Texte intégral
Q - La chute du Mur de Berlin, il y a dix ans, d'un mur qui partageait le monde en deux systèmes politiques exprimant deux visions du monde contradictoire - capitaliste à l'Ouest et communiste à l'Est -, a-t-elle créé un chaos que les Etats-Unis ne seraient bientôt plus capables de contrôler ? Ou un nouvel équilibre instruit sur d'autres enjeux, se prépare-t-il quelque part ? Vivons-nous dans un monde en déséquilibre ?
R - La fin de l'URSS a créé une sorte de débâcle, comme quand une banquise se défait. Nous sommes dans une période de gestion de cette transition. On a bien vu et on voit bien encore qu'au Caucase toutes sortes de problèmes qui étaient contenus par un système autoritaire ont resurgi et sont loin d'avoir trouvé leur solution - non seulement au Caucase du Nord mais au Caucase du Sud également. En Asie centrale la situation est encore marquée par des facteurs d'instabilité. Le travail de consolidation, pour que cette transition débouche sur un nouvel ordre stable, est loin d'être entièrement accompli. Pour le reste, tous les pays d'Europe centrale et orientale, sortis de l'orbite soviétique, ont tout de suite été attirés par l'orbite de l'Union européenne. Ce qui n'est pas encore réglé c'est de savoir comment celle-ci va s'élargir, tout en poursuivant sa marche en avant, sans se dissoudre dans un ensemble trop vaste et mal maîtrisable. C'est ce sur quoi nous travaillons : l'élargissement. Cela n'a pas commencé le jour de la chute du Mur. C'est un processus de changement qui a commencé avec l'arrivée de Gorbatchev au pouvoir et qui a changé de sens et de dimension historique à partir du moment où celui-ci a fait comprendre qu'il n'emploierait pas la force pour maintenir le système communiste en Europe de l'Est. C'est cela qui a déclenché les choses.
Q - Cette banquise éclatée que vous décrivez, est-elle en train de dériver sous l'oeil du cyclope américain ? N'est-ce pas dangereux pour l'avenir du monde ?
R - Les Etats-Unis ont une position tout à fait spéciale dans le monde actuel. J'emploie une expression spéciale qui est d'hyperpuissance pour montrer à quel point ils sont plus gros que tout ce que l'on a connu dans les rapports de puissance. Leur puissance n'est pas que militaire mais également économique, culturelle, de langue, de mode de vie, etc. Cela ne veut pas dire qu'ils contrôlent tout partout. Nous essayons de faire en sorte que cette transition débouche sur un ordre plus stable. Mais c'est loin d'être tout à fait construit. Je prenais l'exemple du Caucase, c'est un casse-tête pour la plupart des pays qui voudraient essayer d'établir une coexistence pacifique entre les uns et les autres. Il faut donc du temps ; tout cela ne se décrète pas du jour au lendemain.
Q - Peut-on craindre une sorte de -le mot est un peu excessif - tentation totalitaire ? On va commencer à Seattle, dans quelques jours, des négociations sur l'Organisation mondiale du commerce et les Américains veulent clairement imposer leur vision du monde. Quand on n'est pas dans un système qui est à ce point monopolisé par un Etat et une superpuissance, n'y a-t-il pas une tentation totalitaire ?
R - Une tentation hégémonique dans certains comportements. Il y a une tentation unilatérale, par exemple quand le Sénat américain veut décider de lois qu'il prétend imposer au reste du monde, alors qu'il n'a aucune légitimité pour cela. Il y a une tentation unipolaire, mais ce n'est pas simplement une intention ou un projet américain, c'est la conséquence d'une fantastique vitalité créatrice américaine, d'une puissance économique, d'un système qui l'a emporté, non pas parce qu'il a battu les autres, mais parce que tous les systèmes ont implosé en quelque sorte. Cela créé un monde dans lequel la liberté est plus grande et plus large. Mais cela créé un monde dans lequel il faut consolider ces situations. C'est pour cela qu'en France, nous parlons en ce qui concerne notre politique étrangère, de "monde multipolaire" pour l'opposer à "un monde unipolaire". Nous parlons d'"un monde divers" notamment quand on parle des questions culturelles pour l'opposer à un monde qui serait normalisé et unique. Nous parlons d'"un monde multilatéral" pour l'opposer à des pratiques unilatérales. C'est quelque chose qui se joue un peu partout : quand on défend le Conseil de sécurité par exemple contre des initiatives purement otaniennes ; quant au sein de l'Organisation mondiale du commerce, dans les négociations qui vont s'ouvrir, nous défendons le droit à la diversité culturelle, ce qui peut passer par l'exception culturelle à un moment donné. Ce n'est pas un but en soi mais c'est une technique de négociation pour protéger certaines politiques nationales d'une sorte de nivellement, ce qui nous empêcherait de continuer à avoir cette politique culturelle, et puis aussi les autres : les latino-américains, les Africains, les Indiens, etc. On est donc dans une phase où les choses ne sont pas du tout jouées par rapport à tout cela. C'est pour cela qu'il faudrait une politique très vigilante et active sur tout les plans.
