Texte intégral
Conférence de presse :
Cette réunion a fait réapparaître un certain nombre de choses comme le très grand attachement de tous les participants au Processus de Barcelone, à l'existence même de ce processus. Mais, en même temps, beaucoup de questions et même de l'inquiétude de la part des pays du Sud en ce qui concerne la réalité de l'engagement des Européens, en ce qui concerne les moyens, et en ce qui concerne les mécanismes, notamment en ce qui concerne le fonctionnement de Meda.
D'autre part, il y a d'autres préoccupations tenant aux questions de sécurité, parce qu'un certain nombre de participants de la rive sud se posent des questions sur le sens de l'Europe de la Défense, par rapport au sud, et s'interrogent même sur le sens qu'il faut accorder à la notion de stratégie commune de l'Union européenne par rapport à la Méditerranée. Une fois de plus, comme à chaque occasion, ce type de réunions montre qu'il y a un besoin très important d'explications, donc de dialogue. C'est donc une bonne réunion. Je sais que la présidence portugaise avait hésité à faire une réunion à ce stade, elle se demandait s'il y aurait assez d'éléments nouveaux. Mais, en réalité, quand on entend les tours de table, quand on entend les interrogations, il n'y a pas de doutes, c'est une réunion utile pour préparer Barcelone IV et notre réunion des ministres de novembre, qui sera transformée, si le contexte est favorable, en une réunion au sommet. Alors, en ce qui me concerne, comme d'autres intervenants, comme M. Gama lui-même, comme le Commissaire Patten, j'ai insisté sur le fait que l'intérêt européen était resté très fort. Le Commissaire Patten a annoncé un certain nombre de choses que j'ai soutenues en ce qui concerne la reprise en main du programme Meda, qui ne marche pas assez bien et qui devrait marcher mieux et plus vite. J'ai donc soutenu ce qu'il a dit à cet égard et dit, d'autre part, au nom de la prochaine présidence, que nous allons attacher la plus grande importance au programme Meda II, le montant et aussi la règle de fonctionnement.
Le nouveau vice-président de la Banque européenne d'investissements, la BEI, M. Francis Meyer, a rappelé que la BEI disposait elle-même de fonds très importants pour faire des prêts. Voilà les projets dans cette zone. Nous avons donc pu confirmer à nos amis de la rive sud un vrai engagement de l'Europe. Certains d'entre eux avaient dit : " c'est embêtant que les Européens élaborent entre eux des stratégies communes auxquelles nous ne sommes pas associés, et nous ne le découvrons qu'après ". J'ai expliqué alors qu'une stratégie commune n'est pas seulement l'effort que font entre eux les pays de l'Union européenne pour avoir des politiques coordonnées et convergentes, et donc c'est bien pour tout le monde. Il vaut mieux ça que d'avoir des désaccords, des doubles emplois, des incohérences. Donc, nous faisons ce travail entre nous, et cela ne nous empêche pas, après, de nous concerter à partir de cette position commune européenne avec nos partenaires du sud pour élaborer des projets communs. C'est ce que nous faisons dans le Processus de Barcelone, mais il y avait un petit malentendu, une petite frustration, autour de ce terme de stratégie commune. J'ai rappelé, d'ailleurs, que l'Union européenne avait élaboré une stratégie commune à propos de la Russie. Elle ne l'a pas élaborée avec la Russie. C'était l'effort de coordination des pays de l'Union européenne pour savoir ce qui nous devons faire avec la Russie. Une fois que nous avons une position commune, alors on parle avec les Russes pour savoir ce que l'on fait ensemble. C'est la même chose à propos de la Méditerranée, et ce sera la même chose avec toutes les régions du monde ou dans tous les pays dans lesquels nous avons une stratégie commune. Quant à la question de la défense, j'ai fait remarquer à ceux qui sont parfois inquiets que, de toute façon, l'Alliance atlantique existe déjà, la flotte américaine est déjà en Méditerranée. Ce n'est pas comme s'il y avait brusquement des projets militaires des pays européens créant une situation nouvelle. Vous ne devez pas prendre ça d'une façon négative ou inquiète, il n'y a aucune raison. Ce qui se passe, c'est une réorganisation interne au sein de l'Alliance atlantique entre les Américains et les Européens. Cela fait très, très longtemps que les Américains souhaitaient que les Européens assument une plus grande part du fardeau, comme on dit, c'est ce qu'ils sont en train de faire. Evidemment le partage du fardeau entraîne le partage de la décision et de la responsabilité, donc c'est une mutation historique mais interne à l'Alliance. Les pays du Sud n'ont aucune espèce de raison d'être inquiets en quoi que ce soit, car si cela change les choses, cela les change dans le sens de l'amélioration, parce qu'ils auront, avec le pilier européen de l'Alliance atlantique ou avec cette Europe de la défense, comme on veut, ils auront une relation de confiance de compréhension mutuelle, d'habitude, de travail en commun, qu'ils n'avaient sans doute pas avec l'Alliance globalement. Cela, je n'ai pas prévu d'en parler avant, mais comme j'ai vu qu'il y avait toujours des questions, des soucis sur ce point, je l'ai à nouveau abordé.
