
Les agriculteurs ont, en effet, subi une dégradation nette de leurs revenus. Ils ont également été affectés par les contrecoups d'un certain nombre de crises sanitaires. Chacun garde, en particulier, en mémoire les crises de la vache folle, de la dioxine, ou plus récemment de la fièvre aphteuse.
Mais la crise que traverse le monde paysan est également et peut-être surtout une crise morale.
Les enquêtes d'opinion révèlent combien les Français ressentent de sympathie pour les agriculteurs. Mais elles illustrent également l'écart qui s'est développé entre une image idéalisée et les réalités souvent difficiles du monde agricole.
Les pratiques agricoles se trouvent, trop souvent, décriées. On leur reproche à la fois de sacrifier au productivisme et de porter atteinte à notre environnement. Or, il n'est pas sain, ni d'ailleurs juste, qu'en toute circonstance, les producteurs voient par avance peser sur eux une sorte de présomption de culpabilité, alors qu'ils ont -et je le sais- conduit pour beaucoup d'entre eux des efforts méritoires pour mieux prendre en compte l'environnement.
L'un des symptômes les plus manifestes de cette double crise, matérielle et morale, que j'évoquais tout à l'heure, est la difficulté à trouver, selon votre réflexion, de "nouveaux sens dans l'exercice de la profession". De 1985 à 1995, plus de 30 000 agriculteurs ont cessé d'exploiter et dans les cinq prochaines années, l'on ne compterait, si ces tendances actuelles se poursuivaient, pas plus d'une installation pour deux départs.
Je voudrais dire aussi que je ne serai jamais le ministre qui opposera les agricultures et les agriculteurs français entre eux. Il faut tous ensemble défendre toutes nos agricultures de toutes nos régions de France, en métropole et outre-mer. J'attacherai un soin particulier avec Madame Brigitte GIRARDIN, ma collègue, Ministre de l'Outre-mer, à prendre en compte les spécificités de nos agricultures ultra-marines, qui font tant pour le rayonnement de la France.
[ L'agriculture, une activité économique ]
Cette situation constitue un défi tout à la fois pour les professionnels, et d'abord pour vous les jeunes agriculteurs, mais également pour les élus et les pouvoirs publics. Ma conviction est que nous ne relèverons ce défi qu'ensemble et si nous considérons tous l'agriculture pour ce qu'elle est et doit rester, c'est-à-dire une activité économique à part entière, devant assurer aux exploitants, à leurs familles un revenu digne et leur permettre d'exercer pleinement leurs responsabilités économiques, sociales et environnementales.
Les atouts de notre agriculture doivent vous rendre confiants et fiers de votre activité. Mais l'enjeu majeur n'est-il pas surtout de rétablir un contrat de confiance, vous unissant, vous producteurs, aux consommateurs que sont l'ensemble de nos compatriotes ?
Mais il ne pourra -je le répète- en être ainsi que si l'agriculture est réellement traitée comme une activité économique à part entière tant à l'échelon national qu'à l'échelon communautaire, tout en étant pleinement consciente de ses responsabilités, à l'égard de son environnement et des consommateurs.
Afin de répondre à ce désarroi, je crois nécessaire de développer quelques éléments de fond qui constituent le socle d'une démarche commune que je vous propose en faveur de notre agriculture.
Je tiens à ce que l'agriculture française soit reconnue comme une activité économique à part entière. Sa contribution à ce qui fait la France justifie que mon Ministère se place à vos cotés et veille à faciliter l'exercice de votre métier. Elle exige que nous la défendions efficacement dans les négociations internationales qui s'annoncent.
Cette place dans l'activité économique doit être étroitement conjuguée avec la nécessité de mieux tenir compte des contraintes environnementales et de rassurer les consommateurs.
C'est à travers le contrat de confiance d'une agriculture productrice mais aussi respectueuse de l'environnement et du consommateur que se développera une action efficace en faveur du monde rural.
Cette action mobilisera des moyens adaptés. Votre enthousiasme, notre détermination seront de solides atouts.
[ Les mesures nationales ]
Pour tout ce qui relève d'abord de la responsabilité directe du Gouvernement, mon souhait est que l'agriculture, comme toute autre activité économique, soit en mesure de libérer les initiatives et de vaincre les obstacles qui brident son développement :
Il faut tout d'abord baisser les charges pesant sur le travail agricole.
Dès que le Parlement l'aura décidé dans les semaines qui viennent, les jeunes non qualifiés de 16 à 22 ans bénéficieront, à compter du 1er juillet 2002, de contrats de travail sans charges sociales. En plus des déductions de charges, une aide forfaitaire viendra compenser les cotisations patronales pour tout salaire jusqu'au SMIC. Cette mesure constitue un geste significatif d'allégement des coûts de travail pour l'employeur et une puissante incitation à l'embauche de jeunes non qualifiés, auxquels elle offre l'opportunité d'une première expérience professionnelle. Elle profitera bien sûr pleinement à l'agriculture qui compte de nombreuses filières de main d'oeuvre, comme à toutes les autres activités de production.
Il faut ensuite, et je sais, M. le Président Jérôme DESPEY, que vous y êtes tout spécialement attaché, mettre en oeuvre le contrat-vendanges
Dès la prochaine campagne, le contrat-vendanges, très attendu par les viticulteurs, viendra accroître la rémunération nette perçue par les salariés et permettra de cumuler cette activité saisonnière avec des périodes éventuelles de suspension ou avec un autre emploi permanent. En renforçant ainsi l'attractivité des travaux de vendanges, nous entendons répondre aux difficultés de recrutement rencontrées ces dernières années par les viticulteurs.
Mais c'est de façon en réalité plus globale qu'il faut favoriser le recours à la main d'oeuvre saisonnière, y compris en recherchant, par la négociation, une adaptation à l'application des 35 heures à cette catégorie de travailleurs.
Une autre négociation se poursuit, par ailleurs, entre les partenaires sociaux, afin d'améliorer l'hébergement des salariés agricoles et de mettre à leur disposition de meilleurs outils d'information sur leur environnement social et juridique.
Parallèlement, une réflexion est engagée sur la réforme du régime de charges des travailleurs agricoles occasionnels et le développement d'un contrat de travail à durée indéterminée intermittent. J'ai demandé à mes services d'en accélérer le bon aboutissement.
Nous savons tous les problèmes qui se posent pour les petites retraites agricoles. Un certain nombre d'engagements ne sont toujours pas financés. Il nous appartiendra avec les élus qui gèrent les régimes de protection sociale de prendre en compte ce dossier dans tous ses aspects et progressivement d'améliorer le niveau de vie des retraités agricoles.
Mais si ces mesures sociales contribueront à favoriser l'agriculture de demain, elles ne sauraient pour autant être suffisantes.
Il faut aller au delà et assurer avant tout le renouvellement des générations selon une dynamique de projet qui dépasse la question des seules installations. Aujourd'hui, comme vous l'avez dit, Monsieur le Président, la question n'est plus seulement d'assurer la continuité des exploitations ; elle est aussi de favoriser l'accession de tous les repreneurs, y compris bien sûr ceux qui ne sont pas issus du monde agricole, mais qui font le choix courageux de ce métier.
Nous aurons également à coeur de développer la formation tout au long de la vie, qui constitue, pour les agriculteurs comme pour tous les actifs, une réponse efficace au besoin d'adaptation.
Nous chercherons enfin à préserver un bon équilibre dans l'usage des espaces ruraux, donnant toute sa place à l'exploitation agricole.
Les politiques foncières devront ainsi mieux prendre en compte les atouts, mais aussi la fragilité des espaces ruraux, ainsi que les contraintes propres à l'activité agricole ou forestière. Tous les instruments juridiques disponibles doivent être mobilisés au service de cet objectif, qu'il s'agisse des dispositions de la Loi d'Orientation Agricole ou de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain. Plus généralement, le monde agricole doit être mis en mesure de mieux faire entendre sa voix dans le cadre de l'élaboration des politiques territoriales.
Ma conviction est que l'activité agricole doit rester dominante partout où cela est possible. Ailleurs, je veillerai à ce que de nouvelles activités connexes ou prolongeant l'activité agricole, puissent se développer, y compris dans le cadre de la pluriactivité, dont l'apport est essentiel à certaines zones où elle contribue au maintien d'une activité économique. Je souhaite à cet effet que soit mieux reconnue la situation juridique, sociale et fiscale des pluriactifs. Je veillerai en particulier à ce qu'ils bénéficient d'une réelle liberté de choix de leur régime social.