Q - Mais où percevez-vous les nouveaux enjeux ? A plusieurs reprises vous avez parlé du Caucase, mais je ne veux pas citer Malraux qui disait : "le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas". Est-ce que la montée des fondamentalismes n'est pas peut-être une nouvelle direction d'organisation de la géopolitique ? Est-ce qu'il n'y aura pas d'un côté, un monde musulman confronté au reste de la planète ?
R - C'est difficile de résumer tous les enjeux d'un monde qui est redevenu beaucoup plus compliqué qu'avant. Il y a deux grands types de problèmes : le type de rapports qui vont s'établir dans le monde qui est le nôtre entre les grands pôles de puissance, entre cette hyperpuissance américaine mais aussi l'Europe - cela dépend de savoir si l'Europe va maîtriser la contradiction dont je parlais entre l'élargissement et le renforcement -, mais aussi le Japon, les gros ensembles de l'hémisphère Nord, comme la Russie - qui finira par sortir un jour des difficultés dans lesquelles elle est -, mais aussi la Chine qui finira par se transformer. Quel type d'équilibre ? Quand nous parlons, nous , Français, d'"un monde multipolaire", c'est naturellement parce que nous pensons que l'Europe sera un de ces pôles. Sinon, cela ne représente pas un progrès formidable par rapport à la situation actuelle. Mais il faut aussi que ces pôles arrivent à coopérer plutôt qu'à s'affronter. C'est une première question. La deuxième chose : comment fait-on pour gérer des relations avec les pays qui sont rebelles, où les forces politiques ou intellectuelles, ou religieuses, sont rebelles; où les forces politiques ou intellectuelles, ou religieuses, sont rebelles à cette espèce de système mondial, à la démocratie, à l'économie de marché, aux Droits de l'Homme, etc. ? On voit vite qu'il y a un certain nombre d'affrontements par rapport à cela, car il y a des pays qui ne sont pas prêts ou pas d'accord, ou qui n'ont pas la même conception de la démocratie. Comment s'y prend-on pour faire en sorte que ces pays avancent dans le sens de la démocratisation, étant donné qu'on n'a pas trouvé de recette magique permettant aux autres pays de faire instantanément le chemin que nous avons mis nous-mêmes deux ou trois siècles à accomplir ? Il y a là une relation qui est difficile et qu'on voit resurgir souvent dans la question des Balkans, dans la question du Caucase, dans la question de l'Asie centrale, à propos du conflit en Afrique des Grands lacs, un peu partout. On voudrait bien répandre partout le degré de démocratie que nous avons atteint et notre façon de régler les conflits pacifiquement. On a affaire à des gouffres culturels et de comportement. Cet énorme Occident, très riche, plus puissant qu'il n'a jamais été est un peu désemparé par ce décalage. Il hésite entre la coopération, l'aide, l'incitation, les sanctions, sans que tout cela donne des résultats immédiats. Donc, il y a deux grands types de problème sur lesquels nous oeuvrons pour aller dans le bon sens.
Q - Etes-vous inquiet pour un Occident qui reste riche et qui a longtemps été dominateur, confronté à des petites puissances aujourd'hui à très forte nuisance, parce que les sacs à dos nucléaires ne se vendent pas très chers et assez facilement partout dans le monde ?
R - Il faut prendre ces questions au sérieux, pas au tragique. Il faut éviter l'hystérie. Dans toute l'histoire des armes ou de la stratégie, il y a toujours eu une terreur des armes des autres. Je ne pense pas que la terre soit peuplée de pays et de peuples qui ont envie de se suicider en se lançant dans des aventures extravagantes. C'est étonnant de voir à quel point l'Occident d'aujourd'hui a peur.
Q - Peut-être qu'il regarde son histoire et qu'il dit : "un jour il faudra payer deux ou trois choses" ?
R - Oui, alors je pense justement que la bonne façon de répondre à cette remarque et à celle d'avant, c'est de ne pas faire l'impasse sur le développement. Cela, on l'a trop fait. Or, il y a un déséquilibre au niveau du développement : un déséquilibre de richesses, un déséquilibre économique et social. La démocratisation ne se construit bien et ne se consolide durablement en réalité que sur un haut niveau de développement économique et social. Cela suppose la règle du jeu de la démocratie, la mentalité démocratique pour que les élections aient lieu de façon libre, que les campagnes électorales aient lieu, qu'on respecte les minorités, qu'on traite les problèmes autrement qu'à coups de machettes ou à coups de mitrailleuses. Il faut un haut niveau de développement économique et social. Au cours des dernières années, de la dizaine d'années, depuis que nous sommes entrés dans ce monde nouveau, plus instable, on a un peu fait l'impasse là-dessus. Avec l'URSS, toute la pensée marxiste s'est effondrée, c'est une sorte d'Atlantide disparue aujourd'hui. On a l'impression qu'on a oublié les données élémentaires de la sociologie de l'histoire et de l'économie. Il faut se redire que nous ne consoliderons notre vision de la démocratie à laquelle nous croyons profondément, et notre conception du respect des Droits de l'Homme, que sur une situation économique et sociale meilleure, moins inégalitaire, plus stable. Il y a un vrai problème qui est aujourd'hui mal résolu.