En ce qui concerne la prochaine présidence, j'ai dit qu'une de nos priorités, c'était d'arriver à une Charte. On y travaille depuis longtemps, c'est un travail subtil, il faut que le contexte soit assez favorable, nous allons mettre le paquet, comme on dit en langage courant en français, pour qu'on puisse arriver à cette Charte pour la réunion de novembre. En même temps, j'ai apporté mon soutien à une demande qui a été présentée par plusieurs intervenants d'avoir une évaluation du Processus de Barcelone depuis le début, et du programme Meda en particulier, mais une évaluation sur tous les plans, et donc en tant que prochaine présidence nous le ferons pour que nous ayons cet élément à notre disposition pour la réunion de novembre et qu'on puisse prendre de bonnes décisions par la suite en toute connaissance de cause.
Au total, et pour résumer : action portugaise, perspectives françaises, négociations sur la Charte qui avancent mais qui ne sont pas conclues, volet économique - dont j'ai dit un mot - et volet culturel, humain, social qui représente un potentiel de développement très considérable. Voilà les thèmes principaux qui ont été abordés et par ailleurs comme on le fait souvent dans ce type de réunions j'ai pu avoir toute une série d'entretiens bilatéraux, brefs mais intenses. Voilà pour ce rendez-vous de Lisbonne.
Q - Vous avez été questionné, au cours des derniers jours, sur la participation de la France à une force de maintien de la paix au Sud du Liban. Vous en avez parlé avec le ministre syrien des Affaires étrangères. Qu'en pensez-vous ?
R - Disons que j'ai une vue plus précise et plus claire de l'attitude de la Syrie, aujourd'hui et dans les jours à venir par rapport à ça, donc c'était une rencontre éclairante, mais je réserve mes analyses plus détaillées au président de la République et au Premier ministre, et nous devons nous réunir très, très prochainement pour une décision, donc, je m'en tiendrai là, pour le moment.
Q - Le Liban a profité de la Conférence pour lancer un appel à l'Union Européenne, pour l'aider dans la reconstruction du sud du pays. Est-ce qu'il y déjà eu dès maintenant une réaction de l'Union européenne et peut-être de la France aussi sur ce volet ?