L'espace rural doit également accueillir de nouvelles entreprises.
La situation des exploitations en zones périurbaines fait l'objet, depuis juillet 2001, d'un rapport au sein d'une Commission interministérielle qui me sera remis dans les prochaines semaines. Chacun sait que ces exploitations agricoles rencontrent des difficultés. Je retiens des travaux déjà entrepris qu'il faudra sans doute s'appuyer sur des périmètres opérationnels où des contrats d'engagement pourront être mis en oeuvre.
La spécificité et la diversité des zones agricoles de montagne seront naturellement prises en compte. La montagne, c'est près de 25 % du territoire national. Or, malgré certaines productions dégageant une valeur ajoutée supérieure à l'agriculture de plaine, les agriculteurs de montagne perçoivent trop souvent des revenus agricoles inférieurs. Je vous confirme ici que les engagements annoncés par mes prédécesseurs en matière d'Indemnité Compensatoire d'Handicaps Naturels, bien que non financés à mon arrivée, seront tenus. Par ailleurs, le calendrier de paiement en sera avancé.
Enfin, la réforme de la politique de cohésion européenne nous donne l'occasion de faire reconnaître pour la première fois au niveau européen, la spécificité des zones à handicap naturel. Je ferai en sorte avec le Commissaire européen, mon ami, Michel BARNIER de faire progresser cette idée. Je compte également sur les réflexions du groupe Montagne pour préparer les propositions que la France doit faire à l'Union européenne sur le sujet.
A mon sens, les surcoûts liés aux handicaps naturels doivent être mieux pris en compte, la dynamique de projets mieux soutenue au niveau des territoires, enfin la gestion des paysages mieux reconnue.
[ La politique agricole commune ]
S'agissant plus généralement de l'échelon communautaire, des interrogations se font jour sur les orientations de la politique agricole commune. Je sais que son avenir vous préoccupe à juste titre. Nous nous trouvons aujourd'hui à mi-parcours de la programmation 1999-2006. Conscient que plusieurs mécanismes n'ont pas produit les bénéfices escomptés à Berlin en 1999, j'ai demandé à la Commission européenne de les améliorer, tout en respectant les principes fondamentaux qui la régissent.
La Commission européenne s'apprête dans les tout prochains jours à adresser au Conseil agricole ses propositions d'évolution. Si comme certaines informations publiées le laissent craindre, certaines de ses orientations s'éloignaient des principes qui en constituent le fondement, je vous le dis ici solennellement, la France ne l'accepterait pas. Dès lors que l'essentiel serait en cause, je serais aux cotés de l'ensemble des agriculteurs, en première ligne pour refuser toute dérive.
Nous entrons, quoi qu'il advienne, dans une période de quatre ans dont les enjeux sont considérables pour l'agriculture française et européenne. Derrière le réexamen de la PAC, se dessine déjà la perspective de l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale et la conclusion d'un nouvel accord à l'OMC, qui comportera, vous le savez, un volet agricole. Or, il a été décidé en 1999 à Berlin de dissocier toute réforme éventuelle de la PAC de ces échéances internationales qui ont leur logique propre.
Pour autant, il est clair d'ores et déjà que notre vision politique des questions agricoles diffère largement de celle de nos amis anglo-saxons. Ce n'est sans doute pas un hasard si les mots pays, paysage, paysans ont en français étymologiquement la même racine, alors que la langue anglaise emploie, pour désigner ces même réalités, des termes aux racines différentes. Pour nous, je le rappelle, un produit alimentaire n'est pas un produit comme un autre et en tout état de cause, la situation des agriculteurs ne saurait devenir une variable d'ajustement dans des arbitrages purement financiers.
La PAC constitue d'ailleurs l'un des outils majeurs de protection contre une mondialisation sauvage. C'est aussi pour cette raison qu'elle doit être préservée.
Pour autant, certaines évolutions sont sans doute envisageables après 2006. Natif et élu d'une zone agricole de montagne, je mesure par exemple l'intérêt du second pilier de la PAC, à condition que sa mise en oeuvre ne s'opère pas au détriment de son premier pilier.
C'est pour préparer ces grandes échéances communautaires et internationales qui nous attendent, que j'ai décidé de mettre en place, dès maintenant, auprès de moi, un Conseil d'orientation et de prospective de la politique agricole, composé de personnalités issues du monde professionnel et de la société civile, d'experts des questions économiques et internationales. Ce conseil, que j'installerai dans le courant de l'été, aura vocation à m'assister dans la définition et la mise en oeuvre de notre stratégie agricole internationale à court et moyen terme.
[ L'agriculture, activité pleinement responsable ]
Mais s'il faut préserver la force économique de notre agriculture -et ce sera, vous l'aurez compris, une première priorité- il faut aussi qu'ensemble nous fassions de l'agriculture une activité toujours plus responsable.
Je veux ici évoquer devant vous les questions environnementales et les questions sanitaires.
Dans les deux cas, il s'agit de conforter, et au besoin de rétablir, un contrat de confiance entre nos agriculteurs, nos consommateurs et la société dans son ensemble.
S'agissant des dossiers environnementaux, je veux prendre devant vous un double engagement.
Tout d'abord, un engagement sur la méthode. J'ai décidé avec ma collègue Roselyne BACHELOT, Ministre de l'Ecologie et du Développement Durable, de mieux coordonner les politiques de nos deux ministères, afin d'aboutir à un langage commun de l'Etat et de conduire ensemble sur ces sujets la concertation nécessaire avec les organisations professionnelles. A très brève échéance, nous nous rendrons d'ailleurs ensemble dans une de nos grandes régions de production agricole, pour prendre la mesure concrète des problèmes et entamer sans délai leur règlement.
Ensuite, un engagement sur l'objectif : je veux aider les agriculteurs à retrouver dans l'opinion publique une image conforme à leur rôle de protecteur de l'environnement. Nos paysages, nous les devons d'abord, ne l'oublions jamais, au travail de générations de paysans. Il faut savoir le rappeler, tout en engageant des actions de fond équilibrées permettant aux agriculteurs, sans mettre en péril leurs activités, de concrétiser chaque jour davantage leur volonté de protéger l'environnement.
De même, dans le domaine de la sécurité alimentaire, le doute s'est installé chez le consommateur. Nous devons tout faire pour inverser cette tendance. J'entends oeuvrer avec vous à réconcilier durablement le producteur et le consommateur, et plus généralement l'agriculteur et le citoyen, à veiller à ce qu'ils retrouvent les chemins harmonieux de la confiance mutuelle. Pour ce faire, notre politique en matière de qualité et de sécurité doit être forte, équilibrée et responsabiliser l'ensemble de la chaîne alimentaire.
En créant l'AFSSA, notre pays a souhaité séparer les actions d'évaluation et de gestion des risques liés à l'alimentation. Trois ans après sa création, le moment est venu d'établir un premier bilan du fonctionnement de cette agence, comme d'ailleurs la loi le prévoit. Ce sera l'objet d'un rapport transmis au Parlement. Je souhaite qu'à cette occasion une attention particulière soit portée à évaluer l'efficacité de la séparation voulue par le législateur entre l'analyse et la gestion des risques.
Parallèlement, la mise en place de l'autorité européenne de sécurité des aliments progresse. Il me paraît essentiel, dans cette perspective, de veiller à clarifier l'ensemble du dispositif, à bien articuler l'échelon national et l'échelon communautaire, et à assurer que la France dispose des atouts nécessaires pour contribuer efficacement à la création de cette autorité.
Pour ma part, je veillerai à ce que le processus de décision publique dans le domaine de la gestion des risques soit le plus transparent possible. Je m'assurerai avant toute décision nouvelle de votre sentiment, comme celui des autres acteurs qui prolongent la chaîne alimentaire : transformateurs, distributeurs, consommateurs. Tant il est vrai que la maîtrise sanitaire sur le territoire national nécessite une adhésion pleine et entière des divers acteurs concernés.
Nous devons, en ce sens, privilégier les instances de concertation. Je pense en particulier au Conseil National de l'Alimentation, lieu d'expression qui réunit les professionnels et les consommateurs. Ce conseil remplit une fonction qui ne peut être réservée ni aux instances scientifiques, ni aux administrations en charge de la gestion du risque. Les débats organisés en son sein permettent de dégager des solutions de consensus, qui enrichissent le processus de décision des autorités publiques.
Je m'attacherai également à ce que le principe de précaution guide nos décisions, mais je veillerai à ce qu'il soit mis en oeuvre de manière cohérente, afin de ne pas engendrer un immobilisme préjudiciable à notre économie.