Q - Il y a dix ans tout le monde se réjouissait de la chute du mur de Berlin, moi j'étais un peu plus circonspect. Mais si l'on fait le bilan aujourd'hui, on additionne les morts qui sont morts en plus de ceux qui sont morts sur le mur de Berlin, la somme est peut-être importante. Mais ce qu'il y a de plus embêtant à mon avis, c'est le retour de l'extrême droite dans tous ces pays libérés. Alors je me demande si, compte tenu de ce bilan, on n'aurait pas mieux fait de garder Gorbatchev. Deuxièmement, puisque le ministre est là, je voudrais lui demander si M. Izetbegovic n'était pas un ancien combattant de la division de SS qui se battait contre nous pendant la guerre ?
R - Sur le dernier point je crois qu'il n'y a aucun risque qu'il ait pu être de ce côté pendant cette période. Sur la question générale, nous n'avons pas décidé de remplacer Gorbatchev par une situation chaotique, le système soviétique s'est effondré. Il a implosé, parce que tout simplement il était incapable de fonctionner économiquement, il n'arrivait plus à répondre aux besoins des gens. Il assurait une espèce d'ordre limité, mais c'était à peu près tout. Il s'est effondré tout seul en quelque sorte. Gorbatchev a tenté de le régénérer. Au départ, Gorbatchev ne voulait pas du tout faire tomber l'Union soviétique pour la remplacer par la situation actuelle, il voulait essayer de moderniser le communisme. A supposer que cela soit possible, ce qui n'a jamais été démontré, il arrivait de toute façon trop tard. En ce qui concerne l'Europe centrale et orientale, il était arrivé sans doute, vers 1987, à une conclusion très importante, qui historiquement a tout déclenché, qui était, que jamais il n'emploierait la force pour maintenir ces régimes. C'est à partir de là, que les gens et les dirigeants l'ont compris. Il a laissé tomber Honecker. Les Allemands de l'est ont commencé à circuler avant même que le mur ne tombe, car en réalité, ils pouvaient sortir par la Tchécoslovaquie. Il a tenté cette réforme et cette relance a échoué, l'Union soviétique s'est effondrée. Donc, de toute façon, il n'y a pas à regretter quelque chose qui n'est pas le résultat d'une mauvaise décision. Nous avons à gérer cette situation, à la fois sur le plan européen et ailleurs. Cela nous rappelle tout simplement que ce sont des processus historiques et qu'on ne crée pas la démocratie, le respect des Droits de l'Homme, de grandes économies modernes du jour au lendemain.
Q - Pour prolonger la question, êtes vous attentif ou vigilant à ce que l'on pourrait appeler le phénomène du balancier et notamment à la montée de extrêmes, je vous posais tout à l'heure la question du fondamentalisme, s'agissant du Caucase, mais il y a aussi, évidemment la question de la montée de l'extrême droite dans un certain nombre de pays européens, pour ne citer que l'Autriche et la Suisse récemment, qu'est-ce que vous en dites ?
R - Je pense que tous les peuples qui sont confrontés à des situations extrêmes de tension, de malheur, de tragédie, qui sont humiliés, qui se sentent agressés à tort ou à raison, ou menacés, réagissent comme par des poussées de fièvre, par un extrême ou un autre, plus souvent d'ailleurs par l'extrême droite. Il faut sérieusement méditer sur ce qui s'était passé au début du XXème siècle, qui est dans la matrice des erreurs qui ont suivi, et comment les Allemands et les Italiens en étaient venus à voter pour des dirigeants, non pas du tout en raison du programme qu'ils ont appliqué cinq ans, dix ans ou quinze ans après, mais parce qu'ils étaient fondamentalement humiliés. Alors, il faut faire très attention et je crois que nous avons collectivement à peu près bien réagi en faisant en sorte que ces pays, la Russie d'aujourd'hui, mais aussi les pays issus de l'URSS, rencontrent au contraire une main tendue, une coopération, une aide, qui n'est pas simplement le résultat d'une pure générosité mais le résultat d'un vrai raisonnement. Nous avons intérêt à ce que ces très très longues transitions soient accompagnées le mieux possible. Ce qui n'empêche que ces sociétés sont quand même extraordinairement traumatisées et que cela s'exprime par des votes extrêmes qui nous choquent, qui sont provocants. Mais je crois que si nous continuons à être autant engagés et que nous avons une idée claire des étapes à franchir pour ces différents pays, cela restera des phénomènes contenus, choquants, pénibles, désagréables, mais contenus.