R - Ce n'est pas une réaction formelle à cette proposition qui a été exprimée à plusieurs reprises depuis quelque temps, notamment par M. Patten, c'est une suggestion qu'il avait faite lors d'une visite dans la région. Le représentant du Liban aujourd'hui en a reparlé. C'est une vraie question et nous avons tout à fait l'intention de la prendre au sérieux et de l'examiner au sein de l'Union Européenne pour voir la réponse qui peut être apportée. J'avais dit, jusqu'à maintenant, que ce n'était pas un problème qui pouvait être traité séparément du contexte général et que l'on ne pouvait pas s'intéresser à la question de l'aide éventuelle à la reconstruction du sud du Liban indépendamment du fait de savoir si on pouvait rétablir la sécurité au sud du Liban et la souveraineté de l'Etat libanais. Mais, maintenant il est en train de se créer une situation nouvelle, dans laquelle un plan pour la reconstruction du sud du Liban pourrait être le complément logique du rétablissement de la souveraineté libanaise et, d'autre part, de la sécurité sur cette frontière. Donc, nous allons commencer à y travailler. Il faut évidemment, - c'est un dénominateur commun - que l'Etat libanais rétablisse concrètement son autorité et sa souveraineté. D'ailleurs, c'était l'objet principal de la résolution 425, et c'est le sens, depuis le début, de la mission de la Finul, même si ça ne prend que maintenant toute sa pertinence, donc c'est valable aussi pour cet éventuel futur volet économique.
Q - J'ai une question en ce qui concerne la réunion de novembre. Je ne vois pas très bien comment on peut avoir un Sommet Euro-Méditerranée, si le processus de paix au Moyen-Orient n'avance pas et si, à ce moment-là, on veut évoquer la question d'une Charte de paix et de stabilité parmi des pays qui sont en état de guerre.
R - Oui, vous avez raisons. C'est précisément parce que nous ne sommes pas sûrs du contexte que nous ne devons pas annoncer un sommet. Au mois de novembre, il est prévu une réunion des ministres. Mais nous avons dit aussi que cette réunion ministérielle, si le contexte était favorable, c'est à dire si le processus de paix a redémarré ou si l'atmosphère générale n'est pas mauvaise, serait transformée en un sommet, Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du Processus de Barcelone. Cela serait très important pour faire ce dont j'avais parlé tout à l'heure, c'est à dire procéder à une évaluation de ce qu'il s'est passé depuis Barcelone et, d'autre part, d'adopter, comme nous le souhaitons, la Charte.
Notre remarque sur la Charte, c'est que c'est difficile d'adopter une charte de sécurité avec des pays qui sont en guerre, mais il peut y avoir des situations qui sont des situations juridiquement de guerre et de facto qui sont des situations différentes, et d'autre part, si on attend d'avoir réglé tous les problèmes qui peuvent se trouver dans cette région pour adopter une charte, on risque d'attendre très longtemps alors que la charte peut être un élément incitatif. C'est un document politique, une charte de ce type, ce n'est pas un document juridique. On peut donc imaginer, et, en tout cas, c'est ce à quoi nous travaillons, que dans une charte de ce genre, les pays signataires s'engagent justement à régler les problèmes par la voie pacifique, même s'ils ne sont pas tous réglés. On n'est pas forcément obligés d'attendre d'avoir tout réglé pour qu'ils s'engagent à développer des concertations, globalement ou bien régionalement, entre eux ou avec les autres organisations qui sont concernées par les questions de sécurité. On peut très bien trouver des clauses particulières pour rappeler qu'il y a encore certains problèmes dans la région qui ne sont pas résolus, mais que, dans le cadre de ce Processus de Barcelone, on espère contribuer à la solution. Il y a des réponses à toutes ces questions, bien sûr, mais si l'idée de Charte a été lancée, c'est précisément parce que ces dernières années, on est quand même sorti du blocage complet et qu'on est dans un processus de paix qui progresse. Cela dépend des moments, mais il y a quand même un processus. Donc il y a une espérance, il y a une vision de l'avenir. On peut commencer à réfléchir à ce que serait un Proche-Orient et une Méditerranée en paix, ce n'est pas trop tôt pour penser à tout ça. Il faut donc voir la Charte non pas comme un document qui viendrait constater que la paix générale est faite et que tout va bien à ce moment-là. On n'a presque plus besoin de Charte, d'ailleurs, mais comme une sorte de démarche dynamique s'inscrivant à un moment donné dans un contexte politique qui exprime une intention forte. Enfin, ça, ce sont nos objectifs. Après, on verra quand on aura concrètement la présidence. N'oublions pas que nous sommes encore sous présidence portugaise et que la présidence portugaise travaille très bien, et que notre tâche, à ce stade, est de les soutenir jusqu'au bout de leur présidence, c'est à dire fin juin./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 mai 2000)
Interview :
Q - Monsieur le Ministre, le Processus de Barcelone est un processus de partenariat. Les pays arabes et de l'Europe du sud craignent que les pays du nord, les Européens se concertent entre eux et dans des domaines très importants comme le domaine stratégique, la défense, la sécurité sans consulter sans consulter les pays arabes ?