Je souhaite également conforter l'efficacité des actions de l'Etat, en renforçant la coopération entre les administrations, en accentuant la complémentarité de leur action au niveau central comme à l'échelon déconcentré. Je souhaite en particulier donner un nouvel élan aux pôles de compétence "Sécurité sanitaire des aliments" et "Qualité des eaux" qui ont été créés à l'initiative des Préfets de département ou de région.
Une meilleure articulation sera recherchée en permanence entre les politiques agricole, sanitaire et environnementale, afin de redonner à l'agriculture toute sa légitimité. Les discussions à venir sur l'évolution de la PAC devront intégrer cette dimension.
Il y va en effet de la cohérence même de cette politique européenne : comment en effet pourrait-on demander toujours plus aux agriculteurs en matière sanitaire et environnementale sans leur garantir un prix de vente de leurs produits qui les mette en mesure de supporter ces nouvelles charges ? Dans le même esprit, il est nécessaire -également pour des raisons de cohérence- de réexaminer les conditions d'application de la préférence communautaire et de réaffirmer ses principes : à quoi servirait-il en effet d'imposer aux seuls agriculteurs européens des normes environnementales et sanitaires exigeantes, si, dans le même temps, on laissait les frontières de l'Europe agricole continuer à se transformer en véritable passoire ?
[ L'Etat, partenaire et garant de l'agriculture française ]
Dans ces évolutions, l'Etat prendra naturellement toute sa place, parce qu'il est à la fois le partenaire et le garant de l'agriculture française.
En matière agricole et rurale, l'Etat a, par nature, une responsabilité éminente. J'ai évoqué tout à l'heure ses responsabilités dans le domaine économique. Mais l'action de l'Etat en matière agricole et rurale ne saurait s'y limiter.
L'Etat est en effet en charge du long terme au service de la collectivité toute entière. Il doit ainsi trouver en permanence, avec vous, professionnels agricoles, la meilleure façon de répondre aux attentes de la société.
Cette préoccupation du long terme donnera tout son sens à la recherche d'un bon équilibre pour notre agriculture.
Elle guidera d'abord nos choix en matière d'enseignement et de recherche. Héritière d'une longue et riche tradition agronomique, la France doit rester à la pointe de la recherche agricole. Elle doit le faire tout en observant une éthique de transparence, de précaution et de vigilance sur ses orientations et ses procédés, sans pour autant que des craintes irrationnelles, parfois exploitées ici ou là, ne viennent provoquer un retard dans la connaissance ou la maîtrise des techniques. Notre recherche -et notamment ses fleurons, au premier rang desquels se trouve l'INRA- constitue sans nul doute la pointe de diamant de l'enseignement agricole.
Tout devra donc être fait pour conforter notre appareil de recherche et pour renforcer son rayonnement international.
Depuis de nombreuses années, l'enseignement agricole dans son ensemble a largement fait la preuve de sa souplesse, de la motivation de ses personnels et de son excellente couverture du territoire national. Au-delà des missions qu'il remplit déjà en matière de formation initiale et continue, il importe maintenant de renforcer son action dans trois domaines : le développement rural, la coopération internationale et l'insertion sociale et professionnelle. Son implantation sur l'ensemble du territoire, son attention spécifique aux modes de vie des exploitants agricoles et à l'économie rurale sont de nature à renforcer les liens que l'agriculture entretient avec la société.
La pédagogie concrète offerte par les établissements d'enseignement agricole et l'accueil généralisé des élèves en internat leur assurent une intégration sociale et professionnelle que nous aurons à cur de renforcer. La multiqualification qu'elle favorise doit être encouragée, car elle les dote de solides atouts pour l'exercice de leurs métiers agricoles.
L'accueil d'élèves, d'étudiants et de chercheurs étrangers, en particulier ceux issus des pays d'Europe centrale et orientale ou des pays émergents, sera encouragé et accru.
Je veux ici dire mon attachement aux diverses structures de l'enseignement agricole. Je veillerai à ce que chacune de ses composantes soit respectée dans sa spécificité, et à ce que la loi soit appliquée dans un esprit d'équité et d'harmonie.
Mais c'est également dans cette perspective de long terme que j'entends conduire la politique de mon Ministère en matière d'affaires rurales.
J'ai évoqué tout à l'heure le paradoxe agricole de notre pays. Mais celui-ci se double d'un paradoxe rural.
D'un côté en effet, nous assistons à un certain renouveau démographique de nos campagnes.
Mais de l'autre, nos compatriotes ruraux s'interrogent devant la méconnaissance par la France urbaine de certaines spécificités de leur modes de vie, par exemple en matière cynégétique, comme devant la tentation récurrente de certains services publics de confondre la nécessaire rationalisation de leur fonctionnement avec un retrait pur et simple de larges parties du territoire, favorisé ces dernières années par un déséquilibre excessif de la politique d'aménagement du territoire, au détriment des zones rurales.
Ministre des Affaires Rurales, il me revient de préparer et de mettre en uvre la politique en faveur du monde rural. A cet égard, la co-tutelle de la DATAR offre à mon Ministère un moyen supplémentaire d'action. Comme en matière agricole, je veux que nous construisions ensemble une vision globale et équilibrée du monde rural.
L'Etat doit ainsi, d'abord, aider l'ensemble des Français à se faire une idée fidèle des réalités de notre agriculture et du monde rural. S'agissant de l'agriculture, l'enjeu est simple, mais capital : renforcer l'attractivité de l'ensemble des métiers liés à l'agriculture et au monde rural, notamment auprès des jeunes au moment de leur orientation et mieux faire connaître aux Français leur infinie diversité.
Il y a déjà onze ans, vos aînés, à la place qui est la vôtre aujourd'hui, ont su prendre l'initiative d'une grande moisson sur les Champs-Elysées et, à travers cet événement, de communiquer symboliquement aux citadins la réalité de vos activités, la réalité aussi de vos difficultés. Aujourd'hui, le temps est sans doute venu de nous engager côte à côte pour mettre en place des actions de communication concertées.
Vous avez vous-même évoqué, dans votre discours, Monsieur le Président, différents pistes pour mieux communiquer autour du métier d'agriculteur, de ses conditions d'exercice, et généralement de la ruralité : je suis prêt à les examiner avec vous.
Mais au-delà, nous devons veiller à ce que le monde rural soit à la fois respecté dans ses spécificités et mis en mesure de participer pleinement à la modernisation de notre pays.
Trop souvent, la vie rurale offre un habitat et des opportunités d'emploi pour les familles plus limités que le monde urbain. Le maillage insuffisant des réseaux de téléphonie mobile et l'accessibilité encore trop souvent limitée de l'Internet haut débit y ajoutent le risque d'une véritable "fracture numérique". Je m'attacherai à ce que l'ensemble de ces dossiers soient conduits avec le souci de restaurer une véritable égalité des chances entre citadins et ruraux.
Je souhaite que, contrairement à ce qui s'est passé ces dernières années, la politique d'aménagement du territoire n'ignore plus les zones rurales. J'ai l'intention d'y veiller, en lien avec mon collègue Jean-Paul DELEVOYE, Ministre de la Fonction Publique, de la Réforme de l'Etat et de l'Aménagement du Territoire, en particulier dans la préparation des rendez-vous gouvernementaux de la rentrée.
[ Adapter nos moyens ]
Au service de cette vision globale de l'agriculture et du monde rural, nous devons adapter nos moyens.
L'audit des finances publiques commandé par le Premier Ministre à deux magistrats de la Cour des comptes laisse apparaître une situation des finances publiques plus détériorée que ne le laissaient présager les projections du précédent gouvernement.
Dès lors, les marges de manuvre dont nous disposons dans le budget national sont, vous le savez, aussi plus réduites.
Cette situation justifie une attention renouvelée aux crédits communautaires qui, hélas, sont trop souvent structurellement sous-utilisés. Ainsi, 215 millions d'Euros des fonds prélevés au titre de la modulation n'ont-ils pas été utilisés. Cette sous-utilisation, voire cette non-utilisation est en grande partie le fruit d'outils trop complexes pour être réellement mobilisés.
Il en est de même des crédits inscrits au titre des fonds structurels, et en particulier dans le cas du PDRN, au point même que la France a dû supporter à ce titre de lourdes pénalités financières. C'est l'une des raisons pour laquelle j'ai demandé à mes services d 'établir durant l'été un bilan d'étape du PDRN.