Q - Puisque vous posez la question de la durée, il y a un mot magnifique qu'on utilise pour les conciles, c'est la réception. Il s'est passé cinq siècles entre le concile de Trente et Vatican 2. Combien de temps va-t-il se passer pour que la géopolitique ait finie de réceptionner la chute du mur de Berlin ?
R - L'effondrement des empires a marqué négativement tout le XXème siècle. Par exemple, on peut dire qu'on n'a pas tout à fait fini de gérer les conséquences de la dislocation de l'empire Ottoman, au Proche Orient, au Moyen-Orient, dans les Balkans. On peut dire que la façon dont l'Autriche-Hongrie a été détruite, délibérément après 1918, alors qu'elle ne s'était pas effondrée a été vraiment une décision d'apprenti-sorcier. Il me semble que dans la façon dont nous, les Occidentaux, les Européens, les Américains, les Japonais aussi, traitons l'affaire de la dislocation de l'URSS depuis sa disparition, notamment le travail qui est fait dans les sommets des 7 et des 8 avec Gorbatchev, puis avec Eltsine, c'est-à-dire cet accompagnement, est le contraire des erreurs terribles qui ont été faites en 1918 par rapport à l'Allemagne. Je crois que nous sommes sur la bonne voie. La seule erreur qui a été commise par rapport à ces pays et notamment par rapport à la Russie, c'est de croire que l'on peu naïvement plaquer sur les décombres de l'Union soviétique, une économie moderne, ultra-libérale en lui appliquant des recettes qui sont valables pour gérer l'économie française, britannique ou américaine d'aujourd'hui. Cette approche est une ineptie. Il est évident que pour la Russie, il faut des processus consolidés, que le développement consolide la démocratisation, qui elle-même permet le développement. Il y a un cycle. Nous devons être moins idéologues peut-être, moins arrogants, moins péremptoires, et en même temps plus réalistes, plus engagés, plus tenaces, aussi bien pour avancer en matière d'économie, de niveau de vie dans ces pays, que sur le plan de la démocratisation.
Q - La France serait le pays des Droits de l'Homme, alors Monsieur Védrine, pourriez-vous m'expliquer le point de vue du gouvernement concernant l'ingérence russe en Tchétchénie. La méthode employée me rappelle étrangement les méthodes colonialistes des gouvernements français concernant l'Algérie, Madagascar, le Viêt Nam et puis une autre forme plus près de nous, la Yougoslavie. L'emploi du mot terroriste ne peut résoudre les problèmes du peuple qui veut son indépendance. Cette couverture que l'on emploie aujourd'hui ne peut masquer le rôle violent de l'agresseur.
R - D'abord nous sommes un pays très attaché aux Droits de l'Homme, mais nous ne sommes pas le seul, il y a quand même une bonne trentaine de pays aujourd'hui qui sont des démocraties comparables à nous, voire plus, cela c'est la première remarque. Deuxièmement, il faut quand même voir qu'en ce qui concerne le Caucase du nord, d'abord nous disons des choses tout à fait claires aux Russes et nous le disons publiquement. Je l'ai dit encore au ministère des Affaires étrangères russe, la semaine dernière à Paris, personne ne remet en cause le fait que la Tchétchénie fasse partie de la Russie, il n'y a aucun gouvernement au monde, aucun pays au monde qui ne conteste le fait que cela fasse partie du territoire russe. Donc cette souveraineté, cette intégrité sont reconnues, personne ne nie la réalité d'un terrorisme tchétchène, même si le problème tchétchène ne se ramène pas à un problème de terrorisme. Il y a aussi du terrorisme, il y a aussi des enlèvements. Beaucoup d'Occidentaux ont été pris en otages, certains ont été assassinés, dans toute cette région, où le rapt est devenu une industrie. Il y a évidemment des mafias tchétchènes, des actions de terroristes, mais il y a aussi un peuple tchétchène naturellement. C'est là où nous considérons et que nous disons aux Russes qu'à partir de ces prémices cela ne justifie pas pour autant l'escalade militaire à laquelle ils se sont livrés. Et nous leur disons de la façon la plus claire que nous ne croyons pas à la possibilité d'une solution purement militaire pour la Tchétchénie. Ils devraient suivre le fil de la négociation politique dans lequel ils s'étaient engagés en 96, mais ils n'ont pas fait ce qu'il fallait pour que cette solution politique devienne crédible. Les Tchétchènes non plus, il faut le dire, mais il n'y a pas d'autres solutions. Il faut revenir sur le terrain politique, ce qui suppose négociations, ce qui suppose dialogue et ce qui veut dire que les uns et les autres s'acceptent. D'autre part, nous avons fait de grandes pressions sur les Russes pour qu'ils acceptent la venue d'observateurs internationaux, mais les risques sont considérables. Un photographe français a encore été enlevé. Notre pression est claire, et c'est celle de tous les européens par rapport aux Russes : ils ne trouveront pas de solutions uniquement en bombardant et en provoquant toutes ces victimes, ce que nous condamnons chaque fois que cela a lieu./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 novembre 1999)