R - Je crois que c'est un malentendu typique. L'Union européenne élabore des positions communes, les Quinze discutent entre eux pour savoir ce qu'ils vont faire dans tel ou tel domaine et ils mènent des politiques communes. Et comme ils essaient de développer des éléments de convergence dans leur politique étrangère, ils élaborent des stratégies communes par rapport à la Russie, par rapport à la Méditerranée. Une fois que cette position est organisée, de façon à éviter les discordances entre les différents pays, la concertation s'engage avec les partenaires importants de l'Europe.
Dans le Processus de Barcelone, lorsque les Européens se sont mis d'accord entre eux sur ce qu'ils voudraient faire, ils parlent avec les autres et l'action qui est menée est finalement le résultat de cette concertation à deux étages, d'abord entre les Européens et d'autre part, entre les Européens et les méditerranéens. Lorsque certains pays arabes se concertent entre eux avant de venir à une réunion du Processus de Barcelone, nous trouvons cela normal, nous ne trouvons pas cela préoccupant, nous trouvons cela normal. L'important est qu'il y ait, au-dessus de ces concertations par groupes, l'Union européenne, la Ligue arabe, le Maghreb, cette concertation générale euro-méditerranéenne. A cet égard, le Processus de Barcelone a apporté un plus et je vois à chaque réunion, y compris au travers de certaines interrogations, voire même à travers certaines critiques, je vois qu'il y a une attente formidable par rapport à Barcelone. C'est très sympathique et en même temps, cela montre que c'est une idée juste. C'est une attente politique, économique, une attente en matière de développement, c'est un processus auquel nous tenons tous./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 mai 2000)
Cette réunion a fait réapparaître un certain nombre de choses comme le très grand attachement de tous les participants au Processus de Barcelone, à l'existence même de ce processus. Mais, en même temps, beaucoup de questions et même de l'inquiétude de la part des pays du Sud en ce qui concerne la réalité de l'engagement des Européens, en ce qui concerne les moyens, et en ce qui concerne les mécanismes, notamment en ce qui concerne le fonctionnement de Meda.
D'autre part, il y a d'autres préoccupations tenant aux questions de sécurité, parce qu'un certain nombre de participants de la rive sud se posent des questions sur le sens de l'Europe de la Défense, par rapport au sud, et s'interrogent même sur le sens qu'il faut accorder à la notion de stratégie commune de l'Union européenne par rapport à la Méditerranée. Une fois de plus, comme à chaque occasion, ce type de réunions montre qu'il y a un besoin très important d'explications, donc de dialogue. C'est donc une bonne réunion. Je sais que la présidence portugaise avait hésité à faire une réunion à ce stade, elle se demandait s'il y aurait assez d'éléments nouveaux. Mais, en réalité, quand on entend les tours de table, quand on entend les interrogations, il n'y a pas de doutes, c'est une réunion utile pour préparer Barcelone IV et notre réunion des ministres de novembre, qui sera transformée, si le contexte est favorable, en une réunion au sommet. Alors, en ce qui me concerne, comme d'autres intervenants, comme M. Gama lui-même, comme le Commissaire Patten, j'ai insisté sur le fait que l'intérêt européen était resté très fort. Le Commissaire Patten a annoncé un certain nombre de choses que j'ai soutenues en ce qui concerne la reprise en main du programme Meda, qui ne marche pas assez bien et qui devrait marcher mieux et plus vite. J'ai donc soutenu ce qu'il a dit à cet égard et dit, d'autre part, au nom de la prochaine présidence, que nous allons attacher la plus grande importance au programme Meda II, le montant et aussi la règle de fonctionnement.