L'objectif est d'abord de résoudre les difficultés qui sont à l'origine de la sous-consommation de ces crédits, en particulier d'explorer les conditions selon lesquelles ce dispositif pourra être simplifié et régionalisé.
Il est, en effet, à mes yeux inacceptable de laisser ainsi coexister durablement des besoins non financés et des financements non utilisés.
Une des clés pour sortir de cette contradiction se trouve, j'en suis convaincu, dans la nécessaire simplification de nos dispositifs nationaux et communautaires.
C'est dans cet esprit que j'ai annoncé, la semaine dernière, devant l'APCA, le lancement prochain d'une démarche de simplification des procédures et des aides en matière agricole.
J'ai en effet décidé la création d'un Comité de simplification des démarches et procédures, qui examinera les propositions de mesures de simplification et de refonte des procédures présentées par les services et les établissements publics concourant à la politique du Ministère. Ces propositions seront, avant toute décision, transmises pour avis à un groupe d'usagers.
Ce chantier de simplification devra évidemment concerner, comme vous l'avez souhaité, Monsieur le Président, l'actuel dispositif réglementaire de l'installation.
Plus généralement, mon action sera guidée par quelques principes simples.
Le principe de subsidiarité, à tous les niveaux, au plus près des réalités et à l'échelle des régions, communes et pays ;
Le principe de concertation, car rien d'efficace, ni de durable ne se fera sans une participation étroite des professionnels, mais aussi des fonctionnaires chargés sur le territoire de la mise en uvre concrète de nos décisions.
C'est à la lumière de ces principes que doivent être comprises les mesures que j'ai déjà annoncées et en particulier l'audit des CTE.
A l'origine de ce dispositif, la notion de contrat et le souci de traiter le plus souvent les difficultés de l'exploitation d'un point de vue global me semblent empreints de bon sens. Mais, si ses objectifs et cette problématique demeurent intéressants, l'expérience témoigne que les procédures mises en uvre s'avèrent lourdes et souvent inappropriées. Peut-être a-t-on voulu attribuer à ce dispositif une vocation abusivement universelle.
Quoi qu'il en soit, cet outil, comme tout autre, est appelé à évoluer et j'attends dans les jours qui viennent les conclusions de l'audit que j'ai commandé début juin. Cet audit me permettra notamment de vérifier la pertinence économique, sociale et environnementale des CTE et d'en apprécier la cohérence avec l'ensemble des mesures du PDRN et de la réglementation communautaire. Il me permettra, j'en suis convaincu, de prendre des mesures de simplification qui assureront la stabilité du dispositif.
Avant de terminer, Monsieur le Président, je voudrais apporter une réponse à quelques points particuliers que vous avez abordés.
J'évoquerai tout d'abord la situation des filières d'élevage qui rencontrent de sérieuses difficultés.
S'agissant de l'aviculture, vous avez rappelé les difficultés rencontrées par ce secteur. Dès mon arrivée, j'ai clairement mesuré l'ampleur de la crise. J'y ai sensibilisé Franz Fischler dès mon premier entretien avec lui. Celui-ci s'est engagé à réformer le règlement douanier. Ce projet a été adopté le 12 juin dernier à Bruxelles. Il s'agit là d'un premier pas encourageant, mais insuffisant dans le sens d'un renforcement de la protection communautaire, qu'il nous faudra poursuivre.
Comme vous l'avez souligné, le secteur porcin connaît des difficultés consécutives à l'instauration de barrières par certains pays traditionnellement clients de notre filière nationale. J'ai souhaité mettre à profit le sommet de l'OIE pour rencontrer mon homologue russe, tandis que mes services rencontraient parallèlement les représentants des Philippines, de la Corée, de la République Dominicaine et du Japon. Dans ce dernier pays, dont vous savez combien il est vital pour notre filière, j'ai bon espoir d'aboutir, suite aux démarches du Président de la République et à la visite d'une délégation japonaise à la mi-juin. J'ai par ailleurs décidé d'installer une représentation vétérinaire permanente à Moscou.
Je partage vos préoccupations quant à l'orientation du secteur ovin. Les enveloppes de flexibilité doivent évoluer. Le dispositif mis en place cette année, dans l'urgence, n'a pas vocation à orienter la filière, ni à compenser les inégalités de revenus internes. J'ai pris bonne note des propositions que le Président MARTIN a faites à mon cabinet, et sur lesquelles mes services travaillent en vue de leur mise en uvre dès le prochain exercice budgétaire.
Permettez-moi également d'aborder la situation des secteurs des céréales, de la viticulture et des fruits et légumes.
L'évolution du marché du blé est devenue proprement erratique.
Elle est aujourd'hui fortement affectée par l'émergence de nouveaux pays exportateurs, sans que la Commission ne soit intervenue pour prendre des mesures stabilisatrices. J'ai attiré l'attention du Commissaire Fischler sur la nécessité de rétablir une protection tarifaire et de s'opposer à une nouvelle baisse du prix d'intervention. Cette demande paraît d'autant plus justifiée que l'Administration américaine vient parallèlement d'introduire un Farm Bill instaurant un nouveau régime d'aides pour les productions américaines, qui aura pour conséquence de déprimer encore davantage le marché.
En réponse aux difficultés du secteur vitivinicole, j'ai obtenu l'ouverture d'un nouveau contingent de distillation de crise de 1,5 million d'hectolitres. J'ai en outre adressé au Commissaire des demandes d'adaptation de l'OCM, tant sur le volet de la gestion du marché que sur le volet structurel, en particulier par l'introduction d'une mesure d'arrachage temporaire.
Un rapprochement entre producteurs de fruits et légumes et distributeurs permettra de recourir à des annonces promotionnelles. Mais au delà, la situation du secteur nécessite d'adapter plus profondément les mécanismes de l'OCM. A l'occasion des débats qui interviendront à mi-parcours de la PAC, je souhaite qu'un certain nombre de préoccupations soient mieux prises en compte par la Commission. Déjà, les conclusions proposées par la présidence espagnole et approuvées lors du conseil du 27 juin dernier, constituent un pas dans la bonne direction.
Vous avez enfin attiré mon attention sur les difficultés posées par la grande distribution. Vous aspirez légitimement à retirer vos revenus des prix du marché et je comprends votre revendication. Le dialogue engagé avec la distribution doit porter ses fruits. Je serai attentif à ses conclusions. Sachez que le Premier ministre et moi-même sommes tous deux sensibilisés de longue date à ces questions.
[ Conclusion ]
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'idée que l'on se fait de la place de l'agriculture dans la France d'aujourd'hui et dans les échanges économiques ne se sépare pas à mes yeux du rôle joué par les paysans dans la formation de l'identité de notre pays. Derrière cette notion que certains pourraient croire surannée, ce qui est en cause n'est rien de moins qu'une certaine idée de la civilisation qui place l'homme en son cur, permet de se soustraire à la tyrannie de l'instant si caractéristique de notre époque et d'introduire la notion d'une responsabilité intergénérationnelle. En conjuguant efficacité économique et responsabilité sociale, l'agriculture doit assurer à ceux qui l'ont choisie les moyens de vivre, tout en faisant d'eux un élément de référence et de repère dans notre pays qui en a aujourd'hui plus que jamais besoin.
C'est dans cet esprit, qu'avec vous, j'entends travailler à faire de l'agriculture française une agriculture économiquement forte et écologiquement responsable dans l'esprit qu'a défendu le Président de la République, Jacques CHIRAC.
Je sais que je pourrai compter sur vous. Sachez que, de votre côté, vous pouvez aussi compter sur moi.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 8 juillet 2002)
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec beaucoup de plaisir que je viens aujourd'hui m'exprimer devant vous à la faveur de ce Congrès des Jeunes Agriculteurs marqué cette année par le renouvellement de votre Président.
Je tiens à remercier le Président Jean-Luc DUVAL pour son engagement au service du mouvement agricole, dont il aura été durant ses années de présidence, un serviteur efficace et passionné. Je sais qu'il aura à coeur de rester fidèle à son engagement et de continuer à oeuvrer avec vous, avec nous, pour l'ensemble de la profession.
Je veux également saluer l'élection de Jérôme DESPEY, déjà connu à la fois des viticulteurs et de votre mouvement dont il assuma la vice-présidence, le remercier pour ses propos chaleureux et former des voeux pour le succès de son mandat.
La Dordogne qui nous accueille, riche de ses exploitations de polyculture et d'élevage dont une majorité de très petites (32 hectares en moyenne) témoigne de la diversité de l'agriculture française.