R - La fin de l'URSS a créé une sorte de débâcle, comme quand une banquise se défait. Nous sommes dans une période de gestion de cette transition. On a bien vu et on voit bien encore qu'au Caucase toutes sortes de problèmes qui étaient contenus par un système autoritaire ont resurgi et sont loin d'avoir trouvé leur solution - non seulement au Caucase du Nord mais au Caucase du Sud également. En Asie centrale la situation est encore marquée par des facteurs d'instabilité. Le travail de consolidation, pour que cette transition débouche sur un nouvel ordre stable, est loin d'être entièrement accompli. Pour le reste, tous les pays d'Europe centrale et orientale, sortis de l'orbite soviétique, ont tout de suite été attirés par l'orbite de l'Union européenne. Ce qui n'est pas encore réglé c'est de savoir comment celle-ci va s'élargir, tout en poursuivant sa marche en avant, sans se dissoudre dans un ensemble trop vaste et mal maîtrisable. C'est ce sur quoi nous travaillons : l'élargissement. Cela n'a pas commencé le jour de la chute du Mur. C'est un processus de changement qui a commencé avec l'arrivée de Gorbatchev au pouvoir et qui a changé de sens et de dimension historique à partir du moment où celui-ci a fait comprendre qu'il n'emploierait pas la force pour maintenir le système communiste en Europe de l'Est. C'est cela qui a déclenché les choses.
Q - Cette banquise éclatée que vous décrivez, est-elle en train de dériver sous l'oeil du cyclope américain ? N'est-ce pas dangereux pour l'avenir du monde ?
R - Les Etats-Unis ont une position tout à fait spéciale dans le monde actuel. J'emploie une expression spéciale qui est d'hyperpuissance pour montrer à quel point ils sont plus gros que tout ce que l'on a connu dans les rapports de puissance. Leur puissance n'est pas que militaire mais également économique, culturelle, de langue, de mode de vie, etc. Cela ne veut pas dire qu'ils contrôlent tout partout. Nous essayons de faire en sorte que cette transition débouche sur un ordre plus stable. Mais c'est loin d'être tout à fait construit. Je prenais l'exemple du Caucase, c'est un casse-tête pour la plupart des pays qui voudraient essayer d'établir une coexistence pacifique entre les uns et les autres. Il faut donc du temps ; tout cela ne se décrète pas du jour au lendemain.
Q - Peut-on craindre une sorte de -le mot est un peu excessif - tentation totalitaire ? On va commencer à Seattle, dans quelques jours, des négociations sur l'Organisation mondiale du commerce et les Américains veulent clairement imposer leur vision du monde. Quand on n'est pas dans un système qui est à ce point monopolisé par un Etat et une superpuissance, n'y a-t-il pas une tentation totalitaire ?
R - Une tentation hégémonique dans certains comportements. Il y a une tentation unilatérale, par exemple quand le Sénat américain veut décider de lois qu'il prétend imposer au reste du monde, alors qu'il n'a aucune légitimité pour cela. Il y a une tentation unipolaire, mais ce n'est pas simplement une intention ou un projet américain, c'est la conséquence d'une fantastique vitalité créatrice américaine, d'une puissance économique, d'un système qui l'a emporté, non pas parce qu'il a battu les autres, mais parce que tous les systèmes ont implosé en quelque sorte. Cela créé un monde dans lequel la liberté est plus grande et plus large. Mais cela créé un monde dans lequel il faut consolider ces situations. C'est pour cela qu'en France, nous parlons en ce qui concerne notre politique étrangère, de "monde multipolaire" pour l'opposer à "un monde unipolaire". Nous parlons d'"un monde divers" notamment quand on parle des questions culturelles pour l'opposer à un monde qui serait normalisé et unique. Nous parlons d'"un monde multilatéral" pour l'opposer à des pratiques unilatérales. C'est quelque chose qui se joue un peu partout : quand on défend le Conseil de sécurité par exemple contre des initiatives purement otaniennes ; quant au sein de l'Organisation mondiale du commerce, dans les négociations qui vont s'ouvrir, nous défendons le droit à la diversité culturelle, ce qui peut passer par l'exception culturelle à un moment donné. Ce n'est pas un but en soi mais c'est une technique de négociation pour protéger certaines politiques nationales d'une sorte de nivellement, ce qui nous empêcherait de continuer à avoir cette politique culturelle, et puis aussi les autres : les latino-américains, les Africains, les Indiens, etc. On est donc dans une phase où les choses ne sont pas du tout jouées par rapport à tout cela. C'est pour cela qu'il faudrait une politique très vigilante et active sur tout les plans.