Le nouveau vice-président de la Banque européenne d'investissements, la BEI, M. Francis Meyer, a rappelé que la BEI disposait elle-même de fonds très importants pour faire des prêts. Voilà les projets dans cette zone. Nous avons donc pu confirmer à nos amis de la rive sud un vrai engagement de l'Europe. Certains d'entre eux avaient dit : " c'est embêtant que les Européens élaborent entre eux des stratégies communes auxquelles nous ne sommes pas associés, et nous ne le découvrons qu'après ". J'ai expliqué alors qu'une stratégie commune n'est pas seulement l'effort que font entre eux les pays de l'Union européenne pour avoir des politiques coordonnées et convergentes, et donc c'est bien pour tout le monde. Il vaut mieux ça que d'avoir des désaccords, des doubles emplois, des incohérences. Donc, nous faisons ce travail entre nous, et cela ne nous empêche pas, après, de nous concerter à partir de cette position commune européenne avec nos partenaires du sud pour élaborer des projets communs. C'est ce que nous faisons dans le Processus de Barcelone, mais il y avait un petit malentendu, une petite frustration, autour de ce terme de stratégie commune. J'ai rappelé, d'ailleurs, que l'Union européenne avait élaboré une stratégie commune à propos de la Russie. Elle ne l'a pas élaborée avec la Russie. C'était l'effort de coordination des pays de l'Union européenne pour savoir ce qui nous devons faire avec la Russie. Une fois que nous avons une position commune, alors on parle avec les Russes pour savoir ce que l'on fait ensemble. C'est la même chose à propos de la Méditerranée, et ce sera la même chose avec toutes les régions du monde ou dans tous les pays dans lesquels nous avons une stratégie commune. Quant à la question de la défense, j'ai fait remarquer à ceux qui sont parfois inquiets que, de toute façon, l'Alliance atlantique existe déjà, la flotte américaine est déjà en Méditerranée. Ce n'est pas comme s'il y avait brusquement des projets militaires des pays européens créant une situation nouvelle. Vous ne devez pas prendre ça d'une façon négative ou inquiète, il n'y a aucune raison. Ce qui se passe, c'est une réorganisation interne au sein de l'Alliance atlantique entre les Américains et les Européens. Cela fait très, très longtemps que les Américains souhaitaient que les Européens assument une plus grande part du fardeau, comme on dit, c'est ce qu'ils sont en train de faire. Evidemment le partage du fardeau entraîne le partage de la décision et de la responsabilité, donc c'est une mutation historique mais interne à l'Alliance. Les pays du Sud n'ont aucune espèce de raison d'être inquiets en quoi que ce soit, car si cela change les choses, cela les change dans le sens de l'amélioration, parce qu'ils auront, avec le pilier européen de l'Alliance atlantique ou avec cette Europe de la défense, comme on veut, ils auront une relation de confiance de compréhension mutuelle, d'habitude, de travail en commun, qu'ils n'avaient sans doute pas avec l'Alliance globalement. Cela, je n'ai pas prévu d'en parler avant, mais comme j'ai vu qu'il y avait toujours des questions, des soucis sur ce point, je l'ai à nouveau abordé.
En ce qui concerne la prochaine présidence, j'ai dit qu'une de nos priorités, c'était d'arriver à une Charte. On y travaille depuis longtemps, c'est un travail subtil, il faut que le contexte soit assez favorable, nous allons mettre le paquet, comme on dit en langage courant en français, pour qu'on puisse arriver à cette Charte pour la réunion de novembre. En même temps, j'ai apporté mon soutien à une demande qui a été présentée par plusieurs intervenants d'avoir une évaluation du Processus de Barcelone depuis le début, et du programme Meda en particulier, mais une évaluation sur tous les plans, et donc en tant que prochaine présidence nous le ferons pour que nous ayons cet élément à notre disposition pour la réunion de novembre et qu'on puisse prendre de bonnes décisions par la suite en toute connaissance de cause.