Je ne citerai pas ses nombreuses filières qui vont de l'élevage bovin à la fraise, sans oublier bien sûr le vignoble de Bergerac. Avec près de 20 000 actifs agricoles dont 1/5 de jeunes exploitants, ce département est représentatif des difficultés, mais aussi des espoirs de notre agriculture.
[ Le paradoxe agricole français ]
Car, la France est une grande puissance agricole : elle dispose, en effet, de secteurs exportateurs et de produits réputées. Avec une production de 63,8 milliards d'euros et des exportations représentant plus des deux-tiers de celles des Etats-Unis, elle est aujourd'hui la première nation productrice en Europe et le deuxième pays exportateur dans le monde.
Pour autant, le monde agricole connaît un profond désarroi, qui confine parfois au désespoir.
Ce désespoir est à la fois matériel et moral.
Matériel tout d'abord,
Les agriculteurs ont, en effet, subi une dégradation nette de leurs revenus. Ils ont également été affectés par les contrecoups d'un certain nombre de crises sanitaires. Chacun garde, en particulier, en mémoire les crises de la vache folle, de la dioxine, ou plus récemment de la fièvre aphteuse.
Mais la crise que traverse le monde paysan est également et peut-être surtout une crise morale.
Les enquêtes d'opinion révèlent combien les Français ressentent de sympathie pour les agriculteurs. Mais elles illustrent également l'écart qui s'est développé entre une image idéalisée et les réalités souvent difficiles du monde agricole.
Les pratiques agricoles se trouvent, trop souvent, décriées. On leur reproche à la fois de sacrifier au productivisme et de porter atteinte à notre environnement. Or, il n'est pas sain, ni d'ailleurs juste, qu'en toute circonstance, les producteurs voient par avance peser sur eux une sorte de présomption de culpabilité, alors qu'ils ont -et je le sais- conduit pour beaucoup d'entre eux des efforts méritoires pour mieux prendre en compte l'environnement.
L'un des symptômes les plus manifestes de cette double crise, matérielle et morale, que j'évoquais tout à l'heure, est la difficulté à trouver, selon votre réflexion, de "nouveaux sens dans l'exercice de la profession". De 1985 à 1995, plus de 30 000 agriculteurs ont cessé d'exploiter et dans les cinq prochaines années, l'on ne compterait, si ces tendances actuelles se poursuivaient, pas plus d'une installation pour deux départs.
Je voudrais dire aussi que je ne serai jamais le ministre qui opposera les agricultures et les agriculteurs français entre eux. Il faut tous ensemble défendre toutes nos agricultures de toutes nos régions de France, en métropole et outre-mer. J'attacherai un soin particulier avec Madame Brigitte GIRARDIN, ma collègue, Ministre de l'Outre-mer, à prendre en compte les spécificités de nos agricultures ultra-marines, qui font tant pour le rayonnement de la France.
[ L'agriculture, une activité économique ]
Cette situation constitue un défi tout à la fois pour les professionnels, et d'abord pour vous les jeunes agriculteurs, mais également pour les élus et les pouvoirs publics. Ma conviction est que nous ne relèverons ce défi qu'ensemble et si nous considérons tous l'agriculture pour ce qu'elle est et doit rester, c'est-à-dire une activité économique à part entière, devant assurer aux exploitants, à leurs familles un revenu digne et leur permettre d'exercer pleinement leurs responsabilités économiques, sociales et environnementales.
Les atouts de notre agriculture doivent vous rendre confiants et fiers de votre activité. Mais l'enjeu majeur n'est-il pas surtout de rétablir un contrat de confiance, vous unissant, vous producteurs, aux consommateurs que sont l'ensemble de nos compatriotes ?
Mais il ne pourra -je le répète- en être ainsi que si l'agriculture est réellement traitée comme une activité économique à part entière tant à l'échelon national qu'à l'échelon communautaire, tout en étant pleinement consciente de ses responsabilités, à l'égard de son environnement et des consommateurs.
Afin de répondre à ce désarroi, je crois nécessaire de développer quelques éléments de fond qui constituent le socle d'une démarche commune que je vous propose en faveur de notre agriculture.
Je tiens à ce que l'agriculture française soit reconnue comme une activité économique à part entière. Sa contribution à ce qui fait la France justifie que mon Ministère se place à vos cotés et veille à faciliter l'exercice de votre métier. Elle exige que nous la défendions efficacement dans les négociations internationales qui s'annoncent.
Cette place dans l'activité économique doit être étroitement conjuguée avec la nécessité de mieux tenir compte des contraintes environnementales et de rassurer les consommateurs.
C'est à travers le contrat de confiance d'une agriculture productrice mais aussi respectueuse de l'environnement et du consommateur que se développera une action efficace en faveur du monde rural.
Cette action mobilisera des moyens adaptés. Votre enthousiasme, notre détermination seront de solides atouts.
[ Les mesures nationales ]
Pour tout ce qui relève d'abord de la responsabilité directe du Gouvernement, mon souhait est que l'agriculture, comme toute autre activité économique, soit en mesure de libérer les initiatives et de vaincre les obstacles qui brident son développement :
Il faut tout d'abord baisser les charges pesant sur le travail agricole.
Dès que le Parlement l'aura décidé dans les semaines qui viennent, les jeunes non qualifiés de 16 à 22 ans bénéficieront, à compter du 1er juillet 2002, de contrats de travail sans charges sociales. En plus des déductions de charges, une aide forfaitaire viendra compenser les cotisations patronales pour tout salaire jusqu'au SMIC. Cette mesure constitue un geste significatif d'allégement des coûts de travail pour l'employeur et une puissante incitation à l'embauche de jeunes non qualifiés, auxquels elle offre l'opportunité d'une première expérience professionnelle. Elle profitera bien sûr pleinement à l'agriculture qui compte de nombreuses filières de main d'oeuvre, comme à toutes les autres activités de production.
Il faut ensuite, et je sais, M. le Président Jérôme DESPEY, que vous y êtes tout spécialement attaché, mettre en oeuvre le contrat-vendanges
Dès la prochaine campagne, le contrat-vendanges, très attendu par les viticulteurs, viendra accroître la rémunération nette perçue par les salariés et permettra de cumuler cette activité saisonnière avec des périodes éventuelles de suspension ou avec un autre emploi permanent. En renforçant ainsi l'attractivité des travaux de vendanges, nous entendons répondre aux difficultés de recrutement rencontrées ces dernières années par les viticulteurs.
Mais c'est de façon en réalité plus globale qu'il faut favoriser le recours à la main d'oeuvre saisonnière, y compris en recherchant, par la négociation, une adaptation à l'application des 35 heures à cette catégorie de travailleurs.
Une autre négociation se poursuit, par ailleurs, entre les partenaires sociaux, afin d'améliorer l'hébergement des salariés agricoles et de mettre à leur disposition de meilleurs outils d'information sur leur environnement social et juridique.
Parallèlement, une réflexion est engagée sur la réforme du régime de charges des travailleurs agricoles occasionnels et le développement d'un contrat de travail à durée indéterminée intermittent. J'ai demandé à mes services d'en accélérer le bon aboutissement.
Nous savons tous les problèmes qui se posent pour les petites retraites agricoles. Un certain nombre d'engagements ne sont toujours pas financés. Il nous appartiendra avec les élus qui gèrent les régimes de protection sociale de prendre en compte ce dossier dans tous ses aspects et progressivement d'améliorer le niveau de vie des retraités agricoles.
Mais si ces mesures sociales contribueront à favoriser l'agriculture de demain, elles ne sauraient pour autant être suffisantes.
Il faut aller au delà et assurer avant tout le renouvellement des générations selon une dynamique de projet qui dépasse la question des seules installations. Aujourd'hui, comme vous l'avez dit, Monsieur le Président, la question n'est plus seulement d'assurer la continuité des exploitations ; elle est aussi de favoriser l'accession de tous les repreneurs, y compris bien sûr ceux qui ne sont pas issus du monde agricole, mais qui font le choix courageux de ce métier.
Nous aurons également à coeur de développer la formation tout au long de la vie, qui constitue, pour les agriculteurs comme pour tous les actifs, une réponse efficace au besoin d'adaptation.
Nous chercherons enfin à préserver un bon équilibre dans l'usage des espaces ruraux, donnant toute sa place à l'exploitation agricole.