Q - Mais où percevez-vous les nouveaux enjeux ? A plusieurs reprises vous avez parlé du Caucase, mais je ne veux pas citer Malraux qui disait : "le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas". Est-ce que la montée des fondamentalismes n'est pas peut-être une nouvelle direction d'organisation de la géopolitique ? Est-ce qu'il n'y aura pas d'un côté, un monde musulman confronté au reste de la planète ?
R - C'est difficile de résumer tous les enjeux d'un monde qui est redevenu beaucoup plus compliqué qu'avant. Il y a deux grands types de problèmes : le type de rapports qui vont s'établir dans le monde qui est le nôtre entre les grands pôles de puissance, entre cette hyperpuissance américaine mais aussi l'Europe - cela dépend de savoir si l'Europe va maîtriser la contradiction dont je parlais entre l'élargissement et le renforcement -, mais aussi le Japon, les gros ensembles de l'hémisphère Nord, comme la Russie - qui finira par sortir un jour des difficultés dans lesquelles elle est -, mais aussi la Chine qui finira par se transformer. Quel type d'équilibre ? Quand nous parlons, nous , Français, d'"un monde multipolaire", c'est naturellement parce que nous pensons que l'Europe sera un de ces pôles. Sinon, cela ne représente pas un progrès formidable par rapport à la situation actuelle. Mais il faut aussi que ces pôles arrivent à coopérer plutôt qu'à s'affronter. C'est une première question. La deuxième chose : comment fait-on pour gérer des relations avec les pays qui sont rebelles, où les forces politiques ou intellectuelles, ou religieuses, sont rebelles; où les forces politiques ou intellectuelles, ou religieuses, sont rebelles à cette espèce de système mondial, à la démocratie, à l'économie de marché, aux Droits de l'Homme, etc. ? On voit vite qu'il y a un certain nombre d'affrontements par rapport à cela, car il y a des pays qui ne sont pas prêts ou pas d'accord, ou qui n'ont pas la même conception de la démocratie. Comment s'y prend-on pour faire en sorte que ces pays avancent dans le sens de la démocratisation, étant donné qu'on n'a pas trouvé de recette magique permettant aux autres pays de faire instantanément le chemin que nous avons mis nous-mêmes deux ou trois siècles à accomplir ? Il y a là une relation qui est difficile et qu'on voit resurgir souvent dans la question des Balkans, dans la question du Caucase, dans la question de l'Asie centrale, à propos du conflit en Afrique des Grands lacs, un peu partout. On voudrait bien répandre partout le degré de démocratie que nous avons atteint et notre façon de régler les conflits pacifiquement. On a affaire à des gouffres culturels et de comportement. Cet énorme Occident, très riche, plus puissant qu'il n'a jamais été est un peu désemparé par ce décalage. Il hésite entre la coopération, l'aide, l'incitation, les sanctions, sans que tout cela donne des résultats immédiats. Donc, il y a deux grands types de problème sur lesquels nous oeuvrons pour aller dans le bon sens.
Q - Etes-vous inquiet pour un Occident qui reste riche et qui a longtemps été dominateur, confronté à des petites puissances aujourd'hui à très forte nuisance, parce que les sacs à dos nucléaires ne se vendent pas très chers et assez facilement partout dans le monde ?
R - Il faut prendre ces questions au sérieux, pas au tragique. Il faut éviter l'hystérie. Dans toute l'histoire des armes ou de la stratégie, il y a toujours eu une terreur des armes des autres. Je ne pense pas que la terre soit peuplée de pays et de peuples qui ont envie de se suicider en se lançant dans des aventures extravagantes. C'est étonnant de voir à quel point l'Occident d'aujourd'hui a peur.
Q - Peut-être qu'il regarde son histoire et qu'il dit : "un jour il faudra payer deux ou trois choses" ?
R - Oui, alors je pense justement que la bonne façon de répondre à cette remarque et à celle d'avant, c'est de ne pas faire l'impasse sur le développement. Cela, on l'a trop fait. Or, il y a un déséquilibre au niveau du développement : un déséquilibre de richesses, un déséquilibre économique et social. La démocratisation ne se construit bien et ne se consolide durablement en réalité que sur un haut niveau de développement économique et social. Cela suppose la règle du jeu de la démocratie, la mentalité démocratique pour que les élections aient lieu de façon libre, que les campagnes électorales aient lieu, qu'on respecte les minorités, qu'on traite les problèmes autrement qu'à coups de machettes ou à coups de mitrailleuses. Il faut un haut niveau de développement économique et social. Au cours des dernières années, de la dizaine d'années, depuis que nous sommes entrés dans ce monde nouveau, plus instable, on a un peu fait l'impasse là-dessus. Avec l'URSS, toute la pensée marxiste s'est effondrée, c'est une sorte d'Atlantide disparue aujourd'hui. On a l'impression qu'on a oublié les données élémentaires de la sociologie de l'histoire et de l'économie. Il faut se redire que nous ne consoliderons notre vision de la démocratie à laquelle nous croyons profondément, et notre conception du respect des Droits de l'Homme, que sur une situation économique et sociale meilleure, moins inégalitaire, plus stable. Il y a un vrai problème qui est aujourd'hui mal résolu.