Au total, et pour résumer : action portugaise, perspectives françaises, négociations sur la Charte qui avancent mais qui ne sont pas conclues, volet économique - dont j'ai dit un mot - et volet culturel, humain, social qui représente un potentiel de développement très considérable. Voilà les thèmes principaux qui ont été abordés et par ailleurs comme on le fait souvent dans ce type de réunions j'ai pu avoir toute une série d'entretiens bilatéraux, brefs mais intenses. Voilà pour ce rendez-vous de Lisbonne.
Q - Vous avez été questionné, au cours des derniers jours, sur la participation de la France à une force de maintien de la paix au Sud du Liban. Vous en avez parlé avec le ministre syrien des Affaires étrangères. Qu'en pensez-vous ?
R - Disons que j'ai une vue plus précise et plus claire de l'attitude de la Syrie, aujourd'hui et dans les jours à venir par rapport à ça, donc c'était une rencontre éclairante, mais je réserve mes analyses plus détaillées au président de la République et au Premier ministre, et nous devons nous réunir très, très prochainement pour une décision, donc, je m'en tiendrai là, pour le moment.
Q - Le Liban a profité de la Conférence pour lancer un appel à l'Union Européenne, pour l'aider dans la reconstruction du sud du pays. Est-ce qu'il y déjà eu dès maintenant une réaction de l'Union européenne et peut-être de la France aussi sur ce volet ?
R - Ce n'est pas une réaction formelle à cette proposition qui a été exprimée à plusieurs reprises depuis quelque temps, notamment par M. Patten, c'est une suggestion qu'il avait faite lors d'une visite dans la région. Le représentant du Liban aujourd'hui en a reparlé. C'est une vraie question et nous avons tout à fait l'intention de la prendre au sérieux et de l'examiner au sein de l'Union Européenne pour voir la réponse qui peut être apportée. J'avais dit, jusqu'à maintenant, que ce n'était pas un problème qui pouvait être traité séparément du contexte général et que l'on ne pouvait pas s'intéresser à la question de l'aide éventuelle à la reconstruction du sud du Liban indépendamment du fait de savoir si on pouvait rétablir la sécurité au sud du Liban et la souveraineté de l'Etat libanais. Mais, maintenant il est en train de se créer une situation nouvelle, dans laquelle un plan pour la reconstruction du sud du Liban pourrait être le complément logique du rétablissement de la souveraineté libanaise et, d'autre part, de la sécurité sur cette frontière. Donc, nous allons commencer à y travailler. Il faut évidemment, - c'est un dénominateur commun - que l'Etat libanais rétablisse concrètement son autorité et sa souveraineté. D'ailleurs, c'était l'objet principal de la résolution 425, et c'est le sens, depuis le début, de la mission de la Finul, même si ça ne prend que maintenant toute sa pertinence, donc c'est valable aussi pour cet éventuel futur volet économique.
Q - J'ai une question en ce qui concerne la réunion de novembre. Je ne vois pas très bien comment on peut avoir un Sommet Euro-Méditerranée, si le processus de paix au Moyen-Orient n'avance pas et si, à ce moment-là, on veut évoquer la question d'une Charte de paix et de stabilité parmi des pays qui sont en état de guerre.
R - Oui, vous avez raisons. C'est précisément parce que nous ne sommes pas sûrs du contexte que nous ne devons pas annoncer un sommet. Au mois de novembre, il est prévu une réunion des ministres. Mais nous avons dit aussi que cette réunion ministérielle, si le contexte était favorable, c'est à dire si le processus de paix a redémarré ou si l'atmosphère générale n'est pas mauvaise, serait transformée en un sommet, Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du Processus de Barcelone. Cela serait très important pour faire ce dont j'avais parlé tout à l'heure, c'est à dire procéder à une évaluation de ce qu'il s'est passé depuis Barcelone et, d'autre part, d'adopter, comme nous le souhaitons, la Charte.