Les politiques foncières devront ainsi mieux prendre en compte les atouts, mais aussi la fragilité des espaces ruraux, ainsi que les contraintes propres à l'activité agricole ou forestière. Tous les instruments juridiques disponibles doivent être mobilisés au service de cet objectif, qu'il s'agisse des dispositions de la Loi d'Orientation Agricole ou de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain. Plus généralement, le monde agricole doit être mis en mesure de mieux faire entendre sa voix dans le cadre de l'élaboration des politiques territoriales.
Ma conviction est que l'activité agricole doit rester dominante partout où cela est possible. Ailleurs, je veillerai à ce que de nouvelles activités connexes ou prolongeant l'activité agricole, puissent se développer, y compris dans le cadre de la pluriactivité, dont l'apport est essentiel à certaines zones où elle contribue au maintien d'une activité économique. Je souhaite à cet effet que soit mieux reconnue la situation juridique, sociale et fiscale des pluriactifs. Je veillerai en particulier à ce qu'ils bénéficient d'une réelle liberté de choix de leur régime social.
L'espace rural doit également accueillir de nouvelles entreprises.
La situation des exploitations en zones périurbaines fait l'objet, depuis juillet 2001, d'un rapport au sein d'une Commission interministérielle qui me sera remis dans les prochaines semaines. Chacun sait que ces exploitations agricoles rencontrent des difficultés. Je retiens des travaux déjà entrepris qu'il faudra sans doute s'appuyer sur des périmètres opérationnels où des contrats d'engagement pourront être mis en oeuvre.
La spécificité et la diversité des zones agricoles de montagne seront naturellement prises en compte. La montagne, c'est près de 25 % du territoire national. Or, malgré certaines productions dégageant une valeur ajoutée supérieure à l'agriculture de plaine, les agriculteurs de montagne perçoivent trop souvent des revenus agricoles inférieurs. Je vous confirme ici que les engagements annoncés par mes prédécesseurs en matière d'Indemnité Compensatoire d'Handicaps Naturels, bien que non financés à mon arrivée, seront tenus. Par ailleurs, le calendrier de paiement en sera avancé.
Enfin, la réforme de la politique de cohésion européenne nous donne l'occasion de faire reconnaître pour la première fois au niveau européen, la spécificité des zones à handicap naturel. Je ferai en sorte avec le Commissaire européen, mon ami, Michel BARNIER de faire progresser cette idée. Je compte également sur les réflexions du groupe Montagne pour préparer les propositions que la France doit faire à l'Union européenne sur le sujet.
A mon sens, les surcoûts liés aux handicaps naturels doivent être mieux pris en compte, la dynamique de projets mieux soutenue au niveau des territoires, enfin la gestion des paysages mieux reconnue.
[ La politique agricole commune ]
S'agissant plus généralement de l'échelon communautaire, des interrogations se font jour sur les orientations de la politique agricole commune. Je sais que son avenir vous préoccupe à juste titre. Nous nous trouvons aujourd'hui à mi-parcours de la programmation 1999-2006. Conscient que plusieurs mécanismes n'ont pas produit les bénéfices escomptés à Berlin en 1999, j'ai demandé à la Commission européenne de les améliorer, tout en respectant les principes fondamentaux qui la régissent.
La Commission européenne s'apprête dans les tout prochains jours à adresser au Conseil agricole ses propositions d'évolution. Si comme certaines informations publiées le laissent craindre, certaines de ses orientations s'éloignaient des principes qui en constituent le fondement, je vous le dis ici solennellement, la France ne l'accepterait pas. Dès lors que l'essentiel serait en cause, je serais aux cotés de l'ensemble des agriculteurs, en première ligne pour refuser toute dérive.
Nous entrons, quoi qu'il advienne, dans une période de quatre ans dont les enjeux sont considérables pour l'agriculture française et européenne. Derrière le réexamen de la PAC, se dessine déjà la perspective de l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale et la conclusion d'un nouvel accord à l'OMC, qui comportera, vous le savez, un volet agricole. Or, il a été décidé en 1999 à Berlin de dissocier toute réforme éventuelle de la PAC de ces échéances internationales qui ont leur logique propre.
Pour autant, il est clair d'ores et déjà que notre vision politique des questions agricoles diffère largement de celle de nos amis anglo-saxons. Ce n'est sans doute pas un hasard si les mots pays, paysage, paysans ont en français étymologiquement la même racine, alors que la langue anglaise emploie, pour désigner ces même réalités, des termes aux racines différentes. Pour nous, je le rappelle, un produit alimentaire n'est pas un produit comme un autre et en tout état de cause, la situation des agriculteurs ne saurait devenir une variable d'ajustement dans des arbitrages purement financiers.
La PAC constitue d'ailleurs l'un des outils majeurs de protection contre une mondialisation sauvage. C'est aussi pour cette raison qu'elle doit être préservée.
Pour autant, certaines évolutions sont sans doute envisageables après 2006. Natif et élu d'une zone agricole de montagne, je mesure par exemple l'intérêt du second pilier de la PAC, à condition que sa mise en oeuvre ne s'opère pas au détriment de son premier pilier.
C'est pour préparer ces grandes échéances communautaires et internationales qui nous attendent, que j'ai décidé de mettre en place, dès maintenant, auprès de moi, un Conseil d'orientation et de prospective de la politique agricole, composé de personnalités issues du monde professionnel et de la société civile, d'experts des questions économiques et internationales. Ce conseil, que j'installerai dans le courant de l'été, aura vocation à m'assister dans la définition et la mise en oeuvre de notre stratégie agricole internationale à court et moyen terme.
[ L'agriculture, activité pleinement responsable ]
Mais s'il faut préserver la force économique de notre agriculture -et ce sera, vous l'aurez compris, une première priorité- il faut aussi qu'ensemble nous fassions de l'agriculture une activité toujours plus responsable.
Je veux ici évoquer devant vous les questions environnementales et les questions sanitaires.
Dans les deux cas, il s'agit de conforter, et au besoin de rétablir, un contrat de confiance entre nos agriculteurs, nos consommateurs et la société dans son ensemble.
S'agissant des dossiers environnementaux, je veux prendre devant vous un double engagement.
Tout d'abord, un engagement sur la méthode. J'ai décidé avec ma collègue Roselyne BACHELOT, Ministre de l'Ecologie et du Développement Durable, de mieux coordonner les politiques de nos deux ministères, afin d'aboutir à un langage commun de l'Etat et de conduire ensemble sur ces sujets la concertation nécessaire avec les organisations professionnelles. A très brève échéance, nous nous rendrons d'ailleurs ensemble dans une de nos grandes régions de production agricole, pour prendre la mesure concrète des problèmes et entamer sans délai leur règlement.
Ensuite, un engagement sur l'objectif : je veux aider les agriculteurs à retrouver dans l'opinion publique une image conforme à leur rôle de protecteur de l'environnement. Nos paysages, nous les devons d'abord, ne l'oublions jamais, au travail de générations de paysans. Il faut savoir le rappeler, tout en engageant des actions de fond équilibrées permettant aux agriculteurs, sans mettre en péril leurs activités, de concrétiser chaque jour davantage leur volonté de protéger l'environnement.
De même, dans le domaine de la sécurité alimentaire, le doute s'est installé chez le consommateur. Nous devons tout faire pour inverser cette tendance. J'entends oeuvrer avec vous à réconcilier durablement le producteur et le consommateur, et plus généralement l'agriculteur et le citoyen, à veiller à ce qu'ils retrouvent les chemins harmonieux de la confiance mutuelle. Pour ce faire, notre politique en matière de qualité et de sécurité doit être forte, équilibrée et responsabiliser l'ensemble de la chaîne alimentaire.
En créant l'AFSSA, notre pays a souhaité séparer les actions d'évaluation et de gestion des risques liés à l'alimentation. Trois ans après sa création, le moment est venu d'établir un premier bilan du fonctionnement de cette agence, comme d'ailleurs la loi le prévoit. Ce sera l'objet d'un rapport transmis au Parlement. Je souhaite qu'à cette occasion une attention particulière soit portée à évaluer l'efficacité de la séparation voulue par le législateur entre l'analyse et la gestion des risques.
Parallèlement, la mise en place de l'autorité européenne de sécurité des aliments progresse. Il me paraît essentiel, dans cette perspective, de veiller à clarifier l'ensemble du dispositif, à bien articuler l'échelon national et l'échelon communautaire, et à assurer que la France dispose des atouts nécessaires pour contribuer efficacement à la création de cette autorité.