Q - Il y a dix ans tout le monde se réjouissait de la chute du mur de Berlin, moi j'étais un peu plus circonspect. Mais si l'on fait le bilan aujourd'hui, on additionne les morts qui sont morts en plus de ceux qui sont morts sur le mur de Berlin, la somme est peut-être importante. Mais ce qu'il y a de plus embêtant à mon avis, c'est le retour de l'extrême droite dans tous ces pays libérés. Alors je me demande si, compte tenu de ce bilan, on n'aurait pas mieux fait de garder Gorbatchev. Deuxièmement, puisque le ministre est là, je voudrais lui demander si M. Izetbegovic n'était pas un ancien combattant de la division de SS qui se battait contre nous pendant la guerre ?
R - Sur le dernier point je crois qu'il n'y a aucun risque qu'il ait pu être de ce côté pendant cette période. Sur la question générale, nous n'avons pas décidé de remplacer Gorbatchev par une situation chaotique, le système soviétique s'est effondré. Il a implosé, parce que tout simplement il était incapable de fonctionner économiquement, il n'arrivait plus à répondre aux besoins des gens. Il assurait une espèce d'ordre limité, mais c'était à peu près tout. Il s'est effondré tout seul en quelque sorte. Gorbatchev a tenté de le régénérer. Au départ, Gorbatchev ne voulait pas du tout faire tomber l'Union soviétique pour la remplacer par la situation actuelle, il voulait essayer de moderniser le communisme. A supposer que cela soit possible, ce qui n'a jamais été démontré, il arrivait de toute façon trop tard. En ce qui concerne l'Europe centrale et orientale, il était arrivé sans doute, vers 1987, à une conclusion très importante, qui historiquement a tout déclenché, qui était, que jamais il n'emploierait la force pour maintenir ces régimes. C'est à partir de là, que les gens et les dirigeants l'ont compris. Il a laissé tomber Honecker. Les Allemands de l'est ont commencé à circuler avant même que le mur ne tombe, car en réalité, ils pouvaient sortir par la Tchécoslovaquie. Il a tenté cette réforme et cette relance a échoué, l'Union soviétique s'est effondrée. Donc, de toute façon, il n'y a pas à regretter quelque chose qui n'est pas le résultat d'une mauvaise décision. Nous avons à gérer cette situation, à la fois sur le plan européen et ailleurs. Cela nous rappelle tout simplement que ce sont des processus historiques et qu'on ne crée pas la démocratie, le respect des Droits de l'Homme, de grandes économies modernes du jour au lendemain.
Q - Pour prolonger la question, êtes vous attentif ou vigilant à ce que l'on pourrait appeler le phénomène du balancier et notamment à la montée de extrêmes, je vous posais tout à l'heure la question du fondamentalisme, s'agissant du Caucase, mais il y a aussi, évidemment la question de la montée de l'extrême droite dans un certain nombre de pays européens, pour ne citer que l'Autriche et la Suisse récemment, qu'est-ce que vous en dites ?
R - Je pense que tous les peuples qui sont confrontés à des situations extrêmes de tension, de malheur, de tragédie, qui sont humiliés, qui se sentent agressés à tort ou à raison, ou menacés, réagissent comme par des poussées de fièvre, par un extrême ou un autre, plus souvent d'ailleurs par l'extrême droite. Il faut sérieusement méditer sur ce qui s'était passé au début du XXème siècle, qui est dans la matrice des erreurs qui ont suivi, et comment les Allemands et les Italiens en étaient venus à voter pour des dirigeants, non pas du tout en raison du programme qu'ils ont appliqué cinq ans, dix ans ou quinze ans après, mais parce qu'ils étaient fondamentalement humiliés. Alors, il faut faire très attention et je crois que nous avons collectivement à peu près bien réagi en faisant en sorte que ces pays, la Russie d'aujourd'hui, mais aussi les pays issus de l'URSS, rencontrent au contraire une main tendue, une coopération, une aide, qui n'est pas simplement le résultat d'une pure générosité mais le résultat d'un vrai raisonnement. Nous avons intérêt à ce que ces très très longues transitions soient accompagnées le mieux possible. Ce qui n'empêche que ces sociétés sont quand même extraordinairement traumatisées et que cela s'exprime par des votes extrêmes qui nous choquent, qui sont provocants. Mais je crois que si nous continuons à être autant engagés et que nous avons une idée claire des étapes à franchir pour ces différents pays, cela restera des phénomènes contenus, choquants, pénibles, désagréables, mais contenus.