Notre remarque sur la Charte, c'est que c'est difficile d'adopter une charte de sécurité avec des pays qui sont en guerre, mais il peut y avoir des situations qui sont des situations juridiquement de guerre et de facto qui sont des situations différentes, et d'autre part, si on attend d'avoir réglé tous les problèmes qui peuvent se trouver dans cette région pour adopter une charte, on risque d'attendre très longtemps alors que la charte peut être un élément incitatif. C'est un document politique, une charte de ce type, ce n'est pas un document juridique. On peut donc imaginer, et, en tout cas, c'est ce à quoi nous travaillons, que dans une charte de ce genre, les pays signataires s'engagent justement à régler les problèmes par la voie pacifique, même s'ils ne sont pas tous réglés. On n'est pas forcément obligés d'attendre d'avoir tout réglé pour qu'ils s'engagent à développer des concertations, globalement ou bien régionalement, entre eux ou avec les autres organisations qui sont concernées par les questions de sécurité. On peut très bien trouver des clauses particulières pour rappeler qu'il y a encore certains problèmes dans la région qui ne sont pas résolus, mais que, dans le cadre de ce Processus de Barcelone, on espère contribuer à la solution. Il y a des réponses à toutes ces questions, bien sûr, mais si l'idée de Charte a été lancée, c'est précisément parce que ces dernières années, on est quand même sorti du blocage complet et qu'on est dans un processus de paix qui progresse. Cela dépend des moments, mais il y a quand même un processus. Donc il y a une espérance, il y a une vision de l'avenir. On peut commencer à réfléchir à ce que serait un Proche-Orient et une Méditerranée en paix, ce n'est pas trop tôt pour penser à tout ça. Il faut donc voir la Charte non pas comme un document qui viendrait constater que la paix générale est faite et que tout va bien à ce moment-là. On n'a presque plus besoin de Charte, d'ailleurs, mais comme une sorte de démarche dynamique s'inscrivant à un moment donné dans un contexte politique qui exprime une intention forte. Enfin, ça, ce sont nos objectifs. Après, on verra quand on aura concrètement la présidence. N'oublions pas que nous sommes encore sous présidence portugaise et que la présidence portugaise travaille très bien, et que notre tâche, à ce stade, est de les soutenir jusqu'au bout de leur présidence, c'est à dire fin juin./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 mai 2000)
Interview :
Q - Monsieur le Ministre, le Processus de Barcelone est un processus de partenariat. Les pays arabes et de l'Europe du sud craignent que les pays du nord, les Européens se concertent entre eux et dans des domaines très importants comme le domaine stratégique, la défense, la sécurité sans consulter sans consulter les pays arabes ?
R - Je crois que c'est un malentendu typique. L'Union européenne élabore des positions communes, les Quinze discutent entre eux pour savoir ce qu'ils vont faire dans tel ou tel domaine et ils mènent des politiques communes. Et comme ils essaient de développer des éléments de convergence dans leur politique étrangère, ils élaborent des stratégies communes par rapport à la Russie, par rapport à la Méditerranée. Une fois que cette position est organisée, de façon à éviter les discordances entre les différents pays, la concertation s'engage avec les partenaires importants de l'Europe.
Dans le Processus de Barcelone, lorsque les Européens se sont mis d'accord entre eux sur ce qu'ils voudraient faire, ils parlent avec les autres et l'action qui est menée est finalement le résultat de cette concertation à deux étages, d'abord entre les Européens et d'autre part, entre les Européens et les méditerranéens. Lorsque certains pays arabes se concertent entre eux avant de venir à une réunion du Processus de Barcelone, nous trouvons cela normal, nous ne trouvons pas cela préoccupant, nous trouvons cela normal. L'important est qu'il y ait, au-dessus de ces concertations par groupes, l'Union européenne, la Ligue arabe, le Maghreb, cette concertation générale euro-méditerranéenne. A cet égard, le Processus de Barcelone a apporté un plus et je vois à chaque réunion, y compris au travers de certaines interrogations, voire même à travers certaines critiques, je vois qu'il y a une attente formidable par rapport à Barcelone. C'est très sympathique et en même temps, cela montre que c'est une idée juste. C'est une attente politique, économique, une attente en matière de développement, c'est un processus auquel nous tenons tous./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 mai 2000)