Pour ma part, je veillerai à ce que le processus de décision publique dans le domaine de la gestion des risques soit le plus transparent possible. Je m'assurerai avant toute décision nouvelle de votre sentiment, comme celui des autres acteurs qui prolongent la chaîne alimentaire : transformateurs, distributeurs, consommateurs. Tant il est vrai que la maîtrise sanitaire sur le territoire national nécessite une adhésion pleine et entière des divers acteurs concernés.
Nous devons, en ce sens, privilégier les instances de concertation. Je pense en particulier au Conseil National de l'Alimentation, lieu d'expression qui réunit les professionnels et les consommateurs. Ce conseil remplit une fonction qui ne peut être réservée ni aux instances scientifiques, ni aux administrations en charge de la gestion du risque. Les débats organisés en son sein permettent de dégager des solutions de consensus, qui enrichissent le processus de décision des autorités publiques.
Je m'attacherai également à ce que le principe de précaution guide nos décisions, mais je veillerai à ce qu'il soit mis en oeuvre de manière cohérente, afin de ne pas engendrer un immobilisme préjudiciable à notre économie.
Je souhaite également conforter l'efficacité des actions de l'Etat, en renforçant la coopération entre les administrations, en accentuant la complémentarité de leur action au niveau central comme à l'échelon déconcentré. Je souhaite en particulier donner un nouvel élan aux pôles de compétence "Sécurité sanitaire des aliments" et "Qualité des eaux" qui ont été créés à l'initiative des Préfets de département ou de région.
Une meilleure articulation sera recherchée en permanence entre les politiques agricole, sanitaire et environnementale, afin de redonner à l'agriculture toute sa légitimité. Les discussions à venir sur l'évolution de la PAC devront intégrer cette dimension.
Il y va en effet de la cohérence même de cette politique européenne : comment en effet pourrait-on demander toujours plus aux agriculteurs en matière sanitaire et environnementale sans leur garantir un prix de vente de leurs produits qui les mette en mesure de supporter ces nouvelles charges ? Dans le même esprit, il est nécessaire -également pour des raisons de cohérence- de réexaminer les conditions d'application de la préférence communautaire et de réaffirmer ses principes : à quoi servirait-il en effet d'imposer aux seuls agriculteurs européens des normes environnementales et sanitaires exigeantes, si, dans le même temps, on laissait les frontières de l'Europe agricole continuer à se transformer en véritable passoire ?
[ L'Etat, partenaire et garant de l'agriculture française ]
Dans ces évolutions, l'Etat prendra naturellement toute sa place, parce qu'il est à la fois le partenaire et le garant de l'agriculture française.
En matière agricole et rurale, l'Etat a, par nature, une responsabilité éminente. J'ai évoqué tout à l'heure ses responsabilités dans le domaine économique. Mais l'action de l'Etat en matière agricole et rurale ne saurait s'y limiter.
L'Etat est en effet en charge du long terme au service de la collectivité toute entière. Il doit ainsi trouver en permanence, avec vous, professionnels agricoles, la meilleure façon de répondre aux attentes de la société.
Cette préoccupation du long terme donnera tout son sens à la recherche d'un bon équilibre pour notre agriculture.
Elle guidera d'abord nos choix en matière d'enseignement et de recherche. Héritière d'une longue et riche tradition agronomique, la France doit rester à la pointe de la recherche agricole. Elle doit le faire tout en observant une éthique de transparence, de précaution et de vigilance sur ses orientations et ses procédés, sans pour autant que des craintes irrationnelles, parfois exploitées ici ou là, ne viennent provoquer un retard dans la connaissance ou la maîtrise des techniques. Notre recherche -et notamment ses fleurons, au premier rang desquels se trouve l'INRA- constitue sans nul doute la pointe de diamant de l'enseignement agricole.
Tout devra donc être fait pour conforter notre appareil de recherche et pour renforcer son rayonnement international.
Depuis de nombreuses années, l'enseignement agricole dans son ensemble a largement fait la preuve de sa souplesse, de la motivation de ses personnels et de son excellente couverture du territoire national. Au-delà des missions qu'il remplit déjà en matière de formation initiale et continue, il importe maintenant de renforcer son action dans trois domaines : le développement rural, la coopération internationale et l'insertion sociale et professionnelle. Son implantation sur l'ensemble du territoire, son attention spécifique aux modes de vie des exploitants agricoles et à l'économie rurale sont de nature à renforcer les liens que l'agriculture entretient avec la société.
La pédagogie concrète offerte par les établissements d'enseignement agricole et l'accueil généralisé des élèves en internat leur assurent une intégration sociale et professionnelle que nous aurons à cur de renforcer. La multiqualification qu'elle favorise doit être encouragée, car elle les dote de solides atouts pour l'exercice de leurs métiers agricoles.
L'accueil d'élèves, d'étudiants et de chercheurs étrangers, en particulier ceux issus des pays d'Europe centrale et orientale ou des pays émergents, sera encouragé et accru.
Je veux ici dire mon attachement aux diverses structures de l'enseignement agricole. Je veillerai à ce que chacune de ses composantes soit respectée dans sa spécificité, et à ce que la loi soit appliquée dans un esprit d'équité et d'harmonie.
Mais c'est également dans cette perspective de long terme que j'entends conduire la politique de mon Ministère en matière d'affaires rurales.
J'ai évoqué tout à l'heure le paradoxe agricole de notre pays. Mais celui-ci se double d'un paradoxe rural.
D'un côté en effet, nous assistons à un certain renouveau démographique de nos campagnes.
Mais de l'autre, nos compatriotes ruraux s'interrogent devant la méconnaissance par la France urbaine de certaines spécificités de leur modes de vie, par exemple en matière cynégétique, comme devant la tentation récurrente de certains services publics de confondre la nécessaire rationalisation de leur fonctionnement avec un retrait pur et simple de larges parties du territoire, favorisé ces dernières années par un déséquilibre excessif de la politique d'aménagement du territoire, au détriment des zones rurales.
Ministre des Affaires Rurales, il me revient de préparer et de mettre en uvre la politique en faveur du monde rural. A cet égard, la co-tutelle de la DATAR offre à mon Ministère un moyen supplémentaire d'action. Comme en matière agricole, je veux que nous construisions ensemble une vision globale et équilibrée du monde rural.
L'Etat doit ainsi, d'abord, aider l'ensemble des Français à se faire une idée fidèle des réalités de notre agriculture et du monde rural. S'agissant de l'agriculture, l'enjeu est simple, mais capital : renforcer l'attractivité de l'ensemble des métiers liés à l'agriculture et au monde rural, notamment auprès des jeunes au moment de leur orientation et mieux faire connaître aux Français leur infinie diversité.
Il y a déjà onze ans, vos aînés, à la place qui est la vôtre aujourd'hui, ont su prendre l'initiative d'une grande moisson sur les Champs-Elysées et, à travers cet événement, de communiquer symboliquement aux citadins la réalité de vos activités, la réalité aussi de vos difficultés. Aujourd'hui, le temps est sans doute venu de nous engager côte à côte pour mettre en place des actions de communication concertées.
Vous avez vous-même évoqué, dans votre discours, Monsieur le Président, différents pistes pour mieux communiquer autour du métier d'agriculteur, de ses conditions d'exercice, et généralement de la ruralité : je suis prêt à les examiner avec vous.
Mais au-delà, nous devons veiller à ce que le monde rural soit à la fois respecté dans ses spécificités et mis en mesure de participer pleinement à la modernisation de notre pays.
Trop souvent, la vie rurale offre un habitat et des opportunités d'emploi pour les familles plus limités que le monde urbain. Le maillage insuffisant des réseaux de téléphonie mobile et l'accessibilité encore trop souvent limitée de l'Internet haut débit y ajoutent le risque d'une véritable "fracture numérique". Je m'attacherai à ce que l'ensemble de ces dossiers soient conduits avec le souci de restaurer une véritable égalité des chances entre citadins et ruraux.
Je souhaite que, contrairement à ce qui s'est passé ces dernières années, la politique d'aménagement du territoire n'ignore plus les zones rurales. J'ai l'intention d'y veiller, en lien avec mon collègue Jean-Paul DELEVOYE, Ministre de la Fonction Publique, de la Réforme de l'Etat et de l'Aménagement du Territoire, en particulier dans la préparation des rendez-vous gouvernementaux de la rentrée.
[ Adapter nos moyens ]
Au service de cette vision globale de l'agriculture et du monde rural, nous devons adapter nos moyens.