Q - Puisque vous posez la question de la durée, il y a un mot magnifique qu'on utilise pour les conciles, c'est la réception. Il s'est passé cinq siècles entre le concile de Trente et Vatican 2. Combien de temps va-t-il se passer pour que la géopolitique ait finie de réceptionner la chute du mur de Berlin ?
R - L'effondrement des empires a marqué négativement tout le XXème siècle. Par exemple, on peut dire qu'on n'a pas tout à fait fini de gérer les conséquences de la dislocation de l'empire Ottoman, au Proche Orient, au Moyen-Orient, dans les Balkans. On peut dire que la façon dont l'Autriche-Hongrie a été détruite, délibérément après 1918, alors qu'elle ne s'était pas effondrée a été vraiment une décision d'apprenti-sorcier. Il me semble que dans la façon dont nous, les Occidentaux, les Européens, les Américains, les Japonais aussi, traitons l'affaire de la dislocation de l'URSS depuis sa disparition, notamment le travail qui est fait dans les sommets des 7 et des 8 avec Gorbatchev, puis avec Eltsine, c'est-à-dire cet accompagnement, est le contraire des erreurs terribles qui ont été faites en 1918 par rapport à l'Allemagne. Je crois que nous sommes sur la bonne voie. La seule erreur qui a été commise par rapport à ces pays et notamment par rapport à la Russie, c'est de croire que l'on peu naïvement plaquer sur les décombres de l'Union soviétique, une économie moderne, ultra-libérale en lui appliquant des recettes qui sont valables pour gérer l'économie française, britannique ou américaine d'aujourd'hui. Cette approche est une ineptie. Il est évident que pour la Russie, il faut des processus consolidés, que le développement consolide la démocratisation, qui elle-même permet le développement. Il y a un cycle. Nous devons être moins idéologues peut-être, moins arrogants, moins péremptoires, et en même temps plus réalistes, plus engagés, plus tenaces, aussi bien pour avancer en matière d'économie, de niveau de vie dans ces pays, que sur le plan de la démocratisation.
Q - La France serait le pays des Droits de l'Homme, alors Monsieur Védrine, pourriez-vous m'expliquer le point de vue du gouvernement concernant l'ingérence russe en Tchétchénie. La méthode employée me rappelle étrangement les méthodes colonialistes des gouvernements français concernant l'Algérie, Madagascar, le Viêt Nam et puis une autre forme plus près de nous, la Yougoslavie. L'emploi du mot terroriste ne peut résoudre les problèmes du peuple qui veut son indépendance. Cette couverture que l'on emploie aujourd'hui ne peut masquer le rôle violent de l'agresseur.
R - D'abord nous sommes un pays très attaché aux Droits de l'Homme, mais nous ne sommes pas le seul, il y a quand même une bonne trentaine de pays aujourd'hui qui sont des démocraties comparables à nous, voire plus, cela c'est la première remarque. Deuxièmement, il faut quand même voir qu'en ce qui concerne le Caucase du nord, d'abord nous disons des choses tout à fait claires aux Russes et nous le disons publiquement. Je l'ai dit encore au ministère des Affaires étrangères russe, la semaine dernière à Paris, personne ne remet en cause le fait que la Tchétchénie fasse partie de la Russie, il n'y a aucun gouvernement au monde, aucun pays au monde qui ne conteste le fait que cela fasse partie du territoire russe. Donc cette souveraineté, cette intégrité sont reconnues, personne ne nie la réalité d'un terrorisme tchétchène, même si le problème tchétchène ne se ramène pas à un problème de terrorisme. Il y a aussi du terrorisme, il y a aussi des enlèvements. Beaucoup d'Occidentaux ont été pris en otages, certains ont été assassinés, dans toute cette région, où le rapt est devenu une industrie. Il y a évidemment des mafias tchétchènes, des actions de terroristes, mais il y a aussi un peuple tchétchène naturellement. C'est là où nous considérons et que nous disons aux Russes qu'à partir de ces prémices cela ne justifie pas pour autant l'escalade militaire à laquelle ils se sont livrés. Et nous leur disons de la façon la plus claire que nous ne croyons pas à la possibilité d'une solution purement militaire pour la Tchétchénie. Ils devraient suivre le fil de la négociation politique dans lequel ils s'étaient engagés en 96, mais ils n'ont pas fait ce qu'il fallait pour que cette solution politique devienne crédible. Les Tchétchènes non plus, il faut le dire, mais il n'y a pas d'autres solutions. Il faut revenir sur le terrain politique, ce qui suppose négociations, ce qui suppose dialogue et ce qui veut dire que les uns et les autres s'acceptent. D'autre part, nous avons fait de grandes pressions sur les Russes pour qu'ils acceptent la venue d'observateurs internationaux, mais les risques sont considérables. Un photographe français a encore été enlevé. Notre pression est claire, et c'est celle de tous les européens par rapport aux Russes : ils ne trouveront pas de solutions uniquement en bombardant et en provoquant toutes ces victimes, ce que nous condamnons chaque fois que cela a lieu./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 novembre 1999)