L'audit des finances publiques commandé par le Premier Ministre à deux magistrats de la Cour des comptes laisse apparaître une situation des finances publiques plus détériorée que ne le laissaient présager les projections du précédent gouvernement.
Dès lors, les marges de manuvre dont nous disposons dans le budget national sont, vous le savez, aussi plus réduites.
Cette situation justifie une attention renouvelée aux crédits communautaires qui, hélas, sont trop souvent structurellement sous-utilisés. Ainsi, 215 millions d'Euros des fonds prélevés au titre de la modulation n'ont-ils pas été utilisés. Cette sous-utilisation, voire cette non-utilisation est en grande partie le fruit d'outils trop complexes pour être réellement mobilisés.
Il en est de même des crédits inscrits au titre des fonds structurels, et en particulier dans le cas du PDRN, au point même que la France a dû supporter à ce titre de lourdes pénalités financières. C'est l'une des raisons pour laquelle j'ai demandé à mes services d 'établir durant l'été un bilan d'étape du PDRN.
L'objectif est d'abord de résoudre les difficultés qui sont à l'origine de la sous-consommation de ces crédits, en particulier d'explorer les conditions selon lesquelles ce dispositif pourra être simplifié et régionalisé.
Il est, en effet, à mes yeux inacceptable de laisser ainsi coexister durablement des besoins non financés et des financements non utilisés.
Une des clés pour sortir de cette contradiction se trouve, j'en suis convaincu, dans la nécessaire simplification de nos dispositifs nationaux et communautaires.
C'est dans cet esprit que j'ai annoncé, la semaine dernière, devant l'APCA, le lancement prochain d'une démarche de simplification des procédures et des aides en matière agricole.
J'ai en effet décidé la création d'un Comité de simplification des démarches et procédures, qui examinera les propositions de mesures de simplification et de refonte des procédures présentées par les services et les établissements publics concourant à la politique du Ministère. Ces propositions seront, avant toute décision, transmises pour avis à un groupe d'usagers.
Ce chantier de simplification devra évidemment concerner, comme vous l'avez souhaité, Monsieur le Président, l'actuel dispositif réglementaire de l'installation.
Plus généralement, mon action sera guidée par quelques principes simples.
Le principe de subsidiarité, à tous les niveaux, au plus près des réalités et à l'échelle des régions, communes et pays ;
Le principe de concertation, car rien d'efficace, ni de durable ne se fera sans une participation étroite des professionnels, mais aussi des fonctionnaires chargés sur le territoire de la mise en uvre concrète de nos décisions.
C'est à la lumière de ces principes que doivent être comprises les mesures que j'ai déjà annoncées et en particulier l'audit des CTE.
A l'origine de ce dispositif, la notion de contrat et le souci de traiter le plus souvent les difficultés de l'exploitation d'un point de vue global me semblent empreints de bon sens. Mais, si ses objectifs et cette problématique demeurent intéressants, l'expérience témoigne que les procédures mises en uvre s'avèrent lourdes et souvent inappropriées. Peut-être a-t-on voulu attribuer à ce dispositif une vocation abusivement universelle.
Quoi qu'il en soit, cet outil, comme tout autre, est appelé à évoluer et j'attends dans les jours qui viennent les conclusions de l'audit que j'ai commandé début juin. Cet audit me permettra notamment de vérifier la pertinence économique, sociale et environnementale des CTE et d'en apprécier la cohérence avec l'ensemble des mesures du PDRN et de la réglementation communautaire. Il me permettra, j'en suis convaincu, de prendre des mesures de simplification qui assureront la stabilité du dispositif.
Avant de terminer, Monsieur le Président, je voudrais apporter une réponse à quelques points particuliers que vous avez abordés.
J'évoquerai tout d'abord la situation des filières d'élevage qui rencontrent de sérieuses difficultés.
S'agissant de l'aviculture, vous avez rappelé les difficultés rencontrées par ce secteur. Dès mon arrivée, j'ai clairement mesuré l'ampleur de la crise. J'y ai sensibilisé Franz Fischler dès mon premier entretien avec lui. Celui-ci s'est engagé à réformer le règlement douanier. Ce projet a été adopté le 12 juin dernier à Bruxelles. Il s'agit là d'un premier pas encourageant, mais insuffisant dans le sens d'un renforcement de la protection communautaire, qu'il nous faudra poursuivre.
Comme vous l'avez souligné, le secteur porcin connaît des difficultés consécutives à l'instauration de barrières par certains pays traditionnellement clients de notre filière nationale. J'ai souhaité mettre à profit le sommet de l'OIE pour rencontrer mon homologue russe, tandis que mes services rencontraient parallèlement les représentants des Philippines, de la Corée, de la République Dominicaine et du Japon. Dans ce dernier pays, dont vous savez combien il est vital pour notre filière, j'ai bon espoir d'aboutir, suite aux démarches du Président de la République et à la visite d'une délégation japonaise à la mi-juin. J'ai par ailleurs décidé d'installer une représentation vétérinaire permanente à Moscou.
Je partage vos préoccupations quant à l'orientation du secteur ovin. Les enveloppes de flexibilité doivent évoluer. Le dispositif mis en place cette année, dans l'urgence, n'a pas vocation à orienter la filière, ni à compenser les inégalités de revenus internes. J'ai pris bonne note des propositions que le Président MARTIN a faites à mon cabinet, et sur lesquelles mes services travaillent en vue de leur mise en uvre dès le prochain exercice budgétaire.
Permettez-moi également d'aborder la situation des secteurs des céréales, de la viticulture et des fruits et légumes.
L'évolution du marché du blé est devenue proprement erratique.
Elle est aujourd'hui fortement affectée par l'émergence de nouveaux pays exportateurs, sans que la Commission ne soit intervenue pour prendre des mesures stabilisatrices. J'ai attiré l'attention du Commissaire Fischler sur la nécessité de rétablir une protection tarifaire et de s'opposer à une nouvelle baisse du prix d'intervention. Cette demande paraît d'autant plus justifiée que l'Administration américaine vient parallèlement d'introduire un Farm Bill instaurant un nouveau régime d'aides pour les productions américaines, qui aura pour conséquence de déprimer encore davantage le marché.
En réponse aux difficultés du secteur vitivinicole, j'ai obtenu l'ouverture d'un nouveau contingent de distillation de crise de 1,5 million d'hectolitres. J'ai en outre adressé au Commissaire des demandes d'adaptation de l'OCM, tant sur le volet de la gestion du marché que sur le volet structurel, en particulier par l'introduction d'une mesure d'arrachage temporaire.
Un rapprochement entre producteurs de fruits et légumes et distributeurs permettra de recourir à des annonces promotionnelles. Mais au delà, la situation du secteur nécessite d'adapter plus profondément les mécanismes de l'OCM. A l'occasion des débats qui interviendront à mi-parcours de la PAC, je souhaite qu'un certain nombre de préoccupations soient mieux prises en compte par la Commission. Déjà, les conclusions proposées par la présidence espagnole et approuvées lors du conseil du 27 juin dernier, constituent un pas dans la bonne direction.
Vous avez enfin attiré mon attention sur les difficultés posées par la grande distribution. Vous aspirez légitimement à retirer vos revenus des prix du marché et je comprends votre revendication. Le dialogue engagé avec la distribution doit porter ses fruits. Je serai attentif à ses conclusions. Sachez que le Premier ministre et moi-même sommes tous deux sensibilisés de longue date à ces questions.
[ Conclusion ]
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'idée que l'on se fait de la place de l'agriculture dans la France d'aujourd'hui et dans les échanges économiques ne se sépare pas à mes yeux du rôle joué par les paysans dans la formation de l'identité de notre pays. Derrière cette notion que certains pourraient croire surannée, ce qui est en cause n'est rien de moins qu'une certaine idée de la civilisation qui place l'homme en son cur, permet de se soustraire à la tyrannie de l'instant si caractéristique de notre époque et d'introduire la notion d'une responsabilité intergénérationnelle. En conjuguant efficacité économique et responsabilité sociale, l'agriculture doit assurer à ceux qui l'ont choisie les moyens de vivre, tout en faisant d'eux un élément de référence et de repère dans notre pays qui en a aujourd'hui plus que jamais besoin.
C'est dans cet esprit, qu'avec vous, j'entends travailler à faire de l'agriculture française une agriculture économiquement forte et écologiquement responsable dans l'esprit qu'a défendu le Président de la République, Jacques CHIRAC.
Je sais que je pourrai compter sur vous. Sachez que, de votre côté, vous pouvez aussi compter sur moi.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 8 juillet 2002)